CARNET MACÉDONIEN ET THRACE

C’est la ville de la soie, capitale de la région avant qu’Alexandroúpolis ne lui porte ombrage. Les gens riches avaient construit de hautes maisons de brique, parfois avec encorbellement comme dans les Rhodopes, crépies de blanc ou de jaune vif, accrochées à la pente.

Le Musée de la soie est installé dans une belle maison jaune.
Au rez de chaussée une très belle exposition retrace l’histoire des Balkans depuis la conquête ottomane, bien avant la prise de Constantinople. Au 14ème siècle, déjà, les Balkans étaient turcs. Les Turcs apportèrent l’eau nécessaire aux ablutions, eau courante, amis aussi le hammam important pour la vie sociale. Les fontaines publiques étaient offertes par charité à la population.
Avec les Turcs, le Bedesten, bazar.

Les Ottomans ont transformé de nombreuses églises en mosquées, cependant la coexistence des trois religions du Livre dura des siècles avec des variations locales et selon les périodes. Les très belles photos montrent les mosquées aussi bien en Albanie, Bosnie ou en Crète, des synagogues et des églises.
Le 19ème siècle apporta tout son cortège de modernisations, d’industrialisation mais aussi la notion d’état-. Les guerres d’indépendance firent éclater cette unité balkanique. Actuellement chacun est conscient – selon l’exposition – de l’importance de la conservation de cet héritage.
A l’étage : sériciculture. Des audiovisuels racontent la vie du ver à soie et le travail artisanal avec un montage de photos anciennes. Les panneaux sont extrêmement détaillés et il faudrait consacrer beaucoup de temps à cette visite, tout lire. Un incident met fin à mon étude. Dominique, qui s’ennuie, photographie un peu tout pour se distraire. La conservatrice qui nous surveillait de loin monte, furieuse, exige la destruction des photos « Delete ! ». Cela casse l’ambiance.
La ville basse s’aligne sur une rue parallèle à la route. Les maisons à étage n’offrent guère d’attraits sauf les boutiques (fermées le dimanche) qui présentent les objets de soie de Soufli Dans cette rue, il y a un deuxième Musée de la Soie. La dame, dans un anglais parfait (elle est anglaise) me montre son petit élevage de démonstration, me prête une loupe pour voir les œufs vraiment minuscules. Le couple de reproducteurs git dans une boîte, ces papillons ne volent pas, ne se nourrissent pas, ils s’accouplent, la femelle pond et ils meurent. Dans le premier musée on raconte qu’autrefois, cette « semence » venait d’Athènes ou de Bursa et que les femmes portaient les œufs sur leur poitrine pour leur fournir els conditions idéales de température et d’hygrométrie. La durée d’incubation est de 12 à 14 jours. Les cadavres des reproducteurs étaient séchés et broyés pour détecter d’éventuelles maladies. La croissance des vers dure 35jours et passe par 4 stades larvaires, interrompus par la dormance. En 35 jours le ver va multiplier sa taille par 10.000 en se nourrissant exclusivement de feuilles de murier. Les muriers femelles portent les mures tandis que les arbres mâles ne servent que pour la nourriture des vers à soie ?

Dans le second musée, je vois les petits vers à tous les stades et même ceux qui filent leurs cocons. Les glandes se trouvent près de la bouche et on voit le ver agiter la tête de droite et de gauche. Autrefois on donnait aux vers des branches pour installer les cocons, maintenant, des spirales en matière plastique moins poétiques.
Le dévidage de la soie est très impressionnant. Un cocon représente 1 à 2 km de fil très résistant mais trop fin pour être filé seul. L’installation traditionnelle présente d’un côté un seau de cuivre contenant de l’eau à 70° pour ébouillanter les chrysalides, en face le dévidoir. Actuellement les cocons sont mis sur des plateaux où ils sont « cuits » dans une étuve. Une sorte d’évier métallique contient de l’eau à 50°. L’ouvrière va fixer 5, 7 ou même 25 fils à un « œil » relié à une machine qui dévide et torsade les fils pour en confectionner un seul plus épais. Des courroies de cuir sont reliées aux moteurs – aujourd’hui électriques – autrefois n’importe quelle force vapeur ou hydraulique pouvait être employée. Dans ce deuxième musée, de petits guides électroniques complètent les explications : on peut scanner l’étiquette et obtenir des compléments d’information pour chaque machine, sa provenance (certaines viennent de France). Les métiers de plus en plus performants tissent plusieurs mètres en une journée.
On peut également s’intéresser à la teinture et au traitement chimique du fil. Ce dernier est enrobé de séricine qui le protège. On peut choisir de le débarrasser de la séricine pour obtenir un toucher soyeux ou, au contraire, le considérer comme une protection et ne le dissoudre qu’en fin de processus. Des vidéos montrent le tissage traditionnel : on voit un métier rudimentaire sur la place d’un village….
Cette visite est gratuite, il n’y a pas de tickets. Elle se termine au comptoir de vente. Je me sens forcée d’acheter quelque chose. Certaines pièces sont merveilleuses. Des dentelles et des macramés terminent le chemin de table ou les rideaux. Le prix est à la hauteur du travail des dentellières. Un dessus de lit coûte une fortune. Mais il y a aussi de jolis châles à des prix raisonnables (30 ou 40€) et même des carrés de 6 à 8 €. C’est un de ceux- qui sera le souvenir de la visite.