Emile Zola – la Fortune des Rougon/ la Curée

LES ROUGON-MACQUART

Emile Zola - Cabaret du chat noir - Musée Orsay

Zola m’a toujours évoqué J’accuse et, pour cela, je lui voue toute mon admiration. 

 

« Historiquement, ils partent du peuple, ils s’irradient dans toute la société contemporaine, ils montent à toutes les situations, par cette impulsion essentiellement moderne que reçoivent les basses classes en marche à travers le corps social, et ils racontent ainsi le Second Empire, à l’aide de leurs drames individuels, du guet-apens du coup
d’État à la trahison de Sedan. »

des Rougon-Macquart, s‘inspirant de la Comédie Humaine de Balzac, Zola raconte l’histoire du Second Empire à travers l’évolution d’une dynastie familiale. Les titres, les noms des personnages me sont familiers, par le cinéma, les souvenirs de lycée, les lectures adolescentes, mais je suis incapable de citer un livre que j’aurais lu en entier. A la suite de nos lectures communes de la Comédie Humaine j’ai décidé de lire les Rougon-Macquart dans l’ordre pour combler cette lacune. 

La Fortune des Rougon

La Fortune des Rougon se déroule à Plassans, ville provençale inspirée d’Aix-en-Provence où Zola a passé son enfance et où il a connu Cézanne et ils étaient amis. Je suis donc allée au Musée d’Orsay chercher des images :

Cézanne, paysan provençal

Avant de devenir des bourgeois, en contractant des alliances avantageuses, les Rougon étaient des paysans, Pierre Rougon- le fondateur de la dynastie fils de paysan avait peut être les traits du paysan peint par Cézanne? C’est l’histoire d’une ambition dévorante d’un jeune homme qui dépouille sa mère et son demi-frère et sœur nés des amours de sa mère pour le contrebandier Macquart. Il se marie avec la fille d’un marchand d’huile, Félicité Puech, tout aussi avide d’ascension sociale. Les affaires végètent mais les parents investissent pour l’avenir en donnant une éducation solide à leurs enfants. Les  garçons Eugène et Aristide étudient à Paris, Pascal sera médecin.

Pendant ce temps-là, la branche illégitime, les enfants du contrebandier Macquart, écartés par Pierre, vivent d’expédients. Antoine nourrit une rancune tenace en revenant du service militaire. Pilier de cabaret, il se lie avec les les révolutionnaires qui promettent la revanche sur les bourgeois

« Dans la bourgeoisie, dans le peuple surtout, l’enthousiasme fut grand au lendemain des journées de février »

La Révolution de 1848 change la donne. Mais c’est surtout 1851 et l’ascension de Louis Napoléon Bonaparte qui va changer le destin des Rougon

« Ces événements fondèrent la fortune des Rougon. Mêlés aux diverses phases de cette crise, ils grandirent sur les ruines de la liberté. »

« Il s’était formé chez les Rougon un noyau de conservateurs qui se réunissaient chaque soir dans le salon jaune pour déblatérer contre la République. »

Conseillé de Paris par son fils Eugène, Pierre Rougon va miser sur l’Empire tandis que les aristocrates timorés hésitent entre légitimistes et orléanistes. Avec l’aide de Félicité, il va prendre la tête de la ville et s’installer à la mairie déserté par ses titulaires.

Alors que les Républicains ont pris les armes dans la campagne provençale Plassans vit dans l’incertitude

Au loin s’étendaient les routes toutes blanches de lune. La bande insurrectionnelle, dans la campagne froide et
claire, reprit sa marche héroïque. C’était comme un large courant d’enthousiasme. Le souffle d’épopée qui
emportait Miette et Silvère, ces grands enfants avides d’amour et de liberté, traversait avec une générosité sainte les honteuses comédies des Macquart et des Rougon. La voix haute du peuple, par intervalles, grondait, entre les bavardages du salon jaune et les diatribes de l’oncle Antoine. Et la farce vulgaire, la farce ignoble, tournait au grand drame de l’histoire.

A la tête des Républicains, porte-drapeau, Miette,  une fillette de 13 ans, vit une belle histoire d’amour avec Sylvère, apprenti charron, cousin des Rougon et de Macquart.

Ce premier tome des Rougon Macquart est centré sur cette année 1851 à Plassans, tremplin de la Fortune de Pierre Rougon, qui va prendre la tête du clan bonapartiste et en être récompensé par une charge de receveur. par la même occasion il va se débarrasser d’Antoine et de Sylvère, les gêneurs de la famille.

Hier Rougon était un Brutus, une âme stoïque qui sacrifiait ses affections à la patrie ; aujourd’hui Rougon n’était plus qu’un vil ambitieux qui passait sur le ventre de son pauvre frère, et s’en servait comme d’un marchepied pour monter à la fortune.

Pierre et Félicité,  Antoine sont des personnages tout à fait antipathiques, il est difficile d’éprouver de l’empathie pour eux. Heureusement les amours de Sylvère et de Miette donnent de la fraîcheur à ces histoires sordides.

La Curée

Paris 1855 vu de l’observatoire (musée d’Orsay)

Tome 2 des Rougon-Macquart, La Curée se déroule à Paris sous le Second Empire. A

« L’Empire allait faire de Paris le mauvais lieu de l’Europe. Il fallait à cette poignée d’aventuriers qui venaient de voler un trône, un règne d’aventures, d’affaires véreuses, de consciences vendues, de femmes achetées, de soûlerie furieuse et universelle. Et, dans la ville où le sang de décembre était à peine lavé, grandissait timide encore, cette folie de jouissance qui devait jeter la patrie au cabanon des nations pourries et déshonorées. »

Aristide est venu à Paris faire fortune, espérant l’appui de son frère,Eugène qui a réussi. Après l’avoir fait lanterné, il le place comme voyer (Chargé d’effectuer des études sur les constructions de la capitale) qui est un poste stratégique alors qu’Haussmann (jamais cité dans l’ouvrage) rénove Paris, construit les boulevards.

Aristide qui a changé son nom en Saccard comprend que sa fortune est assurée s’il s’engage dans les expropriations des maisons destinées à être démolies dans les travaux. Par sa position de voyer il a connaissance des projets urbanistiques, et il a accès aux commissions qui calculent les indemnisations aux propriétaires….mais il faut disposer d’un capital pour démarrer les affaires. Par  chance, Angèle, sa femme décède et il épouse Renée, une jeune fille riche mais embarrassée par une grossesse non désirée. Bien dotée, elle est aussi à la tête de propriétés bien placées 

comment on revend pour un million ce qui a coûté cinq cent mille francs ; comment on paie le droit de crocheter
les caisses de l’État, qui sourit et ferme les yeux ; comment, en faisant passer un boulevard sur le ventre d’un vieux quartier, on jongle, aux applaudissements de toutes les dupes,

On récompensa ses complaisances en lui concédant des bouts de rues, des carrefours projetés, qu’il rétrocédait
avant même que la voie nouvelle fût commencée. C’était un jeu féroce ; on jouait sur les quartiers à bâtir comme on joue sur un titre de rente.

Ces parvenus mènent grande vie dans leur hôtel nouvellement construit au Parc Montceau. Pendant que Saccard est aux affaires, sa jeune femme ravissante Renée fréquente le Tout-Paris, mondain et demi-mondain, bals et promenades au Bois de Boulogne, se ruine en toilettes chez Worms le grand couturier. 

Tissot – Too early

De son premier mariage, Saccard a  un fils interne dans un collège, Maxime qu’il fait venir. Le jeune garçon est « joli comme une fille », charmant et charmeur. Il tient compagnie à Renée qui s’en amuse et l’entraîne partout, chez les couturiers, chez ses amies, au Bois….le jeune homme devient adulte. Maxime et Renée s’amusent ensemble comme deux camarades

« Le père, la belle-mère, le beau-fils agissaient, parlaient, se mettaient à l’aise, comme si chacun d’eux se fût trouvé seul, vivant en garçon. Trois camarades, trois étudiants, partageant la même chambre garnie, n’auraient pas disposé de cette chambre avec plus de sans-gêne pour y installer leurs vices, leurs amours, leurs joies bruyantes de grands galopins. »

Quand Renée et Maxime deviennent amants, l’inceste apparaît comme la dégradation ultime de la morale.

Les affaires de Saccard ne sont pas aussi florissantes que leur train de vie laisserait croire. Il ne peut honorer les factures du couturier et il lui faut trouver de nouvelles ressources : les propriétés de Renée, ou une fiancée bien dotée pour Maxime. Spéculation et cavalerie financière vont aussi avec chantage. La fête pendant laquelle Saccard compte annoncer le mariage de Maxime est une apogée. Après, la dégringolade….

J’ai été très intéressée par cette histoire de spéculation immobilière dans le cadre de la modernisation de Paris, le tracé des boulevard, la construction….En revanche je me suis lassée par les descriptions des toilettes, des décorations intérieurs, boudoirs ou salons particulier, salle de bain luxueuse. Les intrigues amoureuses, les séductions,  trainent en longueur comme dans une mauvaise série télévisée. J’ai l’impression que Zola tire la ligne, gonfle le feuilleton. Je saute des lignes et passe à l’essentiel : la finance.

Zola n’est pas Balzac qui sait ciseler une nouvelle, jamais je ne m’ennuie avec Balzac. Avec Zola, c’est parfois lourd. Lourd

 

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

12 réflexions sur « Emile Zola – la Fortune des Rougon/ la Curée »

  1. Il y a longtemps, j’ai voulu lire la série ; j’en ai lu une bonne partie, mais j’ai déclaré forfait avec « la terre » ; ça devenait vraiment très très noir et lourd comme tu le dis. Quelquefois je suis tentée de relire au moins un volume, mais je manque de courage.

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  2. J’ai bien aimé La Fortune des Rougon, je le trouve bien mené, mais je viens juste de lire La Curée et j’ai aussi ressenti cette lassitude. Billet prochainement !

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  3. Il y a longtemps je les avais tous lus (dans le désordre) puis j’ai voulu recommencer dans l’ordre, et je n’ai pas persévéré bien loin…

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  4. moi je suis fan des deux auteurs, chacun à sa façon nous fait vivre un monde complet
    J’ai encore trois opus des Rougon pour avoir terminé ma lecture complète il serait temps que je m’y mette

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  5. Très bonne idéé de relire Les Rougon Macquart ! Je me souviens avoir lu ces titres il y a plus de 20 ans, et j’ai encore en tête cette spéculation immobilière (un peu moins l’intrigue) ; mais comme toi, je commence à relire Les Rougon Macquart, alors pourquoi pas ces deux titres.

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  6. J’ai commencé celui-ci, celui des origines. Je croyais l’avoir lu mais non; Je ne m’en souviens pas ! par contre je sais que je n’ai jamais lu la curée, la conquête de Plassans, son excellence Eugène Rougon … C’est drôle j’ai lu Zola jusqu’au dernier mais pas les premiers !
    Je me demandais quand tu avais commencé à lire tout Zola dans ton blog. Je vois que c’était en août quand j’étais en Lozère, la moitié du temps sans internet . Et puis avec la fatigue du mois de Juillet (le festival, la chaleur etc…) j’avais besoin d’une coupure.
    As-tu reçu mes messages via ma messagerie hotmail ? J’ai des problèmes de fonctionnement.

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    1. @claudialucia : oui j ai reçu tes mails mais je ne suis pas sûre que tu aies reçu les miens.
      J’ai entrepris la lecture des Rougon-Macquart un peu comme une aventure remplaçant un voyage lointain. Commencé fin juillet je crois qu’il me mènera jusqu’en octobre et peut-être novembre. Mais cela me plaît bien d’avoir une vision d’ensemble.

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