CARNET OUZBEK
Le Palais Nurrulaboy (1912)

Situé à l’extérieur de la ville close, il faut construit par l’émir Isfandiar Khan, l’avant dernier khan de Khiva qui régnait en son palais mais dont la résidence entourée de jardins était hors les murs. Isfandiar Khan souhaitait acquérir le terrain d’un riche commerçant qui y était très attaché et ne voulait pas s’en séparer. IL finit par céder à condition que le palais portât son nom.
Palais début 20ème siècle. Importés de Russie (les khans étaient soumis aux Tsars et leurs payaient tribut) les beaux poêles en faïence qui chauffaient deux pièces mitoyennes, les doubles vitrages et le confort moderne.
La décoration fastueuse mélange les stucs colorés russes, les entrelacs et plafonds à caissons orientaux, et même les motifs végétaux Art Nouveau. La salle de réception est immense avec une salle du trône. Une pièce octogonale, revêtue de miroirs permettait d’examiner les visiteurs sous tous les angles. Une autre interprétation est que le paradis ayant huit portes, l’émir s’en rapprochait ainsi. On visite une bibliothèque et la chambre à coucher.
Place Régistan

Toutes les villes ouzbèkes possèdent leur place Registan, place principale où se déroulaient les évènements importants, le Bazar, des concerts mais aussi des exécutions capitales : on pouvait précipiter le condamné du haut du minaret, l’empaler, l’enterrer vivant la tête en bas, ou le lapider ; On réservait aux femmes un autre châtiment : on les enfermait dans un sac en compagnie de chats qu’on rendait furieux en les fouettant ; ils griffaient et mordaient jusqu’à ce que mort s’en suive.
Dans un coin du Registan se trouvait le Zindan, prison où le condamné restait jusqu’à son exécution. En 1717 on exécuta 3000 soldats russes et le Prince Berkovich-Cherkasskiy.
Kounia Ark

Le Palais de l’Emir s’ouvre sur la Place Registan. A partir du 17ème siècle Khiva devient capitale du Khorezm à la place de Kounia Ourguentch (actuellement au Turkménistan) époque où fut creusé le canal de Khiva.
A l’intérieur de la citadelle, les archéologues ont mené des fouilles, abandonnées, elles ont été recouvertes d’un parquet de bois et d’une estrade où se déroulent des spectacles et des fêtes. Dans la cour du Palais se trouve un puits. Le puits est l’attribut de Khiva, la nappe phréatique étant très proche. Une légende prétend que l’un des fils de Noé avait creusé un puits sur l’emplacement de Khiva et avait trouvé l’eau bonne (maintenant elle est légèrement saumâtre). Devant une plateforme circulaire Nessim nous pose une devinette :
- « savez-vous à qui elle sert ? Aucun touriste n’a jamais trouvé»
Il s’agit de la base ronde pour monter une yourte. Le Palais est inchauffable en hiver, surtout l’Iwan . Le mot Iwan serait à rapprocher du français auvent. Il est plus facile de chauffer la yourte pour y recevoir ambassadeurs, commerçants ou autres visiteurs.

L’Iwan se trouve en avant de la salle du trône. Il était percé de trois portes de taille croissante. La porte la plus petite était celle du peuple, la moyenne celle des riches commerçants tandis que les ambassadeurs empruntaient la plus grande. Le Khan était donc averti de l’importance du visiteur. Les Iwans, salons extérieurs ou terrasses soutenues par des colonnes de bois sont tous orientés au nord pour que le vent venant de Sibérie rafraîchisse l’air. Les majoliques sont de toute beauté avec des motifs floraux délicats et très naturalistes. Les bases des colonnes sont en marbre. Les colonnes merveilleusement ciselées soutiennent un plafond rouge et orange, teintes chaudes.

Par un escalier je parviens à la terrasse avec vue sur les coupoles et les terrasses de Khiva. A la montée j’ai peiné dans les marches hautes et tellement étroites que j’ai passé toute l’ascension à redouter la descente.
La mosquée est double, la mosquée d’été est aménagée en plein air sous l’Iwan, carrelée de bleu, le mirhab et le minbar sont revêtus de majolique. Dans la Mosquée d’Hiver il y a une exposition consacrée aux savants : Ouloug Beg, Ibn Sina, Al Biruni,El Khorazmi
Un petit musée historique est installé dans la Madrasa Rakhim Khan présentant les derniers émirs de Khiva. Mohamed Rakhim II (1864-1910) fut le plus brillant (Nassim le compare à Louis XIV). Il développa le khanat de Khiva avec son Vizir Islam Khodja. Ses successeurs furent moins brillants, Isfandiar Khan, ivrogne et homme à femmes fut une marionnette dans les mains d’Islam Khodja dont il était le gendre.
Palais Tash Hovli (1831-1841)

L’émir régnant alors émit le souhait d’avoir un palais d’été. Pour plus de fraîcheur l’architecte imagina de faire des murs très épais garnis de pierre (tash). C’est un palais immense avec sa salle d’audience extérieure dont l’auvent est soutenu par une colonne unique, l’emplacement pour la yourte. Un labyrinthe de couloir mène à des salles de travail. Après nous y être perdues nous débouchons dans une cour avec la plateforme pour la yourte, l’auvent. Etrangement Nessim qui devait nous y attendre n’est pas là, et la marchandise a changé : des écharpes de mohair à la place des foulards en soie. Le palais est double, il y a deux patios identiques !
Harem
Proche du palais, la harem s’organise autour d’une cour où se font face deux corps d’habitation. Cinq terrasses dont une légèrement rehaussée, logent l’émir et ses quatre femmes légitimes. En face, les concubines, belles femmes de toute origine n’ayant aucun droit dont les enfants n’étaient pas reconnus ; en hiver elles occupaient le rez de chaussée tandis que l’été elles se tenaient dans les galeries ouvertes de l’étage.
La décoration de majolique bleue est délicate et les motifs exquis. Entre les briques beiges, Nessim nous montre le « papillon zoroastrien » symbolisant les préceptes « bonne parole – bonne pensée – bonne action » dont le motif a plu aux musulmans qui l’ont utilisé largement dans la décoration un peu partout.

A côté du puits, un vieil homme à barbe blanche et turban fait tout un discours à un groupe de touristes anglophones ravis de la photographier. Que raconte-t-il, imprécations ? poèmes ? prêche ?
Je filme, il nous remercie et fait signe en traçant 80 sur la brique qu’il a 80 ans.
Au restaurant : pâtes à l’aneth
Midi, la mère de M (notre hôtelier que nous avons surnommé Manuel Valls à cause d’une vague ressemblance) tient un restaurant qui a une terrasse très bien placée à un carrefour au bas du minaret inachevé. Je commande des pâtes à l’aneth – spécialité du khorezme) comme on attend un long moment (sans doute qu’elle les cuise) j’essaie un croquis. Difficile, la basse du minaret est si massive qu’elle écrase monuments et coupoles. Les pâtes sont vertes, faites-maison, rubans cours de 2ou3cm de long, 3mm d’épaisseur, servies avec une sauce tomate, des carottes et des cubes de bœuf. C’est excellent. Pour boisson, du thé vert servi dans la théière de porcelaine bleue à fleurs blanches, filetée de doré. Thé en grande feuille. J’en consommerai des litres pendant mon séjour.
Après avoir passé les heures chaudes (plus de 35°) sur la banquette de la cour de l’hôtel, je pars pour une dernière promenade dans Khiva. J’emprunte la double porte proche de l’hôtel, plutôt arc de triomphe qui me mène sur une esplanade ensoleillée bordée par l’Académie Mamoun en souvenir d’Al Khorezmi. Je traverse un petit canal et gagne les remparts et la porte nord. Les quartiers d’habitations sont construits de maisons modestes basses. Dans les rues tranquilles et poussiéreuses les enfants arrosent consciencieusement le sol. C’est très propre, il n’y a pas un papier, pas un mégot. Les enfants m’appellent, ils jouent tranquillement dans ces ruelles sans voitures. Une bande de filles jacasse en surveillant un bébé, un groupe de garçons parade. Plus loin des femmes sont réunies sur une banquette devant leur logis.
Je passe au pied du minaret annelé de la Mosquée du Vendredi, devine les colonnes de la galerie. Juste derrière se trouvent les tombes de briques qui jouxtent le mausolée Palhavan Mahmoud avec sa coupole vernissée. Les petites feuilles de deux ormes semblent s’ouvrir d’heure en heure. Je dessine tranquillement les coupoles, les arrondis des tombeaux en ogive. Avant de rentrer je pousse jusqu’à la très décorée medersa Islam Khodja carrelée de bleu et son minaret géant aux anneaux multicolores dernier phare des caravaniers construit au début du 20ème siècle, peu avant que les camions ne détrônent les chameaux.