Boukhara : une journée libre, synagogue, tapis, cigognes…..

CARNET OUZBEK

trictrac sur les tapis
trictrac sur les tapis

La perspective de ne rien avoir à visiter de précis m’enchante. Flâner, ne prendre ni photos ni notes, regarder les étals des marchands, retourner sur des sites visités avec le guide. J’adore ces révisions qui me permettent de retrouver des lieux, me les « approprier », les contempler à loisir plutôt que d’accumuler des connaissances éphémères.

Synagogue

Juif boukhariote peint par Benkov
Juif boukhariote peint par Benkov

La plupart des Juifs Boukhariotes ont quitté le quartier Juif en 1991, pour Israël ou ailleurs. Les ruelles sont très tranquilles : un caniveau central court, fine rigole de 5 cm dans le ciment, dans cette ville où il pleut si peu. Les gens du quartier nous guident vers la synagogue : une porte en fer, une cour. Sous un auvent deux hommes jouent au chech- bech . Une homme sans âge portant kipa parle hébreu. Il m’introduit dans la synagogue toute simple , bois laqué crème, velours sans ostentation.

  • « Reste-t-il des Juifs ici? »
  • « assez pour un minyan! »

Au moins dix hommes, l’office est célébré mais la Communauté est mince ! L’homme essaie de me vendre des CD. Nous partons, oubliant la donation qu’il réclame dans la rue à grands cris ! J’aurais dû laisser quelque chose.

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merci à l’auteur :http://international-photographer.com/fr/roadtrips/ouzbekistan-2010/jour-4.htm

 

 

Khanaka Nadir Divan-Beghi

Le khanaka est ouvert à la visite. Le grand espace vide où tournaient les derviches, est maintenant bien encombré par les vitrines d’une exposition hétéroclite de vaisselles, décors de maisons, photos et une maquette de la vieille ville. Nous nous attardons devant les photos anciennes : ‘une d’elle montre la place Reghistan grouillant de marchands et d’acheteurs si différente de l’esplanade vide que nous avons visité hier.

Mosquée Magori Attori – Musée de tapis

Dans la pénombre de la petite mosquée, les tapis sont déroulés, suspendus. De petites étiquettes renseignent de  la provenance ou de l’époque (19ème – 20ème siècle). Je suis déçue par la qualité. Les tapis du Grand Père sont plus beaux.

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avec la permission de l’auteur :http://international-photographer.com/fr/roadtrips/ouzbekistan-2010/jour-4.htm

 

De  la coupole du bazar des fourreurs,  après  le hammam 16ème siècle ouvert aux touristes, une rue moderne est bordée de grandes boutiques modernes de marchands de tapis, aux commodités occidentales (ordinateur et Carte Bleue). J’annonce d’entrée que je ne vais rien acheter que je possède des tapis persans et que je viens « pour le plaisir des yeux » . Le marchand est plutôt intéressé « voulez-vous les vendre ? ». Devant ma dénégation, il conclut « les tapis iraniens du 19ème siècle, il ne faut pas les vendre, il faut les garder pour les générations futures. « .

Plus loin, un bâtiment ancien (caravansérail ? mosquée ? ou marché ?) est entièrement consacré aux tapis anciens et aux susanis . Ici aussi, les vendeurs sont très amicaux et pas insistants. Je peux filmer à ma guise, traîner, comparer. Evidemment il n’y a aucun prix, ni indication de la provenance. Je demande si les tapis rouge au motif « boukhara » s’appellent ici aussi Boukhara, oui !

Berceau ouzbek avec l'emplacement du petit pot
Berceau ouzbek avec l’emplacement du petit pot

La rue conduit au Toki marché) Zargaron (des bijoutiers) où nous avons acheté des épices et où Nassim nous a expliqué les « canalisations du pipi » des bébés : on attache le bébé dans un berceau en bois décoré de nombreux anneaux rouges. Le berceau est mobile, on peut bercer facilement l’enfant. Sur le plancher du berceau, il y a une ouverture ronde de la taille du petit pot ; un tuyau en bois comme une petite flûte, garni d’un tuyau pour els petits garçons, d’une fente allongé pour les filles. Le pipi s’écoule dans le pot ; Le bébé n’a pas besoin de Pampers. La condition est que le bébé reste bien tranquille. Cette pratique qui me paraît médiévale est encore en activité. Je demande à Nassim : « on t’a mis ça ? » – « oui et mes fils aussi ! » répond-il.

Décor madrasa Oloug Beg
Décor madrasa Oloug Beg

Nous arrivons donc sur la petite place entre les deux madrasas d’Oulough beg et d’Abdul Aziz Khan. J’évite le piège des marchande d’Oulough Beg. Je n’ai pas les moyens d’acheter le grand sosani. Dans la Madrasa d’Abdul Aziz Khan on trouve toutes sortes de marchandises du magnet à la miniature, du T-shirt au tapis. Toutes les marchandes sont sorties devant la madrasa et poussent de grands cris « Les cigognes ! ». Un vol tournoie autour de la madrasa (Une bonne soixantaine, de retour de la migration. Elles ne se poseront pas sur le nid au sommet du minaret, leur apparition a été éphémère ; Depuis qu’on a vidé la plupart des bassins dans les années 30 à al suite de l’épidémie de bilharziose elles ont déserté Boukhara. Les cigognes nous ont porté chance.

les cigognes planent au dessus de la madrasa d'Ouloug Beg
les cigognes planent au dessus de la madrasa d’Ouloug Beg

Juste après, j’ai trouvé la veste brodée de mes rêves à ma taille. La coupe est ajustée. Il me faut une petite taille à cause de la carrure d’épaules, mais il faut aussi que cela ferme devant. J’en essaie plusieurs avant de trouver la bonne.  On marchande un peu. Devant le bassin, le marchand en demandait 60€, ici 55€.

  • « c’est trop pour ma bourse ! »
  • « combien voulez vous en donner ?
  • -« 40 ! »

Ils sont très contents (trop peut être, on aurait dû demander 30). C’était le prix que nous nous étions fixé.

les marchandes devant la madrasa
les marchandes devant la madrasa

Nous essayons de suivre une promenade du guide Olizane mais personne ne connait. Tous nous envoient à la citadelle Ark. On aurait pu y visiter le Musée Historique fermé mardi. Il est bientôt l’heure de déjeuner. Nous amorçons le retour au jugé par un raccourci derrière le Grand Minaret et aboutissons aux marchands de tapis.

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Sadriddin Aini

 

Non loin du restaurant près du Bassin, se trouve la Madrasa Kokeldasti, peu visitée, peu restaurée. Elle a servi du temps des Russes d’entrepôt pour les engrais chimiques et d’école russe. La cour est occupée par un jardin planté de rosiers et de vignes. Des coquelicots fleurissent, c’est très calme. Dans un coin, la cellule d’un poète, relique d’un petit musée soviétique consacré à Sadriddin Aini.  . Ce poète était révolutionnaire, une photo montre son dos lacéré par le fouet sur ordre de l’émir. La cellule est meublée, tapis et couvertures. Une autre cellule est aménagée en exposition de photos, livres, portraits . Visite en russe par une dame très aimable, je ne saisis que quelques mots. Ce soir les deux français russophones m’expliqueront que ce poète est oublié d’abord parce qu’il était communiste et ensuite parce qu’il écrivait en tadjik et non en ouzbek.

Même menu qu’hier au restaurant du bord du Bassin mais une bonne surprise : on nous apporte la facturette, la « quittance » en russe, c’est beaucoup moins cher que nous l’avions calculé : 27000 soum avec le vin.

Galerie d’art

Benkov
Benkov : caravansérail

Dans un bâtiment du 19ème  de style russe, en brique avec de grandes fenêtres et des cours intérieures, la Galerie présente une exposition temporaire des peintres de la ville, des collections permanentes, et,en bas, des salles hétéroclites. Je suis la seule visiteuse, les gardiens sont nombreux. Une dame m’accompagne, déverrouille la grille et allume parcimonieusement les lampes le long de mon passage.

Un peintre sort du lot : Benkov qui peint les rues colorées de Boukhara autour de 1929, une topnnelle en automne et le portrait d’un juif boukhariote. Kurzin peint également des portraits de Tadjiks. Christov peint els rues de Khiva l’hiver et des paysages de neiges. Il y a aussi des chromos soviétiques de « paysage industriel », « ouverture d’une route » ou « récolte du coton », « transhumance ». j’ai peu de goût pour le réalisme socialiste mais cela renseigne sur la vie d’alors. En revanche une « récolte des pastèques » de Lunev me plait bien.

Défense de photographier ! Mais la dame est gentille, je peux donc mettre dans la boîte le Juif et un caravansérail de Benkov. J’ai eu la belle surprise de lire qu’ Ella Maillart avait vu Benkov peindre le 8 mars au Reghistan  à Samarcande quand les femmes ont brûle la parandja de crin noir. Qu’est devenu ce tableau, symboliquement il m’importe beaucoup, même si je ne l’ai jamais vu.

Les peintres contemporains sont moins intéressants : déconstructions cubistes colorées ou inspirations surréalistes rappelant de Chirico. Je retiens deux noms Razzakov et Avezova.

Au rez de chaussée les expositions passent du coq à l’âne : série de belle photographies en couleur, animaux empaillés poussiéreux, pour finir par un inventaire des productions industrielles : photos d’usines, flacon des diverses qualités de pétrole, portrait du Président Karimov agrémenté de slogans en vert, bleu et blanc, les couleurs de l’Ouzbekistan.

Caravansérail : galerie d'art et de photos
Caravansérail : galerie d’art et de photos

De l’autre côté de la rue, un caravansérail est occupé par deux galeries d’art, ouvertes mamis obscures. Personne n’arrive à ma venue pour allumer la lumière.

Nous passons les heures chaudes sur notre takhtan – banquette aux coussins dorés – Akbar vient me proposer « a cup of tea » avec un accent très britannique. A Boukhara ce n’est pas une tasse mais une théière ventrue bleue en porcelaine aux motifs fleur de coton que je vide petit à petit. Il apporte ensuite un dossier présentant l’Hôtel Hovli Poyon « where the emir used to stay ». J’en traduis rapidement l’essentiel :

Au milieu du 19ème siècle, un jeune Bek – noble – marchand du nom d’Urganchi, construisit pour son usage personnel et sa famille, une grande résidence dans ce qui est actuellement la vieille ville de Boukhara. Pour l’inauguration de la maison, il invita l’émir qui exprima son admiration pour l’architecture originale, le mélange de stuc et bois. Il fait aussi savoir qu’une telle splendeur ne revenait qu’à l’émir. Urganchi compris le message sous-entendu et répondit vivement : « Votre excellence, cette maison n’a pas été construite à ma seule intention ; toute cette beauté est en votre honneur, pour vous seul. » L’émir Akhad Khan fut satisfait, il enleva son manteau, le drapa autour des épaules d’Urganchi avec es insignes, les bijoux et toutes les distinctions et proclama « A partir de maintenant Hovli Poyon doit être considérée comme la Résidence Basse tandis que la citadelle Ark est la Haute résidence »

En 2011, Hovli Poyon fut restauré.

Vers l 18h, la grosse chaleur s’est estompée. Nous partons nous promener dans le quartier Juif suivant les indications du Guide Olizane. Les curiosités signalées dans le guide ont disparu. Partout des chantiers abattent les vieilles ruines, et reconstruisent derrière les murs.

Nous retrouvons notre table autour du bassin, renouvelons les consommations de la veille sauf que je remplace les parfums « aux fruits » bien chimiques et pleins de colorants par vanille et chocolat. Brusquement les grandes eaux, de puissants jets, s’élèvent dans le bassin. Avec le vent, nous sommes éclaboussées. La nuit tombe, le vent se calme mais le miroir qui reflétait hier la Khanaka est brisé, la lune est cachée par les nuages. Nous écourtons la soirée pour retrouver le calme de la cour de Hovli Poyon.

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Une table est dressée sur l’estrade. Le couple de Français russophone est attablé devant des raviolis parsemés d’aneth et d’herbes fraîches. Ils m’invitent à les goûter. Akbar apporte une chaise, une soucoupe et trois raviolis (mantys), excellents. Les deux jeunes travaillent à Moscou et parlent donc très bien le Russe ; Ils se débrouillent seuls sans guide. Leur conversation est très instructives. D’après eux, Boukhara serait une ville takjik, les gens préfèrant parler russe qu’ouzbek. Ils ont été invités à partager le repas d’inconnus chez eux. Privilège de parler Russe : mes 14 leçons du « Russe tout de suite » ne suffisent pas. Nous passons une bonne partie de la soirée à converser, de voyages, de la Russie, des pays de l’ancienne Union soviétique….

 

 

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

5 réflexions sur « Boukhara : une journée libre, synagogue, tapis, cigognes….. »

  1. Toi aussi tu as remarqué ces berceaux, qu’on trouve d’ailleurs aussi dans les pays voisins…
    Pas de synagogue pour moi en Ouzbekistan, mais … en Iran, à Shiraz, et un samedi en plus, mais on a poliment écarté la proposition d’assister à la cérémonie, car une fois démarrée on ne pouvait guère s’en aller, non?

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  2. Et bien pour une journée libre, vous avez été très actives!
    Barbare ces berceaux? Tu plaisantes? Seulement en retard par rapport à nous. En France, après la guerre, les berceaux avaient des matelas en caoutchouc munis d’alvéoles pour recueillir le pipi des bébés. Du coup, les enfants étaient propres beaucoup plus tôt que actuellement car cela n’avait rien d’agréable d’être mouillés..

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    1. @claudialucia : j’aurais dû prendre en photo les petits tuyaux de bois comme des flûtes c’est cela qui m’avait choqué : si le bébé bouge trop je me demande si cela ne lui fait pas mal

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