Agrigente : la vallée des temples (1)

CARNET SICILIEN

Agrigente Vallée des Temples
Agrigente Vallée des Temples

73 km,  itinéraire  pour  Sciacca  par le Cap San Marco, les lidi de Sciacca, et le port. la route SS115 est  un  prodige de travaux publics –  galeries et ponts se succèdent dans un relief escarpé de défilés calcaires et de calanques. Les crêtes déchiquetées se superposent  à l’horizon tandis que les versants raides sont très verts. Dans les creux, à l’abri des paravents, les vergers d’agrumes alternent avec les oliveraies. Le parfum des fleurs d’orangers me transporte. Je ne l’ai pas identifié tout de suite. Cette odeur familière, entêtante, m’a assaillie, me rappelant des souvenirs anciens, profondément enfouis. Dès que j’ai fait la relation entre les vergers et ce parfum j’ai ouvert grand la fenêtre pour le laisser entrer et m’en enivrer. On vend des oranges sur le bord de la route.

Porto Empédocle  monte la garde avec ses cheminées d’usines à rayures rouge et blanches, ses hauts HLM en rangs serrés, sa cimenterie et son port, à l’entrée d’Agrigente. Quelle idée de donner le nom du philosophe à une telle excroissance du XXème siècle ! Nous passons devant la maison de Pirandello – il faudrait que je lise ses pièces.

La Cité des temples est un centre commercial en verre, autre verrue du XXIème siècle cette fois.

Plus loin, le marché propose les poissons de la pêche locale, artichauts et pommes de terre.

Temple de Junon
Temple de Junon

A l’entrée du Temple de Junon le parking est ombragé. Du temps d’Akragas, la ville grecque, l’avait sûrement nommé temple d’Héra en Sicile et en Italie les noms latins paraissent si naturels que je me plie à la coutume locale. Un conférencier d’un groupe d’allemands annonce que les dénominations des temples sont fantaisistes et qu’il eût été plus rigoureux de les nommer avec des lettres comme à Sélinonte. Construit en 450-440 av. JC, il fut incendié par les Carthaginois en 406. Des traces rouges de l’incendie subsistent sur les pierres brunes de la calcarénite locale. Une conférencière anglophone dont le groupe est assis sur l’autel d’Héra décrit les sacrifices. Selon elle, de nombreuses traditions et coutumes viennent de l’Antiquité grecque : la lune de miel serait un mois où on consommerait du miel, les anciens grecs ne lançaient pas du riz mais des céréales avec les grains rouges de grenade, symbole de fertilité,  pour célébrer les mariés…

la muraille d'Akragas et les acanthes
la muraille d’Akragas et les acanthes

Derrière le temple de Junon, un chemin longe la muraille défensive d’Akragas qui suit une crête rocheuse, défense naturelle de la cité longue de 12km, percée de 9 portes et passages secrets. Les amandiers sont déjà chargé de grosses amandes.

A l’époque romaine tardive, les murailles ne furent plus entretenues, des zones artisanales et des nécropoles s installèrent dans les cavités ( Arcosolia).

les togati
les togati

On a installé récemment deux statues de marbre trouvées  non loin de là : les Togati – personnages revêtus de toges,  de l’entourage de l’empereur.

En face du Temple de la Concorde, presque par hasard, en descendant une allée conduisant aux quartiers hellénistiques, je découvre le complexe paléochrétien de la nécropole Casa Pace, installée dans une ancienne carrière de pierre, Latomie Mirabile, les hypogées sont disposés autour d’une placette circulaire fleurie de bleu et de violet avec des acanthes sous les oliviers. Sous mes pas, craquent les coques d’amandes. Un gros caroubier se tient à l’entrée de la placette fermée par une rangée de figuiers de barbarie. Le parfum de la fleur d’oranger semble concentré dans ce cercle mystérieux. Personne ne viendra troubler cette visite romantique, comme une méditation. La Bibliothèque Paléochrétienne dans une belle maison ancienne à étage précédée d’une placette de galets, est fermée ; A l’arrière, les arbres de Judée commencent leur floraison. Dans un grand verger d’olivier, les allées du Cardo, de la Via dei Sepolari ainsi que les cardines sont figurées par des allées. Il faut imaginer à la place des arbres les maisons d’Akragas. Un peu plus loin se trouvent les quartiers hellénistiques.  Des rectangles creusés témoignent de fouilles archéologiques.  Après une longue montée sans avoir trouvé la villa des Mosaïques, je me lasse. Je ne croise qu’une Italienne hystérique qui répète « There is no exit ! » et un couple qui flâne en photographiant les fleurs. Le site est vaste. Dès qu’on s’éloigne des temples les plus fameux, on peut se promener comme en pleine campagne.

Temple de la cncorde
Temple de la cncorde

Le Temple de la Concorde tire son nom d’une inscription trouvée à proximité « Concordiae Argentorum sacrum » . Bâti de 440 à 430, il fut transformé en basilique chrétienne Pierre et Paul, ce qui lui a permis de rester état de conservation exceptionnel. Je pense au Parthénon avant Morosini qu’on tâche de remonter, chantier qui s’éternise. Cette Concorde en calcarénite jaune est difficilement imaginable en blanc comme la petite maquette de la cafétéria, blanche avec des décors bleus et rouges. Des filins métalliques interdisent l’accès au temple. Il y a partout des caméras de surveillance et les environs sont nettoyés, propres, balayés trop civilisés. Sur une  longue allée « via sacra » circulent des bus électriques, des trottinettes et des processions de touristes. Nous étions venues autrefois le matin et revenues au coucher du soleil. Ce n’est sûrement plus permis. Devant le Temple de la Concorde, une grande statue de bronze : Icare tombé (2011) d’Igor Mitoraj. Ses ailes me l’avait fait prendre pour un ange.

Icare tombé
Icare tombé

En face un panneau signale « il ritorno de la Capra Girgentana » chèvre aux cornes imposantes torsadées, verticales, chèvre Markhor falconari, dont on a importé un spécimen d’Afghanistan.

DSCN8495 - Copie
la chèvre d’Agrigente et ses cornes torsadéees
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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

3 réflexions sur « Agrigente : la vallée des temples (1) »

  1. est ce que tu as lu le petit essai de André Suarès Temples grecs maisons des dieux, sur les temples de Sicile ? un livre court qui vaut la peine, je crois que c’est réédité

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    1. @Dominique et Aifelle: merci les filles! en voilà des commentaires fructueux : j’ai été sur Google chercher les tableaux d’Agrigente et j’en rajouterai un dès que je serai sur mon ordi. pour Suarès, je vais chercher j’apprécie beaucoup ses réflexions

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