Metlaoui : le Lezard rouge

CARNET DJERBA ET SUD TUNISIEN

Le Lézard rouge fait halte dans un canyon
Le Lézard rouge fait halte dans un canyon

5h50. Contournement facile de Sfax dans la nuit.

Somptueux lever de soleil derrière nous, des crêtes violettes aux reflets roses orangés, boule incandescente à travers les silhouettes des oliviers.  Les gros bourgs sont endormis. Jolies apparitions de carrioles tirées par des ânes ou de personnages encapuchonnés dans des burnous sur des mobylettes.

Lever de soleil dans les oliveraies
Lever de soleil dans les oliveraies

8h30, les oliveraies s’animent. Des figuiers de Barbarie cachent la voie ferrée.

Gafsa? certaines cultures ont irriguées. Le GPS nous fait contourner la ville, le « périphérique » traverse l’oued, un véritable dépotoire. Gafsa est la capitale du phosphate. Mais où est donc le phosphate ? Certaines usines ont des productions mystérieuses l’une d’elle a une accumulation de balles de fripes.

Montagnes autour de Gafsa au petit matin
Montagnes autour de Gafsa au petit matin

Nous traversons une plaine entre deux chaînes montagneuse couverte de sable et de buissons épineux bas, de temps en temps un arbre solitaire, acacia, se dresse.

Metlaoui

en attendant le départ
en attendant le départ

Arrivée à 9h45 à laGare du Lézard Rouge le train est déjà complet. Des autocars sont garés : Tunisiens, quelques Italiens. On nous dirige vers l’Agence Galila « avez-vous réservé ? » j’y vais au flan : « Djerba-autrement l’a fait pour nous » j’ignore s’ils l’ont fait mais le Lézard Rouge figure sur la feuille de route que je lui tends. On me vend un ticket (25DT), place debout. Dominique refuse, on lui propose une chaise.

Le Lézard Rouge

Première classe
Première classe

Le lézard rouge est le petit train du bey qui circule maintenant sur une voie minière. Certains wagons sont luxueux, fauteuils ou banquettes de velours beige, les autres ont des banquettes de bois, comme l’ancien métro Nord-Sud de mon enfance. Chaque wagon possède une plateforme extérieure, deux marchepieds de bois et des grilles ouvragées. Je m’installe dans un coin au dessus du marchepied. Debout mais à l’extérieur !

le convoi entre dans la montagne
le convoi entre dans la montagne

Les nuages gris se déchirent, des plages bleues s’agrandissent, le soleil chauffe.  Les voyageurs assis patientent avec des tasses de café. 10h35, les grilles sont fermées mais un car arrive : combien de passagers vont-ils pouvoir se tasser ? Il en arrive encore malgré les sifflets du chef de gare. Je me cramponne à ma grille. Le convoi s’ébranle, un groupe monte en marche. Le train traverse la ville, siffle abondamment. De ma plateforme, je filme la traversée de la petite ville de Metlaoui, les ordures répandues , le marché aux légumes, le grand tunnel à section carrée du phosphate. Le train longe la plaine, entre dans un tunnel et débouche dans un canyon.

Au débouché du tunnel : canyon
Au débouché du tunnel : canyon

Un torrent coule entre palmiers et roseaux. Les falaises sont impressionnantes. Le lézard rouge s’immobilise, je saute du marche pied pour m’approcher de la rivière. Je ne retrouverai plus ma place à l’extérieur où j’avais froid. Je découvre, bien au chaud, et bien à l’aise le wagon-bar. Au comptoir, on sert du thé dans des tasses de faïence. Sur des strapontins de cuir beige, sous les fenêtre de vieilles dames sont assises – 70 ans en moyenne, coquettes, mises en plis, teinture blonde ou foulard sophistiqué, larges lunettes noires carrées de bonnes marques. Vieilles, mais à la page, l’une d’elle prend des vidéos avec son iphone. Leur conversation est facile à suivre tant elles incorporent de mots en français, je saisis « une vue imprenable », « ruisseau », « palmiers ».

vue de la fenêtre du wagon-bar
vue de la fenêtre du wagon-bar

Deuxième arrêt : le canyon est resserré entre deux murailles très hautes ; Deux rapaces planent, buses ou aigles.

Le 3ème arrêt, dans la mine de phosphate. La motrice part seule faire un tour dans les aiguillages pour revenir de l’autre côté du convoi.

Phosphate
Phosphate

Le retour est beaucoup plus rapide. Puisque je connais le paysage, je m’intéresse au spectacle à l’intérieur du wagon-bar. J’écoute les conversations des dames tunisiennes ; L’une d’elles retrouve une ancienne camarade de lycée, elles s’embrassent et se souviennent des « trois sœurs inséparables » en français dans le texte.

Le wagon-bar
Le wagon-bar

Ici intervient un nouvel acteur : un journaliste de télévision portant une lourde caméra de professionnel Les vieilles dames l’interrogent, une plus jeune minaude cherchant à capter son attention. L’une des dames a travaillé à la télévision et évoque le bon vieux temps d’avant la vidéo. Il y a tellement de français que je comprends presque tout, presque seulement parce qu’inexplicablement tout le monde applaudit. Je capte les noms d’Esebsi et de Merzouki. On passe aux élections. Ma voisine, la quarantaine, lunettes carrées, superposition savante de foulards et de voiles, beige, zébré noir et blanc, marron, sac zébré, étole zébrée sur gilet marron, commence à fredonner, les autres reprennent un hymne patriotique. Tout le wagon chante en chœur. Je filme. Le cameraman aussi. Les dames commentent « 60% des femmes ont voté Esebsi. »  Yosr avait aussi cité ce chiffre. Les chants reprennent. Ma voisne élégante lance des youyous quand le train entre en gare. Dans cette ambiance, personne n’est pressé de descendre à quai.

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

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