Ranthambhore : safari

CARNET INDIEN

cerfs indiens : combat des mâles

Il faut se lever tôt pour voir des animaux !

A 6h30,  nous attendons notre jeep en compagnie d’un couple d’Indiens d’Allahabad, passionnés d’observation de la nature qui racontent leurs safaris au Kenya et à Madagascar. C’est leur 3ème safari ici à Ranthambhore. Ils ont pris hier de magnifiques photos d’un tigre et d’un léopard .

7h, pas de jeep. Un canter s’arrête, sorte de camion tout-terrain où une vingtaine de personnes peuvent prendre place. Je n’ai pas compris tout de suite que c’était notre véhicule parce que je suis inscrite sous mon deuxième prénom. Une fois dans ma vie, je me serai appelée Louise ! Tape-cul à toute vitesse sur des pistes défoncées pour faire le tour des hôtels et remplir le canter, certains sont des hôtels de toile (tentes grand luxe) . Il faut avoir sur soi son passeport. On remplit des formulaires de décharge en cas d’accident ou de perte des jumelles et des appareils-photos. Inde à la fois bureaucratique et désorganisée !

Avant d’atteindre la Réserve, le canter traverse des villages à grande vitesse. Nous regrettons de ne pas pouvoir photographier les animaux domestiques sous leurs abris, des galettes de bouse, des murs roses décorés de fins dessins d’animaux en une sorte de dentelle blanche. L’orée du parc National, au flanc d’une colline de grès rose, nous parait pelée. Ce n’est pas ainsi que j’imaginais la jungle ! Je l’imaginais  plus verte et plus luxuriante. La végétation sèche correspond plutôt à des broussailles ou un maquis peu dense.

On entre dans la montagne en suivant une étroite vallée. Une rivière, barrée par une digue forme un réservoir carré. La Réserve n’existe que depuis 1955. Les installations hydrauliques sont antérieures. Remontant le cours d’eau, je retiens mon souffle : les animaux viendront peut être boire ? L’instinct de chasse, primordial, déclenche une excitation quasi-animale. Quelle bête s’offrira à nos regards ? Arriverons-nous à la photographier? La chasse au tigre est une tradition indienne. Les miniatures en témoignent. J’avais remarqué le joli départ des princesses pour la chasse aux tigre au Musée de Delhi. C’est bien sûr le tigre que nous convoitons, quoique, un léopard, ne serait pas mal non plus !

Les arbres épineux ont perdu leurs feuilles  en saison sèche. Un premier cervidé se laisse entrevoir tandis que ma voisine de Bombay est particulièrement enthousiasmée par les paons, magnifiques en liberté, leur plumage métallique paraît tout neuf (il l’est, les paons muent). Pas de roue, ce n’est pas la saison.

Le canter s’immobilise devant un troupeau de cervidés que le Ranger appelle Indian Deers : ils sont mouchetés comme des daims, les bois des mâles sont très fins, très longs recourbés et effilés.  Certains mâles se défient, les bois s’entrechoquent. Au dessus de nous, grande agitation dans les feuillages qui se secouent bruyamment. Une troupe de singes est installée. Ils mangent des feuilles, des fruits et sautent de branche en branche. Singes et cerfs sont associés. Ce sont les proies du léopard. Les singes donneront l’alerte si un prédateur s’approche. Le ranger guette leurs cris  Il fait faire demi-tour au canter et l’immobilise près d’un gros arbre feuillu. Feulement et aboiement se répondent. Les singes s’agitent frénétiquement ; on imagine le gros félin tout proche. Après avoir attendu un bon quart d’heure il faudra se contenter des traces des griffes du léopard sur les branches d’un gros banyan. De l’autre côté de la piste deux sambars nous regardent , leurs oreilles rondes leur donnent un air un peu égaré., proie de choix pour le tigre ils sont aussi gros qu’un âne.

Banyan - arbre qui marche

Nous commençons à être blasées. Cerfs et biches ne nous étonnent plus, ni même les paons, pourtant toujours aussi beaux.  Une cigogne noire patauge dans une flaque perchée sur ses longues pattes rouges, elle prend son envol à notre passage.

Notre plus belle rencontre est inattendue. Derrière de petits arbres épineux, une masse noire bouge. J’ai d’abord du mal à mettre au point les jumelles. Il se tourne, lève sa grosse tête, c’est un ours noir, énorme, magnifique. Il creuse avidement une termitière et doit se régaler de termites dodus. Puis il se met en marche. On le voit maintenant très bien. Son  museau est clair (peut être la poussière). Il creuse avec ses griffes à la manière des chiens. Puis s’éloigne indifférent à notre présence. Dans le canter des Indiens évoquent le Livre de la Jungle. J’avais pensé à Kim, j’avais oublié la Jungle !

La forêt devient plus dense avec de nombreux feuillus persistants. Un énorme banyan retient notre attention. Ses racines aériennes ont enserré le tronc et se sont enracinées en plusieurs endroits telles des colonnes verticales, doubles, triples, multiples. Les branches horizontales qui courent entre les colonnes mesurent 4m 6, peut être 210. Le ranger qualifie cet arbre d’ »arbre qui marche » dans d’autres contrées on l’avait appelé « arbre étrangleur ». Ma voisine de Bombay me raconte que ces arbres sont sacrés. Des femmes les entourent de tissus, rubans en faisant le vœu de garder leur mari pendant 7 réincarnations. Un bon mari est si précieux ! La ramure du banyan peut fournir un abri pour un léopard. Animal nocturne, c’est maintenant trop tard pour le croiser. Peut être dort-il tout près d’ici ?

Dernière étape : un lac de barrage à la rivière. De gros rochers arrondis émergent. Sur un banc de sable trois crocodiles dorment au soleil. Ils n’ont pas faim les oiseaux les approchent de près, petits limicoles variés aux longues pattes fines et becs pointus, un héron gris…

pie indienne bleue

Sur l’arbre surplombant le canter de beaux oiseaux ressemblant à des pies se sont perchés. Ventre jaune-orangé, « queue de pie » longue, noire et blanche, bec fort noir ils attendent que les touristes les nourrissent. Au début tout le monde est ravi de les voir de si près, familiers. Rapidement l’un d’eux fiente sur le pantalon rouge d’une grosse anglaise blonde plus du tout ravie. Nous prions pour que les 3 ou 4 oiseaux au dessus de notre siège s’abstiennent !

Des soldats armés de bâtons nous arrêtent sur le chemin du retour. Le Premier ministre du Rajasthan est en safari. Il faut laisser passer son escorte. On attend dix bonnes minutes en plein soleil.

Brunch copieux à 11h : omelettes, toasts, paratha aux pommes de terre, safran coriandre avec des yaourts et un délicieux thé masala.

Avatar de Inconnu

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

Laisser un commentaire