11. la journée des trois saisons

2003 – De Fès à Rabat en passant par la vallée du

 

Eté : après l'orage dans la palmeraie inondée
Eté : après l’orage dans la palmeraie inondée

Grêle.

La voiture est recouverte d’une carapace de glace : un fort orage a réveillé Dominique, il a grêlé. La palmeraie d’Erfoud est inondée. Je photographie les palmiers qui se reflètent dans l’eau (cela me fait penser à la crue du Nil). Toute cette eau me réjouit : ils en ont tant besoin !la route est inondée par endroits, la voiture soulève des gerbes d’eau marron. Jusqu’à Errachidia, la route est bien connue, je me souviens de tous nos arrêts à l’aller. La lumière est très belle, l’air comme lavé après la pluie, les couleurs vives. Mais après Errachidia, l’eau du barrage a pris de sales couleurs. Un vent terrible soulève de la poussière, il y a tempête dans le lac nous avons toujours autant de plaisir à traverser les gorges du Ziz : montagne rouge, couches géologiques visibles, joli oasis…
La circulation des très dense, les vacances sont finies, de nombreuses voitures chargées retournent vers le nord et les grandes villes.

Hiver

Hiver : la route passe un col à 1907m
Hiver : la route passe un col à 1907m

A la sortie des gorges, une bonne surprise nous attend : les sommets du haut Atlas sont tout blancs barrent le défilé. Quand nous arrivons au défilé de N’zala, la neige est là. Elle saupoudre la végétation rase du désert. Le vent la soulève, de petites congères se forment derrière les touffes d’herbe .Juste avant le col(1907m), une caravane de mobil-homes et de 4×4 vient à notre rencontre, roulant au pas nous faisant de grands signes. La chaussée est gelée, par endroits, la neige tient encore, le plus souvent elle fond au soleil. Nous roulons donc à petite allure profitant ainsi de la vue magnifique sur le Djebel Ayachi et plus loin sur le Moyen Atlas. Les cèdres et les thuyas tortueux sont soulignés par la neige.

journée des3 saisons0004
Arrivée à Midelt vers 11h30. Nous achetons un poulet rôti et des yaourts.
45 km après Midelt, il faudra décider si nous continuons la route principale que nous connaissons déjà. Par ailleurs la route P21 est bien encombrée, avec la fin des vacances de l’Aïd, les voitures sont bondées, de nombreux marocains attendent sur le bord de la route avec leurs valises, sacs, paquets ou baluchons, le car, le grand taxi ou font de l’auto-stop. Tous ont visité leur famille pour la fête du Mouton et retournent travailler lundi. Leur conduite est anarchique, ils doublent sans aucune prudence, les lignes continues sont là pour la décoration si nous essayons un itinéraire qui nous conduira à Khénifra La route secondaire est peut être coupée par la neige de plus cela rallonge…
D veut quitter cette circulation, je n’ose pas me prononcer, ce n’est pas moi qui conduis ! Si jamais on nous fait rebrousser chemin cela risque de nous retarder sérieusement.
Nous avons donc 45 km pour décider en traversant le Plateau de l’Arid qui porte bien son nom, steppe plate et ennuyeuse.

Neige sur les villages du Moyen Atlas
Neige sur les villages du Moyen Atlas

Neige

A la bifurcation, nous demandons à un policier si la route est coupée :
– « non, il y a de la neige, mais on passe ! »
Nous tentons donc l’aventure.
La barrière de neige est à moitié fermée, le gardien sous fait signe de passer.
La route suit d’abord l’Oued Moulouya dans une large plaine labourée par un énorme chantier, une mine à ciel ouvert ? De gros tas de remblais rouges jonchent le bas côté, ce qui défigure le paysage. Insensiblement sous nous élevons et la neige blanchit complètement le sol. D’épaisses congères de neige s’accumulent. Derrière nous plus au Sud, la grande barre du haut Atlas avec ses forets et ses sommets. Un chasse neige passe. L’oued devient petit ruisseau dans la neige. Des maisons aux murs de terre rouge très bas soutenant un toit qui dépasse.

journée des3 saisons0006 Les villageois sont sortis : avec des pelles ils débarrassent la neige des toits. Les ânes sont bien utiles. Toutes les pistes et petites routes sont  sous une épaisse couche de neige, cela ne les gène pas. Ils sont très photogéniques. Je photographierais tout : les maisons rouges qui se détachent, les ânes et les âniers, le minaret rose qui se détache sur le ciel bleu. Les gens d’ici sont très occupés avec cette neige et ont mieux à faire qu’à nous importuner.

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Dans le dernier tronçon de montée jusqu’à 2070 m  Nous traversons une forêt givrée de très gros chênes verts et de quelques cèdres. Le feuillage des arbres est pris dans la glace.

Printemps

Printemps
Printemps

Avec le soleil, c’est magique !
La descente est rapide, un petit lac noir se détache, nous voilà dans une vallée de roches rouges très ravinées, l’herbe ou le blé en herbe vert très vif tranche sur cette terre rouge Dans les vergers, les amandiers sont en fleurs ! Nous avons traversé trois saisons d’une année en une seule journée : l’été éternel de la palmeraie avec son soleil brûlant, l’hiver et les neiges du Moyen Atlas et nous voici au printemps dans les arbres en fleurs !
Après Khénifra, la campagne est très prospère, grands champs de céréales, maraîchers, troupeaux de vaches paissant dans les prés
Nous quittons l’axe Marrakech-Meknès très fréquenté par une route secondaire qui nous mène dans une campagne encore très différente. La terre n’est plus rouge mais beige, les collines hérissées de rocs déchiquetés, l’herbe rase comme en moyenne montagne, plus de champs, des prairies et des moutons.

Meknès

Arrivée sur Meknès, hangars, maisons en désordre et station-service, nous voici revenues en ville.
Notre hôtel est réservé par l’hôtelier d’Erfoud, mais il n’a pas de restaurant. Nous en essayons un autre, au hasard. Le prix est raisonnable, les chambres agréables.

 

 

 

10. Rissani

2003 – De Fès à Rabat en passant par la vallée du Ziz et Meknès.

 

La palmeraie du Tafilalet
La palmeraie du Tafilalet

Hier soir, l’hôtelier, commentant les nuages avait dit :
–    « les nuages sans pluie, c’est comme un match sans but ».
Ce matin, Erfoud est toute lavée, de grandes flaques dans les rues, il a plu une heure cette nuit.

Crevaison

La Toyota est garée près de l’hôtel, devant un petit atelier réparant les pneus. Un noir, pointe notre roue, à plat.
–    « C’est peut être la piste, peut être le goudron, peut être tu as rencontré un clou ».
La coïncidence nous fait douter, l’hôtelier nous rassure, il est honnête. La réparation nous coûtera 40DH et une demi heure d’attente. Il retire le clou, mais l’électricité est coupée dans le quartier, comment gonfler le pneu sans compresseur ? Tout s’arrange, les marocains sont débrouillards, un camion possède un gonfleur.

Nous retournons dans le Tafilalet. Les palmiers sont moins poussiéreux et se détachent sur un beau ciel bleu. Je suis toute heureuse de cette pluie ? Mas cela ne suffira sans doute pas, cette palmeraie est un crève-cœur avec ses jardins abandonnés et ses palmiers malades. Il faudrait beaucoup plus qu’une heure de pluie pour que le sol reverdisse ?

Rissani
Rissani

Rissani : mausolée de Moulay Ali Chérif

Rissani est beaucoup plus calme qu’hier soir. Quand nous arrivons au Mausolée de Moulay Ali Chérif, le fondateur de la dynastie alaouite, la dynastie actuelle, la place est vide, les portes monumentales fermées. Un jeune homme à grande allure, djellaba bleu nuit très élégante fait signe à un soldat en faction qui nous ouvre les portes. Il nous fait un topo sur le mausolée (tout neuf, il a été reconstruit dans les années 1950 après une crue du Ziz, puis rénové en 1997), nous explique les différents motifs des décors en stuc : la Main de Fatima, spécialité des artisans fassis, dans les zéliges, les deux carrés entrelacés de la Mecque, bleus. Nous ne pouvons que jeter un œil au patio et au jardin (quatre carrés représentant les quatre saisons), le tombeau et la zaouia restent cachés aux non-musulmans .C’est un lieu de pèlerinage, ceci explique l’affluence hier, vendredi d’après l’Aïd. Le jeune homme ne demande aucun pourboire, c’est un commerçant qui nous invite pour le thé après la visite de la casbah voisine.

La Casbah de Rissani

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Devant la casbah, un jeune en blouson propose ses services. Seules, nous serions importunées (on s’en doute, on a l’habitude) Il parle bien français, le choix est vite fait, sinon nous n’aurions rien d’autre à faire que repartir. Nous l’engageons donc.

Rissani : couloirs, passages couverts et secrets
Rissani : couloirs, passages couverts et secrets

Nous traversons des passages couverts étroits avec un caniveau au milieu, rempli d’eau après la pluie. Grâce aux bonnes œuvres d’Hillary Clinton, cette casbah bénéficie de l’électricité et de l’eau courante (à la fontaine). Malheureusement, le puits profond de 60 m est à sec, le seau en caoutchouc à pneu est encore suspendu mais lorsqu’on se penche, on ne voit pas d‘eau.

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Une femme nous fait les honneurs de sa maison autour d’une cour. Bien restauré, cela donnerait un riad très chic. Le mobilier est rudimentaire, quelques nattes, un placard vitré dans lequel sont exposés quelques beaux plats. Nous déclinons l’offre du thé disant qu’on en a déjà bu quatre. Je prends des photos, par politesse  puisque nous avons refusé le thé et laisse quelques dirhams pour la photo.
Après la visite de la première casbah, nous en trouvons une autre plus décorée, qui fut autrefois un palais royal. Les portes sont décorées avec des motifs arabes d’une extrême finesse, on nous montre la mosquée, le hammam.

Les ruines de Sijilmassa
Les ruines de Sijilmassa

Cet ensemble  de casbahs, de palais de terre et bien d’autres que nous verrons plus tard sont les restes de l’ancienne capitale Sigilmassa, qui accueillait les riches caravanes, l’or, l’ivoire, les tissus, les plumes d’autruches…elle était peuplée de 100 000 habitants du temps de sa grandeur. De cette ville fantôme de terre, il ne reste partout dans la palmeraie que ces casbahs parfois encore habitées, parfois écroulées, argile crue retournée à la terre, murailles fondues avec le temps les intempéries ou les caprices de l’oued Ziz. Difficile d’imaginer les splendeurs de cette étape caravanière.

Sigilmassa
Sigilmassa

La boutique de Driss

les trésors de la boutique de Driss
les trésors de la boutique de Driss

Nous retournons à la voiture sur la place du mausolée. Driss, dans sa boutique nous attend pour le thé.  Il commente les richesses de sa boutique. Sur un tissu bleu turquoise sont accumulés toute une foule d’objets en argent, en os, en perles : des boites rondes des nomades se transforment en bracelets, coffrets en os de dromadaires, miroirs reflétant des étagères chargées d’autres trésors.  La Croix du Sud berbère est une sorte de boussole, ou de sextant pour se diriger aux étoiles dans le désert et trouver la direction de la Mecque.

D refuse le thé, c’est très mal vu, le jeune qui nous a servi de guide dira méchamment qu’elle a du couscous dans les oreilles. Je m’assois avec eux pour boire deux verres.

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kilim

Un homme plus âgé m’entraîne dans une autre pièce pour me montrer les kilims berbères ou touaregs. Chaque tapis raconte une histoire : au centre la femme fait un losange qui symbolise l’œil, le sien sur le monde, mais aussi talisman contre le mauvais œil. Les broderies en zigzag  représentent la caravane avec les races des pas des chameaux, les triangles sont des tentes. D’autres triangles sont des plats à couscous. Le liseré du bord : la ceinture de la mariée. C’est extraordinaire de penser que chaque kilim est unique qu’il raconte une histoire à qui veut déchiffrer les motifs géométriques. J’explique que nous sommes au Maroc pour seize jours et que partout, il y a de merveilleuses choses à acheter. Malgré mon refus, il continue à être très aimables. Nous remontons en voiture quittons la place, puis nous ravisons. Nous sommes décidées à acheter un kilim pour en faire une tête de lit, nous avons mesuré les dimensions, qui sont impératives .Ces gens ont été si gentils, leurs kilims sont beaux, nous achèterons chez eux si ils ont la bonne taille.

On nous déroule tous les kilims, on va chercher un mètre, nous en trouvons plusieurs qui nous conviennent dans la dominante bleue qui est celle du papier peint de la chambre. Difficile de faire baisser les prix, de 750, il consent à descendre à 700, avec en prime une petite croix du sud. Je veux connaître l’histoire que raconte notre kilim. Le losange central est partagé en deux par un trait blanc, ce serait la frange du haïk qui partagerait l’œil en deux regards ( ?) la ceinture de la mariée évoque des motifs religieux, les cinq piliers de l’Islam, les quatre livres. C’est un tapis touareg et non berbère, les touaregs seraient plus pieux.

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Pique-nique dans la palmeraie devant le ksar d’Oulad El Halim,
l »Alhambra du Tafilalet ». L’hôtelier a ajouté du cumin aux œufs durs, c’est une excellente idée. Je dessine en compagnie de petites filles qui m’offrent des fleurs, de pissenlit, mais ici, c’est une rareté. Les enfants veulent nous faire visiter le Palais « venez voir les jardins », il y a certes un petit jardin d’arbustes rachitiques  fleuri de fèves et de pois mais plein d’oiseaux.
Nous faisons tout un circuit dans la palmeraie du Tafilalet, découvrant, tantôt des ruines imposantes, tantôt des ksours habités. A l’horizon, des montagnes déchiquetées violettes ou pourpres. Qui étaient sur notre gauche se retrouvent à droite ; nous avons fait une boucle sans nous en apercevoir et nous retrouvons à Rissani.
Dans la soirée, virée sur la route de Ouarzazate, palmeraie, ksours, mais la terre est beaucoup plus rouge. La pluie a inondé la route.

Hammam

Hammam : c’est la douche. C’est l’heure d’affluence. Les femmes sont en culotte avec du henné ou de l’argile sur le visage. Tout le monde remplit son seau (plastique noir très laid) au robinet. On me prête un tabouret bas en plastique. Les filles sont étonnées que je ne me lave pas les cheveux, l’une d’elles me tend son shampooing. J’explique à celle qui parle français que je me suis mis de la crème, elle comprend crème défrisante ! Je distribue les échantillons des produits Daniel Jouvance apportés pour cette occasion. Le sachet du peeling marin passe entre toutes les mains. En échange, un petit sachet contenant du savon noir
L’hôtelier nous a refait de son délicieux couscous.

9. méharée : lever du soleil sur la dune- retour à Erfoud

2003 – De Fès à Rabat en passant par la vallée du Ziz et Meknès.

Départ dans la nuit
Départ dans la nuit

 

Dans le noir, une lumière passe, ce ne sont pas des phares de voitures, j’aurais entendu le moteur. Quelle heure est il donc ? On cogne. Pas d’électricité. C’est donc à cela que sert la bougie.
Le ciel est constellé d’étoile, ciel de nuit du Sahara .Aucune lumière parasite : le groupe électrogène est arrêté.

Le chamelier ne dit pas un mot. Dans le noir, je ne verrai pas son visage, ne connaîtrai ni son nom, ni le prix de la course. Il harnache mon dromadaire sans une parole. La selle est couverte d’épaisses couvertures, c’est tellement large que j’ai du mal à l’enjamber .L  chameau se lève doucement, le chamelier lui murmure quelque chose de très doux. Ma monture avance dans l’obscurité. Je ne distingue pas la dune, seulement le ciel étoilé, magnifique. Étrange début de promenade, nous avançons sans que je n’arrive à me rendre compte si nous montons ou si on marche à plat .Le chameau est tranquille.

Progressivement, mes yeux s’habituent, je distingue le relief, l’arrondi de la dune, nous suivons une arête, le chamelier marche sur le rebord sans se retourner. Direction plein est vers la lueur de l’aube. Sans y prendre garde, les dunes de l’Erg Cherbi se dévoilent. Je m’aperçois enfin que les étoiles ont complètement disparu. Je pense à la définition du début du jour quand on distingue un fil noir d’un fil blanc.

Perdues, les notions du temps et de l’espace. Nous avons contourné la grande dune qui me servait de repère. Le chameau s’agenouille. Le chamelier ôte les couvertures de selle, les dépose sur ses épaules et gravit la pente raide montant un versant presque vertical dans lequel je m’enfonce, la montée est pénible. Il soulève le sable, je lui laisse prendre de l’avance et le suis de loin, péniblement.
Arrivée à la cime. Il dépose une couverture sur ma tête et mes épaules. Deux silhouettes drapées de laine, deux triangles comme deux petites tentes. La couverture est lourde, épaisse et chaude, j’imagine que c’est une authentique couverture bédouine en laine de chameau, brodée, tissée et nouée avec de beaux motifs berbères, comme dans les échoppes. Le chamelier s’enroule dans son chèche puis dans la couverture. A côté de moi, il forme un petit tas : une couverture pliée d’où rien ne dépasse. Il semble dormir profondément.

Des pensées triviales se bousculent dans ma tête, j’aimerais les chasser. Rester dans une pure contemplation de la splendeur de la dune. Difficile de ne pas être distraite.
Impossible de décrire le désert .Une transcendance. Je tomberais facilement dans le mysticisme, très peu pour moi !
Le vent souffle fort. Sans la couverture, je ne tiendrais pas longtemps ici. Le sable vole, se re-dépose. Je pense aux harmoniques à la résonance, tout un vocabulaire ondulatoire d’interférences. Le vent de sable, comme la lumière a t il une nature particulaire ou ondulatoire ? Le résultat : des petites rides qui se construisent sous mes yeux me ferait choisir la seconde hypothèse.
Le chamelier s’est levé et a fait écrouler le rebord de la plate-forme triangulaire, détruisant ainsi l’harmonie de l’arête tranchante. Une demi-heure suffira pour qu’elle se reconstruise, neuve et vierge.
La lumière est suffisante pour que je lise l’heure : 6h35. Dans une demi-heure, la cérémonie du lever de soleil s’accomplira. Je me retourne. Mon compagnon est enroulé dans une banale couverture décorée d’éléphants, la mienne est écossaise, finie la splendeur berbère !

Dans le vent, une silhouette s’affairait sur le versant opposé de la dune suivante. On aurait dit un animal affairé farfouillant de son museau la terre, fouissant un terrier, sans cesse revenant à la tâche. J’avais peur de découvrir qu’il s’agissait d’un sac poubelle en plastique noir. Non, simplement un buisson, aussi incongru ici qu’un chien ou un fennec.

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Au dessus de l’horizon une barre de nuage partage le ciel. Le soleil arrivera t  il à la percer ? 7heues 15, le lever était prévu à 7heures 05. Les nuages ont volé le spectacle. Nous attendons que le soleil sorte des nuages pour illuminer l’erg. Dès que la lumière se fait éblouissante, nous redescendons. Le retour est plus banal, le chamelier prend des raccourcis dans une pente raide, je suis déséquilibrée et glisse de côté. Je suis forcée de l’appeler pour me remettre dans l’assiette à l’arrêt.

Finalement, je vois D. Me voit elle ? Je n’ose pas crier de peur d’effrayer ma monture. Elle aura juste le temps de faire deux photos.

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Petit déjeuner, conseil de guerre, nous aimerions bien rester un jour de plus à l’auberge du désert dans ce cadre calme et magnifique. Comment se débarrasser d’Aziz, Demandera – t il beaucoup plus cher pour rester ? Le souhaite – t il ? Nous lui demandons. Il est tout à fait d’accord. Payé à ne rien faire en compagnie de ses copains. Mais il nous propose tout un programme. Nous aimerions rester SANS LUI ! Nous finissons par nous en tenir au plan initial. A Erfoud nous serons débarrassées de ses « Comment ? » qui irritent D. Retour par la piste principale, bien balisée. Aziz continue « à droite ! » « À gauche » inutiles mais justifiant sa présence.

La voiture enlisée

Une voiture est enlisée, une vieille Renault 19 immatriculée à Lyon bourrée d’un stock de matériel automobile obsolète et hétéroclite, sièges, pneus, vieilleries méconnaissable. Ils se sont ensablés en portant secours à leurs potes (deuxième tacot enlisé 20 mètres plus loin). Apparemment c’est une habitude chez eux, ils sont munis de grandes pelles qu’ils manient maladroitement. « Nous faisons la Mauritanie ». D n’a aucune patience envers ces maladroits. Elle reste au volant. Il me semble que la solidarité dans le désert est une évidence. D’ailleurs nous sommes des habituées de l’enlisement, cela nous est arrivé au Portugal, en Espagne, en Turquie, en Charentes…et cela pourrait encore bien nous arriver ici. Finalement, la première voiture est poussée hors du sable par une équipe de gamins, les occupants hilares s’approche de leurs amis à grand bruit. Une femme est juchée sur le capot, brandissant une pelle. Nous abandonnons ces allumés.

Aziz nous explique qu’il n’y a pas de taxe sur l’importation d’automobiles en Mauritanie. Les lyonnais vont se débarrasser de leur camelote et se payer des vacances. Pauvre Mauritaniens qui vont récupérer les épaves !
Le ciel est couvert, le jour jaunâtre. La dune a disparu de l’horizon sans qu’on s’en rende compte. Les belles montagnes bleues et violettes d’hier sont cachées par la brume ou la poussière. Nous ne voyons que la plaine grise, son cailloutis et les multiples dérivations de la piste. Finalement : le goudron, les baraques des fossiles. A 11 heures, nous arrivons à Erfoud, payons 200dirhams à Aziz qui parle de nous revoir à l’hôtel (tu parles ! on va le fuir ! ).

Retour à Erfoud

Nous retrouvons notre chambre. Nos serviettes sont encore dans la salle de bain ainsi que la petite table ronde du dîner.
Je n’ai qu’une envie : me doucher, me laver les cheveux et me débarrasser de la poussière rose du désert accumulée plus dans le trajet en voiture que sur le chameau.

Dopart aux courses, trouve la Poste, le Monde, le photographe. La ville est très calme, pas de circulation automobile. Les hommes sont attablés aux terrasses de nombreux cafés. Pratiquement aucune femme dehors. Sauf une ombre noire, seuls ses yeux sont visibles. Le photographe part nettoyer l’Olympus chez son voisin -le garagiste – et utilise le compresseur. Il ne parle pas du tout le français mais m’écrit les tarifs. Développement et tirage d’une 36 poses pour 50 dirham, c’est avantageux. Nous sommes très impatientes du résultat des photos de coucher de soleil.

Pique-nique dans la chambre : dolmas, yaourts.

Palmeraie du Tafilalet

Nous quittons Erfoud par la route de Rissani sans but précis. Nous nous arrêtons dans la palmeraie du Tafilalet. Les palmiers sont magnifiques mais le sol est sec, craquelé. Très peu de jardins ont été irrigués, la sécheresse sévit plus que dans la vallée du Ziz. Nous faisons une sieste et une promenade sans être importunées. C’est une après midi très reposante. Mais le temps laisse à désirer, le ciel est couvert, la luminosité bizarre. Tout est beige jaunâtre. Le sol, sec, d’une poussière beige très claire. Les palmiers sont poussiéreux, pas de jeux d’ombre avec cette lumière tamisée.

Nous arrivons dans un village très bizarre : un ksar avec une porte monumentale. Devant la grande porte une place poussiéreuse. Sur la place des hommes sont assis, tous en costumes traditionnels très colorés : djellaba beige et turban jaune, djellaba blanche et fez rouge, djellaba grenat et capuchons pointus, d’autres en moutarde, vert pistache …Une brochette de vieillards assis sur le sol, pieds nus. Une foule de petits garçons jouent sur la place dans la poussière. Nous arrêtons la voiture au beau milieu de la place mais personne ne nous aborde. Je photographie de loin. J’aimerais bien prendre les hommes en djellaba mais il faut être discrète. Finalement, un jeune se présente, son français est rudimentaire, nous n’en tirons pas grand chose sauf qu’il nous interdit de pénétrer dans la casbah « ce sont des habitations »Nous avons l’impression d’être en plein Moyen âge avec tous ces hommes encapuchonnés, la terre poussiéreuse, les hauts murs de terre et les entrées dérobées. Pas une seule femme non plus. Nous continuons la piste qui donne sur le lit de l’oued Ziz à pic et rebroussons chemin pour arriver chez les potiers qui nous font très bon accueil. Ils ne vendent pas d’artisanat pour touristes. Seul modèle proposé à la vente : une haute jarre en terre blanche comme une amphore antique. Les murs de l’atelier sont faits de pots loupés cassés ou aplatis juxtaposés.

potiers

Grandes salutations, un homme jeune et un vieux nous font les honneurs de la poterie, nous montrent le four souterrain très vaste, le tour. Le vieux mime le travail au tour avec une jarre cuite. Je demande si je peux le prendre en photo, oui, en payant. Dominique distribue les crayons aux enfants. C’est vraiment l’endroit le plus reculé et le plus misérable qu’on ait vu au Maroc. Les crayons sont les bienvenus d’autant plus qu’un adulte préside à la distribution. Dans une ruelle des fillettes sont installées sur le pas d’une porte avec des tambourins, nous ressortons les crayons. Les enfants se précipitent, les garçons doublent les filles. La voiture est prise d’assaut. Nous fermons les vitres et déguerpissons.

Rissani

Rissani est une assez grande agglomération avec de beaux bâtiments officiels, une gare routière flambant neuve, le mausolée, des commerces variés, peu de voitures mais des mobylettes pétaradantes et des immeubles misérables ? Ici, les femmes sont dans la rue mais voilées de noir. Une avait même la tête complètement couverte d’un voile noir sans même une ouverture pour les yeux. Nous reviendrons à Rissani demain. Nous sommes pressées de retirer les photos de Merzouga.

 

 

8. Pistes et dunes : Merzouga

2003 – De Fès à Rabat en passant par la vallée du Ziz et Meknès.

la piste de Merzouga balisée par des cairns
la piste de Merzouga balisée par des cairns

Aziz
 Aziz, babouche et djellaba grenat, vient nous chercher à l’hôtel. Nous prenons la route du désert, mince ruban de goudron plein de nids de poules. Nous croisons une caravane de 4×4 blancs : « touristes pressés », des japonais, levés à 3 heures, lever du soleil, et retour illico. Puis une autre caravane de mobil-homes italiens« les nomades, jeunes retraités », Aziz ironise.

Fossiles

Erfoud, fossiles d'Encrines
Erfoud, fossiles d’Encrines

Première étape : la carrière de fossiles.

Ce n’est pas une carrière, je m’attendais à une exploitation industrielle. Ce matin j’ai eu le loisir d’examiner les tables en marbre poli, noir avec des orthocéras énormes,

Erfoud fossiles : Orthoceras
Erfoud fossiles : Orthoceras

marron avec orthocéras et goniatites. Une bicoque qui vend des fossiles. Le calcaire forme des dalles horizontales qui sont sciées à Erfoud. Le marchand arrose avec une bouteille les roches pour que les fossiles soient plus visibles. Bien plus beaux que : les orthocéras et les goniatites : les lys de mer, des crinoïdes. Je n’en avais jamais vus. Dans une gangue rougeâtre les encrines déploient leurs fins tentacules. J’essaie de

Erfoud fossiles : goniatites
Erfoud fossiles : goniatites

marchander, 150 dirhams pour un petite goniatite, c’est beaucoup trop, le marchand me montre des trilobites, des vrais et des faux, inutile de négocier des articles que je ne souhaite pas acheter. Ce que je convoite c’est la plaque des crinoïdes, mais pas pour 400DH, je donne mon prix 100DH. Nous sortons du magasins, espérant qu’il nous rappellera – non ! Tant pis, khalas ! J’explique à D la manœuvre. Aziz, s’en mêle, « si tu as quelque chose à troquer, des T-shirt, des chaussures … » Nous recommençons la négociation, je démords pas des 100DH, nous ouvrons même la valise, nous n’allons quant même pas investir toute notre fortunes en fossiles.

La piste

la piste, Aziz pilote Dominique à droite!"
la piste, Aziz pilote Dominique à droite! »

Nous quittons le goudron qui est de plus en plus mauvais pour prendre une piste. Ce n’est pas la seule, il y a des dizaines de traces de roues et aucune signalisation. Aziz commande :
– « Dominique, à droite ! »
–  « tout droit, accélère ! » quand il y a du sable.
Tous ces détours sont ils nécessaires ? Aziz veut il justifier de son salaire ? On ne saura jamais si ces précautions sont justifiées ou pas.

Thé chez les nomades

Thé chez les nomades
Thé chez les nomades

Deuxième arrêt chez les nomades : tente partagées en deux. On nous offre le thé chez les hommes. A côté deux femmes et un bébé nous vendent pour 20DH un petit dromadaire en laine.

les chevreaux des nomades
les chevreaux des nomades

Les dunes se rapprochent.  Seul relief sur la plaine grise (le lit immense d’un ancien oued). Très très loin, des montagnes bleues, c’est la frontière algérienne. Vers l’Ouest, un massif violacé : les montagnes du Draa.

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L’Auberge de l’Erg Cherbi
Vers 11 heures, nous arrivons à la casbah-auberge à la limite des dunes. Les chambres très simples ouvrent sur des courettes plantées de fèves et de pois pour égayer. C’est l’auberge de l’erg Cherbi. Nous choisissons une chambre avec salle de bains pour 150 dirhams.

la casbah-auberge
la casbah-auberge

Village de Merzouga

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le village et la palmeraie de Merzouga

Nous reprenons ensuite la voiture pour aller au village de Merzouga distant de 5 km. Nous suivons la canalisation qui transporte l’eau de la source de Merzouga. Des puits dépassent de 1.50m au dessus du sol pour le curetage du conduit après les tempêtes de sable.

les canaux dans les jardins
les canaux dans les jardins

Arrêt au puits : des femmes remplissent des dizaines de bidons en plastique orange et blanc. Elles sont très chamarrées, les voiles superposés sont ornés de fils d’or ou de broderies de couleur. Les petits ânes chargés sont aussi photogéniques, surtout un ânon tout blanc. Impossible d’emporter autre chose qu’un souvenir coloré.
La palmeraie est luxuriante. Elle s’ordonne de part et d’autre d’un canal d’eau vive. Les palmiers sont touffus, le blé (ou l’orge ?) est très vert, les fèves et les pois en fleurs. Je reconnais un amandier. Chez nous, la floraison a lieu  avant le débourrage des bourgeons à feuilles. Ici les feuilles de l’an dernier ne sont pas tombées, cela donne un volume nouveau à l’arbre ;
Aziz nous garantit le calme, mais la magie de la palmeraie n’opère pas aussi bien que lorsque nous nous y promenons seules.

Dunes

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Nous passons les heures chaudes à l’auberge puis partons sans escorte explorer les dunes. On n’ose pas marcher sur les surfaces vierges de pas. Sensation d’abîmer avec nos traces la pureté minérale. Je m’applique à suivre les traces des chameliers. Le vent effacera sans doute bien vite nos pas.

traces de gerboise?
traces de gerboise?

Surprise de ne pas s’enfoncer plus. La marche est facile quand on suit les arêtes où le sable est tassé.  Je m’amuse avec les traces des scarabées. Là où les chameaux sont passés, d’autres animaux ont profité de la nourriture laissée disponible dans leurs crottes, scarabées, souris ou gerboises laissent les empreintes de leurs petites passes et des queues. Les pas des dromadaires sont arrondis et fendus.
Nous faisons plein de photos. Peut être seront elles toutes pareilles, mais c’est tellement beau ! La dune devient orange, les ombres sont déjà là à 16 heures, le soleil baisse. Nous rencontrons des méharistes européennes, de loin enturbannées elles ont fière allure. Malheureusement elles disparaissent dans un creux je dévale la dune pour les retrouver.
La photo idéale serait une caravane à contre-jour se détachant sur une arête. Nous les ratons de peu, l’objectif a mis trop de temps à sortir.

Méharistes européennes
Méharistes européennes

Ce qui me plaît le plus, ce sont les lignes vives des arêtes, le drapé du sable qui s’écroule sur le versant le plus raide, les rides. J’essaie des photos de mini-dunes.
Ce qui est étrange, dans le désert, c’est qu’on est attentif aux petites silhouettes qui se détachent. Il n’y a que trois ou quatre personnes autour de nous mais nous sommes conscientes de leur présence. C’est fou comme le désert est habité.
Je me déchausse, plaisir de sentir le sable sous mes pieds nus ! Je n’ose pas trop marcher, ignorante des possibles dangers. Je me suis renseignée plus tard, j’aurais pu continuer.
Aurons nous notre coucher de soleil ? La moitié  du ciel est voilée. D amorce la descente. Au dernier moment, le cercle jaune apparaît hors des nuages. Nous assistons à un vrai coucher de soleil sur les crêtes découpées bleues des montagnes.

merzouga0013 - Copie

Les dunes changent de couleur, prennent des teintes violettes, le ciel prend des couleurs irréelles. Les nuages qui ont failli  nous priver du spectacle deviennent roses puis oranges. Les chameaux se détachent sur le ciel. Est ce que les photos seront réussies

7. AÏd el kebir -Source Mezki – Erfoud

2003 – De Fès à Rabat en passant par la vallée du Ziz et Meknès.

Mezki : Casbah
Mezki : Casbah

La source Mezki.

Heureusement que nous avons gardé le pain du dîner et des fromages fondus et des fruits pour remplacer le petit déjeuner. Quittons très tôt Errachidia endormie et atteignons vers 8 heures la Source Bleue. La route est construite sur un plateau pierreux, très plat, ennuyeux, laid.

Dès qu’on bifurque vers la Source Mezki ,la Casbah  surgit face à nous comme un mirage. Nous découvrons le canyon :  L’oued Ziz a creusé profondément le plateau, dans l’échancrure, une très belle palmeraie, l’eau de la rivière est très verte.
A cette heure matinale, le comité d’accueil est réduit, un vieil homme noir avec une barbiche, très grand, très digne dans sa djellaba verte nous vend les tickets d’entrée 10 dirhams.  Un garçonnet essaie de placer une gazelle tressée à l‘intérieur de la voiture.  Je lui explique qu’on en a déjà une collection et lui offre un bonbon pour qu’il ne soit pas fâché .Un jeune homme nous propose un thé « plus tard ».

source Mezki
source Mezki

La source est une belle piscine naturelle où nagent des barbeaux, certains de belle taille. Derrière un petit pont, dans une grotte, le coin des femmes qui allument des bougies, paraît-il.
La température n’est pas à la baignade. Je supporte allègrement un T-shirt à manches longues, ma chemise de voyage et le gros pull irlandais.

la palmeraie
la palmeraie

Palmeraie
Nous n’avons que des bons souvenirs de promenades dans les palmeraies : Agdz, Zagora et Assouan. La palmeraie a un avant goût de paradis. Tout ce qui est sans valeur chez nous, l’eau, l’ombre, la couleur verte de la végétation prend un prix inestimable. Après la lumière crue du désert, le soleil mordant, la palmeraie donne un sentiment de repos, de paix, de bien être. Chaque cm2 est précieux, les villages sont construits sur les bords, les véhicules absents. Nous marchons avec précautions sur les petites levées de terre sèche qui délimitent les parcelles ou le long des canaux d’irrigation. Dans les petits carrés, en ce moment, les fèves sont en fleurs, l’alfafa ou la luzerne ont été coupés, les carottes et les oignons prospèrent.
Les arbres fruitiers, en revanche, sont en repos hivernal, grenades, cognassiers et figuiers ont perdu leurs feuilles. Même ici, dans le grand sud, en février, c’est encore l’hiver. Les palmiers forment d’énormes touffes de six ou sept pieds à divers stades de développement. Ceux qui ne sont pas encore très hauts ressemblent à d’énormes ananas.

palmiers
palmiers

Nous profitons du calme que personne ne trouble. Est ce que nous devons cette sérénité à la fête, ou est ce la magie du lieu ? Nous savourons l’instant. Traversons le Ziz à gué sautant de pierre en pierre.

Sous la Casbah, les palmiers sont plus clairsemés, remplacés par des oliviers et des tamaris, les cultures sont moins florissantes, de nombreux carrés sont desséchés , en friche, je préfère penser que c’est à cause de l’hiver et contourne ces précieux jardins. Nous nous promenons deux bonnes heures et rentrons à la voiture pour chercher le pique-nique et mon matériel de peinture.
On nous invite au thé berbère devant les boutiques fermées. Nous parlons de choses et d’autres. Comme D refuse un  deuxième thé, le jeune homme lui dit « vous n’allez pas marcher sur une seule jambe ». Il a fait des études de plombier chauffagiste au lycée technique mais vit de petits boulots, guide ci et là à Ouarzazate ou Zagora.

Je m’installe pour peindre sous un groupe de palmiers,  dans un carré de luzerne. Les oiseaux sont très nombreux, si légers que les brins de luzerne ne se courbent même pas sous leur poids, petit oiseau vert au ventre jaune, au bec court qui prélève sa nourriture au sol. Dans les arbres fruitiers, les moineaux remplacent les feuilles.

Les moutons de la Fête

Après le pique-nique, une femme arrive, une lourde bassine sur sa tête. Elle donne des coups de battoir avec la tige d’une palme. D va la voir, offre un paquet de chewing-gum. Pour la photo, c’est non, ferme. C’est dommage, les femmes portent des tenues de toutes les couleurs. Elles lavent la peau du mouton, les têtes et les pattes calcinées. Elles rincent à l’eau et à l’OMO, les abats, les cœurs, les poumons mais aussi les tripes, la panse, les intestins dans lesquels elles soufflent. Nous rencontrons une autre troupe multicolore, leurs djellabas ou leurs longues robes sont bleues vif, roses, jaune, elles ont des voiles bariolés avec de grands motifs, quelque fois un foulard noir sur la tête. Peut être ce sont leur habits de fête. Pour mettre les pieds dans l’eau, elles remontent leurs caleçons longs tricotés vert pomme ou rose bonbon…

Avant de partir, nous retrouvons les jeunes, les boutiques sont ouvertes, ils comptent bien que nous leurs achèterons des souvenirs. Les fossiles sont bien tentants, je craque pour une goniatite sciée et polie, un trilobite dans sa gangue et une petite rose des sables, le tout pour 100 dirhams.

Retour sur le plateau grisâtre, le canyon est tout près, caché. Un point de vue nous le rend, encore une casbah, habitée, celle là. Je la dessine vue d’en haut. Nous sommes assises sur une dalle contenant des fossiles d’oursins noirs et pyritisés. Vu du dessus, l’enchevêtrement des maisons, patios, terrasses encerclées par des murs garnis de bastions carrés.
La route descend ensuite pour longer la palmeraie.

Geyser

source vauclusienne et ferrugineuse
source vauclusienne et ferrugineuse

Attraction suivante : un geyser d’eau très ferrugineuse, résurgence vauclusienne qui jaillit sur le plateau. Tout autour, des concrétions rouillées. Nous ne trouvons pas la ferme expérimentale signalée par Gallimard.

Encroutement ferrugineux
Encroutement ferrugineux

Erfoud

Arrivée à Erfoud vers 17 heures. La ville est bondée. Tout le monde est dehors. Des familles entières sur des  heures, vélos, Madame en voile noir, les petits endimanchés. Les hommes portent souvent de belles djellabas blanches, certain ont des fez rouges ou des calots blancs brillants. Nous n’en avons pas vu plus tôt, j’en déduis que ce sont des tenues de fête.

Pas de voitures dans la ville, beaucoup de vélos. Deux tentatives pour trouver un hôtel. Le premier recommandé à Midelt, complètement vide manifeste peu d’enthousiasme à notre arrivée. Pas de cuisinier à cause de la fête. On va voir ailleurs. En centre ville, dans une rue encombrée, un petit hôtel, La Canne. Le patron est vraiment gentil, le prix de demi pension, 350 dirhams. Nous repartons dans la palmeraie pour la balade au soleil couchant. Encore la tranquillité, quelques petites filles nous escortent. Dans la chambre, bon dîner, tajine pruneaux, omelette brochettes, oranges à la cannelle,
En bas, le café est bondé il y a un match Maroc/Sénégal au stade de France, les hommes sont très chics, djellabas blanches, voitures décapotables. De notre chambre, nous entendons la clameur quand il y a un but pour le Maroc.

6. De Midelt à Errachidia par les gorges du Ziz

2003 – De Fès à Rabat en passant par la vallée du Ziz et Meknès.

 

A la sortie de Midelt, les sommets enneigés du Moyen Atlas
A la sortie de Midelt, les sommets enneigés du Moyen Atlas


La nuit a été très froide. A Midelt, 1500m, il gèle.

7h15 lever du soleil spectaculaire sur le Djebel Ayachi. En quelques seconde le disque solaire sort, éblouissant, ciel pur de montagne et de désert, couleurs violentes.

La salle à manger de l’hôtel Ayachi est très bien décorée. Pendant que nous attendons le petit déjeuner on avise un récipient en cuivre conique. Le patron de l’hôtel intervient c’est une huche à pain, il nous montre les tapis brodés faits dans la région et s’installe à table avec nous. Nous discutons de la crise du tourisme à cause de la guerre qui se prépare en Irak qui est une vraie catastrophe pour cette région qui vit du tourisme.
Il a un air bizarre avec son costume noir fripé et ses yeux rouges. C’était notre voisin de chambre. On avait remarqué son comportement hier soir. Bouteille ou kif ? Son discours, intéressant est un peu incohérent. A la fin du petit déjeuner il nous invite chez lui voir sa femme « madame Thatcher ». Madame Thatcher est en tablier, gants de vaisselle à la main, elle nous installe dans le salon de réception très vaste bordé de canapés aux coussins blancs avec de jolies petites tables octogonales en cèdre tourné. Nous lui demandons conseil pour une excursion à partir de Midelt.

Aouli est accessible avec une voiture ordinaire, le cirque de Jaffar, trop loin, seulement avec un 4×4. Nous parlons de tapis et de kilim, je lui demande des prix, elle ne donne pas de chiffre mais conseille de diviser par deux l’offre du marchand et de faire mine de partir.
Son mari fait du thé à la menthe il revient habillé de frais. Nous pensons que madame Thatcher, Milouda, l’a viré, vu son état lamentable, il a dormi à l’hôtel tout habillé. Notre visite a été bienvenue pour éviter des remontrances. Nous nous quittons avec la promesse de se revoir lorsqu’on repassera par Midelt au retour.
Nous avons deux heures de retard sur l’horaire prévu mais cela a été l’occasion de boire le thé dans une belle maison marocaine et d’échanger quelques idées.

Les mines de Mibladen

entre Midelt et Aouli
entre Midelt et Aouli

La petite route d’Aouli est goudronnée, elle traverse d’abord le plateau caillouteux, nous traversons une bourgade minière Mibladen habitée mais en sommeil. Le sol est crevé par l’exploitation minière et les déblais forment des cônes de gravats. Dans les gorges coule la rivière Moulouya tumultueuse, belles eaux verte et vif courant .Et pourtant la fonte des neiges est peu importante. Il n’a pas neigé cet hiver à Midelt, cette année, les cigognes sont arrivées avec plus d’un  mois d’avance. On imagine la force de l’oued en crue en regardant le profond canyon qu’il a creusé.

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le site abandonné de Mibladen

Des installations tombées en désuétude enjambent le lit du torrent, restes de centrale électrique, aqueducs en ciment ruiné, pylônes électrique inutiles …Ce matin, notre hôte nous a expliqué que les mines de plomb d’Aouli ont été exploitées depuis 1942, le plomb a servi pendant la première Guerre Mondiale. Ceci corrobore mes lectures. Edith Wharton racontait que Lyautey au lieu d’envoyer des supplétifs dans les tranchées avait préféré favoriser le développement économique du Protectorat. Certainement le plomb d’Aouli a servi l’effort de guerre mieux que des effectifs de soldats. .Depuis 50 ans Aouli est devenue une ville fantôme. Pennaroya qui l’exploitait l’a abandonnée à l’Indépendance.

Aouli, la mine abandonnée
Aouli, la mine abandonnée

Le quartier européen est construit de petits immeubles à balcons et terrasses, volets verts d’un côté de l’oued. En face une immense bâtisse rouge adossée à la falaise. Plus loin,  un quartier ouvrier de maisons de pierres sèches accrochées fait corps avec la montagne. Les figuiers, défeuillés actuellement,  prospèrent encore. Sur le bord de l’eau peupliers lauriers roses et tamaris. L’endroit quoi qu’isolé devait être agréable avec cette eau et cette verdure.

ville fantôme
ville fantôme

Nous faisons demi-tour avant d’arriver au chantier, la piste devient de plus en plus mauvaise. Sur le retour nous rencontrons un troupeau qui nous barre la route. Les petites chèvres basses grises sont très belles.

le troupeau de chèvre avance dans le canyon
le troupeau de chèvre avance dans le canyon

 

Nous dépassons une vieille toute courbée qui marchait derrière son âne. Je lui propose 5dirhams pour prendre une photo. Elle accepte, mais pas avec l’âne. Elle se redresse bien droite sur son bâton. J’avais imaginé la photo autrement : à l’arrière plan, les neiges de l’Ayachi, l’âne et elle cheminant sur la crête se détachant sur le ciel bleu. C’est l’image, debout, fière, qu’elle veut bien me donner. J’espère qu’on verra ses rides et tatouages,  je n’ai pas osé faire sortir le téléobjectif.

La route de Midelt à Errachidia

La route de Midelt vers Errachidia contourne la montagne jusqu’à un col à 1900 m. Au col, nous retrouvons une « forêt »,  de malheureux thuyas très vieux, à moitié desséchés puis plus haut des pins plantés récemment . En descendant vers le sud, le paysage est plutôt monotone. Les neiges éternelles ont disparu, les barres violacées sont frangées de cônes d’éboulis ocre. Les collines de piémont plus beiges sont soulignées par de petits bancs de  pierre. De temps en temps, un village avec des vergers d’arbres fruitiers rompt la monotonie. En février, ils ont une allure hivernale, des cerisiers ou des pommiers ou des pruniers ?

Sources thermales

Source thermale de Rich
Source thermale de Rich

 

Nous trouvons l’oued Ziz vers Rich dans une large plaine peu intéressante, les premiers ksour apparaissent, villages de terre. Nous cherchons deux sources thermales  : l’une pour les reins, l’autre d’eau chaude pour les rhumatismes où on peut se baigner (le maillot est prêt dans le sac). La première est charmante : piscines d’eau claire sous de beaux palmiers. Dans un bassin, on voit des bulles de gaz. Le gardien élève dans l’autre des poissons dont il est très fier. Il nous fait la visite très aimablement. Il vend des bidons aux curistes et tient une petite cafétéria. Nous déjeunons près du bassin aux poissons. Discret, il ne nous dérange pas pendant le repas, présent tout de même il fait mine de nourrir les poissons et viendra fumer une cigarette en notre compagnie à la fin du repas. C’est vraiment un pique-nique agréable.

La deuxième source, « station thermale » est très décevante. Parking payant couvert, mosquée, deux établissements miteux en ciment beige précédés de guitounes où l’on vend des slips, du shampooing, du savon. C’est pouilleux, misérable, je n’ai pas envie d’aller dans ces pauvres bâtiments.

Gorges du Ziz

Nous passons le fameux tunnel du Légionnaire à l’entrée des gorges du Ziz. Nous ratons une belle photo par la faute des gamins venus vendre des dromadaires en paille tressée  qui nous mettent en fuite. Les gorges du Ziz forment un canyon entaillé dans une falaise brun rouge avec une stratification de bancs horizontaux. C’est la patine qui est rouge, le calcaire, lui même est gris. Le fond de la vallée est occupé par une belle palmeraie. L’eau du Ziz est transparente, verte avec le reflet des palmiers. Les graviers dans son lit sont gris.
Je passe une bonne heure à écrire et à dessiner. Un jeune homme s’est assis près de nous, fait une tentative, mais se décourage et finalement chantonne ou psalmodie des prières, il est ensuite rejoint par des copains qui nous laissent bien tranquilles. Avec les adultes on arrive bien à faire comprendre qu’on a envie d’être au calme. La plaie, ce sont les enfants qui ne se lassent jamais.
Après le grand canyon, nous arrivons au barrage sur le Ziz : beau lac turquoise avec des îlots. La route le surplombe de loin.

Errachidia

D’après tous nos interlocuteurs, Errachidia n’offre aucun intérêt. Nous sommes plutôt agréablement surprises par les efforts d’urbanisme, les différents quartiers sont enceints de murs avec des tours carrées imitant les ksours traditionnels de terre décorés de motifs berbères. Les entrées de la ville monumentales rappellent celles de Ouarzazate . La ville, elle-même, est invisible derrière toutes ces murailles qui cachent  des quartiers d’habitation des bâtiments officiels ou des casernes. Pas de trace d’hôtel. Nous continuons la route de Ouarzazate et sommes prises en chasse par un 4×4 qui nous double et s’arrête, peut être des rabatteurs d’un hôtel de luxe ?

Hôtel Mezki

L’hôtel Mezki -recommandé par Lonely Planet-  n’est pas cher, mais froid, sans chauffage ni eau chaude, couloirs sinistres, chambre immense et triste. Nous cherchons ailleurs, bredouille.entre temps, On nous annonce qu’il n’y aura pas de petit déjeuner pour cause d’Aïd et  pas de dîner non plus. Nous parlementons, finalement nous aurons des brochettes et des frites, le tout pour 250 DH.

5. En route par Ifrane – Midelt

2003 – De Fès à Rabat en passant par la vallée du Ziz et Meknès.

Cèdre de l'Atlas sur la route de Fès à Midelt
Cèdre de l’Atlas sur la route de Fès à Midelt

 

Un drôle de bruit nous a tirées du sommeil, on avait imaginé qu’un carreleur taillait ses zelliges, tandis que moi j’entendais une voiture télécommandée. Finalement c’est la douche qui fuyait. Le muezzin convoque à la prière, en écho, les autres répondent. Nous nous rendormons jusqu’à 7h30 : soleil magnifique.

La Toyota Corolla
Budget, n’a pas de petite voiture à nous proposer, il loue la magnifique Toyota Corolla bleue nuit pour le prix d’une Clio. Location conclue avec un verre de thé à la menthe (le premier depuis notre arrivée)Au distributeur de billets, tout se passe bien. Traversée de la Fès moderne avec ses grandes avenues, ses palmiers, très française encore.

Oliviers et soucis oranges

10h30 –  tous nos bagages sont chargés, nous quittons Fès par une campagne très verdoyante. Les oliviers et les collines évoquent un paysage méditerranéen. Sous les oliviers, un tapis de petits soucis oranges. Le long de la route des moutons attendent. la fête  après demain. La nuit dernière en ville, nous les avons entendus bêler.

Au loin les crêtes du Moyen Atlas se profilent. Premier arrêt pour photographier la Corolla toute propre encore et les moutons .

A Imouzzer,  nous abordons la montagne, les forêts de chênes et de résineux.  Les maisons ont des toits en pente, des tuiles mécaniques rouges plates, elles ressemblent à des pavillons français du début du XXème siècle.

Ifrane

ifrane

 Ifrane est une curieuse station d’altitude. A l’entrée, une luxueuse université, puis  un parc où serpente une rivière d’eau claire : la source Vittel. De nombreuses tables pour les pique-niques sont aménagées près de l’eau. Le tout d’une propreté suisse.

Des villas cossues et des petits immeubles modernes avec des toits pointus, des tuiles rouges, tout a l’air très chic.  Très snob . Avec les nids de cigognes, très alsacien. Nous ne voyons pas les pistes de ski un peu plus haut. La neige est encore là par plaques, de petits névés dans les coins ombragés.

les magots
les 2 magots

Les singes
Quelques courses à la supérette des cigognes et prenons la direction dAzrou.
Sur un parking offrant un beau point de vue, trois petits singes attendent. Il y a aussi des baraques de souvenirs mais ces petits magots sont trop mignons ! Nous nous arrêtons donc, je sors un quart de pain rond. Les petits singes ne sont pas farouches, je distribue une bouchée à chacun, mais voilà que le petit saute dans le coffre de la voiture et vole le rouleau de Sopalin (heureusement que ce ne sont pas les pommes ou les bananes) j’échange le papier contre du pain. Ils sont apprivoisés, leur maître arrive et nous conseille de fermer la voiture. En effet un macaque entre par la fenêtre. Celui qui est sur le toit me saute sur l’épaule. Ils sont très délicats, très doux et joueurs . Le monsieur  très aimable,  ne pousse pas à l’achat. Il nous conseille d’aller pique-niquer sous les cèdres.

Les cèdres

cèdre
cèdre

Les voici, les premiers cèdres de l’Atlas! Les plus vieux dépassent avec leur silhouette caractéristique. Une petite déception, les plus beaux sont déplumés, le plus fameux, le Cèdre Gouraud est complètement mort (encore des singes et des baraques de souvenirs). Nous suivons la piste jusqu’à une clairière verte dans les cèdres. Les plus jeunes plants poussent très touffus mais leurs  branches ne forment pas encore les parasols horizontaux caractéristiques. Intriguée, je vais vérifier que les aiguilles sont bien celles d’un cèdre. Probablement, ils ne développent leur port majestueux qu’en vieillissant et meurent très vieux. Pour déjeuner, nous avons de la compagnie, un couple de chiens, le mâle , petit berger à épaisse fourrure, la femelle très maigre, une levrette. Ils dévorent le pain que je leur lance. Nous sommes assises sur de grosses bombes volcaniques à structure bulleuse. Toute la clairière en est jonchée. Promenade courte, à pied près des névés, la piste est verglacée.

fes à midelt singes

Azrou

Vue de loin, Azrou est une jolie ville adossée à la montagne, de près, c’est plutôt pouilleux, encombré et quelconque Nous pensions nous y arrêter, il n’y a rien de spécial à visiter, il est encore tôt, nous avons le temps d’arriver à Midelt.

Volcanisme

La route parcourt maintenant une sorte de plateau boursouflé de cônes volcaniques avec des cratères égueulés .Les bombes, blocs et scories sont utilisés comme murettes. Dans les creux, l’eau de fonte des neiges stagne en d’improbables fondrières. D’ici à quelques semaines ce sera peut être une steppe désertique mais aujourd’hui on dirait le Massif Central, en beaucoup plus haut (autour de 2000m jusqu’à 2500m) La route est très encombrée : d’énormes camions peinent en montée et soulèvent une poussière infernale. On finit par doubler la caravane.
Le massif central avec les Pyrénées enneigées à l’horizon ! Au loin une barrière de sommets découpés, blancs : le haut Atlas avec le Djebel Ayachi pourtant très éloigné.

encore les cèdres!
encore les cèdres!

Changement de décor : un désert pierreux, brunâtre, où paissent de nombreux moutons. Tout est marron : la laine des moutons, la terre, les broussailles aussi la djellaba des bergers coiffés de leur capuchons pointus.
Une rivière serpente en méandres serrés creuse une vallée sur le bord de la route. Des petits lacs temporaires ( ?) reflètent le ciel. Nous déroutons pour découvrir l’Aguelmane Sidi Ali, joli lac caché dans la montagne. Surprise il est vert très intense presque noir. Dehors il fait un vent épouvantable, on se pèle de froid et renonçons à nous y attarder.

Des cèdres très secs parsèment le flanc de la montagne, squelettiques, ils se détachent sur le ciel très bleu. Nous retrouvons la forêt au col du Zad à 2178 m.
Nous descendons alors sur Bolojoul et Midelt parmi les cèdres clairsemés. A chaque tournant des chiens misérables sont couchés, on aimerait leur donner le pain qui reste mais ce n’est pas évident de s’arrêter, on le regrettera.

arrivée à Midelt au coucher du soleil
arrivée à Midelt au coucher du soleil


Coucher de soleil sur Midelt

Nouveau décor : au premier plan le désert prend toutes les teintes de rouge, ocre, orangé, pourpre, violacé. La barrière blanche de l’Atlas se rapproche. Les buissons sont verts en cette saison, une sorte de graminée forme des coussins hérissés. A l’approche de Midelt vers 17hle soleil baisse, la lumière du couchant est chaude, des petits nuages étranges occupent le ciel. Certains s’effilochent d’autres en boules grises s’empilent et changent de forme.

Dommage d’entrer dans la ville par une si belle lumière! On emprunte une route de traverse censée mener à un barrage pour profiter encore du désert en Technicolor.

Une butte témoin ocre surmontée d’un banc de calcaire clair se détache – décor de western –  elle est précédée de collines violacées. Nous découvrons un campement de nomades.

Lorsque nous rentrons à la route, le soleil est si éblouissant qu’on a du mal à couper la file de la circulation : on ne voit pas les véhicules arriver.

L’Hôtel Ayachi

18heures, nous nous arrêtons au premier hôtel venu, un peu classe : l’hôtel Ayachi. Il y en a un autre, la Kasbah, tout le reste fait plutôt minable. Le patron est très sympa :
– « pour toi ce sera 560 dirham la demi pension. »
Il a fait un petit rabais pour la morte saison. L’hôtel est très laid du dehors, gris ocre « bâti par les Français »  années 50. Le hall est très bien décoré, vastes salons, curieux « foyer » (chiffon moiré orange qui bouge avec une soufflerie). La chambre est très vaste, très haute de plafond, meubles standard sans goût mais un balcon et un radiateur, une belle salle de bain et de la moquette. Nous avons froid malgré le chauffage. On viendra avec un seau purger le radiateur.
Le dîner est très bon : salade marocaine, tajine aux pruneaux, orange à la cannelle pour moi, omelette, brochettes tarte pour D.

 

4. Fès : Medina-Fès el Djedid

2003 – De Fès à Rabat en passant par la vallée du Ziz et Meknès.

Toutes seules dans la médina!

Fès : ruelles tranquilles dans la médina
Fès : ruelles tranquilles dans la médina


F
ortes de notre équipée guidée d’hier, avoir étudié le plan, nous nous lançons à l’aventure. Nos repères seront les deux Talaats, axes principaux orientés SE/NO et le but à atteindre : la place Nejjarine qui se trouve au milieu de tout ce que nous voulons voir.
Première étape Bâb Boujeloud, la porte bleue, puis le marché aux victuailles. Hier, des chats se partageant des restes de viande sous l’étal d’un boucher. Un autre chat, perché sur la cage d’un pigeon auraient été des sujets de photos auxquelles  j’avais renoncé à cause du guide. Les chats traînent toujours, mais plus la mise en scène !

La clepsydre de Maïmonides

La clepsydre
La clepsydre

La clepsydre  me plaît de plus en plus depuis que j’ai lu que des cymbales sonnaient les heures et que des oiseaux mécaniques surgissaient des petites fenêtres. Le « juif astucieux »  dont parlait le guide, n’est autre que Maïmonides (pas seulement astucieux, l’auteur du guide aurait pu se renseigner !) Il aurait trouvé le mécanisme hydraulique de cette horloge monumentale qui occupe tout un bâtiment en face de la Medersa Bou Inania (visitable selon les livres mais fermée pour cause de travaux).

Nous aventurons dans les ruelles des quartiers d’habitations pas plus larges que des couloirs, tombons dans des culs de sac et chaque fois retrouvons les artères commerçantes. Nous nous débrouillons très bien sans guide.

Premier but de promenade : le souk des luthiers (le Routard). Nous tournons dans le quartier, demandons aux habitants. Introuvable ! Les boutiques vendant des tambourins et de flûtes ne manquent pas mais nous ne nous attardons pas de peur de nous faire piéger par les vendeurs.

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Les enfants deviennent insistants. Seul avantage de la visite accompagnée d’hier, ils ne se manifestaient pas. Pour  les décourager j’explique inlassablement que nous ne cherchons qu’à faire des photos tranquilles. Cela marche à peu près. Pour les photos, un nouveau problème surgit : l’étroitesse des rues. Sans recul, il faudrait un plus grand angle pour capter la porte, l’auvent et un coin de ciel bleu. Il faut aussi être rapide, à peine ai-je trouvé le cadrage satisfaisant qu’un mulet chargé me déloge « Balek !». Les mulets – photogéniques- disparaissent avant que l’objectif ne soit sorti.

Fès caravansérail
Fès caravansérail

Maristan

Une enseigne peinte nous indique le souk au henné –  placette bien agréable – ombragée (en été) par deux gros platanes, défeuillés en ce mois de février, entourée de petites boutiques de bois  .Les vendeurs sont bien aimables et ne cherchent pas à nous vendre quoi que ce soit. le marchand nous installe un sac de jute pour que sur la margelle d’une fontaine désaffectée, nous soit plus confortable . Nous avons tout le loisir de lire nos guides et de nous reposer. En face, des ouvriers restaurent une tour carrée, le Maristan, hôpital ou a officié Léon l’Africain (j’ai dans les bagages sa biographie par Maalouf).

Le Musée du bois de la Place Nejjarine

la fontaine de la place Nejjarine
la fontaine de la place Nejjarine

Nous traversons les souks couverts pour trouver la place Nejjarine avec sa belle fontaine polychrome et le Musée du Bois. C’est un havre de paix. Pour 20 DH nous payons la visite mais aussi le repos dans un cadre merveilleux. L’ancien fondouk a été récemment rénové. Les boiseries embaument le bois de cèdre, les sculptures de stuc sont comme neuves, merveilleusement ouvragées. Les toilettes sont luxueuses, les banquettes ont des coussins. Encore une fois, nous sommes les seules visiteuses.

Nous prenons tout notre temps pour examiner le contenu des vitrines, des dizaines de rabots, de ciseaux et d’outils n’offrent que peu d’intérêt, mais les portes ciselées, les étagères peintes, les vieux panneaux sont de toute beauté. Ici aussi, je m’amuse à détailler les constructions géométriques, à chercher des symétries;  Pas étonnant que tant de profs de maths soient arabes, la géométrie et la symétrie sont élevées au rang d’arts majeurs.

fes terrasses - Copie

La terrasse du quatrième niveau offre un beau panorama sur la Mausolée de Moulay Idriss avec sa pyramide verte et le minaret vert brillant. Une petite coupole blanche dont la cheminée fume très noir est sans doute un hammam. Vers le nord les collines verdoyantes et les tombeaux mérinides. Il faut se gendarmer pour ne pas gâcher la pellicule. Tout attire l’œil : le linge qui sèche, les petits auvents de tuiles vernissées, un vénérable platane …

Les tanneurs

Fès tanneurs
Fès tanneurs

Plutôt que de gaspiller notre énergie à chasser les enfants entreprenants et très collants, autant en choisir un sympathique qui nous guidera vers les tanneurs. Nos candidats sont vite trouvés : deux minuscules Mohamed et Smaïn en beaux pulls jacquards, le cheveu ras, l’air intelligent qui nous présentent la carte d’une boutique qui a une terrasse surplombant les tanneries. Les deux gamins filent, nous marchons sans nous presser, ils nous attendront plus loin. D’autres gosses tentent l’aventure mais les petits font bien leur travail. Ils nous disent que les guides officiels prennent des commissions sur les achats des touristes (ça on le savait !) mais pas eux, ce sera plus avantageux pour nous.

les cuves des tanneurs
les cuves des tanneurs

La terrasse des tanneurs est décevante, beaucoup trop haute, beaucoup trop loin. Cela ne vaut pas la visite à Marrakech. 200DH, pour des babouches, beaucoup trop cher!D’ailleurs nous n’avons presque plus d’argent et il n’y a pas de guichet automatique dans la médina. Les petits nous conduisent vers la porte de la ville où nous trouvons un petit taxi pour l’hôtel.

Déjeuner sur le pouce : sandwichs au poisson frit très épicé : sardines pour moi, congre plein d’arêtes pour D .Nous trouvons un avocat à la crémerie  – drôle d’endroit!  La raison est simple, : avec une centrifugeuse on fait du jus d’avocat avec du lait, plus classique, le milk-shake aux amandes, à la vanille ou à la banane.

Le réceptionniste de l’hôtel a invité une loueuse de voitures qui vient avec sa fille mais sans ltarifs ni  contrats. Elle ne connaît pas la carte VISA Premier et les assurances qui vont avec. Cela ne nous inspire pas confiance. Elle propose une Fiat UNO pour 450 DH, nous ne concluons rien avec elle. Nous verrons demain les enseignes mondialement connues.
Sieste écriture et café près de la piscine.

Fès el Djedid

  Fès el Djedid – Fès la neuve –  XIIIème siècle, (la nouveauté est toute relative) – se trouve à  20 minutes de marche de l’hôtel par  une avenue moderne avec une très belle vue sur un ravin et des collines vertes. Puis nous arrivons dans une foule compacte qui fait ses achats dans un bazar tout à fait contemporain : bassines en plastique, fleurs artificielles, grills …Nous atteignons une porte carrée qui s’ouvre sur une ruelle encombrée de foule. Aux abords, sur le trottoir, des petites gerbes de mauvaises herbes, une poignée nouée par un brin d’herbe, sans doute pour les moutons. Heureusement, nous ne prenons pas cette ruelle.

les balcons du mellah
les balcons du mellah

Au contraire, nous traversons l’ancien Mellah en suivant une belle rue large bordée de magnifiques maisons ornées de balcons de bois ouvragé de style colonial avec des frontons décorés, des fenêtres en saillie ornées de ferronnerie. Au rez de chaussée, les boutiques des orfèvres juifs sont remplacées par des marchands de fruits secs, pruneaux, dattes amandes, pralines et pâtisseries. Une bonne odeur d’amandes grillées flotte.

Plutôt que demander le cimetière Israélite ou la synagogue, nous désignons la place Allaoui que tout le monde connaît. C’est l’entrée du palais Royal, monumentale, plus grande que les portes de la ville avec des décorations polychromes, des zelliges, des portes de bronze. Tout cela flambant neuf, brillant – trop neuf, trop clinquant – précédé d’une immense esplanade bordée de palmiers et de massifs fleuris. Personne n’a le droit de la traverser, des militaires sifflent ceux qui s’y hasardent et verbalisent les vélos.

Fès ancien Mellah
Fès ancien Mellah

Le Palais est une ville secrète bien gardée.

Au bout de l’esplanade, un parking bruyant : il s’y déroule une activité intense de marché aux puces où tout ce qui est imaginable se négocie : des bracelets-montres, des gazinières, des canapés, de vieux vêtements ainsi que des neufs.

Cimetière juif

Fès cimetière israélite
Fès cimetière israélite

Le cimetière juif se trouve derrière ce marché. Quelqu’un nous indique l’entrée: la porte noire derrière le garage, bouclée à double tour, il faut sonner trois fois. Personne n’ouvre :
–    « Ya Khuya, le cimetière est grand » dit à mon intention un invalide barbu famélique qui surveille un étal minable de couteaux, tournevis à même le goudron.

Un vieil homme à la peau noire et aux yeux morts nous fait entrer sans un mot. Un autre homme se précipite, m’accueille en hébreu, me serre le bras. Visite guidée : des centaines de tombes  en demi cylindre chaulées de blanc sont entassées. La plupart n’ont pas de nom mais le chaulage est impeccable. Des morts d’épidémie de peste, commente t il. Notre hôte a la mémoire des lieux  ilconnaît les concessions de chaque famille : les Sarfaty, les Pinto, les Danan … des mausolées honorent des rabbins célèbres : Sarfaty et Danan. Notre hôte répète à satiété que les Juifs Marocains protégés du Roi, sont bien, que la communauté marocaine est protégée. Il est heureux de parler Hébreu, ses fils sont en Israël. Il est fier de son cimetière bien entretenu. La tombe d’un rabbin ressemble à une locomotive, une bougie y brûle. , celle de la jeune Soulica est teinte de bleu et blanc tacheté curieusement . Soulica était une très jeune fille qui avait refusé de se convertir à l’Islam pour se marier avec le Roi .

Il nous mène ensuite à la synagogue transformée en musée. Musée de quoi ? Cela ressemble plutôt à un grenier avec quelques objets du culte sans valeur, des chapeaux, quelques vieux livres, une collection de pierres, des vieux habits. Deux mannequins miment des mariés sous la Khoupa. C’est dérisoire, infiniment triste. Touchante aussi, la classe de l’Alliance Israélite, les bulletins d’Elbaz, Sebbag ou Azoulay… Le juif nous fait sortir par l’arrière. Sorti de son cimetière sa peur est palpable. Il m’extorque 100 DH pour l’entretien du cimetière. Je suis furieuse parce qu’il ne nous reste plus un dirham pour ce soir. Je me raisonne vite, 100Dh, c’est 66 Francs, deux entrées dans un musée européen, la djellaba achetée hier …moins que ce que nous avons donné au guide incompétent. Finalement c’est si peu face à la tristesse de ce qui reste de la communauté ! Je mesure aussi la différence entre la situation actuelle et celle en 2001 lorsque nous sommes venues à Marrakech dans l’avion des juifs qui venaient passer Pessah en famille.

Nous décidons de quitter Fès demain. Si nous restions que ferions nous ? Nous avons bien exploré la médina Fès El Bali et Fès El Djedid. La ville nouvelle ne nous dit rien Mieux vaut ne pas attarder et avoir plus de temps pour descendre dans le sud. Fès garde pour elle ses secrets que les touristes ne profanent pas. Les chantiers empêchent aussi les visites.

Nous rentrons à l’hôtel à la tombée de la nuit.


Le dîner se compose d’un potage, poireaux pommes de terre, d’une omelette pour D, couscous pour moi. Le couscous  suffit largement pour deux, nous laissons le reste.
Pour aller fumer sur le balcon, on fait glisser la porte-fenêtre qui s’enclenche. Nous voici prisonnières sur le balcon ! On hèle les passants dans la rue qui alertent la réception. Finalement le portier vient nous délivrer. Fou-rire ! Cela fait du bien de rigoler!

 

 

3. Musée Batha et Tombeaux mérinides

 

2003 – De Fès à Rabat en passant par la vallée du Ziz et Meknès.

L'entrée du usée Dar Batha
L’entrée du Musée Dar Batha

Musée Batha


Le Musée Batha se trouve dans la rue qui longe l’hôtel, de l’autre côté de la piscine. Rue large bordée d’un côté par des bâtiments officiels luxueux avec des jardins plantés d’orangers En face, d’impressionnants murs enclosent le palais. Le Musée est occupé par une exposition de céramiques « les arts du feu » les autres collections sont fermées. En cette morte saison, des ouvriers rénovent les zelliges de la terrasse et repeignent les murs.  Des gardiens  censés nous suivre dans les salles,  préfèrent bavarder au soleil en bordure du jardin. Nous avons donc un palais pour nous seules !

Musée : portes peintes et zelliges
Musée : portes peintes et zelliges

Les portes peintes et les plafonds ouvragés ont plus de charme que les poteries néolithiques ! En revanche, les céramiques de Fès bleues et blanches me captivent : des plats de dimensions impressionnantes sont dignes des réceptions du palais. J’imagine la pyramide de couscous ou les monceaux de gâteaux. …La géométrie des entrelacs et des arabesques me fascine.  Je cherche les symétries, les constructions au compas, du carré on passe à l’octogone, sur chaque face de l’octogone, un triangle, puis les motifs se compliquent. Ou alors, d’une étoile à 6 branches on arrive à 6 cercles qui se recoupent …Quel plaisir ce serait pour un prof de maths que d’imaginer un cours sur ce thème !

Musée Batha portes et jardin
Musée Batha portes et jardin

Le Palais comporte deux ailes symétriques précédées chacune d’une terrasse carrelée ornée d’une fontaine. En contrebas, un jardin luxuriant, un peu à l’abandon à l’ombre d’un chêne immense. Parmi les mauvaises herbes, des papyrus, des géranium, des arums. Des dizaines d’oiseaux volettent d’arbre en arbre. Deux allées perpendiculaires partagent le jardin, à leur intersection, une petite fontaine. Il fait beau, le calme contraste avec l’agitation de la médina toute proche. Peut être derrière d’autres murs anonymes se cachent d’autres riads insoupçonnés ?


Tombeaux mérinides

Fès et les tombeaux mérinides
Fès et les tombeaux mérinides

Un petit taxi rouge nous y conduit en quittant la médina par Bab Boujeloud, la belle porte bleue. Il traverse des cimetières avant de monter sur la colline qui fait face à la ville ancienne, Fès El Bali. Une corniche est plantée de jardins et de là, la vue est dégagée sur la ville.
Le soleil est bas, sous les nuages noirs, la lumière est très belle. Les murs crénelés prennent une teinte chaude. La colline est couverte d’une herbe vert vif avec des plaques de petites fleurs orange comme des soucis miniatures, fermés à cette heure-ci. Un berger pousse devant lui un troupeau de moutons.
Nous repérons les toits des principaux monuments, le mausolée carré de Moulay Idriss et la Karaouine, entr’aperçue à la sauvette est livrée à nos regards avec ses toits vert et ses murs blancs.

Tombeaux mérinides, ruines romantiques
Tombeaux mérinides, ruines romantiques

Les tombeaux des mérinides sont bien en ruine, rien de spécial à y voir de près. De loin, sous la lumière du soir, ils ont fière allure, ruines romantiques d’un siècle révolu…
Nous nous promenons tranquillement, un homme nous commente le panorama, il nous situe le quartier des tanneurs au delà d’un mur rose. Ses explications sont très claires. Puis il essaie de nous vendre des sacs en cuir. Un autre s’approche avec un sac en plastique et nous montre des djellabas beaucoup plus soignées en meilleur tissu que celle que nous avons achetée ce matin pour 250 DH, on se laisse tenter pour 100DH. Je m’apercevrai ensuite qu’il s’agit de djellabas ordinaires que les femmes marocaines portent dans la rue. Nous rentrons à pied par les jardins .puis par un marché aux légumes très fréquenté et très boueux .Pour dîner, le tajine de l’hôtel est bien gras.

 

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2. la Médina de Fès

2003 – De Fès à Rabat en passant par la vallée du Ziz et Meknès.

 

Minaret

Minaret

 

Face à notre balcon: la terrasse d’un  café très animé, un peu bruyant. Les hommes attablés regardent un match de foot à la télévision.

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Après la Poste et un bâtiment officiel au fond d’un jardin, la rue se rétrécit, elle est animée bordée de plusieurs « Crémeries », des petits restaurants servant des glaces et des milk-shakes. La Téléboutique que nous cherchions est à deux pas. Sur de petits étals, on vend toute sorte de nourritures : des brochettes, des pains ronds, des sortes de crêpes. Deux restaurants très pittoresques proposent des plats traditionnels. Un vieil homme, assis sur une chaise basse,  écale des œufs mollets dans un panier à ses pieds. Sur une cantine mobile, on fait frire des poissons. Par terre, diverses herbes : coriandre, persil, et d’autres plantes séchées inconnues. Cela sent bon !
Nous cherchons des repères dans notre nouveau quartier : le cinéma est logé dans une maison ordinaire, reconnaissable uniquement à la caisse et à quelques affiches dans le couloir. Nous atteignons rapidement la porte de la ville décorée de faïence bleue   Bab BouJeloud. Au delà des murailles, un cimetière.

La médina

Les portes de Fès
Les portes de Fès


Une rue très animée, est couverte de roseaux au dessus d’un marché de viandes et de légumes. A Athènes, Jérusalem ou Istanbul les boucheries dégagent une odeur pestilentielle, aujourd’hui, il fait frais, les parfums des épices, des poissons grillés et des beignets se superposent, cela sent très bon.

Fès souk
Fès souk


Des tailleurs travaillent dans de petites échoppes, les djellabas sont élégantes, sophistiquées avec des galons, des surpiqûre, des découpes. Sur des mannequins des manteaux très chics, d’un modèle un peu suranné mais très bien coupés. Plus loin de l’artisanat traditionnel pour touristes.
On nous hèle,  les marchands ne sont pas trop insistants.

le tisserand dans son échoppe
le tisserand dans son échoppe


Je regarde partout par les portes entrouvertes des mosquées, dans les ruelles, les ateliers.  6 heures du soir, chez les bijoutiers, la nuit tombe, la plupart des boutiques ferment. La rue principale est éclairée Peut-être allons- nous nous retrouver dans l’obscurité ?  J’achète des bananes et des oranges.  La rue parallèle semble spécialisée dans les chaussures. Cette année, la mode ici, est aux bouts carrés . je remarque un curieux article :  compromis entre la babouche et le sabot suédois de luxe. Est- ce que ce sera la mode de l’été en France que ces sabots au talon dégagé ou est-ce une spécialité locale ?
Retour vers 7 heures à l’hôtel pour notre dînette de fruits

 

 

La prière de l’aube me réveille dans le noir complet. Je n’arrive pas à distinguer le chant d’un muezzin, toute la ville bruisse d’un chant confus. Je me rendors tranquillement jusqu’au lever du jour.
Un groupe de touristes nous donne le signal du lever : nous les croisons au petit déjeuner : des femmes mal fagotées, blondes, parlant une langue slave.

Visite guidée

Le réceptionniste de l’hôtel  appelle un guide « officiel » au café d’en face.

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Bab Boudjeloud

Cette visite guidée payante ressemble plus au parcours de rabatteur vers les différents magasins.  A peine avons-nous quitté Bab Bou Jeloud, nous nous trouvons dans une boutique d’articles de cuivre. Courte démonstration avec le poinçon et les deux maillets de bois, une recette pour astiquer les cuivres au jus de citron, on nous fait résonner le fond de deux plateaux de cuivre et de laiton et il faut passer aux emplettes. Poliment, je demande la carte du magasin et promets de revenir demain, ou lundi…Ouf ! Le premier piège est déjoué.

Le guide marche  à vive allure dans le dédale des ruelles et des impasses. D lui fait part de son étonnement de voir la médina si propre et si soignée ;  nous assistons au ramassage des ordures (deux fois par jour) : un âne lourdement chargé porte les sacs plastiques et le collecteur ramasse consciencieusement tout ce qui traîne. Les rues sont  lavées chaque matin, un caniveau au milieu d la ruelle draine les eaux usées. De gros efforts portent sur le nettoyage. C’est très surprenant comparé à Marrakech ou au Caire .

Balek !

fes medina ruelle interdite aux ânes

Partout on a installé de la paille et des petits sacs d’orge destinés aux moutons de la fête qu’on voit circuler dans des chariots à roulettes poussés par des hommes « Balek ! »Il faut se pousser, s’ effacer pour laisser le passage à un mulet ou à un âne lourdement chargé. La médina est interdite au trafic automobile. Certaines rues portent le panneau rond bordé de rouge représentant un quadrupède « interdit aux ânes et aux mulets ».

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A chaque pas, la vue  mériterait une photo ou un dessin : un petit auvent de tuiles vernissées vertes colonisées par des plantes folles, une sorte de tambour à claire-voie remplaçant les moucharabiehs égyptiennes que j’avais pris d’abord pour des garde-manger, une porte ancienne cloutée et ciselée. Certaines portes anciennes ont deux heurtoirs, en bas pour les piétons, en haut pour les cavaliers. Une main de Fatima cloutée orne généralement le haut du battant.
Les volumes décalés des hauts murs aveugles dégagent des perspectives inattendues, un minaret carré surgit, parfois un cyprès d’un jardin caché.

Au début, le guide faisait un effort de commentaire en nous décrivant les palais cachés. J’ai espéré qu’il ouvrirait une porte, qu’un couloir nous mènerait à un patio enchanté. Point du tout ! Il ne sait que nous conduire dans des magasins pour touristes pressés : autocollant VISA, coupures de journaux punaisées attestant de la visite de clients célèbres : le Président Reagan, le premier Ministre portugais. Exotisme de Tour Opérators ! Nous croisons d’autres touristes qui, comme nous, suivent le circuit des gogos. D’ailleurs le commentaire devient de plus en plus rare. Ceci a le don d’irriter D qui ne veut pas jouer le jeu et ne rentre même pas dans les boutiques. Je  me prête à l’exercice imposé avec plus de politesse que d’enthousiasme.

Chez l’herboriste

la devanture de l'herboriste

L’herboriste a un boniment honnête « nous ne soignons pas toutes les maladies, seulement le rhume, les maux de tête, les problèmes de peau et les rhumatismes ». Il m vante les propriétés antimites du musc et désodorisantes : en frotter les tapis et les rideaux. Il me fait renifler l’anis noir enfermé dans un balluchon minuscule fait de  PQ, cela débouche le nez et les sinus. A la fin de la démonstration, il faut bien sûr acheter. D a filé dans la ruelle, je suis bien embarrassée et me laisse tenter par 5 grammes de safran (pas celui en poudre qui est du curcuma)  mais les pistils rouge sang à 2 dirhams le gramme. Pour 100DH, le guide rajoute un paquet d’argile qui doit servir de shampooing. Sur le moment, je suis ravie de ce cadeau, justement il nous manque du shampooing dans les bagages ! Après réflexion j’ai dû drôlement me faire avoir sur le safran !

Tout autour de la boutique de l’herboriste, des confiseries présentent des nougats multicolores, des sucettes pastel, de longues torsades enrubannées dans des emballages de cellophane qui donneront de jolies photos.

navettes pour broder
navettes pour broder

Nouvelle boutique, nouveau piège à touristes : des broderies cette foi-ci. Pas de démonstration du point de Fès, les brodeuses préparent la fête chez elles. C’est un peu dommage, ce point de croix particulier exécuté à deux mains avec du fil DMC bleu m’aurait bien intéressée. Mais pas l’achat d’un service hors de prix. En l’absence des brodeuses, j’ai moins de scrupules. J’essaie de ménager la susceptibilité du marchand et me souviens de la copine de Fatiha qui brode chez elle à la commande, je lui en raconte qu’il s’agit d’une de mes amies et trouve donc une porte de sortie honorable pour les deux parties.

Nous retrouvons  Talaat El Kébir les « Champs Elysées » de Fès puis la charmante place Nejjarine où nous nous promettons de revenir seules.

Dans la boutique des djellabas pour touristes, D achète le cadeau pour sa mère : un caftan vert.  Une djellaba comporte une capuche pas le caftan.Les djellabas de toutes sortes, sont à  à tous les prix, en soie aux couleurs délicates, en laine épaisse ou fine, unie ou rayée, en coton aux couleurs criardes pour les touristes avec des broderies voyantes et peu soignées. Malheureusement notre budget exclue la laine et la soie. J’essaie de marchander, c’est un des plaisirs de l’achat. La présence du guide est plutôt un handicap qu’une aide (il doit percevoir une commission au pourcentage). Nous avons dû nous faire bien avoir, car ce dernier magnanime offre un chèche bleu qu’il noue autour du cou de D.

La Karaouine est entrevue par les portes ouvertes.
Après la kissiria, bazar fermé pour les soieries, nous entrons par un couloir dérobé dans un ancien fondouk occupé par des tisserands qui travaillent la soie.Les beaux coupons de 3x2m pour 300 DH sont bien tentants. Si on achetait ici la tête de lit ?


Cela m’agace de faire des achats le premier jour des vacances. J’avais en tête autre chose : un kilim. Le mur de la chambre est en béton difficile de faire des trous pour l’accrocher. D n’éprouve pas du tout la même fascination que moi pour les tapis.

Le guide, ravi d’avoir compris quelle sorte de marchandise nous tente, nous entraîne dans une coopérative de tapis et chez un berbère qui vend des kilims.Les kilims qui me plaisent sont ceux qui sont rebrodés avec des matières différentes, des motifs en reliefs, mais ce sont les plus lourds. C’est un gros investissement, pas question de traiter cette affaire à la va-vite avec ce guide qui nous embarrasse.

Nous passons rapidement par la rue des teinturiers, toute la rue dégouline de noir (les pauvres TBS blanches) toutes sortes de vêtements sont mis à sécher : des pantalons, des chemises. Ce n’est pas du tout comme à Marrakech un show pour touristes.

Uun taxi, place Safarine qnous ramène en quelques minutes à l’hôtel  où nous nous débarrassons enfin du guide moyennant finances – à notre appréciation –  120DH selon la suggestion du réceptionniste de l’hôtel.

Quand nous sortons a pour déjeuner, il pleut dru. J’enroule le nouveau chèche bleu et nous voici sous une belle averse ! Heureusement, notre quartier regorge de cantines et restaurants à bon marché. Pour 15 DH nous rapportons un sandwich aux brochettes de viande hachée épicée avec de la salade, tomates oignon, poivron dans un demi pain rond.

Les rues pavées de la médina sont très glissantes sous la pluie : un cycliste s’étale sous nos yeux. La pluie cesse dès qu’on rentre à l’hôtel. Nous sommes sorties au pire moment.

Un soleil magnifique sèche le patio. Je m’installe pour écrire sur une table du bar devant la piscine, D s’allonge au soleil sur un transat. Le ciel est d’un bleu qu’on n’aurait pas pu imaginer ce matin.