Vinales (3) visites guidées dans la campagne, tabac, café, canne….

CUBA – lundi 16 février 2004

Palmier et tabac

Visite  naturaliste : accompagnée par un guide, quatre norvégiens se joignent à nous.

L’hôtel bâti sur une hauteur domine la vallée.  Nous descendons le raidillon glissant pour atteindre le fond de la vallée. La région est un karst d’où émergent les grosses buttes des mogotes . Le fond de la vallée est plat.

Le Palmier Royal est  l’emblème de Cuba. Ses feuilles servent de couverture aux toits de chaume des sécheries de tabac. Les dattes se sont pas comestibles par les humains mais constituent la nourriture des porcs. Protégé par la loi, on ne doit pas l’abattre .

tabac et sécherie de tabac

Les étendues vertes qui longeaient l’autoroute très plates m’avaient intriguées. Il s’agit de rizières inondées par les pluie de l’été . L’hiver étant théoriquement sec, il n’y a rien. Le riz est la nourriture de base des Cubains.

Comme nous l’avions vu au Canada au village Huron, ici aussi maïs et haricots poussent ensemble . Le maïs fournit de l’ombre pour les haricots noirs qui fertilisent le sol avec l’azote qu’ils fixent..

Le malanga qui ressemble aux ignames est utilisé  pour la nourriture des petits enfants ; il est plus riche que le manioc (plus cher aussi) . Le manioc qu’ils appellent ici yucca est aussi un des ingrédients de base de l’alimentation cubaine. Après 1992 et la chute des démocraties populaires et de l’URSS, quand l’aide russe n’est plus parvenue, les Cubains furent sauvés de la famine par le manioc . Une blague court qu’il faudrait élever un monument en l’honneur du tubercule salvateur. Il n’est pas pilé comme en Afrique ou au Cap Vert mais accommodé de nombreuses manières, bouilli ou frit.

 

Aujourd’hui, après la pluie, la terre est parfaite pour le labour, légère, humide mais pas boueuse. Nous voyons plusieurs attelages de bœufs au travail dans de petits champs. Le paysan parle sans arrêts à ses bœufs : il les appelle, s’il veut tourner à gauche il nomme celui de gauche, à droite le bœuf de droite. A la fin de chaque sillon, l’homme soulève la charrue de fer, ôte avec la machette la terre collée au soc, et retourne . Durant la matinée nous n’avons vu qu’un seul tracteur ? L’agriculture est très peu mécanisée ici . Dans les champs on rencontre les vaches noires, beiges ou marron . Il est interdit de les abattre pour la boucherie, elle servent pour le lait et la reproduction.

Attelage

Beaucoup de chevaux aussi, le plus souvent très maigres. Florentino, avec humour rappelle Rossinante de Don Quichotte. Interdit aussi de les abattre . Le cheval est le mode de déplacement plus utile qu’une bicyclette dans les champs. Les campesinos ont fière allure avec leur sombrero de paille, leur machette dans un étui battant sur le côté, souvent le chien suit son maître.

Dans la vallée de Vinalès, la plupart des paysans sont propriétaires de leur exploitation – pas de ferme collective ici – ils peuvent transmettre la terre à leurs enfants, mais pas la vendre. En revanche la récolte est étatisée. Les cultures vivrières (haricots, tomates, manioc) permettent aux paysans de se nourrir . Ils peuvent également vendre le surplus au marché . Pour le tabac et les plantes industrielles, il y a un quota à fournir ; Le paysans obtient des gratifications supplémentaires s’ils dépassent le quota.

Dans les champs, de nombreuses mauvaises herbes poussent – pas d’herbicides –Dans le tabac, on utilise de l’insecticide . pas d’engrais chimique non plus, on compte sur les légumineuses (haricots mais aussi acacias et toute la famille des mimosas) pour l’azote. On épand aussi les tiges de tabac concassé, les cosses de haricots qui servent d’engrais organique.

Dans les petits champs, poussent de nombreux arbres .La ceiba, (peut être celle de Zoé Valdès) qui porte les esprits et les dieux africains . Elle non plus n’est pas abattue, protégée par les croyances animistes .

Les ficus sont presqu’aussi imposants . Florentino montre une sorte de racine aérienne, une sorte de liane de ficus qui pend verticalement à l’aisselle d’une branche basse d’un autre arbre qui d’ici quelques années sera étranglé par le ficus qui prendra sa place.

Autre arbre imposant :  le mamée que nous avons vu hier au jardin botanique. Sa graine coupée exhale une odeur forte de médicament . Elle est utilisée en médecine naturelle contre le rhume.

canne à sucre

Plus petits, les goyaves, pamplemoussiers, orangers dispersés dans la nature . Ils poussent à l’état presque sauvage et donnent généreusement leurs fruits aux passants. On a même trouvé une noix de coco qu’on s’est partagée .

D’autres arbres sont plus difficilement identifiables, ce sont les arbres à feuilles caduques déplumés en ce moment  ..Autre présent de la nature :les manguiers .L’été chacun se sert de mangues comme bon lui semble .

Et toujours sur les grands arbres : les épiphytes, ici des broméliacées de la famille de l’ananas.
Le guide nous montre à terre une toute petite pousse de sensitive avec son pompon rose : dès qu’on la touche, les folioles réagissent et la feuille se replie.

Séchoir à tabac

Cette promenade est très pédagogique . le guide n’hésite pas à répéter les explications . Je cherche à vérifier les connaissance acquises et repose des questions, tantôt en espagnol, tantôt en anglais quand les norvégiens participent à la conversation. Le plus âgé raconte que pendant la guerre il a fait pousser du tabac en Norvège. Cela amuse tellement le guide qu’il répète cette histoire à tous les paysans que nous rencontrons, tout à fait incrédules . le Norvégien confirme. De toutes les façon, le tabac poussé au soleil de minuit ne peut pas se comparer au tabac cubain !Nous passons devant une ferme plus prospère qui possède une voiture et un séchoir à tabac en forme de hangar de planches . C’est le plus gros producteur de la vallée . C’est l’occasion d’aborder le sujet du tabac . D’abord la cueillette des feuilles à la main, une par une . Le cultivateur étête la plante pour que les feuilles se développent mieux, les inflorescences sont coupées ainsi que les bourgeons terminaux . les feuilles sont installées sur des séchoirs, d’abord à l’extérieur puis à l’intérieur dans ces maison en V inversé. Nous en visitons une et découvrons à l’intérieur plusieurs plateaux installés sur des montants de bois à différents stade du séchage. Les feuilles sont enfilées sur des fils unes à unes . Les plateaux sont déplacés  Les feuilles brunissent et fermentent . Elles seront ensuite triées par les femmes et réparties par qualité.

Nous arrivons à une petite ferme de bois précédée de son auvent avec les deux chaises à bascule. Un arbre magnifique mamée couvert de fruits donne de l’ombre devant la cour. En dessous, une machine primitive pour écraser la canne à sucre avec deux manivelles. Deux  hommes tournent la manivelle, la femme alimente en tiges la presse. Nous avons déjà vu broyer la canne au Cap Vert, mais c’était pour confectionner l’aguardiente. Ici la machine est beaucoup plus petite à usage familial, trois tiges suffisent pour remplir la moitié d’un petit seau. On nous sert la boisson à l’arrière de la maison derrière la cuisine sur une table en planches disjointes avec des bancs. Le jus de canne est versé dans un verre en plastique . On évide le haut d’un gros  pamplemousse, chacun verse un peu du jus de canne dans le trou du pamplemousse . On aspire le mélange avec une paille. La boisson est rafraîchissante et surtout joliment présentée. « Une idée à retenir quand on reçoit des amis » s’exclame une des norvégiennes. Au fur et à mesure, on écrase le pamplemousse et rajoute du jus de canne. Le guide précise avec de lourds sous entendus que la boisson est aphrodisiaque. Il en attend le résultat. Sa femme ayant enlevé son stérilet il y a quinze jours. Il aimerait avoir une petite fille puisqu’il a déjà un garçon . Il traduit en espagnol sa plaisanterie à l’intention de nos hôtes. Sous ses dehors très modernes , écolo et scientifique, le macho cubain apparaît.

Les animaux se joignent à nous, un petit chien poilu genre de pékinois, un petit chevreau se laisse caresser, il est doux et affectueux.

Le paysan revient avec un sac de tabac. Il roule un cigare qu’il offre aux norvégiens. Il froisse deux feuilles ordinaires pour l’intérieur , la tripe, puis choisit une belle feuille souple qu’il nous fait toucher et flairer avant de la découper avec des ciseaux et roule soigneusement.

La promenade s’achève par la remontée bien raide et bien glissante dans le petit bois derrière l’hôtel . Elle a duré un peu plus de trois heures.

 

Anita, la jeune fille de l’Agence Touristique est très efficace et gentille . Elle a réservé notre taxi pour Cayo Levisa demain . C ‘est un minibus – (10 $ chacune), Maintenant, elle organise une balade spécialement pour moi.

Déjeuner à la piscine : spaghetti et bisteca a la plancha (porc mariné ; très tendre) . A deux heures je suis prête, comme le guide est en retard, elle me tient compagnie. D’après elle, le temps est bizarre cette année, pas de pluie pendant la « saison des pluies » et ce front froid qui s’éternise en février est inhabituel . Il n’y a plus de saisons ! antienne connue !  A 14h15, un minibus arrive, le chauffeur de taxi, Pancho, et un couple d’Irlandais que j’avais remarqués à Roissy . Pour aller de Dublin à Cuba, ils ont fait escale à Roissy. L’Irlandais est principal de collège à la retraite, il a fait mai 68 à la Sorbonne!

Balade avec Jesus : l’école du village

l’école

A Vinalès, mon guide monte. Il s’appelle Jésus . Le minibus s’arrête devant une minuscule école primaire deux classes dans un petit bâtiment bas en ciment crépi. Dans les classes parmi les inscriptions patriotiques, une citation de Marti « Apprendre à lire c’est apprendre à marcher » Un instit se charge des grands, 8-10 ans, une demi douzaine de garçons en uniforme, chemisette blanche et foulard, scout noué autour du cou, . au fond de la classe, l’instit est muet, c’est la télé qui fait cours. Dans l’autre classe, l’institutrice des petits n’a que trois élèves. La réception de la télé est très mauvaise . Jésus m’explique que c’est à cause des mogotes qui font écran avant d’aller déplacer l’antenne perchée sur  un poteau enfoncé dans la terre. L’école n’est pas reliée au réseau électrique ; des panneaux solaires situés sur le toit suffisent pour alimenter la télé et l’ordinateur.

Les fermes

la machine à traiter le café

Jésus marche vite sans parler. Nous traversons des vergers de papayers. Les arbres sont très bas, les papayes regroupées à hauteur d’homme sont très nombreuses et très grosses. Au Cap Vert, les papayers poussaient en hauteur, portant seulement un ou deux fruits en hauteur et leurs feuilles étaient rouillées . Ici, toutes les feuilles sont vertes. Dans un hangar ; les fruits sont lavés et pesés. Ils sont brillants . j’achète la plus petite 1$, le paysan veut que j’en emporte plus pour cette somme . Mais cela pèserait lourd pendant la promenade. Au retour Jésus en choisira une grosse et donnera une petite pièce de quelques centavos. Deux rongeurs sont suspendus à un clou. Jésus me montre le fusil . Que comptent ils en faire ? les manger . On dirait des rats. A la sortie du verger de papayers, un taureau noir est attaché près du chemin, Jésus me fait signe de me presser ; l’animal serait vicieux . Nous traversons des plants de caféiers prêts à fleurir et visitons dans un hangar les machines à traiter le café . les grains sont séchés puis débarrassés de leur écorce dans une machine ,. des petits grains pâles apparaissent . A l’extérieur un tuyau d’eau descendant de la montagne fait tourner un moulin à eau qui actionne les machines du hangar.

petits cochons et basse-cour

Nous montons ensuite à vive allure dans la forêt sur un sentier raide mais bien entretenu. Comme Jésus marche loin devant, je profite des bruits de la forêt. De temps en temps un porc détale à notre passage, quelques fois, un minuscule goret. Ce ne sont pas des animaux sauvages . tout à l’heure on entendra des cris étranges : c’est le campésino qui appelle ses cochons . Ils sont beaucoup plus petits que nos cochons européens, ils sont très propres . Leur pelage a des couleurs variées noir marron ou gris, certains ont de jolies taches . Les Cubains ne les nourrissent pas, ils trouvent leur nourriture eux mêmes dans la campagne. Ils sont familiers, pas agressifs du tout. De même, les chiens cubains, très maigres aboient fort peu.

Des lianes toutes contorsionnées en spirales courent d’arbre en arbre . Bromélias et orchidées colonisent les branches basses. Au sol, une épaisse litière de feuilles, branches, fruits tombés . les sommets sont noyés dans la brume . Pendant la pluie, les oiseaux sont silencieux. Dès que le soleil perce les chants recommencent . j’ai une surprise : le chant du rossignol.

Halte au sommet d’une butte pour admirer le panorama. La descente est encore plus rapide que la montée .Je cherche un bâton pour m’assurer parce que je glisse. En espagnol, c’est un baston.

Campesino

Nous terminons la promenade dans une jolie ferme entourée d’un jardin très soigné avec de belles plantes ornementales : une rangée de yuccas aux feuilles lancéolées,, des massifs de crotons et de colléus. Les animaux de basse-cour dont nombreux : un troupeau de pintades au plumage tacheté, des poules et des poussins, une demi douzaine de dindons . Les poules entrent dans la maison au sol  cimenté impeccable (je me suis déchaussée pour entrer, les hommes sont pieds nus) On laisse les poules picorer un grain invisible sans les chasser . La maison est très bien tenue . Dans la cuisine, une étagère originale, un curieux récipient sur un trépied . Toujours pas de gazinière . Sur quoi cuit le repas ?

On m’ouvre une noix de coco à la machette, puis m’offre une assiette de papaye . Jésus jette les épluchures des papayes aux animaux de la basse-cour . C’est le coq au cou déplumé et à la grande crête qui s’en empare, puis le dindon . Pintades et poules doivent se contenter de picorer par terre !Puis on me sert le meilleur café que j’ai jamais bu . Je fais un  portrait de Roberto, très photogénique avec son chapeau .

Savez vous où se trouve le balai?

Je me suis installée sur le balcon. Pour peindre . Un coup de vent balaye le cendrier qui se casse dans la chambre en mille éclats .Voilà encore une occasion de pratiquer l’espagnol  . A la réception,  j’explique qu’un verre est casé dans la chambre, le réceptionniste dit que quelqu’un montera avec une serpillière . Nous attendons : personne ne vient . Je prends alors l’initiative de chercher un balai . Devant le restaurant, des Suisses alémaniques attendent que le repas commence . Ils ont un petit dictionnaire Allemand-Espagnol . Par chance, si je ne connais pas le mot espagnol, j’ai appris en allemand comment on dit un  balai . Dans le dictionnaire je trouve « escobar » « Mais à la réception, personne ne veut m’en prêter, » ce n’est pas aux clients de faire le ménage, il suffit d’attendre « . Après une longue attente, nouvelle expédition, à la cuisine cette fois-ci où ils savent sûrement où se trouve l’escobar . Non, on appelle le réceptionniste qui en trouve finalement un dans les toilettes. Je le rends en rigolant , mieux vaut rester sur le mode de l’humour . je déclare que je n’ai pas perdu ma soirée puisque j’ai appris un nouveau mot, le réceptionniste me décline alors les mots de la même famille escubion si je veux un gros balai . On rigole, l’incident est clos .

 

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

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