La Rabouilleuse – Honoré de Balzac

LECTURE COMMUNE : BALZAC

En compagnie de Claudialucia, et de Maggie avec un certain retard dû aux vacances à la mer où je n’emporte pas d’ordinateur, et où je n’ai ni le temps, ni l’envie de rédiger.  Priorité à la baignade! 

Un très bon cru! Dans les meilleurs que j’ai lus de Balzac. 

D’abord un titre intrigant : que veut donc dire « La Rabouilleuse » ? 

« Rabouiller est un mot berrichon qui peint admirablement ce qu’il veut exprimer : l’action de troubler l’eau d’un ruisseau en la faisant bouillonner à l’aide d’une grosse branche d’arbre dont les rameaux sont disposés en forme de raquette. Les écrevisses effrayées par cette opération, dont le sens leur échappe, remontent précipitamment le cours d’eau, et dans leur trouble se jettent au milieu des engins que le pêcheur a placés à une distance convenable. Flore Brazier tenait à la main son rabouilloir avec la grâce »

La Rabouilleuse est donc une très jeune fille de douze ans, une orpheline que le docteur Rouget va prendre à son service pour cent écus de gages et cent écus à son tuteur. Habillée, instruite, elle « réchauffait la vieillesse » du vieux docteur de 72 ans…A la mort du vieillard, elle passe au service de Jean-Jacques, le fils du docteur dont tout Issoudun murmurait « c’est un imbécile » et va exercer son ascendant sur ce benêt. 

La Rabouilleuse n’est pas le personnage central du roman (gros roman). Elle n’apparait que tardivement dans l’histoire : le roman familial de la famille du Docteur Rouget, père d’un fils Jean-Jacques qu’il a favorisé au détriment d’Agathe délaissée. Cette dernière, mariée à un fonctionnaire d’Empire exemplaire, se retrouve veuve avec deux fils. Philippe, soldat de Napoléon, officier de la Garde, est son préféré

« Pour Philippe, l’univers commençait à sa tête et finissait à ses pieds, le soleil ne brillait que pour lui. »

 

il causera la ruine de sa famille. Tandis que Joseph, l’artiste, se consacre à son art et à sa mère. Dans la misère, Agathe tente de regagner sa part d’héritage que son frère risque de céder à la Rabouilleuse, sa maîtresse.

Chez Balzac, les affaires d’argent sont souvent le moteur de la société.

Agathe et Joseph partent donc à Issoudun pour éviter la captation de son héritage. Le moyen de gagner cette affaire est d’opposer la Religion à l’influence de Flore Brazier.

 

« Votre avoué ne connaît pas la province, dit le vieil Hochon à madame Bridau. Ce que vous venez y faire ne se fait ni en quinze jours ni en quinze mois ; il faudrait ne pas quitter votre frère, et pouvoir lui inspirer des idées religieuses. Vous ne contreminerez les fortifications de Flore et de Maxence que par la sape du prêtre. Voilà mon avis, et il est temps de s’y prendre. — Vous avez, dit madame Hochon à son mari, de singulières idées sur le clergé. »

[…]
« Votre fortune sera le résultat d’un combat entre l’Église et la Rabouilleuse. »

Encore une fois Philippe va faire capoter ce plan….

C’est un roman touffu (381 pages), très riche où de nombreux thèmes seront abordés : l’éducation par les femmes

« Les femmes sont des enfants méchants, c’est des bêtes inférieures à l’homme, et il faut s’en faire craindre, car la pire condition pour nous est d’être gouvernés par ces brutes-là ! »

Sans autorité paternelle, Agathe serait responsable de la dépravation de Philippe.

« Quelque tendre et bonne que soit la Mère, elle ne remplace pas plus cette royauté patriarcale que la Femme ne remplace un roi sur le trône ; et si cette exception arrive, il en résulte un être monstrueux. »

Bien sûr, le contexte historique n’est pas négligé par Balzac. On devine comment, pendant la Révolution, le Docteur Rouget va accumuler une collection de tableaux de maîtres, dont il ignore totalement la valeur. On assistera à la gloire puis à la déchéance des soldats de l’Empereur : Philippe et aussi Maxence, ont gagné leur gloire pendant les combats ; démobilisés ils connaissent toutes les dérives. A la Restauration, les bonapartistes deviennent des parias mais nombreux sauront s’adapter et faire fortune…

Vie quotidienne à Paris et à Issoudun, dépeinte avec précision et vivacité. Balzac  nous fait vivre plusieurs décennies : voyage dans le temps.

Un excellent Balzac, vous dis-je!

 

 

 

 

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

12 réflexions sur « La Rabouilleuse – Honoré de Balzac »

  1. Oui, c’est un bon Balzac ! A force de lire Balzac on voit bien ses forces et ses défauts. Tout n’est pas au même niveau ! Je viens de finir le Balzac de Stefan Zweig que je publie demain.
    Le prochain Balzac avec Maggie est une ténébreuse affaire. Un bon cru semble-t-il !

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  2. Un bon Balzac relu il y a quelque temps, après un passage à Issoudun (ne pas rater le musée, d’ailleurs) en évitant le restaurant La conette qui existe encore mais pas trop dans les moyens.
    (vu ton commentaire chez Eimelle, dans ma jeunesse j’ai ‘fait’ l’AJ d’Amsterdam..;)

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  3. En lisant récemment la biographie de Zweig sur Balzac, je m’étais justement noté ce titre comme une suggestion. Zweig semble avoir le même avis que toi 🙂

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