CARNET DJERBA ET SUD TUNISIEN

Petit déjeuner chez Patrick
Patrick a cuit le pain du petit déjeuner et déposé deux coupelles mystérieuses en plus du miel, de la confiture de coing et des yaourts. L’une d’elle contient de la halva émiettée, l’autre une pâte couleur terre mouillée, brun foncé grumeleuse d’aspect peu engageant. C’est la bisa, pâte de sésame, lentille, parfumée à ‘anis et au thym. Chaque famille en possède une recette originale et secrète. A la première bouchée le goût de l’anis ressort, mais après une bouchée de pain on sent plus le thym. Le miel de Matmata est épais, coloré et très odorant, on reconnait le romarin. Même dans les chaleurs torrides de l’été, les abeilles trouvent des fleurs de romarin et de sarriette.
Surprise au départ
Nous sommes prêtes pour 8h mais le pare-brise de la voiture est gelé. Pas de raclettes à neige dans le Sud tunisien. On met le chauffage et on attend. Je remarque une curieuse couronne de plexiglas autour du cratère de la cour troglodyte : c’est contre les scorpions attirés la nuit par la lumière qui se laissent tomber dans le patio.
La route vers Toujane
La route de Toujane tourne en épingles à cheveux. Nous roulons vers le soleil levant particulièrement éblouissant ce matin. A l’entrée de la ville un café a installé un mirador pour photographier le village d’en haut : des fumées s’élèvent dans le matin, les terrasses forment une mosaïque blanche, brune et claire.
Toujane
Au village, nous croisons des hommes de tout âge et même des enfants encapuchonnés dans des burnous bruns. Capuche pointue, manches vides pendantes. Nous avons pris pour un manchot le premier que nous avons vu d’autant plus qu’il était bancal et contrefait. Tous ont adopté cette solution pour ne pas se geler les mains. Les kilims tissés à Toujane sont suspendus aux façades malheureusement nous n’avons pas le temps de rendre visite aux tisserands et j’ai peur de me laisser tenter par un kilim rouge aux nombreux motifs qui me fait de l’œil.
La route descend dans la plaine. Elle traverse des cultures maraîchères et des oliveraies irriguées. Nous traversons Metameur et Médenine pour prendre la route de BenGueddache sur le conseil d’un homme que nous avons emmené au marché. Je découvre un peu tard comment programmer Ksar Allouf sur le GPS. Sans notre passager nous n’aurions jamais trouvé le ksar perdu. Les maisons dispersées dans la montagne ont des toits hémicylindriques pittoresques. L’oued a creusé un canyon dans lequel s’engage la route.
Ksar Allouf
»Vous êtes arrivés ! » Clame Madame GPS à une intersection sous une mosquée blanche et un bosquet de palmier. Un homme vient à notre rencontre et indique une piste très raide. Plus haut, elle et cimentée, la voiture grimpe allégrement. Comme un gros nid de guêpes, les loges du ksar s’accumulent sur la crête. Les ksour tunisiens ne ressemblent pas aux châteaux marocains de même nom (comme le tagine à l’œuf tunisien diffère du tagine marocain). Les ksour sont des greniers. . chaque famille possède quatre loges ou gorfas, une pour le grain, une pour l’orge, une pour l’huile et la dernière pour les dattes. Ce ksar a 1300ans et fut abandonné il y a une cinquantaine d’années.
Les loges sont alignées avec le plafond en berceau, des marches d’escalier pour atteindre le niveau haut. Au fond de la cour, il y a une petite mosquée, la maison de l’imam et une huilerie. Dans la mosquée le plafond est décoré de motifs berbères et de versets du Coran. L’huilerie est construite autour d’un pressoir avec une grosse meule de pierre. Un petit dromadaire tournait inlassablement autour du pressoir pour écraser les olives. La pâte était ensuite pressée dans deux petits pressoirs dans des loges latérales. Quand le dromadaire devenait trop grand vers 10ans on l’égorgeait pour en faire un méchoui. Triste destin pour cet animal qui tournait sans jamais voir le jour !

Ksar Joumaa
La toute petite route se faufile dans le canyon passe devant une mosquée minuscule dont le minaret mesure à peine 1m signalé par 4 ampoules cylindriques qui dépassent du toit. Perché sur une colline nous reconnaissons le ksar à ses arches et gorfas. Mais comme y monter ? Nous essayons la piste par derrière qui s’arrête dans les vergers à quelques centaines de mètres. Le guide Géo précise que la piste est carrossable. Nous la trouvons à la sortie du village sur la route principale. Un beau panneau coloré annonce un salon de thé, un restaurant et même des chambres d’hôtes. Le ksar a été refait à neuf, restauré, cimenté, chaulé. De belles jarres et des instruments agricoles ont été artistiquement dispersés près des portes des chambres. Salon de Thé et Restaurant sont fermés. Le tout est en parfait état mais le ksar a perdu son authenticité et son charme.
La route de Ghomrassen
Par la grande route et Medenine, 41km, en suivant une flèche 31km seulement. Tout se passe bien, la petite route conduit à un village, puis le goudron disparaît. On interpelle des villageois. Le pouce en l’air indique que c’est la bonne route. Le GPS est d’accord. Nous suivons une grande piste bien tracée, bien lisse ; Des travaux d’adduction d’eau se font le long de la piste : une tranchée, des rouleaux de tuyaux noirs. Tout va bien tant que le sous sol est argileux, la piste est jaune, lisse, bien douce. Dès que le substrat devient rocheux, la petite voiture doit éviter les rochers qui affleurent
Une fourchette nous plonge dans l’incertitude. Le GPS semble nous indiquer de continuer tout droit puis il se bloque, la piste se divise, se ramifie pour disparaitre dans les broussailles. Où sommes-nous ? Pourquoi le GPS est-il inerte ? La solution est la même pour tous les appareils électroniques : débrancher et laisser la machine se réinitialiser. Le triangle figurant la voiture est au milieu de nulle part. Retour à la fourche, on prend la piste de gauche, tout s’arrange, le GPS est content, le dessin de la « route » est repérable sur l’écran. Il reste 7km de piste sans aucune garantie de carrossabilité. Après une bonne demi-heure les maisons de Ghomrassen sont en vue. Mais il commence à pleuvoir. Pour refroidir la voiture et pour se donner du courage, on pique-nique d’un œuf dur, yaourt et une vache qui rit, chips et dattes.
Il pleut à verse quand nous traversons Ghomrassen. La citadelle Kalaa est introuvable, le mausolée SidiArfa inaccessible en voiture. Sous l’averse nous n’avons guère le goût au tourisme aquatique. La falaise est trouée de grotte comme un gruyère. L’urbanisation récente masque els structures anciennes. Partout on construit de grandes villas en ciment de plusieurs étages.
On renonce à visiter Guernassa sous la pluie.




j’aime particulièrement cette architecture très très dépouillée où la main de l’homme se fait sentir
J’aimeJ’aime