Psarades : histoires des confins…

CARNET MACEDONIEN

 

Le soir est tombé sur les  tavernes de Psaradès.

Dominique,  pour lier connaissance avec la vieille dame assise sur le banc de l’autre côté de la place,   a apporté un gobelet de cerises . C’est une dame toute petite, la tête entourée d’un foulard noué à l’ancienne. Je les rejoins pour essayer de lui parler en Grec. Elle le parle très peu.

Nous avons été « adoptés » par Alexandra et Germanos. Avec leur fille Sofia nous nous  s’installons à une table au soleil sur le bord du lac.

Theodora

La vieille dame s’appelle Théodora, elle a 88ans. C’est la tante de Germanos. Son mari est adossé à la taverne avec les hommes. Au village, seuls les hommes de sa génération sont allés à l’école et savent lire le Grec. Les filles n’y allaient pas et parlent le Macédonien. Hier soir, Alexandra était incapable de lire le menu écrit en grec. Germanos, son mari, a étudié à l’école, il lit le grec, parle plusieurs langues, très bien l’anglais mais aussi l’Italien.

 Germanos compare la Macédoine à une pizza composée de nombreux ingrédients différents, que les états voisins, en formation au début du 20ème siècle, se sont disputés. Les Grecs, les Bulgares, les comitadjis macédoniens, les Serbes dans les guerres balkaniques de 1909 à 1910. De ces guerres balkaniques, reste le souvenir entretenu par de nombreuses statues de marbres aux carrefours. Celui qui préside au carrefour de la route de Psaradès est un Pope grec tué par les comitadjis, un autre moustachu, plus loin est un kapitan du 19ème siècle.

les héros des carrefours

Ces montagnes ont été le théâtre de nombreuses guerres après les guerres balkaniques. En 1916, les Français ont installé sur le lac une base militaire et ont laissé au village un excellent souvenir. Ils ont occupé la population du village pour construire une route dans la montagne, payant les gens et leur distribuant de la nourriture. En revenant de la pêche, Germanos a retrouvé une vieille ancre peinte en gris, pièce historique qu’il ne cèderait pas pour une fortune (il cite une grosse somme en drachmes, les € ,’étaient pas arrivés…. Avec une photo, il fait de sa taverne un musée.

Sofia  nous présente le village. Géographiquement d’abord : ci, ce sont les montagnes albanaises, montagnes blanches (je n’ai pas retenu le nom albanais).  La frontière avec la FYROM passe dans le lac, les crêtes éloignées sont macédoniennes, les petites îles aussi. La frontière est fermée. Germanos ne peut pas poser ses filets plus loin. Si la FYROM entre dans l’Union Européenne, il n’y aura plus de frontière. Autant les Grecs sont remontés contre l’Europe (comme les Roumains rencontrés ce matin) autant, ici, on ne sent pas d’acrimonie. L’important ce sont les frontières qui séparent les macédoniens répartis tout autour du lac qui ont de la famille qu’ils ne peuvent pas visiter. Après des années de fermeture de l’Albanie, Sofia y a rencontré des gens qui vivaient comme ses grands parents et qui parlaient macédonien. A propos de l’Albanie, elle nous raconte une anecdote drôle : les macédoniens de Yougoslavie illuminaient leur village la nuit. Les autorités albanaises avaient convaincu les villageois que les Yougoslaves étaient forcés de travailler de jour comme de nuit et que les Albanais qui n’avaient pas l’électricité étaient chanceux de cesser le travail à la tombée de la nuit.

Germanos nous raconte que Saint Germanos, son saint patron, a vécu au 8ème siècle dans la région. Le village le plus proche s’appelle Agios Germanos. Il connait l’équivalent français Saint Germain, ait qu’il y a une église Saint Germain à Paris. UN photographe français vient lui rendre visite. Cela l’amuse d’affirmer qu’il est supporter du PSG dont il connaît les joueurs. Sauf que pour lui Ibrahimovic est bosniaque et non suédois !

Autour de Psarades les gens sont chrétiens orthodoxes mais certains n’observent pas le calendrier officiel. Leurs fêtes sont décalées de 14 jours.

          «  Le Macédonien s’écrit-il en lettres latines ou en cyrillique ? »

          « en cyrillique ! »

Occasion pour lui de célébrer Cyrille et Methode, originaires de Thessalonique, qui ont propagé l’instruction parmi les peuples slaves. Il énumère les langues slaves et affirme que ce sont les Allemands, en emprisonnant Methode qui ont empêché que les Tchèques écrivent eux aussi en cyrillique.

Angelopoulos : Le Pas suspendu de la cigogne

Sofia habite à Florina.

          «  Que voir à Florina ? »

          « des vieux quartiers. »

Je lui parle d’Angelopoulos qui a tourné là-bas. Elle se souvient très bien des tournages. De celui qui a scandalisé les chrétiens pratiquants qui ont fait des manifestations et même endommagé le matériel du cinéaste. On a même parlé d’excommunier le metteur en scène. Le mari de Sofia, policier était sur le pied de guerre pendant tout le tournage. Elle se souvient aussi d’un autre film tourné dans la neige où les villageois furent les figurants habillés en evzones avec des fustanelles.

Hier Dominique avait demandé des souvlakis ou des tomates farcies. Comme ils n’en avaient pas au menu, je suis venue dîner seule. Ils ont donc acheté exprès pour nous des souvlakis qu’ il faudra  manger tôt parce que  Sofia qui les cuisine, veut rentrer à Florina avant la nuit. Nous dînons donc à 19h30 pendant que les pêcheurs vont poser leurs filets et que le troupeau de vaches rentre seul.

cormorans pygmées

Les aigrettes arpentent le marais mais les cormorans pygmées se sont envolés de leurs piquets.

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

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