la Trilogie de Fabio Montale – Jean-Claude Izzo

LIRE POUR MARSEILLE

La trilogie est composée de trois romans à lire de préférence dans l’ordre : Total Kheops,(1995),  Chourmo(1996) Solea (1998) que j’avais lus séparément il y a bien longtemps. Une relecture donc, avec beaucoup de bonheur à l’occasion de notre semaine de vacances à Marseille.Pas pris une ride et (malheureusement) toujours actuel…

C’est le meilleur guide touristique que j’ai trouvé pour me promener dans Le Panier, Fabio Montale, le narrateur a passé son enfance aux Goudes où il se réfugie dans le cabanon légué par ses parents, et dans les cités des Quartiers Nord où il exerce comme policier. J’ai donc mis mes pas dans ceux du héros et cela décuple le plaisir de la touriste! 

« La répression du grand banditisme est à Marseille une priorité. La seconde, c’est le maintien de l’ordre dans les
quartiers nord. Les banlieues de l’immigration. Les cités interdites. Ça, c’était mon job. Mais, moi, je n’avais pas
droit aux bavures. »

TOTAL KHEOPS

Fabio Montale est policier. Il a été relégué au maintien de l’ordre dans les quartiers nord. C’est un enfant de Marseille. Fils de l’immigration italienne. Avec ses copains, à l’adolescence, il aurait pu devenir voyou braquer des pharmacies. Une fois, une de leurs expéditions a mal tourné.  Il a fui, s’est engagé, Djibouti, en rentrant, policier. Ses copains ont eu un autre destin. Quand s’ouvre Total Khéops, Manu, l’espingouin, est mort, exécuté. Ugo sous les balles de ses collègues, une bavure? Trois mousquetaires et Loledont ils sont tous les trois amoureux. Fabio va chercher à comprendre ce qui est arrivé à ses amis, ses frères. Et cela tournera à la tragédie…C’est un roman d’amitié, de fidélités, de trahisons accompagné de jazz et de rap marseillais, de poésie aussi. 

CHOURMO

« Le chourmo, en provençal, la chiourme, les rameurs de la galère. À Marseille, les galères, on connaissait bien.
Nul besoin d’avoir tué père et mère pour s’y retrouver, comme il y a deux siècles. Non, aujourd’hui, il suffisait
seulement d’être jeune, immigré ou pas. Le fan-club de Massilia Sound System, le groupe de raggamuffin le
plus déjanté qui soit, avait repris l’expression. Depuis, le chourmo était devenu un groupe de rencontres autant
que de supporters ».

Fabio Montale a donné sa démission après le massacre qui clôt Total Khéops. Il vit dans son cabanon des Goudes, va à la pêche

les Goudes

« Les Goudes. L’avant-dernier petit port avant les calanques. On longe la Corniche, jusqu’à la plage du Roucas-Blanc, puis on continue en suivant la mer. La Vieille-Chapelle. La Pointe-Rouge. La Campagne-Pastrée. La Grotte-Roland. Autant de quartiers comme des villages encore. Puis la Madrague de Montredon. Marseille s’arrête là.[…]Ma maison, c’est un cabanon. Comme presque toutes les maisons ici. Des briques, des planches et quelques tuiles. Le mien était construit sur les rochers, au-dessus de la mer. »

Et nous sommes allées aux Goudes en suivant l’itinéraire indiqué par Izzo et comme nous nous sommes plu nous y sommes retournées…

Sa belle cousine, Gélou débarque un jour, son fils Guitou a disparu. Fabio Montale part à sa recherche. Il a gardé des contacts chez ses anciens collègues. Une autre énigme se greffe, devant ses yeux dans une cité, Serge, un ancien animateur de quartier se fait tuer sous ses yeux. Avec l’aide des gamins du quartiers qui l’ont apprécié quand il exerçait son métier de policier de proximité, il mène une nouvelle enquête. 

SOLEA 

Dernier livre de la trilogie.

Soléa est la  musique jouée par Miles Davis qui accompagnera le   roman. Solea est associé à Lole, partie à Séville.

 « La Solea, m’avait-elle expliqué un soir est la colonne vertébrale du chant flamenco »

Voila pour la tonalité.

Fabio Montale est devenu la cible de la Mafia. Son amie, la journaliste, Babette est partie en Italie pour un reportage sur la Mafia. Explosif! Se sachant menacée elle a choisi de disparaître. Des proches de Fabio Montale sont exécutés dont une jeune femme avec qui il avait ébauché une relation, un ancien copain boxeur…Fabio craint surtout pour Honorine et Fonfon, ses voisins des Goudes qui lui tiennent lieu de famille. 

Paysages urbains, musique et beaucoup cuisine. J’ai souligné avec soin les recettes:

Je m’étais mis à la cuisine tôt le matin, en écoutant de vieux blues de Lightnin’ Hopkins. Après avoir nettoyé le
loup, je l’avais rempli de fenouil, puis l’avais arrosé d’huile d’olive. Je préparai ensuite la sauce des lasagnes. Le reste du fenouil avait cuit à feu doux dans de l’eau salée, avec une pointe de beurre. Dans une poêle bien huilée, j’avais fait revenir de l’oignon émincé, de l’ail et du piment finement haché. Une cuillerée à soupe de vinaigre, puis j’avais ajouté des tomates que j’avais plongées dans l’eau bouillante et coupées en petits cubes. Lorsque l’eau s’était évaporée, j’avais ajouté le fenouil.

Honorine avait une manière incomparable de faire des poivrons farcis. À la roumaine, disait-elle. Elle
remplissait les poivrons d’une farce de riz, de chair à saucisse et d’un peu de viande de bœuf, bien salée et
poivrée, puis elle les déposait dans une cocotte en terre cuite et elle recouvrait d’eau. Elle rajoutait coulis de
tomate, thym, laurier et sarriette. Elle laissait cuire à tout petit feu, sans couvrir. Le goût était merveilleux,
surtout si, au dernier moment, on versait dessus une cuillerée de crème fraîche.

Thriller, guide touristique de Marseille, analyse socio-politique….cuisine méditerranéenne.. quelques aspects de cette trilogie. J’ai oublié la musique, les livres..et la célébration de l’amitié, de la chaleur humaine.

Marseille : Mucem et une découverte René Perrot

CARNET PROVENCAL 

Le Mucem occupe tout un quartier, le fort Saint Jean, la tour du roi René, une église, ces sites historiques en belle pierre de taille sont reliés par des escaliers métalliques, des passerelles, des jardins et des couloirs, longue promenade surprenante.

Je suis entrée par le Fort Saint Jean. Un vigile a fouillé mon sac, puis je me retrouve étonnée, un peu désorientée. Il y a bien peu de signalisation. J’entre par la Cour de la Commande, nom qui rappelle La Commanderie des Hospitaliers de Saint Jean du XIIème siècle sur la route des Croisades. De cette époque il reste aussi une chapelle.

Il faut alors grimper un escalier très raide et très haut correspondant à la Montée des Canons pour arriver à la Place d’Armes. On découvre les Fortifications de Louis XIV et la  Galerie des Officiers. La grosse tour carrée est la Tour du Roi René(1447 -1453) surveillant l’entrée du Port. La Tour du Fanal (1644) est ronde et joue le rôle d’un phare.

Je trouve enfin la billetterie : 11€ utilisable toute la journée, une pastille colorée collée sur ma manche en atteste.

Les jardins

Ghadda Amer la voix des femmes est révolution
jardin des migrations

Ce début de visite est une promenade qui travers le Jardin des migrations planté d’espèces méditerranéennes : thym, myrte, absinthe, romarin. Un massif végétal est une « sculpture » de la plasticienne égyptienne Ghada Amer : c’est une calligraphie en arabe qui détourne un proverbe traditionnel « La voix des femmes est une honte » en « la voix des femmes est révolution », il suffit de ne changer qu’une seule lettre. Les lettres sont en tôle remplie de charbon noir encadrées par des petites touffes de thym.

Place d’armes tour du fanal

Je découvre d’autres jardins au cours de ma déambulation : un jardin de salades sauvages et les « figuiers suspendus » sur une autre terrasse. Le Jardin du vent s’est semé tout seul de graines apportées par le vent. Les mauves ont de véritables troncs comme des arbres.

Le J4

Mucem résille en béton

Une passerelle conduit au J4, le bâtiment carré entouré par sa résille spectaculaire que tout le monde connait avant même d’avoir visité Marseille. J’imaginais la résille métallique, elle est en béton fibré, béton très résistant renforcé par des fibres métalliques et en polypropylène de texture très lisse qui se moule et se monte très facilement. Rudy Riciotti, l’architecte, a utilisé un autre béton pour les colonnes qui soutiennent le J4. Je m’amuse avec les ombres projetées et avec ces fenêtres aux contours de pièces de puzzle qui font un cadre intéressant aux photos. Le restaurant sous plafond ajouré me semble particulièrement agréable. Pour descendre à la base du J4 le parcours est compliqué : escaliers, passerelles, long couloirs aveugles toujours dans un contexte métallique avec des échappées sur le quartier du Panier et la grosse pâtisserie bicolore de la Major qui domine le Mucem. Echappée aussi sur le Port de Commerce avec ses bateaux colorés.

Après cette longue promenade, il me reste à visiter les expositions.

Le Grand Mezzé

le Grand Mezzé

C’est une exposition sur le thème de la « diète méditerranéenne » qui met en scène non seulement ce régime alimentaire particulièrement recommandé pour la santé, mais aussi les cultures méditerranéennes, olive, blé, châtaignes, sucreries. Traditions culinaires mais aussi prescriptions religieuses chrétienne, juives et musulmanes. Des vidéos présentent la cueillette des olives, la pêche, les pains…Toutes sortes d’outils sont exposés. J’ai remarqué un curieux écorçoir pour le décorticage des châtaignes avec des chaussures à pointes. J’ai aimé aussi la vitrine dédiée au mastic de Chios avec la vidéo de la collecte des larmes de mastiha. Très réussie !

Il est possible de faire une visite virtuelle du grand mezzé (clic)

Populaire

Des objets du quotidien sont mis en scène afin de « voir l’humain derrière l’objet ». Chaque objet présenté-là a une histoire, il dialogue aussi avec d’autres objets voisins. Il faudrait disposer de beaucoup de temps pour s’arrêter lire les cartels et avoir la patience de  déchiffrer . On voit aussi bien les objets d’usage courant que des icones, des exvotos, dans le chapitre « soutenir les croyances ».

L’exposition est très bien agencée mais les objets sont terriblement hétéroclites.  On pourrait aussi jouer aux différences/ressemblances…mais il y a trop à voir et je suis pressée. Trop de choses si différentes comme cette roulotte à trois roues qu’un paysan avait oublié dans son champ, roulotte de planches devenue sédentaire qui avait même perdu sa troisième roue…Section des images populaires : enseignes, affiches de cinéma, réclames, street art. Je m’arrête devant le tableau de Jacques Villeglé qui me parle Rue de la Fontaine-au-roi, 1er mai, fête du travail réalisé à partir d ‘affiches lacérées où apparaissent les manifestants du 1er mai. Je retrouve avec plaisir Misstic. >Je m’arrête devant des masques grimaçants siciliens.

Je ne suis pas convaincue par cette exposition et sors en me disant que le contenant (le bâtiment J4) est plus intéressant que le contenu. J’avais eu la même impression à Bilbao.

MON PAUVRE CŒUR EST UN HIBOU exposition de René Perrot est un véritable coup de cœur ! Le Mucem propose également une visite virtuelle Clic

René Perrot : mon pauvre coeur est un hibou

Les tapisseries colorées me plaisent beaucoup. Dans une vidéo René Perrot raconte qu’il a apprivoisé un hibou et son amour des bêtes. C’est un film très tendre. Mais il n’a pas seulement dessiné des animaux. Il s’est intéressé aux hommes, et particulièrement aux hommes au travail et a mené une enquête pour le Musée des Traditions populaires de 1942 dans le Jura jusqu’en 1945 dans d’autres régions. Gravures et dessins en noir et blanc impressionnantes avec la force du trait comme les détails et l’originalité des sujets choisis. J’ai adoré ces paysans raclant les taupinières.

René Perrot : la disparition de l’homme

Un tableau marque une césure : la disparition des Hommes à al suite de la Seconde Guerre mondiale. En-dessous, dans les rouges des bêtes sauvages, monstres, loups, au-dessus dans un rectangle bleu des silhouettes noires  à la limites les croix des tombes…

René perrot : taupinières

Belle découverte que ce plasticien sensible et sympathique.

 

 

la traversée de Marseille : du gîte au Vieux Port

CARNET PROVENCAL

 

Notre gîte, chemin de Rousset dans le XIIIème arrondissement est situé dans les hauteurs de Marseille, dans une campagne qui s’urbanise anarchiquement. De la rue, impossible de deviner qu’en contrebas, sous le canal des eaux de Marseille, de jolies maisons avec piscine et jardins ont été construites derrière des ateliers ou petites usines. Il faut d’abord franchir un portail (digicode) descendre une allée privée, arriver sur une placette, ouvrir un autre portail (télécommande) pour arriver à notre gîte, studio mitoyen de la maison des propriétaires. Il y a une piscine pas franchement de saison. La vue sur Marseille est fantastique. Le studio est tout neuf, « intelligent » pilotable du smartphone de notre hôte, climatisation réversible, même les plaques à induction. Le décor est contemporain, sobre, de bon goût.

Rue de la Bastide Longue

Les magasins sont éloignés d’un bon kilomètre : longer le chemin du Rousset agreste, descendre le chemin de la Longue Bastide toujours calme et campagnard. Il débouche brusquement sur les hauts immeubles, Lidl et Casino, leurs parkings dans un environnement plutôt déshérité. Le contraste est saisissant.

Il faut maintenant s’en remettre au GPS, être très attentives pour ne pas rater une indication. Le trajet continue vers le Vieux Port par des petites rues tranquilles, des quartiers pavillonnaires, des barres et tours mal entretenues, voies rapides, puis un autopont des passerelles suspendues. On se croirait au Caire dans cette circulation hors-sol entre des bâtiments sans grâce. La voie rapide débouche sur une construction géante très bizarre, peinte d’un bleu vif agressif surmonté d’une structure ovoïde: c’est l’Hôtel du Département des Bouches du Rhône de William Alsop j’imagine un bateau, voilier géant ou paquebot.

Mucem J4

A nouveau le GPS nous conduit dans un labyrinthe de rues étroites, avenues haussmanniennes, front de mer contemporain à la Joliette. Arrivées sur les quais, attention à ne pas s’engager dans le tunnel ! Un peu plus loin un ferry rouge de Corsica Ferries appareille vers la  Corse, la Sardaigne ou même l’Algérie ?  je reconnais le bâtiment entouré d’une résille de béton : c’est bien le Mucem. Inaccessible, bordé d’une voie rapide. Il existe bien un parking souterrain, mais pas sympa pour Dominique qui compte rester dans la voiture. Par chance elle trouve une place Rue Saint Jean juste au débouché sur le Vieux Port.

Ô vous Frères Humains – Albert Cohen

Chana Orloff : Didi marin

Marseille, 1905,

« Non, il s’agit d’un souvenir d’enfance juive, il s’agit du jour où j’eus dix ans. Antisémites, préparez-vous à
savourer le malheur d’un petit enfant, vous qui mourrez bientôt et que votre agonie si proche n’empêche pas de
haïr. O rictus faussement souriants de mes juives douleurs. O tristesse de cet homme dans la glace que je regarde. » 

Ce court livre (225 p)donne la parole à cet enfant de 10 ans, percuté par l’antisémitisme alors qu’il aller fêter son anniversaire.

c’est pas ton pays ici, tu as rien à faire chez nous, allez, file, débarrasse voir un peu le plancher, va un peu voir à
Jérusalem si j’y suis.

Amoureux de la France, cocardier, vouant un véritable culte patriotique avec un « autel à la France » le rejet du camelot le touche infiniment. 

Albert Cohen, dans sa vieillesse se souvient de l’errance de l’enfant dans Marseille et tout le livre se déroule en une journée, la « journée du camelot » qui déambule au lieu de rentrer chez lui

Mon héréditaire errance avait commencé. J’étais devenu un juif et j’allais, un sourire léger et quelque peu hagard aux lèvres tremblantes.

Soudain, j’aperçus un Mort aux juifs à la craie sur le mur. Je frissonnai et je m’enfuis. Mais au tournant de la rue, un autre Mort aux juifs.

Un long monologue, une déambulation, Albert Cohen 70 ans plus tard écrit un texte tendre, tragique, mais ne désespère pas. Il n’appelle pas à la vengeance mais à l’intrinsèque bonté qu’il veut trouver dans les humains,

« Dites, vous, antisémites, haïsseurs que j’ose soudain appeler frères humains, fils des bonnes mères et frères en nos mères, frères aussi en la commune mort, frères qui connaîtrez l’angoisse des heures de mort, pauvres frères en la mort, mes frères par la pitié et la tendresse de pitié, dites, antisémites, mes frères, êtes-vous vraiment heureux de haïr et fiers d’être méchants ? Et est-ce là vraiment le but que vous avez assigné à votre pauvre courte vie »

Si vous avez aimé Le livre de ma mère il est de la même veine!

Sur la route du Midi : la nationale 7 – étape à Orgon : Urgonia

CARNET PROVENCAL

Orgon – village et château

La Nationale 7

Pourquoi prendre l’autoroute sous la pluie et le vent et ne pas utiliser la Nationale 7 gratuite et regarder le paysage ? C’est raté à la sortie d’Orange, le GPS nous dirige vers l’autoroute et on s’engage dans une file de Télépéage qui ne délivre pas de tickets. Petite angoisse : allons-nous payer comme si on venait de Lyon, quel est le tarif de « ticket perdu » ? Sortie à Courthézon, 4 km plus loin. Impossible de sortir, on presse sur le bouton rouge. La dame est compréhensive « 40 centimes pour Orange, vous pouvez mettre ce que vous voulez la machine rend la monnaie ». Fin de l’aventure !

La Nationale7 n’est pas touristique. Garages et entrepôts alternent avec des vergers en tenue hivernale dont les filets roulés ont une allure de gros serpents. Dans les villages, contrairement aux aires d’autoroutes, il n’y a pas de ravitaillement. Les commerçants ferment à l’heure de midi. Nous avons laissé filer Courthézon à l’écart de la route. Nous tentons notre chance à Bedarrides nous tournons autour d’un collège et dans des quartiers pavillonnaires. Raté pour le pique-nique.

Sorgues est plus animée.  C’est une jolie ville où on se serait arrêté volontiers. Sur les bords de la rivière je devine une boucherie.

La route s’approche d’Avignon. Traversée de zones commerciales infinies. Nous ne retrouvons la Nationale7 qu’après le Parc des Expositions, affublée d’une étrange appellation DN7n . Elle saute la Durance puis la quitte, beaucoup plus tranquille bordée de magnifiques platanes traversant des vergers. La route des vacances ! même le ciel s’éclaircit.

Orgon nous tente pour la pause de midi avec ses maisons provençales, sa jolie église, son château en ruine. A l’entrée du village le rond-point porte une réplique de rudiste (fossile en forme de cône tordu). Cela fait tilt. Bien sûr, Orgon a donné son nom a un faciès bien connu des géologues : l’Urgonien, barre calcaire qui marque le paysage. Des souvenirs remontent. La géologie est célébrée dans les ronds-points ! Un musée au nom d’Urgonia n’ouvrira qu’à 14h. Une petite route monte à la chapelle N.D. de Beauregard dépassant les cimetières puis un bois de pins. Elle grimpe très raide bordée des rochers ruiniformes des Alpilles. A la fin de la route le « sentier de pierre » passe sous un porche pour arriver à une table d’orientation. Le calcaire mouillé par la pluie est très glissant, je ne porte pas les bonnes chaussures, je renonce. Pique-nique panoramique sur le parvis de la chapelle qui mérite son nom de Beauregard face à la Durance qui s’étale dans la plaine et se ramifie en différents bras.

la durance vue de la Chapelle de Beauregard Orgon

Je descends à pied jusqu’au village (1.7 km) pour profiter du paysage. Des petites fleurs bleues (Globularia Alyssum ou globulaire buissonnante) forment de jolies taches bleues. Dans un crEux, un petit lac aux eaux vertes.

 

Le Musée Urgonia

Ammonite – Barrémien – Muséee Urgonia

Entrée gratuite.

Trois sections : Géologie consacrée à l’Urgonien et aux fossiles crétacés de la région, Ornithologie  avec des espèces menacées, Archéologie.

L’Urgonien est daté 39 Millions d’années à la base du Crétacé. L’étage Urgonien, défini par Alcide d’Orbigny en 1850 est représenté par deux faciès : le Barrémien à ammonites (région de Barrêmes et l’Urgonien à rudistes. On abandonnera l’Urgonien en tant qu’étage on lui substituera le Barrémien. L’Urgonien sera défini comme faciès calcaire de type plate-forme de type marin subtropical de faible profondeur.

Les rudistes sont présentés en position de vie semi-enfouis sur le fond marin d’environ 10 m de profondeur. Ils n’ont pas construit de récifs comme les coraux visibles dans les vitrines du musée. On peut aussi découvrir des œufs de dinosaures (Aix-en-Provence).

Le calcaire crayeux urgonien est exploité dans la carrière OMYA.   C’est un calcaire très blanc qui a diverses utilisation : lait en poudre ( !!!!) chewing-gum, médicament, dentifrice dans les peintures, papiers et crépis.

Salle ornithologique :

De nombreux panneaux et photos présentent des espèces menacées : l’Aigle de Bonelli, le vautour percnoptère (1 seul couple subsiste dans les Alpilles, le Circaète Jean Leblanc, le Grand duc, l’Outarde canepetière et le Rollier d’Europe.

Salle archéologique :

Divers objets sont présentés :

Poteries gauloises

Maquette d’un dolmen du Mas des Gavots à Orgon (IIIème millénaire av. J.C.) qui était une tombe collective.

Stèle anthropomorphique.

Je me suis attardée un bon moment, retrouvant des souvenirs anciens d’un stage de la fac à Barrêmes. Les  propriétaires du gîte nous attendent vers 16 h à Marseille. Nous serons en retard et faisons confiance au GPS pour arriver au plus vite. Evidemment par l’autoroute que nous trouvons à Salon-de-Provence. Il fait soleil au- dessus de l’ Etang de Berre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sur la route du Midi – étape à Orange

CARNET PROVENCAL

Orange : Arc de Triomphe

L’Hôtel Ibis budget est juste à la sortie 21 de l’autoroute. Il en est séparé par la petite rivière la Meyne et assez à l’écart pour qu’il ne dérange pas du tout.

Orange est une petite ville (30.000 habitants) qui se visite à pied. L’Office de Tourisme fournit un plan avec deux itinéraires : l’Itinéraire Romain avec l’Arc de Triomphe et le Théâtre antique et l’Itinéraire historique. Comme je ne dispose que de peu de temps avant la tombée de la nuit je me dirige par le Cardo maximus (rue Victor Hugo et avenue de l’ l’Arc de triomphe). Illuminé la nuit, il a belle allure.

Sur le chemin de retour, je passe devant un joli camion-pizza « pizzas provençales » pour prendre le flyer, nous commanderons à l’heure du dîner une pizza Napoli, tout à fait différente de ce qu’on trouve en région parisienne. Garnie de beaucoup de sauce tomate aux herbes de beaucoup de fromage et surtout une décoration de pistou et une pâte aux anchois au bon goût d’ail. Délicieuse !

Grosse pluie du matin n’arrête pas la touriste !

Théâtre antique

L’Arc de Triomphe bâti au 1er siècle sur la Via Agrippa à l‘entrée de la ville d’Arausio fut érigé en l’honneur des victoires romaines sur les Gaulois de Germanicus et/ou de Tibère. Un grand panneau vertical présente un amoncellement d’armes, casques et boucliers et au-dessus des petits passages des trophées maritimes, « les dépouilles navales », proues de navires, gouvernails ..Dans les frises en haut, on devine les combats des Gaulois et des Romains.

Pour rejoindre en  voiture le Théâtre Antique, le GPS nous fait contourner le centre-ville le long de la rivière pour éviter les rues et ruelles étroites. C’est plus long que de couper à pied mais il pleut vraiment très fort. Je découvre l’impressionnant Mur extérieur, mur de scène 103 m de long, 37 m de haut, qui dépasse les maisons provençales colorées de l’autre côté de la rue.

Sous la pluie, je cherche vainement l’entrée du théâtre. Tout est bouclé. Je tourne autour de l’Ancien Forum et le site du temple où l’on rendait le culte à l’Empereur. Il y a pourtant des visiteurs dans le théâtre ! je suis prête à abandonner quand je comprends : il faut traverser la rue et prendre un billet au Musée d’Histoire une hôtesse accompagne le visiteur et ouvre la grille.

Pour 12 €, l’audio-guide est commun au Musée et au Théâtre. On peut aussi faire la visite virtuelle (avec casque, j’ai horreur de cela). Dans le théâtre, il y a même un Escape Game.

Musée

Cyclope : acrotère

Salles romaines : au rez de chaussée. Le cadastre d’Arausio est tracé sur de grande plaques de marbre blanc quadrillé en centuries qui mesurent chacune 750 m de côté. Chaque centurie est annotée avec un code d’attribution : aux colons, aux locaux, rendues aux indigènes. Des statues du théâtre antique et d’autres monuments romains sont présentée autour d’une mosaïque. Des acrotères : masques du Cyclope, d’Hercule et de Bacchus sont très réussis. Il y a aussi une sphinge avec six paires de seins.

Au premier étage, c’est toute l’histoire d’Orange qui nous est contée. Dès Charlemagne, les seigneurs d’Orange ont régné sur la petite principauté enclavée dans le Comtat Venaissin dépendant du Saint Empire. Une curieuse tradition, un concours d’arbalète se déroulait chaque année. Le gagnant qui tirait un oiseau était désigné comme « roi ».

En 1544, Guillaume 1er de Nassau devient prince d’Orange ce qui expliquerait le goût des Néerlandais pour la couleur orange. C’est aussi l’origine d’une grande présence protestante à Orange. Pendant les Guerres de Religion, Orange était une ville huguenote. Louis XIV  en a détruit les fortifications. L’annexation par la France fut reconnue en 1713 par les Traités d’Utrecht.

La Fabrique Wetter

La Fabrique Wetter (1757-1802) contribua à la richesse de la ville. Cette fabrique d’indiennes ou toiles peintes employa en 1765   jusqu’à 496 ouvriers. Elle jouissait d’une renommée internationale. De grands tableaux de Joseph Gabriel Maria Rossetti dépeignent le travail dans la fabrique. Une exposition sur les matériaux de l’industrie textile est présentée dans la salle attenante. Lin, laine, soie et produits tinctoriaux sont présentés dans des vitrines. J’ai le plaisir de voir la boule bleue : la coque de pastel à l’origine du pays de cocagne autour d’Albi.

Frank Brangwyn : dockers

Au 2ème étage deux peintres sont mis à l’honneur : Le peintre britannique Albert de Belleroche (1864-1844) ami de Toulouse-Lautrec, Renoir, Degas. Ses « femmes décoiffées » selon Renoir, ne m’ont pas impressionnée mais j’ai gardé la photo de l’Enterrement de Zola puisque je suis en train de lire Le Docteur Pascal dernier épisode de la série des Rougon-Macquart. En revanche j’ai beaucoup aimé les dessins et gravures de Frank Brangwyn(1867-1956) surtout quand il dessine les hommes au travail, dockers ou halant un bateau. Comme d’autres artistes du mouvement Arts and Crafts, Brangwyn s’est intéressé aux arts décoratifs. De beaux meubles marquetés ainsi que des céramiques de facture épurée accompagnent les tableaux. J’ai aussi remarqué une gravure d’un bateau échoué et une vue en Noir et blanc de Venise m’a plu. J’adore ces découvertes de peintres au hasard de musées de province.

Théâtre antique

Une belle averse a abrégé ma visite. Malgré les cascades qui dévalaient les gradins j’ai réussi à escalader les marches en suivant les flèches « visite panoramique ». en revanche j’ai fort peu actionné l’audioguide sous la pluie. Il y avait quand même une famille téméraire s’essayant à un Escape-Game aquatique. Ce théâtre nous est familier par les retransmissions des Chorégies d’Orange à la télévision. Je me promets d’être attentive l’été prochain. Je suis surprise par les dimensions. Ce théâtre n’a pas arrêté d’être utilisé pendant des siècles !

Sur la route du Midi , une étape à Beaune

CARNET PROVENCAL (2024)

les Hospices de Beaune

Nous avions prévu de couper  le voyage à Avignon mais nos amis avignonnais ne sont pas disponibles. Le gîte de Marseille n’est loué que demain, samedi, rien ne presse. Pourquoi ne pas passer la nuit à Orange ? Comme l’autoroute est bien roulante, nous choisissons de faire une halte à Beaune passée à nombreuses reprises sur la route du ski ou du midi sans jamais y consacrer une visite.

Les Hospices de Beaune ou Hôtel-Dieu

Je connaissais les toits aux tuiles vernissées colorées. Je suis surprise par les pignons, les pinacles métalliques certains dorés d’autres gris-fer. Une élégante galerie soutenue de fines colonnes court le long du bâtiment ? le puits à margelle de pierre est surmonté d’une ferronnerie très fine.

L’audioguide est compris dans le prix du billet (12€). Le commentaire donne la parole à Nicolas Rolin qui a construit l’Hôtel-Dieu avec sa femme Guigone de Salins. Les fondateurs ont doté l’institution de vignobles de Bourgogne, déjà très réputés, et d’une somme conséquente. Les Hospices de Beaune ont accueilli les malades du XVème siècle jusqu’au XXème. Une maison de retraite occupe encore les lieux historiques. Les bienfaiteurs se sont succédé au cours du temps. Louis XIV a fait une donation pour installer femmes et hommes séparément. Une vente aux enchères de charité des crus prestigieux apporte des sommes bienvenues.

la Salle des pôvres

La Salle des pôvres : on y soignait confortablement les malades nécessiteux dans des lits à l’abri de lourds rideaux formant des alcôves. Au pied de chaque lit, une table de chevet porte un pichet d’étain pour le vin, un gobelet, une écuelle et des accessoires pour les soins. La salle est installée dans la nef de chapelle. Elle n’est séparée du chœur que par un jubé de bois sculpté. Les poutres peintes sont très colorées avec de des engoulants avalant les sablières décorées. L’autel de marbre était surmonté d’un retable peint par le flamand Rogier de la Pasture ( 1399 – 1464) représentant le Jugement dernier. Il n’était ouvert que le dimanche, en semaine seulement des grisailles étaient encadrés par les donateurs Rolin et Guigone. Ce retable fragile est conservé dans une salle obscure avec deux tapisseries – celle de Rolin sur fond rouge avec des oiseaux, des écussons et sa devise « Seule » l’autre tapisserie est fleurie et présente un chevalier agenouillé tenant un beau cheval blanc ?

Hospices de Beaune : retable de Rogier de la Pasture

Les pauvres malades étaient bien nourris. La cuisine se visite. On y voit toute sorte de casseroles, coquemar, vaisselle et un tournebroche triple très curieux. En plus des repas des malades, une distribution de pain blanc était offerte aux nécessiteux de la ville.

La grande salle Saint Nicolas raconte une autre vocation des Hospices : orphelinat et école pour de jeunes garçons qui apprennent un métier tandis que les filles tricotent et cousent ?

La Salle Saint Hugues hébergeait les malades qui payaient leur séjour. Ces hôtes payant étaient dans une salle chauffée par une cheminée tandis que la salle des pôvres n’en avait pas. Les religieuses bassinaient les lits des pauvres avec des bassinoires, bouillottes et chaufferettes.

Pharmacie : laboratoire

Les remèdes étaient élaborés à la Pharmacie dans  son laboratoire aux puissantes cornues. Le pilon  du grand mortier, suspendu, était actionné par un arc. La pharmacie contenait des onguents, poudres, huiles essentielles dans des flacons de verre ou des pots de porcelaine. Un pharmacien de la ville supervisait la confection des pilules et suppositoires par les sœurs.

Le jardin des simples fournissait les plantes médicinales.

Le trafic se densifie après Beaune, la pluie de plus en plus violente. La conduite devient difficile avec les nombreux camions qui projettent un brouillard aveuglant. A Lyon, nous passons sous Fourvière, les vacanciers-skieurs nous ont abandonné pour les Alpes.

Nous atteignons Orange à 17 heures.

 

Zola – la Conquête de Plassans – la Faute de l’Abbé Mouret

Tome 4 des ROUGON-MACQUART

Cézanne : La Montagne Sainte Victoire

« Plassans est fort curieux, au point de vue politique. Le coup d’État a réussi ici, parce que la ville est
conservatrice. Mais, avant tout, elle est légitimiste et orléaniste, si bien que, dès le lendemain de l’Empire, elle a voulu dicter ses conditions. Comme on ne l’a pas écoutée, elle s’est fâchée, elle est passée à l’opposition. Oui, monsieur l’abbé, à l’opposition. »

Suite à La Fortune des Rougon, la Conquête de Plassans, met en scène les intrigues menées en vue des élections prochaines. Félicité Rougon, comme dans le premier volume, est à la manœuvre, guidée de Paris par son fils Eugène, le ministre. J’avais deviné, en lisant le titre,  que cette conquête serait politique mais je n’aurais jamais imaginé le déroulement de l’intrigue. 

Marthe et François Mouret mènent une vie tranquille de rentiers dans une agréable maison de  ville agrémentée d’un joli jardin. Marthe est la fille de Félicité Rougon tandis que Mouret est apparenté à Macquart. Ils ont deux fils et une fille Désirée, un peu simplette mais si gentille. Mouret s’amuse à surveiller les deux clans, celui de la Préfecture, donc bonapartiste et celui des Rastoil, légitimistes, opposants politiques, ils ne se fréquentent pas mais leurs jardins sont mitoyens au sien. 

Pour  être agréable à l’abbé Bourette, un brave homme, Mouret accepte de louer une chambre à un ecclésiastique arrivant en ville : l’abbé Faujas

« C’était un homme grand et fort, une face carrée, aux traits larges, au teint terreux[…]. La haute figure noire du prêtre faisait une tache de deuil sur la gaieté du mur blanchi à la chaux »

Ce rude personnage est mystérieux vient de Besançon. Par quel mystère est-il arrivé à Plassans? Avec sa soutane élimée, son allure suspecte, il éveille la curiosité de Mouret et de sa femme qui se livrent sans tirer aucun renseignement.

 

« Moi, je te l’ai dit, ce qui me contrarie avec ces diables de curés, c’est qu’on ne sait jamais ce qu’ils pensent ni ce qu’ils font. À part cela, il y a souvent des hommes très honorables parmi eux. »

[…]

Puis, il eut quelque honte. Il était d’esprit fin, sous son épaisseur de commerçant retiré ; il avait surtout un grand bon sens, une droiture de jugement qui lui faisait, le plus souvent, trouver le mot juste, au milieu des
commérages de la province. »

 

L’étonnement est à son comble quand Félicité Rougon convie le  nouveau venu à une de ses soirées qui réunit tout le gratin de Plassans.

« Son salon était sa grande gloire ; comme elle le disait, elle voulait y trôner, non en chef de parti, mais en femme du monde. Il est vrai que les intimes prétendaient qu’elle obéissait à une tactique de conciliation, conseillée par son fils Eugène, le ministre, qui la chargeait de personnifier, à Plassans, les douceurs et les amabilités de l’Empire. »

La présentation de l’abbé Faujas n’est pas une réussite, l’hostilité d’un autre prélat, l’abbé Fénil, et les soupçons des notables lui valent  le rejet de la bonne société.

« L’impression fut défavorable : il était trop grand, trop carré des épaules ; il avait la face dure, les mains trop grosses »

Faujas conforte sa place chez les Mouret. Mouret n’est pas dévot mais il se porte garant de son locataire et passe d’agréables soirées à jouer au piquet avec Madame Faujas, la mère du curé. Sans s’avancer personnellement, il suggère à Marthe une œuvre charitable : une institution pour les jeunes filles. Marthe, dont la seule occupation était le raccommodage et la seule compagnie, celle de Désirée sa fille un peu demeurée, se dévoue corps et âme à cette bonne œuvre. Avec les conseils de sa mère Félicité, elle fonde un comité réunissant toutes les femmes charitables. A la quarantaine, Marthe trouve une nouvelle jeunesse : une nouvelle inspiration. Alors que les Mouret n’étaient pas pratiquants, Marthe devient une véritable bigote. Elle est fascinée par l’abbé qui joue avec elle un jeu pervers, refusant de devenir son confesseur mais l’encourageant dans ses dévotions les plus extrêmes. 

L’abbé Faujas profite de la fondation de l’institution des jeunes filles pour faire venir les Trouche, sa soeur et son mari, comme comptable. Ils s’installent chez les Mouret en véritable parasites.

Sur la famille Rougon, plane l’ombre de la folie de la grand-mère Adélaïde, internée aux Tulettes. La folie guette-t-elle Marthe avec ses crises mystiques ou Mouret, incapable de résister à l’emprise de Faujas et de sa famille qui se cloître dans son bureau et abandonne son rôle de chef de famille. Au risque de spoiler, je préfère arrêter ici et vous laisser découvrir le véritable rôle de Faujas « piloté depuis Paris » afin de gagner les élections. 

Je me suis laissé embarquer par ce roman, un véritable feuilleton avec des rebondissements, de nombreux personnages, des situations tragiques, d’autres comiques. Si tout est du même style, je me vois bien poursuivre la lecture des 20 volumes de la série!

Tome 5 – La Faute de l’Abbé Mouret

« Plus tard, après son ordination, le jeune prêtre était venu aux Artaud, sur sa propre demande, avec l’espoir de réaliser son rêve d’anéantissement humain. Au milieu de cette misère, sur ce sol stérile, il pourrait se boucher les oreilles aux bruits du monde, il vivrait dans le sommeil des saints.

[…]

En entrant dans les ordres, ayant perdu son père et sa mère le même jour, à la suite d’un drame dont il ignorait encore les épouvantes, il avait laissé à un frère aîné toute la fortune. Il ne tenait plus au monde que par sa sœur.
Il s’était chargé d’elle, pris d’une sorte de tendresse religieuse pour sa tête faible. La chère innocente était si
puérile, si petite fille, qu’elle lui apparaissait avec la pureté de ces pauvres d’esprit, auxquels l’Évangile accorde le royaume des cieux. »

J’ai retrouvé avec plaisir Serge, le fils de Marthe et de François Mouret – les protagonistes de la Conquête de Plassans. A la sortie du séminaire, l’Abbé Mouret a choisi une paroisse de campagne, il est accompagné de Désirée qui est entourée de toute une basse-cour. Sur le presbytère règnent une terrible bonne, la Teuse, et  le Frère Archangias imprime une discipline brutale et un catholicisme rigoriste et primitif ; ce dernier  ne tient pas en haute considération des paroissiens:

« y a quinze ans que je suis ici, et je n’ai pas encore pu faire un chrétien. Dès qu’ils sortent de mes mains,
bonsoir ! Ils sont tout à la terre, à leurs vignes, à leurs oliviers. Pas un qui mette le pied à l’église. Des brutes qui se battent avec leurs champs de cailloux »

[…]
Voyez-vous, ces Artaud, c’est comme ces ronces qui mangent les rocs, ici. Il a suffi d’une souche pour que le
pays fût empoisonné. Ça se cramponne, ça se multiplie, ça vit quand même. Il faudra le feu du ciel, comme à
Gomorrhe, pour nettoyer ça. »

L’Abbé Mouret se consacre à la Vierge dont la figure maternelle est une consolation. J’ai lu en diagonale les pages consacrée à cette adoration, pas vraiment ma tasse de thé, en espérant que la Saga des Rougon-Macquart m’offrirait les rebondissements des opus précédents. 

Au cours de sa tournée de médecin, son oncle Le Docteur Pascal  rencontré dans La Fortune des Rougon lui fait rencontrer Le Philosophe un octogénaire nourri de Voltaire et de Rousseau, anticlérical, solitaire dans sa campagne qui a recueilli Albine16 ans, une jeune fille sauvage et ravissante. Dès cette rencontre, il n’est pas difficile de deviner quelle sera « la Faute de l’abbé Mouret » le jeune abbé va tomber amoureux! Aucun doute là-dessus. D’ailleurs,  il cache sa visite à la terrible Teuse et au Frère Archangias qui la devine

« toute sa haine de la femme parut. Il ébranla la table d’un coup de poing, il cria ses injures accoutumées : – Elles ont le diable dans le corps. Elles puent le diable ; elles le puent aux jambes, aux bras, au ventre, partout… C’est ce qui ensorcelle les imbéciles. »

Nous retrouvons ici la faiblesse des Rougon-Macquart, la folie héréditaire qui a conduit Adelaïde et François aux Tulettes et Marthe à ses hallucinations mystiques  Troublé par  la vision de la jeune fille il implore la Vierge de l’aider à rester chaste

Marie, Vierge adorable, que n’ai-je cinq ans, que ne suis-je resté l’enfant qui collait ses lèvres sur vos images !

Oui, je nie la vie, je dis que la mort de l’espèce est préférable à l’abomination continue qui la propage.

Le délire et la fièvre le gagnent.

Le Docteur Pascal le  le confie à Albine capable de lui redonner la raison. Il l’emmène au Paradou château abandonné niché dans un parc luxuriant enfermé de hauts murs. 

La deuxième partie du livre se déroule au Paradou. Albine offre à Serge une véritable renaissance. Il a oublié tout souvenir, se retrouve comme un enfant aux mains de la jeune fille. Il va réapprendre la vie dans une totale innocence. Sa convalescence est racontée dans les moindres détails et c’est la nature, les arbres, les fleurs les bêtes sauvages qui accompagneront les deux jeunes en parfaite innocence. Paradou/Paradis, les deux Adam et Eve, nus, ignorants du sexe et du monde extérieur vont vivre dans le parc enchanté…Albine cherche un arbre magique, on a vaguement conscience que cet arbre provoquera la Chute, on attend la tentation, et le dénouement.

Les énumérations botaniques m’ont fait penser aux descriptions des légumes et victuailles du Ventre de Paris que j’avais beaucoup appréciées. Mais ce Paradou est trop mièvre, trop invraisemblable pour être convaincant. Je commence à imaginer les fleurs, puis je me lasse. D’ailleurs, comment trouver des jacinthes et des roses fleuries en même temps? je vous épargne les variétés horticoles….Zola écrit très bien la truculence, moins bien l’idylle et l’innocence. Exercice périlleux et vaguement ennuyeux! 

Le Frère Archangias mettra fin à leur idylle. 

On imagine la troisième partie du livre….remords et dévotion, retour du délire…

la déception ne m’empêche pas de télécharger la suite!

 

Les Pierres sauvages – Fernand Pouillon

CISTERCIEN

« Un chantier est plus long qu’une guerre, moins exaltant, où les batailles sont les dangereuses corvées de tous les jours. Mais la victoire est certaine. Victoire du bouquet de la Vierge accroché là-haut, au bout du clocher, à la croix du forgeron »

Le journal de bord du Maître d’œuvre du chantier  du monastère du Thoronet commence le 5 mars 1161 et  s’achève en décembre.

A son arrivée, le défrichement de la forêt est commencé mais seulement un dortoir-atelier couvert de feuillage abrite quelques convers. La construction ne commence pas tout de suite. Avant, il faut  réunir des compagnons, carriers, forgeron, menuisier, établir la Règle de vie (on est dans un monastère).

« Après une visite approfondie du Thoronet, j’ai ordonné des aménagements dans les horaires, la discipline et créé une organisation. Ici, la vie sera dure. À l’obéissance à la Règle s’ajoutera le travail harassant de construire. »

L’auteur nous présente Paul, le carrier, Anthime forgeron, Joseph potier…ce ne sont pas des anonymes mais des personnalités attachantes. les animaux ne sont pas oubliés : les mules fournissent un dur labeur et paieront leur tribu.

Bien que le Maître d’œuvre soit loin d’être un novice, qu’il ait déjà construit nombreux monastères cisterciens, il arrive sans plan préconçu et laissera une longue période à son inspiration. Il veut d’abord s’adapter à la topographie mais aussi à la géologie du site. Un débat intéressant s’instaure entre les carriers, tailleurs de pierre pour l’aspect des blocs.

« Nous, moines cisterciens, ne sommes-nous pas comme ces pierres ? Arrachés au siècle, burinés et ciselés par la
Règle, nos faces éclairées par la foi, marquées par nos luttes contre le démon ?… Entrez dans la pierre, et soyez
vous-mêmes comme des pierres vivantes pour composer un édifice de saints prêtres. »

Le chantier exigera son lot de sacrifices : accidents du travail, dirait-on aujourd’hui. Les récits de l’agonie de Philippe, de Thomas de la mule Poulide seront tragiques. C’est le récit d’un chantier, mais surtout d’une aventure humaine. Le Maître d’œuvre ne sera pas épargné à la tâche.

Puis vient l’enthousiasme de la construction, les formes qui s’ébauchent puis se complètent :

Mes frères, ce clocher est d’inspiration spontanée. Si la plupart des éléments composants ont suscité de
nombreuses hésitations, le clocher, lui, s’est imposé comme une vision. Sachez mes frères qu’il figure le
manteau de la Vierge qui veille sur le monastère. Certes non, il n’est pas pour moi une statue incomplète ; il est
l’expression, la forme générale de ce manteau rigide, tant le tissu est lourd, brodé et couvert de pierreries. À son emplacement, il couvre l’abside, domine le transept. La chape sacrée enveloppera, dans le prolongement imaginaire de ses plis, vos stalles de moines. Forme abstraite, bien sûr, mais pour nous, maître d’œuvre, il est certain que nous mélangeons intimement poésie et réalité, plastique et préfiguration.
cherchant au paradis ses frères cisterciens : n’en trouvant aucun, il se jeta aux pieds de la Vierge en larmes. La Dame du ciel se pencha vers lui, l’aida à se relever, entrouvrit son manteau, et lui montra tous les cisterciens entourant l’abbé Bernard. Cette légende sacrée m’a inspiré le clocher de notre abbaye. »

Un beau voyage au Moyen Age initié par un successeur des bâtisseurs des cathédrales et des monastère!

Lire ici le très bel article de Dominiqueivredelivres :

 ICI

A travers la Provence : Apt, les Gorges du Verdon, installation à La Gaude

CÔTE D’AZUR

Moustiers-Sainte -Marie

Le GPS nous entraîne immanquablement sur l’autoroute si nous programmons la destination finale : La Gaude. Pour le contrarier nous lui indiquons Apt et suivons le chemin des écoliers la D900 qui se trouve être la Via Domitia (de Narbonne au Montgenèvre). Passons à travers des vergers très soignés taillés en espaliers, protégés par des filets roulés en cette saison, et abrités par des haies de cyprès ainsi que quelques oliveraies. Dans le Luberon, un Geoparc m’intéresserait bien Près d’Apt les crêtes bleues des Alpes bornent le lointain. 

Apt

Capitale du Fruit confit, commune sans OGM. J’y découvre le plus joli marché provençal, animé même hors saison en février. Il s’étend dans toute la ville. Artisanat de luxe, bijoux de pierres dures, des paniers, miels de différentes couleurs et fleurs, fromages. Ici, le réparateur d’horloges comtoises, là le rempailleur. peu d’alimentaire. J’ai cherché les fruits confits, connus des cruciverbistes et je suis rentrée bredouille.

Moustiers Sainte Marie

Ville de la faïence, vue de loin accrochée à la montagne sous des falaises impressionnantes.

Gorges du Verdon

Verdon : Lac de Sainte Croix

Le lac de Sainte Croix est bleu turquoise très vif à travers les arbres. Malgré la saison hivernale il y a du monde sur la plage et même quelqu’un se baigne. La route s’engage alors dans un défilé au-dessus des gorges. On devine le ruisseau qui a entaillé la falaise beaucoup plus bas.

Verdon vu du belvédère

Le belvédère de Mayreste été aménagé à 200 m d’un parking.  Le sentier passe dans les buis. Sur certains versants il ne pousse que des buis roussis en hiver. La pyrale est présente mais les buis résistent. Je regrette d’avoir coupé ceux du Vaurayet. La base du belvédère est vraiment très glissante, la roche est polie comme un miroir. Je m’accroche à la rembarde métallique qui sécurise l’observatoire. 

Nous nous arrêtons pour déjeuner sous un arbre en fleur.

la D952 passe au Point sublime Après un tunnel elle s’enfonce dans le canyon dans l’ombre (surprenant il est 14h et il fait grand soleil). On passe Pont de soleil et l’on quitte la D952 avant Castellane pour entrer dans le Var.

l’Argelière, notre gîte à La Gaude

Nous arrivons à La Gaude à 16 heures. Notre gîte se trouve non loin du village historique qu’il ne faut surtout pas traverser en voiture (on nous avait prévenues mais le GPS nous y a entraînées). Les rues serpentent, les épingles à cheveux surprennent. Enfin! les mimosas en fleur! Notre gîte L’Argelière est bâti au dessus du jardin remarquable construit en terrasses sur un terrain très en pente. De petits iris sont fleuris. Notre propriétaire me le fera visiter demain.