Convoi pour Samarcande – Gouzel Iakhina

RUSSIE

« Nous n’avons plus de nourriture depuis longtemps, aucune. Nous avons abattu le bétail et la volaille l’automne passé déjà, et aussi attrapé tous les chiens et les chats, les souris et les lézards. Ce que nous mangeons ? Toutes sortes de saletés : de l’herbe trouvée sous la neige, des branches écrasées et bouillies. Des branches de pin, des pommes de pin, de la mousse. Des glands écrasés, bouillis dans sept eaux. Les plus fous mangent même des cailloux, font des soupes de sable. Ils ont essayé de moudre du bois, mais n’ont pas pu le manger. »

j’ai beaucoup aimé Les Enfants de la Volga et Zouleikha ouvre les yeux J’ai dévoré ce livre de 466 pages en trois jours.

 

Kazan 1921 -1922, la famine sévit dans la région de la Volga. Les autorités soviétiques chargent Déiev de former un convoi pour évacuer 500 enfants dans la région de Samarcande où ils trouveront de meilleures conditions

On y rassemblait, de tous les coins proches et lointains de la Tatarie rouge, des enfants que leurs parents ne
voulaient pas ou ne pouvaient pas nourrir ;

Déïev va réunir et aménager des wagons disparates : un wagon de luxe, une église roulante…une équipe formée d’une commissaire intransigeante Blanche, d’un infirmier Zoug, géant à l’âge de la retraite, de six nurses, un jeune cuisinier et un mécanicien. Ils devront conduire les 500 enfants sur près de 3000 km (2200 km à vol d’oiseau) à travers la campagne, la steppe et les déserts. Il faudra ravitailler le convoi aussi bien en nourriture qu’en combustible pour la locomotive. Une épidémie de choléra se déclare. Lutter aussi contre la vermine, le froid. Affronter des bandits dans des régions pas encore pacifiées. 

C’est donc une épopée que Gouzel Iakhina va nous faire vivre. le lecteur sera happée dans les épisodes dramatiques de la recherche de nourriture que Déïev mène, les armes à la main. Il n’hésite pas à user de violence et de chantage auprès des autorités rappelant à ceux qui gardent les entrepôts de grain leurs crimes de guerre. Et par la même occasion, faire part au lecteur de la barbarie de la guerre et ses massacres. Elle oppose la culpabilité de tous et le pardon possible, la rédemption dans le sauvetage de 500 enfants. Ces derniers, enfants des rues ne sont pas innocents pour autant, eux aussi ont volé pour survivre, certains sont drogués, certains ont tant souffert qu’ils en sont devenus fous, ou mutiques. 

Deïev était un homme simple qui aimait les choses simples. Il aimait quand on disait la vérité. Quand le soleil se levait. Quand un enfant inconnu souriait d’un sourire rassasié et insouciant. Quand les femmes chantaient, et les hommes aussi. Il aimait les vieux et les enfants : il aimait les gens. Il aimait se sentir appartenir à quelque chose de grand : l’armée, le pays, toute l’humanité. Il aimait poser la main sur le flanc d’une locomotive et sentir battre le cœur mécanique contre sa peau.

Si le personnage principal est donc le commandant du convoi, tout l’art de l’auteure est de donner épaisseur aux autres personnages adultes et enfants, et même au train qu’elle appelle « la guirlande » ou à la chienne qui sera la nourrice du bébé abandonné par sa mère sur le marchepied du train. Elle nomme les enfants par leurs surnoms qui racontent un peu de leur vie antérieure, de leurs origines ou de leurs particularités physiques.

C’est un récit haletant comme un thriller. Le lecteur se demande à chaque épisode comment Déïev trouvera nourriture, bois ou eau. Dans le désert les rails vont même se perdre….Et que trouveront-ils à Samarcande?

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

3 réflexions sur « Convoi pour Samarcande – Gouzel Iakhina »

Laisser un commentaire