JUMELAGE CRÉTEIL/POBE

Le CDI ressemble plutôt à une réserve . D’antiques séries de manuels scolaires s’empilent. Pour un tiers, des manuels africains. Les autres sont des collections que nous reconnaissons tous. J’ai utilisé en 1985 le Bordas avec la Chauve souris et le Hatier avec la Coccinelle en 5ème était déjà en usage en 1984 (un manuel excellent avec des documents de haut niveau). Laure reconnaît le livre d’Espagnol qu’elle a utilisé étant élève. Elle saisit la couverture qui lui reste dans les mains.
Les 70 manuels de SVT qui sont à l’origine de mon projet de Jumelage vont-ils encombrer ces rayonnages ? Mon collègue au costume bleu m’assure qu’ils seront utiles.
Autour de 4 tables basses, à peine une douzaine de places assises.
Pas de prêt : les ouvrages sont à consulter sur place.
Je reconnais la bibliothèque citée dans les lettres des correspondants. L’idée du Directeur est d’ouvrir le CDI sur la salle de classe mitoyenne, d’y installer des sièges des tables et des rayonnages. Cette bibliothèque pourrait être ouverte le samedi et le mercredi après midi en dehors des cours.
Je saisis la balle au bond. L’agrandissement du CDI est exactement le projet que nous souhaitons financer !A Simone de Beauvoir, le CDI est exemplaire. Il est très fréquenté par les 4èmeD qui font partie du Club Pobé. Dans leurs textes racontant le lâcher de ballons ils ont souvent écrit que la recette permettra d’améliorer la bibliothèque. Cet investissement bénéficiera directement aux enfants. Il peut s’inscrire dans le long terme. Nous pourrons continuer à envoyer des livres et des fonds. Je rayonne ! je tiens mon idée ! Le menuisier pourra faire exécuter les étagères par les élèves. Nous pourrons fiancer les planches, le « portillon », le contreplaqué du plafond et peut être la peinture. Mon enthousiasme semble communicatif. Thimoléon est ravi, le Directeur aussi. Je n’aurai pas à plaider contre la photocopieuse.
Déjeuner en salle des profs

Marcelle a apporté le déjeuner en Salle des Professeur. Aidée de la correspondante de Maéva, elle nous sert des salades variées, spaghettis, tomates, concombres, pois, et gésiers de volaille. Je ne savais pas que le poulet qui avait fourni son gésier allait apparaître en plat de résistance avec des pommes de terre et des légumes. Les légumes sont délicieux !choux carottes et gingembre que je n’avais pas identifié.
La couturière

Nous parlons à Marcelle des pagnes que nous avons achetés au marché. La femme de Romain est couturière. C’est une dame très menue et très chic qui prend nos mesures qu’elle inscrit dans un cahier d’écolier. Nous voulons les robes que porte Marcelle : celle de l’aéroport avec les « nervures » et celle d’aujourd’hui avec un volant. Marcelle porte un pagne, elle nous recommande la jupe. Nous ne saurons jamais nouer le pagne comme il faut ! Laure a envie d’essayer. Je crains le ridicule s’il se défait ! Nos tenues seront prêtes à notre prochain passage jeudi 19 ;
Le Lâcher de ballons du 8 mars

Je sors du sac le porte-document contenant les compte rendus des réunions du club Pobé, les « articles » des 4ème D relatant le lâcher de ballons et la Fête du 8 mars, les cartons des ballons revenus de toute la France, les lettres des correspondants ainsi que le CD contenant les photos qu’on regardera sur l’ordinateur de Thimoléon, j’ai aussi, un petit album photos. Malheureusement c’est le moment que mon collègue de SVT choisit pour me montrer le laboratoire. Je n’aurai pas le plaisir de voir les réactions des béninois au diaporama !
Nous convoquons les 4ème M1 pour distribuer les lettres et les cadeaux des correspondants. Tous ont une lettre et quelque chose. Les lots ne sont pas égaux. Florentin, le correspondant de Corentin sera servi le premier avec son magnifique maillot de foot floqué à son nom avec le numéro 10 (celui de Zidane) Onésime partagera ses 4 maillots du marathon de Paris avec ceux qui n’auront rien, de même Kathib à qui Alexis a acheté 3 mangas. J’ai emballé dans du papier cadeau tout ce qui me semblait convenable : stylos plume, CD même une montre. La distribution se passe dans la bonne humeur.
En regardant le match, les filles se font des tresses
Au programme match de foot professeurs/ élèves. Les joueurs n’ont pas de chaussures mais ils portent des maillots et des shorts. Nous ne sommes pas des spectatrices assidues. Laure et Stéphanie se font tresser les cheveux. Autour d’elle toute une cour de filles qui s’amusent à tresser les cheveux européens lisses et fins. L’une d’elle soupire :
– « J’aurais tant aimé avoir des cheveux raides ! Mais Dieu ne me les a pas donnés ! »
Nous leur posons des questions sur leur quotidien, Floride, la danseuse doit faire 5 km à pied pour venir au collège.
Assis à l’ombre sur un banc je suis entourée de quatre petits très doux. Je ne les aurais jamais imaginés si petits avec leurs uniformes sur la photo de classe. Ce sont Onésime, Khatib deux filles et un grand de seconde Je leur montre les photos du lâcher de ballons. Onésime, à mes genoux me demande :
-» raconte nous l’histoire de Créteil ! »
Je lui parle du village ancien, de la très vieille église qui a vu le Roi Dagobert (il ne connaît pas la chanson) puis des sablières, du lac qui s’est rempli tout seule avec l’eau de la Seine et de la Marne, des quartiers modernes, des tours, des rues dont le nom commence par la même lettre. Ils écoutent religieusement.
-« Est-ce que les professeurs sont durs ? » demande une fille
– « Non mais les élèves sont bavards ! »
– « Bavards ! » les enfants sont rêveurs. A Pobé, on ne bavarde pas en cours. Cela ne leur viendrait même pas à l’idée. Il faudra vérifier cela auprès des collègues. Jamais les problèmes de discipline ne sont évoqués même avec des effectifs très lourds. Ici, les problèmes sont matériels.
Le match de foot a repris. Damien voulait jouer pieds nus comme les enfants. Un collègue lui a prêté des vraies chaussures de foot mais il doit quitter le terrain avec de grosses ampoules.
Les mangues : les fruits de l’Amitié
Avant de partir on nous sert pour goûter des ignames frits avec du beurre. C’est très farineux. Derniers discours, sur la table un carton contenant les fruits de leur arbre de la cor : les mangues, fruits de l’amitié. Il faudra surveiller leur maturation et les manger au fur et à mesure. Dans une enveloppe nous trouvons les T-Shirts oranges du Collège : l’Aigle Bleu de Pobè qui tient dans son bec un livre. Nous les revêtons pour la photo. Dernier cadeau : un livre écrit par un écrivain de Pobè dédicacé.
Lundi de Pâques, tout Cotonou est à la plage
Nous quittons Pobé à 18 heures. Nous roulons de nuit. Il y a beaucoup de circulation ce lundi de Pâques. A l’approche de Cotonou c’est l’embouteillage. Thierry a téléphoné : la route des Pêches est bloquée par tous ceux qui ont passé la journée de vacances à la plage. Ceux qui n’ont pas trouvé de zemidjan rentrent à pied, glacière à la main. Une foule compacte avance vers nous. Thierry essaie des itinéraires dans les rues poudreuses. Rien à faire, on retombe toujours sur des routes bloquées. Il fait nuit noire quand nous roulons sur la piste de l’aéroport. Les petits lampions faits avec des boites de lait allumés comme le soir de notre découverte de Cotonou.
Bonne arrivée, les moustiques !
Nous rentrons à 9heures à Helvetia. Moronikê est déjà partie coucher ses enfants. En cuisine, il ne reste plus que Parfaite qui nous réchauffe des spaghettis bolognaises.
Toute exaltée par la journée, submergée par l’émotion j’oublie les règles élémentaires de prudence. J’omets de m’enduire de crème anti-moustique et de revêtir des pantalons imprégnés d’insecticide. Je vais me repentir de mon imprudence pendant au moins trois jours. Mes jambes sont boursouflées d’horribles piqûres violacées qui grattent terriblement. J’en retire une conclusion optimiste : c’est la vérification expérimentale de l’efficacité d’Insect- Ecran. Pour une fois je l’oublie et je suis bien punie !