Le Voyage en Grèce – H. Duchêne – Bouquins (iles ioniennes)

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Lectures ioniennes

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Le gros « Bouquins » m’a déjà accompagnée pendant de longues semaines au cours de nos vacances en Grèce continentale, dans le Dodécanèse et dans la Mer Egée. Pour un livre broché, sa couverture a drôlement bien résisté aux épreuves de l’empaquetage des valises, de la plage et de divers mauvais traitements. Lourd à emporter en voyage? Ses 1140 pages promettent de belles lectures, son index géographique, ses cartes, ses biographies et son glossaires sont tout aussi utiles!Le Voyage en Grèce et l’Odyssée ont presque suffi pour un mois!

Céphalonie, Ithaque, Corfou après Venise, j’étais partie avec des a-priori vénitiens, je pensais trouver des chevaliers, des Croisés, des Capitaines, la Bataille de Lépante….j’imaginais aussi des images antiques. Et bien pas du tout! la bibliographie m’a réservé une surprise : je me suis trouvée propulsée au début du 19ème siècle avec Chateaubriand, Lord Byron avec son Journal de Céphalonie et de fil en aiguille j’ai lu des auteurs que je ne connaissais pas comme Trelawny dans les Derniers jours de Shelley et Byron, Emerson…Et voilà que je découvre les guerres d’indépendance grecque dans un contexte géopolitique que j’ignorais. Je savais les îles ioniennes vénitiennes mais j’ignorais que cette domination ait pris fin avec l’épopèe napoléonienne et qu’ensuite elles furent l’enjeu de l’équilibre des puissances françaises, britanniques  mais aussi russe et turques… et cet éclairage m’a offert d’autres prespectives de lectures!

Ithaque avec Homère, certes mais aussi avec Schliemann , les passages de son journal sont extrêment pittoresques. Chance ou bluff? A sa descente de barque, Schliemann trouve un meunier qui lui loue son âne et qui lui raconte l’Odyssée à sa manière. Avec l’aide du meunier et d’autres habitants l’archéologue trouve le palais d’Ulysse, identifie le port de Phorkys et les divers lieux homérique. qaund on pense qu’un siècle et demi plus tard les spécialistes discutent encore pour identifier l’île actuelle d’Ithaque et l’Ithaque homérique?

Moins de surprise au 20ème siècle : Durrell, bien sûr, Lacarrière, Kazantzaki.

C’est l’Ithaque de Cavafy qui conclue le volume : ce poème m’a poursuivie, je le cherchais depuis si longtemps et il arrive juste à point, à Ithaque!

Invitation au voyage: Ithaque de Constantin Cavafy

Quelle est la plus belle invitation au voyage que celle de Cavafy?

j’ai cherché longtemps les poèmes de Cavafy

Et voici que j’ai trouvé par miracle Ithaque alors même que nous nous trouvions à Ithaque

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Quand tu prendras le chemin vers Ithaque
Souhaite que dure le voyage,
Qu’il soit plein d’aventures et plein d’enseignements.
Les Lestrygons et les Cyclopes,
Les fureurs de Poséidon, ne les redoute pas.
Tu ne les trouveras pas sur ton trajet
Si ta pensée demeure sereine, si seuls de purs
Émois effleurent ton âme et ton corps.
Les Lestrygons et les Cyclopes,
Les violences de Poséidon, tu ne les verras pas
A moins de les receler en toi-même
Ou à moins que ton âme ne les dresse devant toi.

Souhaite que dure le voyage.
Que nombreux soient les matins d’été où
Avec quelle ferveur et quelle délectation
Tu aborderas à des ports inconnus !
Arrête-toi aux comptoirs phéniciens
Acquiers-y de belles marchandises
Nacres, coraux, ambres et ébènes
Et toutes sortes d’entêtants parfums
– Le plus possible d’entêtants parfums,
Visite aussi les nombreuses cités de l’Égypte
Pour t’y instruire, t’y initier auprès des sages.

Et surtout n ‘oublie pas Ithaque.
Y parvenir est ton unique but.
Mais ne presse pas ton voyage
Prolonge-le le plus longtemps possible
Et n’atteint l’île qu’une fois vieux,
Riche de tous les gains de ton voyage
Tu n ’auras plus besoin qu’Ithaque t’enrichisse.
Ithaque t’a accordé le beau voyage,
Sans- elle, tu ne serais jamais parti.
Elle n’a rien d’autre à te donner.
Et si pauvre qu’elle te paraisse
Ithaque ne t’aura pas trompé.
Sage et riche de tant d’acquis
Tu auras compris ce que signifient les Ithaques.

Céphalonie, Ithaque : Lire Homère sous un olivier

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quel livre emporter dans les Iles ioniennes?

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Quand je (re-)lis l’Odyssée, je retrouve l’âme de l’enfant qui redemande la même histoire le soir avant de se coucher, qui la connaît mais ne s’en lasse pas, qui attend son épisode favori, qui découvre un détail passé inaperçu, qui se réjouit d’une expression favorite comme « les mots ailés« …

Je suis  au bord de la magnifique plage de Filiatro, à Ithaque, j’ai nagé dans l’eau claire et paisible du petit fjord, nous avons déjeuné de souvlakis, je sirote mon café frappé sous un olivier. Je sors l’Odyssée et j’oublie la sonorisation de la taverne. je suis Ulysse aux Enfers…

Je lève les yeux et imagine les personnages se mouvoir dans ce décor précis.

Chant XI : Ulysse aux enfers rencontre les héros de la guerre de Troie Agamemnon raconte le meurtre de Clytemnestre, Achille s’enquiert de son fils Néoptolème, Ajax , toujours jaloux à cause des armes d’Achille, fait la gueule …passent en revue Tyrin Antiope, Alcmène, Epicaste, Chloris que je ne connais pas. Découverte de toute une mythologie beaucoup plus riche que je ne le soupçonnais.

Le chant XII raconte les épisodes plus connus des Sirènes, de Charybde et Sylla, des troupeaux du soleil. Ces aventures se déroulent sur l’autre rive du côté de l’actuelle Italie et de la Sicile. Le monde grec était alors plus étendu qu’aujourd’hui mais toujours avec le décor des oliviers de la rocaille…

C’est au chant XIII que les Phéaciens transportent Ulysse endormi au port de Phorkys, la plage Dexia, et les chants suivants nous serviront de guide dans notre visite d’Ithaque

Céphalonie : Mangeclous d’Albert Cohen

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Quel livre emporter dans les îles ioniennes?

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Albert Cohen est né à Corfou.

Ses Valeureux, Mangeclous, Saltiel, Salomon, Michaël et Mattathias sont céphaloniens.

Séisme ou Shoah? Il ne reste plus rien du ghetto de Céphalonie où évoluaient les Valeureux. D’ailleurs dans quelle localité se trouvaient-ils? A Argostoli ou à Lixouri? Jamais Cohen ne le précise.

C’est un plaisir de relire les aventures des Valeureux dans leur décor. Nostalgie d’un monde disparu, d’une innocence dont la roublardise n’est pas antinomique. Truculence des caractères, pittoresque et de leur langage. La farce est énorme et je ne peux me reternir de rire à haute voix. J’ai adoré l’évasion de la petite lionne et les transports des  Juifs en cage que Mangeclous a inventé. les menus aussi, pantagrueliques et orientaux.

Scipion le Marseillais m’a moins accrochée, personnage un peu convenu, peut être.

quand les Valeureux arrivent à Genève à la SDN, la farce prend un tour plus tourmenté. On sent la menace qui pèse sur les Juifs personnifiée par Jérémie, le juif polonais réfugié(le livre a été publié en 1938). Mais aussi  l’attitude ambiguë de Solal tiraillée entre sa fonction diplomatique et  son attachement aux Valeureux.

que vient faire cette histoire de fonctionnaire belge  à l’esprit étriqué , à la SDN? Est-ce le  contrepoint à la rudesse mais à la chaleur des Céphaloniens?

J’avais déjà lu Mangeclous autrefois, mais j’avais confondu Céphalonie et Salonique. Je n’avais pas relevé les allégences à l’empire Britannique, ni comment ces juifs étaient français. Après avoir lu l’histoire des îles ioniennes, françaises quelques années au début du 19ème siècle puis sous Protectorat britannique cinquante ans, je comprends mieux les allusions.

Lecture pour la Grèce : Vassilis Alexakis Ap.J.-C.

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J’ai acheté ce livre avant notre départ pour les îles Ioniennes, j’aurais dû le lire avant de partir à Tinos en avril dernier.

Un étudiant en  histoire est chargé par sa logeuse, une très vieille dame, d’une enquête concernant Le Mont Athos.

Ce roman, très bien conduit est passionnant, le narrateur est partagé entre un cours de philosophie pré-socratique, la rédaction de son mémoir et l’enquête sur la « Sainte Montagne » qu’il conduit le plus objectivement possible, interrogeant aussi bien son professeur à l’université, une archéologue, un journaliste, des moines et des hommes ayant approché le Mont Athos. Toutes les informations sont bonnes à prendre: un poème, des données financières (on apprend que les monastères immensément riches ne paient pas d’impôts), une photo des femmes communiste, pendant la guerre, une gravure antique dans une muraille. Et le lecteur, en profite pour nous instruire dans tous ces domaines.

On croise un grand nombre dee personnages très attachants : Nausicaa, la vieille dame très distinguée, mais aussi le père du narrateur, plombier de Tinos qui demande systématiquement à ses clients s’ils croient en Dieu, la mère très croyante…

L’auteur nous convie à des situations étranges comme cette cérémonie où l’on marche sur des braises, ou une conférence burlesque à Thessalonique dans l’Université occupée par des grévistes. Comme, dans un roman policier, le suspens est assuré, et on ne lâche pas le roman.

Ce livre passionnant est arrivé, pour moi à la croisée de mes voyages. Nous revenons de Tinos et voilà une évocation de l’île qui tombe juste, le vent de Tinos  souffle dans le roman comme il a soufflé pour nous,au hasard des pages, je retrouve Hypatie découverte dans le film Agora, visionné avant notre départ pour Alexandrie. L’étudiant lit à Nausicaa Le Livre de l’Impératrice Elisabeth, nous venons de visiter l’Achilleon à Corfou….Toutes ces coïncidences m’enchantent.

Et riche de nouveaux personnages qui se croisent, dont les histoires s’entremêlent, je voyage au Mont Athos, alors que l’interdit des femmes, l’abaton, me retire tout espoir de jamais y poser les pieds. Lire pour voyager…

Chemins d’Ecriture – Jacques Lacarrière (Terre humaine)

Voyager pour lire – Lire pour Voyager!

En partance, encore pour les îles grecques!

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Jacques Lacarrière est le meilleur passeur pour la Grèce.
L’été Grec(1976, 1984)est inoubliable.
Chemins d’Ecriture nous emmène en Grèc mais pas seulement.. Il cite ses maîtres : le premier est un tilleul, et puis contradictoires, André Breton et Sophocle, Jean Vilar…  Marcheur impénitent, voyageur curieux Lacarrière est avant tout écrivain. l’écriture est une discipline qu’il s’impose même sur les rivages de Patmos où la chaleur et la mer prédisposeraient à l’indolence….
Dans Chemins d’Ecriture , l’auteur montre comment il construit un livre, il explique la différence entre des notes prises dans un journal de bord et leur traduction littéraire.
Modernité de l’antiquité grecque, actualité des auteurs modernes.

Elisabeth CROUZET-PAVAN Venise Triomphante – les horizons d’un mythe

                 Voyager pour lire – lire pour voyager!

Venise sera notre première étape dans l’Odyssée qui doit nous conduire à Corfou en passant par Céphalonie et Ithaque . Venise, nous l’avons rencontrée en premier à Nauplie, puis en Crète, à Chypre… enfin Tinos où nous avons passé la fin avril fut Vénitienne plus de 5 siècles. Cest en quittant Tinos que j’ai eu envie de suivre la Serenissime...

Elisabeth CROUZET-PAVAN Venise Triomphante – les horizons d’un mythe -bibliothèque Albin Michel Histoire :

Livre très sérieux, bourré de notes de références. L’auteur est une universitaire qui n’avance rien sans citer ses sources. Néanmoins c’est un livre passionnant qui retrace l’histoire de la ville de sa naissance dans la lagune à la suite des invasions lombardes.

Une cité née sur les eaux – réminiscence de l’histoire de Hanoï, rien à voir ? – conquête d’une terre ferme sur la lagune, assèchement, lotissement mais aussi gestion complexe de l’eau, eau douce pour approvisionner une ville importante, eau saumâtre de la lagune, mais aussi eau de mer…érosion des marées mais aussi sédimentation par les alluvions. Une administration pour gérer tous ces flux…eaux- remparts pour une ville ouverte sur l’Adriatique. Gestion urbaine, marchés, entrepôts, arsenal.

Une ville qui épousa la merépousailles ritualisées par la cérémonie de la Sensa : le doge, dès le 11ème siècle offrait un anneau à la mer. Moins symbolique, la conquête de l’Adriatique et de la Méditerranée orientale par le commerce. Grain des Pouilles, épices d’Orient,  draps, soieries … toutes les richesses d’Orient mais aussi les foires d’Europe transitaient par Venise. Rivalité avec Gènes. Rôle très ambigu des Doges pendant les Croisades.

Le lion et la Terre : d’une puissance maritime Venise va à la conquête de la terre ferme…

Seul regret : l’auteur est une médiéviste,  l’histoire ne raconte pas la Venise de Titien de Tintoret ou de  Goldoni, encore moins Casanova

http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/venise_triomphante.asp

Robert DESSAIX : Corfou

Lire pour voyager, voyager pour lire!

Cet été nos sommes en partance pour les îles de la Mer Ionienne

  J’ai pris ce livre au hasard à la bibliothèque.

Le narrateur, un acteur australien, s’installe à Gastouri sur l’île de Corfou, dans la maison que loue un écrivain, Kester Berwick .

Le décor est planté, comme figurants, s’invitent Ulysse mais aussi Sissi dont le palais est proche. Même si le milieu  des expatriés britanniques ou australien ressemble au monde de Durrell, Dessaix, ou son narrateur, ne sont pas Durrell et Corfou n’st pas l’île de Prospero.  Durrell, parfait îlomane, savait restituer l’atmosphère solaire, les saveurs, les odeurs, la simplicité de la vie grecque,. Pour Dessaix, Corfou n’est que décor et non sujet. D’ailleurs, une partie du roman se déroule à Molyvos sur l’île de Lesbos où Berwick a rédigé son roman : la Tête d’Orphée chante, prétexte pour citer Sappho.

Le sujet du roman est une biographie (romancée ??) de la vie de Kester Berwick, acteur et écrivain australien. Autre thème récurrent et très bien détaillé, le théâtre de Tchekov. Avec beaucoup d’intelligence le narrateur mêle mise en scène des Trois Sœurs, de la Cerisaie et d’Oncle Vania aux péripéties de ses relations, de ses amours et de ses désirs.

Corfou n’est pas un grand roman, mais c’est un puzzle très littéraire et intelligent où abondent des citations bien expliquées. Sappho et Cavafy y sont disséqués pour mon plus grand plaisir.

Une réserve cependant : ce roman pourrait être classé « littérature gay », pourtant il comporte des assertions désagréables envers les lesbiennes en short sur l’île de Lesbos, pourquoi de tels clichés ?