2003 – De Fès à Rabat en passant par la vallée du Ziz et Meknès.

La nuit a été très froide. A Midelt, 1500m, il gèle.
7h15 lever du soleil spectaculaire sur le Djebel Ayachi. En quelques seconde le disque solaire sort, éblouissant, ciel pur de montagne et de désert, couleurs violentes.
La salle à manger de l’hôtel Ayachi est très bien décorée. Pendant que nous attendons le petit déjeuner on avise un récipient en cuivre conique. Le patron de l’hôtel intervient c’est une huche à pain, il nous montre les tapis brodés faits dans la région et s’installe à table avec nous. Nous discutons de la crise du tourisme à cause de la guerre qui se prépare en Irak qui est une vraie catastrophe pour cette région qui vit du tourisme.
Il a un air bizarre avec son costume noir fripé et ses yeux rouges. C’était notre voisin de chambre. On avait remarqué son comportement hier soir. Bouteille ou kif ? Son discours, intéressant est un peu incohérent. A la fin du petit déjeuner il nous invite chez lui voir sa femme « madame Thatcher ». Madame Thatcher est en tablier, gants de vaisselle à la main, elle nous installe dans le salon de réception très vaste bordé de canapés aux coussins blancs avec de jolies petites tables octogonales en cèdre tourné. Nous lui demandons conseil pour une excursion à partir de Midelt.
Aouli est accessible avec une voiture ordinaire, le cirque de Jaffar, trop loin, seulement avec un 4×4. Nous parlons de tapis et de kilim, je lui demande des prix, elle ne donne pas de chiffre mais conseille de diviser par deux l’offre du marchand et de faire mine de partir.
Son mari fait du thé à la menthe il revient habillé de frais. Nous pensons que madame Thatcher, Milouda, l’a viré, vu son état lamentable, il a dormi à l’hôtel tout habillé. Notre visite a été bienvenue pour éviter des remontrances. Nous nous quittons avec la promesse de se revoir lorsqu’on repassera par Midelt au retour.
Nous avons deux heures de retard sur l’horaire prévu mais cela a été l’occasion de boire le thé dans une belle maison marocaine et d’échanger quelques idées.
Les mines de Mibladen

La petite route d’Aouli est goudronnée, elle traverse d’abord le plateau caillouteux, nous traversons une bourgade minière Mibladen habitée mais en sommeil. Le sol est crevé par l’exploitation minière et les déblais forment des cônes de gravats. Dans les gorges coule la rivière Moulouya tumultueuse, belles eaux verte et vif courant .Et pourtant la fonte des neiges est peu importante. Il n’a pas neigé cet hiver à Midelt, cette année, les cigognes sont arrivées avec plus d’un mois d’avance. On imagine la force de l’oued en crue en regardant le profond canyon qu’il a creusé.

Des installations tombées en désuétude enjambent le lit du torrent, restes de centrale électrique, aqueducs en ciment ruiné, pylônes électrique inutiles …Ce matin, notre hôte nous a expliqué que les mines de plomb d’Aouli ont été exploitées depuis 1942, le plomb a servi pendant la première Guerre Mondiale. Ceci corrobore mes lectures. Edith Wharton racontait que Lyautey au lieu d’envoyer des supplétifs dans les tranchées avait préféré favoriser le développement économique du Protectorat. Certainement le plomb d’Aouli a servi l’effort de guerre mieux que des effectifs de soldats. .Depuis 50 ans Aouli est devenue une ville fantôme. Pennaroya qui l’exploitait l’a abandonnée à l’Indépendance.

Le quartier européen est construit de petits immeubles à balcons et terrasses, volets verts d’un côté de l’oued. En face une immense bâtisse rouge adossée à la falaise. Plus loin, un quartier ouvrier de maisons de pierres sèches accrochées fait corps avec la montagne. Les figuiers, défeuillés actuellement, prospèrent encore. Sur le bord de l’eau peupliers lauriers roses et tamaris. L’endroit quoi qu’isolé devait être agréable avec cette eau et cette verdure.

Nous faisons demi-tour avant d’arriver au chantier, la piste devient de plus en plus mauvaise. Sur le retour nous rencontrons un troupeau qui nous barre la route. Les petites chèvres basses grises sont très belles.

Nous dépassons une vieille toute courbée qui marchait derrière son âne. Je lui propose 5dirhams pour prendre une photo. Elle accepte, mais pas avec l’âne. Elle se redresse bien droite sur son bâton. J’avais imaginé la photo autrement : à l’arrière plan, les neiges de l’Ayachi, l’âne et elle cheminant sur la crête se détachant sur le ciel bleu. C’est l’image, debout, fière, qu’elle veut bien me donner. J’espère qu’on verra ses rides et tatouages, je n’ai pas osé faire sortir le téléobjectif.
La route de Midelt à Errachidia
La route de Midelt vers Errachidia contourne la montagne jusqu’à un col à 1900 m. Au col, nous retrouvons une « forêt », de malheureux thuyas très vieux, à moitié desséchés puis plus haut des pins plantés récemment . En descendant vers le sud, le paysage est plutôt monotone. Les neiges éternelles ont disparu, les barres violacées sont frangées de cônes d’éboulis ocre. Les collines de piémont plus beiges sont soulignées par de petits bancs de pierre. De temps en temps, un village avec des vergers d’arbres fruitiers rompt la monotonie. En février, ils ont une allure hivernale, des cerisiers ou des pommiers ou des pruniers ?
Sources thermales

Nous trouvons l’oued Ziz vers Rich dans une large plaine peu intéressante, les premiers ksour apparaissent, villages de terre. Nous cherchons deux sources thermales : l’une pour les reins, l’autre d’eau chaude pour les rhumatismes où on peut se baigner (le maillot est prêt dans le sac). La première est charmante : piscines d’eau claire sous de beaux palmiers. Dans un bassin, on voit des bulles de gaz. Le gardien élève dans l’autre des poissons dont il est très fier. Il nous fait la visite très aimablement. Il vend des bidons aux curistes et tient une petite cafétéria. Nous déjeunons près du bassin aux poissons. Discret, il ne nous dérange pas pendant le repas, présent tout de même il fait mine de nourrir les poissons et viendra fumer une cigarette en notre compagnie à la fin du repas. C’est vraiment un pique-nique agréable.
La deuxième source, « station thermale » est très décevante. Parking payant couvert, mosquée, deux établissements miteux en ciment beige précédés de guitounes où l’on vend des slips, du shampooing, du savon. C’est pouilleux, misérable, je n’ai pas envie d’aller dans ces pauvres bâtiments.
Gorges du Ziz
Nous passons le fameux tunnel du Légionnaire à l’entrée des gorges du Ziz. Nous ratons une belle photo par la faute des gamins venus vendre des dromadaires en paille tressée qui nous mettent en fuite. Les gorges du Ziz forment un canyon entaillé dans une falaise brun rouge avec une stratification de bancs horizontaux. C’est la patine qui est rouge, le calcaire, lui même est gris. Le fond de la vallée est occupé par une belle palmeraie. L’eau du Ziz est transparente, verte avec le reflet des palmiers. Les graviers dans son lit sont gris.
Je passe une bonne heure à écrire et à dessiner. Un jeune homme s’est assis près de nous, fait une tentative, mais se décourage et finalement chantonne ou psalmodie des prières, il est ensuite rejoint par des copains qui nous laissent bien tranquilles. Avec les adultes on arrive bien à faire comprendre qu’on a envie d’être au calme. La plaie, ce sont les enfants qui ne se lassent jamais.
Après le grand canyon, nous arrivons au barrage sur le Ziz : beau lac turquoise avec des îlots. La route le surplombe de loin.
Errachidia
D’après tous nos interlocuteurs, Errachidia n’offre aucun intérêt. Nous sommes plutôt agréablement surprises par les efforts d’urbanisme, les différents quartiers sont enceints de murs avec des tours carrées imitant les ksours traditionnels de terre décorés de motifs berbères. Les entrées de la ville monumentales rappellent celles de Ouarzazate . La ville, elle-même, est invisible derrière toutes ces murailles qui cachent des quartiers d’habitation des bâtiments officiels ou des casernes. Pas de trace d’hôtel. Nous continuons la route de Ouarzazate et sommes prises en chasse par un 4×4 qui nous double et s’arrête, peut être des rabatteurs d’un hôtel de luxe ?
Hôtel Mezki
L’hôtel Mezki -recommandé par Lonely Planet- n’est pas cher, mais froid, sans chauffage ni eau chaude, couloirs sinistres, chambre immense et triste. Nous cherchons ailleurs, bredouille.entre temps, On nous annonce qu’il n’y aura pas de petit déjeuner pour cause d’Aïd et pas de dîner non plus. Nous parlementons, finalement nous aurons des brochettes et des frites, le tout pour 250 DH.
Je te souhaite de très belles fêtes de fin d’année, ainsi qu’à ceux qui te sont chers!
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