CYCLADES

Kerameikos
De l’Hôtel Economy, la rue Sophokleous arrive directement dans la grande avenue qui vient du Pirée et qui passe devant l’usine à Gaz transformée en zone culturelle que je ne visiterai pas encore cette fois-ci, malgré mon envie.
Feu d’artifice de coquelicots. Leurs pétales sont rouge intense ; A l’intérieur de la corolle une croix noire brillante est dessinée. Un énorme bourdon les survole vrombissant comme un hélicoptère, soulevant les pétales ; lorsqu’il se pose sur le stigmate toute la fleur bascule sous son poids.
J’avais un souvenir émerveillé de ce cimetière antique verdoyant de part et d’autre de l’Eridanos, nous avions rencontré une tortue ; nous avons photographié à plusieurs reprises Charon ans sa barque et les vieillards, le chien Molosse, le taureau qui surplombe la voie des tombes. Je me souviens bien des stèles que nous visitons comme de très vieilles amies.

Le site est beaucoup plus organisé qu’à notre dernier passage. Des cordelettes définissent des parcours et interdisent l’approche des vieilles pierres. Une escouade de surveillantes, armées de sifflets, font lever les imprudentes qui auraient pris pour siège les fondations d’un monument. Le guide vert est resté à l’hôtel ; je me fie uniquement aux panneaux émaillés qui comportent invariablement un plan du Kerameikos et de ses environs procurant ainsi une représentation globale du site. Ce que je prenais pour un cimetière est plutôt un carrefour routier. Ceci n’est pas incompatible : on a souvent enterré les gens sur les bords des routes et à l’entrée des villes ; je l’avais remarqué à Rome ou en Corse.
Il faut alors imaginer le Dipylon comme la porte monumentale d’Athènes et les routes y arrivant. La route d’Eleusis, Voie sacrée, était parcourue par les processions allant aux mystères. Sur le bord de la Voie sacrée se trouve un vieil autel et à la fourchette de la voie sacrée et de la voie des tombeaux le Triptopatrion où les Athéniens invoquaient des divinités familiaires. La Route du Pirée courait le long des Longs Murs de Thémistocle (478) construits à la hâte : il en subsiste un petit tronçon en bon état, bâti en appareil polygonal avec de très gros blocs parfois des tombes (selon le panneau). Une autre voie conduisait à l’Académie de Platon (1600m). Sur une place, Périclès aurait fait l(oraison funèbre des morts dans la guerre du Péloponnèse. On y voit aussi le monument des Lacédémoniens.

A l’entrée de la ville, une fontaine accueillait les visiteurs assoiffés. A côté, les Romains avaient érigé une statue sur un piédestal de marbre. Proche du Dipylon, le Pompeion où se préparaient les processions funéraires sur le Dimosion Sema (cimetière public) et la procession Panathénienne vers l’Agora et l’Acropole. Le long du Demosion Sema se trouvent les tombes de Périclès, Clisthènes, Thucydide et Lycurgue.
Au lieu d’imaginer les tombes séparément, je vois maintenant les processions s’organiser, les soldats de Thémistocle se préparer à la bataille de Salamine, les philosophes se promener, les voyageurs se rafraîchir. L’endroit perd un peu de son mystère funéraire pour gagner en animation !
Un très joli musée abrite les statues originales, sur place on a mis des copies. Le chien Molosse qui gardait la tombe des Lysimachides Dexilos tué à Corinthe en 394, le taureau de Dionysos de Kollytos, le lion gardien de la Voie sacrée ainsi qu’un sphinx. Ce musée présente aussi de nombreuses céramiques: urnes, pyxides, aussi des pleureuses en terre cuite et des vases classiques de toute beauté.

Quittant le Kerameikos on rejoint la promenade et le métro Thyssio avec son marché aux puces
Un coin calme, triangle de pelouse, porte une stèle. C’est un poème d’Elie Wiesel :
« Passant arrête-toi, ferme les yeux, souviens-toi qu’en ce temps, en ce lieu… »
Partout, en Grèce, ce passé me rattrape, au hasard d’une promenade.


