la jument de Socrate – Elisabeth Laureau-Daull

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« Vengeance »! répète-t-elle tandis qu’ils quittent la prison…..

Ah les assassins n’en ont pas fini avec elle! On a bien raison de l’appeler Xanthippe la mégère. la mégère, la haine, n’est-ce pas une divinité des enfers? Chargée de persécuter le crime et venger l’innocence? Certes, elle n’est pas fille de Gaïa et d’Ouranos comme elle. Elle n’a été conçue que par Amycla qui savait tout faire et un homme qui sortait des baudroies de la mer. Elle n’a aps de serpents pour cheveux, le sang ne lui coule pas des yeux, amis elle saura poursuivre et rendre fous les coupables. ils pourront bien pour l’amadouer parfumer tous les autels de la cité avec de l’aubépine, du sureau ou du safran, y brûler du bois de cèdre, y saigner le plus noir de leurs béliers….

« que mijote cette furie? s’alarme Epigène.

Xanthippe est devenue folle, ne voyez-vous pas? dit Apollodore. »

Ainsi se termine le livre.

Non! Socrate ne s’est pas mis à l’équitation sur ses vieux jours! La jument jaune c’et la traduction littérale du prénom, Xanthippe, de le femme de Socrate. Ce court roman (120 p.) raconte le dernier jour de la vie de Socrate, du point de vue de sa femme. On parle peu des femmes grecque de l’Antiquité confinées au gynécée. Xanthippe est citée dans le Phédon de Platon cité au début du récit.

C’est un très joli livre, belle couverture, beau papier et des frises à la grecque séparent les paragraphes.

J’ai lu en prenant mon temps, goûtant tous les détails de la vie d’Athènes, les coutumes, processions, les délibérations des héliastes au procès de Socrate. Vie quotidienne et mythes sont mêlés. Grande simplicité du style et aussi introduction à la philosophie..

Un petit livre à déguster, peut être à glisser dans une valise pour un voyage à Athènes.

 

L’Ultime Humiliation – Rhéa Galanaki

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Un roman féministe?

Tiresias, le devin aveugle de Thèbes qui apparut à Ulysse était hermaphrodite, Tiresia, l’une des héroïnes de l‘Ultime Humiliation est femme et devineresse…Rhéa Galanaki choisit aussi de féminiser le Minotaure.  Dans l’appartement athénien,  ne vivent que des femmes : Tiresia et Nymphe, deux professeures retraitées, Danaé l’assistante sociale,  Catherine  leur sert de chaperon et Yasmine  vient faire le ménage.Les fils feront une apparition tardive : Oreste et Takis et le petit Ismaël. Un lointain patriarche exerce une influence occulte….

Un roman historique?

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Athènes,  12 février 2012

Le Monde 13 février 2012 raconte :

« Pendant que les députés débattaient et votaient des nouvelles mesures d’austérité, dimanche 12 février, Athènes brûlait. Près d’une vingtaine d’immeubles ont été incendiés après la dispersion d’une grande manifestation hostile au nouveau « mémorandum » que la Grèce s’engage à appliquer auprès de ses partenaires européens. Dans la nuit de dimanche à lundi, l’Attikon – un magnifique cinéma à l’ancienne du centre de la capitale – était encore ravagé par les flammes, tout comme un immeuble désaffecté à quelques dizaines de mètres. Les pompiers continuaient leur intervention au siège d’Alphabank, d’où les flammes avaient cessé de sortir…… »

C’est autour de ce fait précis, autour de cette manifestation que s’organise le récit. Tiresia et Nymphe, ulcérées par les coupes dans les retraites, menacées d’être expulsées de leur appartement,  décident de se joindre aux manifestants.

Rhéa Galanaki raconte cet épisode dans le style de la tragédie antique :

« Athènes est au sens propre une tragédie : voilà ce qu’avaient écrit sur les banderoles les gens défilant par vagues  interminables. Il ne semblait pas y avoir de cas isolés ou de rôles à part dans cette tragédie moderne : c’était au sens propre; l’âme d’une ville qui expirait devant elles; Seul le chœur de cette tragédie contemporaine conservait quelques éléments de son origine antique. En effet les deux femmes ne cessaient d’entendre le choryphée[….] et le chœur des temps modernes les (les slogans) répétaient adoptant une voix rythmée et une démarche cadencée…. ».

La place (Syntagma) « elle était devenue une double place, mais aussi une place à double sens ».

A la manifestation pacifique succède l’émeute, où les deux femmes sont piégées. Parmi les hommes-en-noir, les émeutiers casqués,  elles croient reconnaître Takis et Oreste. Après les affrontements, après l’incendie du cinéma elles s’écroulent et sont incapable de retrouver le chemin de l’appartement.

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Un roman politique

« Tragédie et démocratie sont les enfants d’une même mère…. »

Rhéa Galanaki décrit les partis qui s’affrontent : Aube dorée qu’a choisi Takis, le fils de Catherine, la Crétoise et d’un policier défunt, les groupes anarchistes ou gauchistes où milite Oreste. Elle compare ces affrontements à la révolte des étudiants de l’Ecole Polytechnique en novembre 1973, Nymphe et le père d’Oreste en étaient les héros. Les deux générations s’opposent, les héros, sont ils devenus corrompus? La crise que traverse la Grèce leur est-elle imputable? J’ai déjà lu des allusions à ces politiciens dans les livres de Petros Markaris. Rhéa Galanaki et Markaris ont travaillé ensemble, entre autres au scénario d’un film de Theo Angelopoulos.

Catherine, elle aussi s’interroge :

« c’est ainsi qu’elle eut pour la première fois la possibilité de s’interroger sur les différents types des gens de gauche, et l’opportunité de se demander si les membres de la gauche actuelle étaient différents ou non, de la génération d’autrefois. »

Venant d’un village martyr des nazis pendant la seconde guerre mondiale, elle ne peut accepter les analogies entre Aube Dorée, le parti fasciste où milite son fils, et les agissements des Allemands. Une très belle scène, par la suite raconte comment les vieux Crétois ont chassé Aube Dorée du village.

Une fresque antique

Après la représentation des événements du  février 2012, dans le style de la tragédie antique, l’errance de Nymphe et de Tiresia, incapables de retourner chez elle,vivant dans la rue avec les SDF, est une véritable Odyssée.

L’Ultime Humiliation est-elle la déchéance de tous ces Athéniens paupérisés par la Crise et réduits à la condition de clochards sans droits, sans identité, mendiants dans la jungle urbaine?

« A leur manière les sans-abri d’Athènes sont aussi les révoltés de notre temps. »

Rien n’est moins sûr! L‘Ultime Humiliation est aussi le nom donné à une icône appelée aussi « le Christ de pitié« . C’est d’ailleurs par une allusion à cette icône que s’ouvre le roman. On peut lire le livre à la lumière d’Homère et de l’Odyssée mais il ne faut pas oublier la composante orthodoxe de la culture grecque.

Un roman d’une grande richesse

On peut s’attarder à l’analyse politique de la Grèce en crise en 2012, on peut s’attacher à la mythologie. Mais ce n’est pas tout.J’ai remarqué une allusion àCavafy, des vers du Facteur chanté par Moustaki, qui est un poème de Manos Chadjidakis  (ce que j’ignorais),un chapitre entier dédié à Théo Angelopoulos à l’occasion de l’incendie du cinéma Atikon… et bien d’autres pépites…

 

le fils du concierge – Ménis Koumandaréas

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Merci aux éditions esperluète pour ce cadeaux dans le cadre de la Masse Critique de Babélio!

Joli cadeau, joli livre tout fin (42 p.) beau papier épais, illustrations de Michel Barzin, bleu et blanc (comme il se doit sur le bord de la Méditerranée) . Une nouvelle, parue  en grec en 1996.

Il me plait d’imaginer un salon à l’ancienne, de barbier-coiffeur, où tout le quartier passe en relayant des nouvelles, des ragots ou des secrets qu’Euripide gardera pour lui. Un détail montre que le coiffeur est quand même à la page : la coupe à l’iroquoise que le jeune Zissis demande!

Le vieux concierge Prokopis, croit reconnaître son fils Yiannis en Zissis. Que cache cette méprise? Contre toute attente, Zissis fait preuve de gentillesse et d’humanité et propose de raccompagner Prokopis. Zissi et Yiannis sont-ils un seul et même personnage?

Délicatesse des sentiments, ironie, finesse. J’ai aimé passer un moment chez ce coiffeur.

La clarinette – Vassilis ALEXAKIS

LIRE POUR LA GRECE , ET LE LUXEMBOURG?

Alexakis, photo Paris Match
Alexakis, photo Paris Match

« Par moment deux drames, le tien et celui de la Grèce ne faisaient qu’un dans mon esprit : ta chambre à l’hôpital Saint Joseph était une cellule de prison où on avait enfermé mon pays pour dettes. » 

C’est un livre d’amitié, amitié qui lie le narrateur, auteur grec francophone, et son éditeur qui est aussi son ami. Ce sont aussi ses allers-retours entre Paris et Athènes dans la Grèce sinistrée par la crise. Narrateur de l’entre-deux, entre-deux langues, polyglotte oserais-je écrire pour employer un mot d’origine grecque, qui écrit en Français se traduit lui-même en Grec, ou l’inverse. Choix des mots. Entre-deux pays, l’exil est-il à Paris où l’auteur vit depuis presque cinquante ans,  auteur reconnu et primé, ou à Athènes? ou à Tinos dont il parle trop peu. 

Je lis toujours avec grand plaisir Alexakis, écrivain attentif aux mots depuis la Langue Maternelle, le Premier Mot….qui, en Français nous fait aimer la langue grecque. La plus belle trouvaille est cette vérité aletheia dont le contraire ne serait pas le mensonge mais l’oubli, ce Lethé, fleuve des Enfers, fleuve de l’oubli. La mythologie n’est jamais loin. Ni Œdipe, ni Sophocle.

Pourtant c’est un « roman » plutôt noir, où il est question de vieillesse, de maladie et de deuil. D’oubli aussi puisque le titre La Clarinette vient d’un oubli de ce mot, perte de mémoire qui inquiète le narrateur.

Noir  le constat de la pauvreté des Grecs. Pauvreté qui exacerbe l’égoïsme plutôt que la solidarité. Crise impitoyable qui met à la rue des milliers de Grecs – ou non-grecs d’ailleurs. Le narrateur est particulièrement attentif aux SDF et au clochards, grecs ou parisiens, il se documente sur les initiatives pour leur venir en aide.

Attentif aussi aux idées politiques, exilé de la Junte autrefois, il sait reconnaître le fascisme,  l’égoïsme des armateurs grecs qui ne paient pas l’impôt. Sévère avec l’Eglise orthodoxe: Ap. J.-C est le roman  que j’ai préféré.

Retournera-t-il définitivement à Athènes?

 

 

Psychiko – Paul Nirvanas

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Les éditions Mirobole éditent ce court texte paru en 1928 sous forme de feuilleton.

Roman policier? Certes, on découvre le corps d’une inconnue, tuée à l’arme blanche dans un ravin et recouverte de pierres. On ne connaîtra qu’à la fin du roman son identité. Son assassin court. Le motif n’est pas le vol. Le journaux s’emparent de ce fait divers. Énigme autour d’un crime, mais pas de policier, ni de détective. Roman policier?

Nikos, jeune désoeuvré, héritier d’une bonne famille a abandonné ses études de médecine pour mener une vie oisive et passablement débauchée. Il imagine tirer gloire de ce crime non élucidé en se faisant passer pour le meurtrier.

« En somme,  notre héros ne vivait plus que das l’univers onirique de son crime imaginaire »

Je n’ai pas accroché tout de suite à cette histoire, qui m’a semblé désuète et mélo. Je me suis laissé prendre au ton ironique et aux références littéraires.

s’agissant de l’arrivée de Nikos en prison, ses compagnons de cellule ne le prennent pas au sérieux : « en somme, Molochanthis ne leur paraissait pas « compétent »  »  pour un criminel l’auteur note. Après l’avoir dépouillé de ses économies et de ses cigarettes, ils veulent entendre l’histoire de son  crime. L’auteur note avec humour :

« sans le savoir, ces détenus appliquaient les lois de l’hospitalité grecque antique : après avoir pris soin de leur hôte, ils l’invitaient tout doucement à leur expliquer les raisons de sa présence parmi eux »

Son arrestation, exploitée par la Presse lui rapporte la gloire escomptée, la prison devient le rendez vous des élégantes qui sont séduites par cet assassin romantique et élégant au nom de fleur Molochanthis désigne la mauve sauvage ou la guimauve. On le gâte, lui propose des livres:

« Vous me ferez un immense plaisir si vous parvenez à me dénicher le Nietzsche de Zarathoustra. J’ai lu beaucoup de titres de Zarathoustra mais son Nietzsche me semble bien supérieur aux autres oeuvre. Auriez vous également l’obligeance de me trouver des livres de Cours, Précis, Manuel et Abrégé? Ce sont mes écrivains préférés. »

Plus loin, des allusions à Oscar Wilde « chacun tue ce qu’il aime«  comble les mondaines qui se sont entichées de lui…. « ton crime, comme dirait Oscar Wilde, est une oeuvre d’art ». 

Dans la Postface, le traducteur note que l’auteur brocarde le sensasionnalisme de la presse de son temps il écrit qu« on retrouve déjà dans Psychiko la critique acerbe des médias grecs qui sera celle de Markaris ». 

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La destruction du Parthénon – Christos Chryssopoulos

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Lu juste après le Palmyre de Veyne , La destruction du Parthénon, m’évoquait les destructions du Patrimoine mondial comme celles des antiquités du musée de Mossoul ou des Bouddhas de Bâmiyan… il est parfois assez étrange qu’on pleure plus les destructions d’antiquités que les hommes, femmes et enfants sous les bombes. J’étais partie sur une mauvaise piste. 

Éliminée la piste terroriste, j’imagine un fou, mégalomane, en mal d’une célébrité monstrueuse.

« La première chose à laquelle j’ai pensé, ou plutôt non, la première chose que j’ai imaginée nettement, réellement ce sont les conséquences; Le retentissement de l’événement à la Une des journaux […..]l’acte suspendu au dessus de la ville qui se propulse en un raz-de-marée par dessus les immeubles et les avenues. […]l’acte devenu information L’acte dont tout le monde parle. L’acte devenu nôtre. Le plaisir de pouvoir se l’approprier en secret. « 

L’examen de la personnalité de l’artificier qui a miné systématiquement colonnes et structures de soutien, ne colle pas avec ce monstre en mal de publicité. C’est un jeune homme effacé, poète, un esthète qui va à la recherche de la beauté. Puisque le Parthénon en est le symbole le plus universel

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« Certains l’aiment parce qu’il est simple, léger, pur, sans fioriture. mais où sont-elles la simplicité,la légèreté, la pureté, l’élégance dans leurs vies? « 

« la beauté, c’est une affectation et une hypocrisie » répond-il.

Ce livre est à la fois une déclaration d’amour au monument et une recherche esthétique. Interrogation aussi de l’identité de la ville noyée dans la lumière orange de l’éclairage urbain, le corps de la ville. 

Le court roman, paru en Grec en 2010 ne se réfère pas tant à l’actualité immédiate qu’à un étrange appel à la destruction de l’Acropole datant de 1944 d’un cercle surréaliste Les Annonciateurs du chaos et de la Proclamation de Yorgos Makris  poète, passablement fou, qui s’est jeté de sa terrasse en 1968.

« … cercle d’amis devant qui il proclamait (non dans un esprit nihiliste mais au contraire, dans l’esprit d’un renouvellement des orientations philosophiques de l’entre-deux-guerres et relayant l’écho tardif du dadaïsme en Grèce) : « Faisons sauter le Parthénon! Son influence sur la philosophie est néfaste ».

Roman  comme un essai philosophique?

Ce roman est étrange, hétéroclite, composé de monologues de témoins divers, du coupable, d’un soldat, de proclamations, d’une liste tronquée.

« Le contenu de cette Proclamation utopique est non seulement tout à fait justifié, mais aussi prophétique, quand on pense au développement phénoménal de l’industrie touristiques et à ce qui est en train de devenir la misère idéologique ne matière de voyage et de tourisme. » 

La piste socio-économique, la place de la Grèce dans l’Europe, autre facette des réflexions que ce kaléidoscope peut suggérer et que revendique l’auteur dans cette vidéo :

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Petros MARKARIS : Pain, Education Liberté

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31 décembre 2013, des drachmes factices volètent sur la place Syntagma, la Grèce fête l’adieu à l’euro et le retour la drachme.

2 janvier 2014, le gouvernement grec suspend les salaires des fonctionnaires. Des manifestants s’affrontent, les jeunes qui conspuent l’Euro, les vieux qui le regrettent.

Politique fiction ?

Non, roman policier dans la trilogie de la Crise. Le commissaire Charitos enquête sur trois meurtres qui se succèdent. Bien sûr, pas question de dévoiler l’intrigue.

Le titre : » Pain, éducation, liberté «  était un slogan des étudiants qui occupaient Polytechnique en 1973 sous les Colonels.  Markaris ancre son roman dans la Grèce contemporaine sans oublier l’histoire récente. Si la Grèce est actuellement en crise, elle a eu ses moments de prospérité, les chantiers des Jeux Olympiques……Plongée dans les magouilles.

« Manque d’argent rend diligent ! »

En plus de la leçon d’histoire ce roman donne une leçon de survie. Les Grecs se rappellent encore des recettes de la pauvreté. Adriani, la femme du commissaire, va cuisiner pour familles et proches les haricots, les maquereaux, les tourtes aux poireaux. Le commissaire va remiser sa SEAT…les jeunes seront imaginatifs pour donner l’espoir aux démunis.

Et ne pas oublier qu’il y a aussi une enquête rondement menée !

Athènes – Musée national et dernière soirée

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l'idole pleure, le maquillage coule
l’idole pleure, le maquillage coule

Musée National

Omonia est encore plus déserte qu’hier soir – la moitié des commerces ont et notre ancien hôtel La Miraje sont fermés, même les kiosques périptères où je trouvais tout, de l’eau aux yaourts et aux cigarettes en passant par les chips et les biscuits, paraissent démunis.

Le Musée National se trouve près de l’Ecole Polytechnique dont les grilles sont recouvertes de calicots et de banderoles soutenant le prolétariat ukrainien contre les fascistes. Affirmation ambigüe. Quels fascistes ? Quel prolétariat ?

Le bâtiment du musée 19ème siècle néo-classique est peint aux couleurs antiques. Les statues doivent se sentir « chez-elles ». Nombreux panneaux explicatifs bilingues, très bien faits. Je me sens plus à l’aise que dans le Nouveau Musée de l’Acropole, trop solennel, trop sombre où il est interdit de prendre des photos.

Idole enceinte
Idole enceinte

Nous avons visité le musée du Kerameikos ce matin, admiré les stèles, les très beaux vases. Je me fixe un objectif : les salles des Cyclades classées dans le département de la Préhistoire (comme à Fira). Une très longue salle étroite, très sombre est meublée de vitrines bien éclairée. Les objets sont de petite taille à l’exception d’une idole de taille humaine (1.51m, ma taille). Les objets sont rangés selon le site d’origine. Certaines proviennent de Paros ou de l’île voisine de Despotiko, beaucoup viennent de Naxos ou  de Milos. Rien d’Akrotiri (tout doit être à Fira, je présume). Je suis fascinée par l’élégance, la sobriété des idoles de marbre. Les plus figuratives portent même des traces de peinture, l’une d’elle a les yeux maquillés. Une autre est enceinte.

harpiste
harpiste

Les musiciens sont merveilleux. Les céramiques sont fort belles mais le choc de la surprise, nous l’avons eu à Fira et auparavant à Héraklion. Je ne connaissais pas les poêles à frire aux motifs marins, aux vagues en triangles entrelacés. En regardant mieux, je découvre un bateau.

Trésor de Mycènes : masque de'Agamemnon
Trésor de Mycènes : masque de’Agamemnon

Pour le plaisir, je flâne dans la salle de Mycènes où est exposé le Trésor d’Agamemnon. Je me souviens bien du masque d’Agamemnon (ornant le livre d’histoire de 6ème) mais j’avais oublié cette magnifique tête de taureau noir au mufle d’or (je croyais l’avoir vue à Héraklion). Evidente parenté des fresques mycéniennes avec les fresques Minoennes de Crète ou d’Akrotiri. Grandes amphores au motif du poulpe (encore un motif crétois). Mention spéciale à un bol de stéatite avec un poulpe gravé). Originalité de ces mycéniens partant en guerre, martiaux un peu branquignols !

les mycéniens s'en vont-en-guerre
les mycéniens s’en vont-en-guerre

Je m’aventure distraitement dans les salles de sculpture archaïque et classique. Je n’ai plus d’appétit. Et pourtant je flashe pour un Dyonisos ressemblant au Bacchus de Michel Ange du Bargello et pour els kouroi qui me ramènent à Samos.

Dyonisos
Dyonisos

Retour sur la terrasse de l’Hôtel Economy.

Un orage se prépare. Il éclate vers 19h. Dès que la pluie cesse, je descends chercher à dîner. Déception : tout est bouclé. Autrefois, il me semblait qu’autour d’Omonia la vie ne s’arrêtait jamais, qu’on trouvait des tyropitas même en pleine nuit. Traditionnellement les Grecs mangent tard. Je commande le dernier souvlaki au marché mais il n’y a plus de pita, on me donne un vieux quignon de pain rassis.

 

 

 

 

 

 

Athènes Agora et déjeuner

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Agora et Hephaisteion vus de l'Acropole
Agora et Hephaisteion vus de l’Acropole

L’Agora

Nous avons toujours bâclé la visite de l’Agora coincée entre l’Acropole et le Kérameikos. Cette fois-ci, encore, nous arrivons presque à midi ; sans guide Bleu. Je me précipite au Musée de l’Agora dan la Stoa d’Attalos,(roi de Pergame 2ème siècle A D). Ce musée et tout en longueur, le groupes forment des bouchons. A l’étage, sous la galerie, se trouve une galerie de portraits : dieux et empereurs romains mais aussi anonymes à la personnalité marquée et au nez invariablement cassé. L’Agora ne ressemble pas à la place du marché rectangulaire bien  ordonnée qu’on visite dans els sites de moindre importance. Pendant l’Antiquité, ce quartier d’Athènes à la base de l’Acropole devait être très construit avec plusieurs stoas, deux bouleutérions, une tholos de nombreux bâtiments officiels sans compter les traditionnelles boutiques. Toute cette urbanisation est réduite aux fondations, de rares colonnes aux chapiteaux corinthiens géants dépassent. L’agora est plutôt un parc verdoyant aux multiples essences : oliviers en fleurs, caroubiers, platanes, lauriers qui ont la taille d’un arbre. Le grand égout collecteur traverse le jardin, il est plein d’eau en ce moment. Nous aurions pu y passer un bon moment tranquille si l’heure de déjeuner n’était pas arrivée.

déjeuner en terrasse
déjeuner en terrasse

Pour notre dernier jour à Athènes nous mangerons dans une taverne sur la promenade longeant la tranchée du métro. Tables vertes, chaises de bois brut devant une maison néo-classique à façade jaune, au tour des portes et fenêtres blancs. De petites plantes vertes aromatiques, comme c’est l’usage en Grèce, ont pour cache-pots des boites anciennes en fer. Le serveur est attentionné. Ce sera risotto aux moules (8€) et moussaka (7€) avec du vin blanc. Pendant que nous attendons, une foule de vendeurs à la sauvette vient proposer divers articles dont nous n’avons pas l’usage. Un Indien vend pour 2€ un enfile-aiguille-à-coudre. En vieillissant, je deviens incapable d’enfiler une aiguille, j’achète volontiers sa camelote. Un autre Indien apporte une « machine-à-coudre » qui ressemble à une agrafeuse et qui fait des piqûres. Lui succède un 3ème avec des cannes télescopiques, des bâtons de montagne équipés d’une lampe de poche incorporée (sans doute pour les expéditions himalayennes ?). Les enfilent-aiguilles et les cannes sont destinées à la clientèle 3ème âge, c’est un peu vexant. Une vieille en fichu passe entre les tables avec des roses. Deux petites gitanes jouent les Enfants du Pirée à l’accordéon. Elles ont fixé le prix du spectacle à 0.5€. Des africains étalent des lunettes de soleil et des montres de contrefaçon au cadran gigantesque. Ils n’insistent pas. Une Africaine s’arrête longuement avec des bracelets tressés et en choisissant spécialement pour moi un « sexy » rose. La moussaka et le risotto arrivent enfin, servis brûlant ; la moussaka a plus de pommes de terres que d’aubergines et surtout beaucoup de béchamel. Je préfère la mienne.

Athènes : Kerameikos

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coquelicot au Kérameikos
coquelicot au Kérameikos

Kerameikos

De l’Hôtel Economy, la rue Sophokleous arrive directement dans la grande avenue qui vient du Pirée et qui passe devant l’usine à Gaz transformée en zone culturelle que je ne visiterai pas encore cette fois-ci, malgré mon envie.

Feu d’artifice de coquelicots. Leurs pétales sont rouge intense ; A l’intérieur de la corolle une croix noire brillante est dessinée. Un énorme bourdon les survole vrombissant comme un hélicoptère, soulevant les pétales ; lorsqu’il se pose sur le stigmate toute la fleur bascule sous son poids.

J’avais un souvenir émerveillé de ce cimetière antique verdoyant de part et d’autre de l’Eridanos, nous avions rencontré une tortue ; nous avons photographié à plusieurs reprises Charon ans sa barque et les vieillards, le chien Molosse, le taureau qui  surplombe la voie des tombes. Je me souviens bien des stèles que nous visitons comme de très vieilles amies.

la barque de Charon
la barque de Charon

Le site est beaucoup plus organisé qu’à notre dernier passage. Des cordelettes définissent des parcours et interdisent l’approche des vieilles pierres. Une escouade de surveillantes, armées de sifflets, font lever les imprudentes qui auraient pris pour siège les fondations d’un monument. Le guide vert est resté à l’hôtel ; je me fie uniquement aux panneaux émaillés qui comportent invariablement un plan du Kerameikos et de ses environs procurant ainsi une représentation globale du site. Ce que je prenais pour un cimetière est plutôt un carrefour routier. Ceci n’est pas incompatible : on a souvent enterré les gens sur les bords des routes et à l’entrée des villes ; je l’avais remarqué à Rome ou en Corse.

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Il faut alors imaginer le Dipylon comme la porte monumentale d’Athènes et les routes y arrivant. La route d’Eleusis, Voie sacrée, était  parcourue par les processions allant aux mystères. Sur le bord de la Voie sacrée se trouve un vieil autel et à la fourchette de la voie sacrée et de la voie des tombeaux  le Triptopatrion où les Athéniens invoquaient des divinités familiaires.  La Route du Pirée courait  le long des Longs Murs de Thémistocle (478) construits à la hâte : il en subsiste un petit tronçon en bon état, bâti en appareil polygonal avec de très gros blocs parfois des tombes (selon le panneau). Une autre voie conduisait à l’Académie de Platon (1600m). Sur une place, Périclès aurait fait l(oraison funèbre des morts dans la guerre du Péloponnèse. On y voit aussi le monument des Lacédémoniens.

Dexilos tué à corinthe en 394
Dexilos tué à Corinthe en 394

A l’entrée de la ville, une fontaine  accueillait les visiteurs assoiffés. A côté, les Romains avaient érigé une statue sur un piédestal de marbre. Proche du Dipylon, le Pompeion où se préparaient les processions funéraires sur le Dimosion Sema (cimetière public) et la procession Panathénienne vers l’Agora et l’Acropole. Le long du Demosion Sema se trouvent les tombes de Périclès, Clisthènes, Thucydide et Lycurgue.

Au lieu d’imaginer les tombes séparément, je vois maintenant les processions s’organiser, les soldats de Thémistocle se préparer à la bataille de Salamine, les philosophes se promener, les voyageurs se rafraîchir. L’endroit perd un peu de son mystère funéraire pour gagner en animation !

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Un très joli musée abrite les statues originales, sur place on a mis des copies. Le chien Molosse qui gardait la tombe des Lysimachides  Dexilos tué à Corinthe en 394, le taureau de Dionysos de Kollytos, le lion gardien de la Voie sacrée ainsi qu’un sphinx.  Ce musée présente aussi de nombreuses céramiques: urnes, pyxides, aussi des pleureuses en terre cuite et des vases classiques de toute beauté.

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pyxide

Quittant le Kerameikos on rejoint la promenade et le métro Thyssio avec son marché aux puces

Un coin calme, triangle de pelouse, porte une stèle. C’est un poème d’Elie Wiesel :

« Passant arrête-toi, ferme les yeux, souviens-toi qu’en ce temps, en ce lieu… »

Partout, en Grèce, ce passé me rattrape, au hasard d’une promenade.

pleureuses
pleureuses