LITTERATURE LIBANAISE

« Un matin j’ai trouvé sur une chaise une couronne de roses artificielles et une robe de mariée blanche. J’ai poussé des hululements et j’ai couru chez la voisine Emm Fawzi pour lui demander de me cacher dans son armoire, sous son lit, dans sa mansarde[…]
– pauvre petite…On dirait un insecte qui se débat dans une toile d’araignée sans savoir qu’il est trop tard[…]
Je ne sais combien de mains s’y sont prises pour me faire enfiler cette robe blanche. Elle avait beau être de soie fine et douce, je sentais comme des épingles qui me piquaient tout le corps. Je me suis tellement débattue que j’ai réussi à m’échapper pour courir vers le réchaud de kérosène et me barbouiller le visage de suie. Ensuite je me sui jetée sur les casseroles et me suis noircie le cou de la même manière, comme j’avais vu faire ma mère qui venait de perdre son enfant à Nabatieh. J’ai tiré sur ma robe de toute force et me l’ai arrachée. Puis je me suis enroulée dans un sac de jute en poussant des hurlements. Je me suis précipitée vers la fenêtre de la cuisine, mais on m’a tirée vers l’arrière pour m’empêcher de sauter et j’ai dégringolé sur le carrelage. J’ai continué à glapir, sangloter et me frapper le corps jusqu’à ce qu’Ibrahim m’entraîne dans la chambre ou Abou Hussein m’attendait…. »
Le récit des noces de Kamleh m’a rappelé le mariage des Impatientes de Djaïli Amadou Amal que j’ai lu récemment. Kamleh, fiancée sans le savoir à 11 ans, mariée de force à 13, à son beau-frère après le décès de sa sœur, afin d’élever ses neveux, « âne de somme » ne se laissera pas enfermer dans le rôle de la victime. Kamleh est maline et déborde d’énergie. Elle n’a aucun scrupule à voler son mari pour acheter friandises et fleurs pour tenir salon. Elle lui ment effrontément pour aller au cinéma ou rejoindre son amant. Elle a un amoureux, un poète, étudiant, qui l’aime sincèrement. Elle n’éprouve aucun remords à jurer sur le Coran.
Kamleh, intelligente, inventive, une vraie conteuse orientale, est analphabète. Elle charge donc Hanan, sa fille – écrivaine – du récit de sa vie.
« Chaque fois que je publiais un roman ou une nouvelle, elle faisait : « tu paries que mon histoire est plus belle? »
C’est donc l’histoire d’une libanaise chiite, née à Nabatieh, petite campagnarde allant glaner les grains de blé, ramasser mauves et chicorées pour ne pas mourir de faim. Kamleh découvre Beyrouth et la liberté qu’elle gagne de haute lutte entre mensonges et entourloupes. Le cinéma égyptien lui sert d’école. Très jeune elle découvre l’amour. C’est un roman d’amour passionné. Kamleh cumule le rôle de bonne à tout faire chez ses beaux-frères, de vendeuse ambulante, de mère de nombreux enfants. Et elle trouve le temps de tenir salon, d’inviter ses voisines….
Plus tard, elle sera la femme d’un fonctionnaire important. Mais le Liban change avec le temps, révolutions, guerres civiles…
Finalement, elle suivra ses enfants éparpillés entre l’Amérique, Londres, Dubaï.
Je ne vous raconterai pas l’histoire, il faut le lire : chaque chapitre est un conte oriental exotique à découvrir.
A l’occasion, si je le vois à la bibli, mais je ne note plus, suis trop submergée ..
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@aifelle : nous en sommes toutes à ce point! des tentations mais des programmes de lecture qu’on n’arrive pas à tenir. Mais celui ci est un coup de coeur après des lectures libanaises un peu décevantes
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