SAISON INDIENNE
C’est le livre jumeau de celui de Moravia: Une Certaine Idée de l’Inde, reçu dans le même paquet d’Amazon. Jumeau, puisque qu’il relate le même voyage en Inde des deux écrivains en 1961 à l’occasion de la commémoration de Tagore.
Deux courts ouvrages, pourtant très différents. Moravia s’attache à analyser ses impressions. Érudit, il analyse la religion, les relations avec le colonialisme. Pasolini livre une interprétation beaucoup plus personnelle.
Plus aventureux, il préfère les vagabondages nocturnes et les rencontres de hasard aux visites touristiques. Moravia jette un regard intéressé aux passants, aux paysans tandis que Pasolini donne une identité, un nom, une histoire, aux Indiens rencontrés pendant ses promenades, souvent des mendiants. Sardar et Sundar, attendent avec d’autres, que l’hôtel leur donne des restes de pudding, ils lui font penser aux jeunes calabrais montés à Milan chercher fortune. L’enfant Revi, qui refuse son obole parce qu’il sera racketté, l’émeut au point qu’il se décarcasse à lui fournir un abri. Muti Lal, le Brahmane qui dort sur le trottoir, éduqué, lui suggère cette étrange conclusion de Pasolini… »c’est un bourgeois » et une analyse de la bourgeoisie indienne dans un océan de sous-prolétariat:
« Ils (les bourgeois) s’enferment ainsi dans la vie familiale à laquelle ils donnent une importance absolue : plein d’enfant et ils en cultivent la douceur ».
L’Odeur de l’Inde qui a donné son titre au livre est décrite ainsi:
….« l’habituelle odeur, très forte , qui prend à la gorge. Cette odeur de pauvre nourritures et de cadavre qui, en Inde, est comme un continuel souffle puissant qui donne une sorte de fièvre. C’est cette odeur, qui, devenue, peu à peu, une entité physique presque animée, semble interrompre le cours normal de la vie dans le corps des Indiens. son relent frappant ces pauvres petits corps couverts d’une toile légère et souillée, paraît les miner, les empêchent de croître, de parvenir à un achèvement humain »…
Contrairement à Moravia qui voit dans l’Inde le fait religieux partout Pasolini écrit :
« heureusement l’hindouisme n’est pas une religion d’état. . C’est pourquoi les saints ne sont pas dangereux; Tandis que les fidèles les admirent il y a toujours un musulman, un bouddhiste ou un catholique pour les regarder avec ironie ou curiosité…[…]Mais, à mes yeux, cela n’implique pas que les Indiens soient vraiment préoccupés par de sérieux problèmes religieux. »
Il est également beaucoup plus critique envers Nehru que son ami. Trop respectueux, selon lui, des formes de la démocratie parlementaire occidentale, Nehru n’est pas assez audacieux pour extirper la tradition des castes qui révolte les deux italiens.
J’ai admiré P P Pasolini cinéaste, personnage de la biographie imaginaire écrite par Fernandez, Dans la Main de l’Ange, je le découvre ici écrivain.

Hors sujet: (C’est Noel!!) A ecouter sur YouTube: « Corul Madrigal -Steaua Sus Rasare »
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Très bel article ! En me penchant un peu sur le reste de son œuvre, j’ai trouvé très intéressant de découvrir que sa représentation de Rome a été nourrie par les voyages qu’il a effectués en Inde et en Afrique. Dans Mamma Roma ou Ragazzi di vita, on y découvre une Rome périphérique sauvage et violente qui se rapproche parfois de ses descriptions dans L’Odeur de l’Inde.
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