Sidi Ifni

PLAGES DE L’ATLANTIQUE – MONTAGNE DE L’ANTI-ATLAS

Sidi Ifni escalier

Nous sommes retournées à Sidi Ifni et j’ai été séduite par cette jolie petite cité aux portes du Sahara.

Une ville espagnole

Sa colonisation avait commencé en 1476 par la construction d’un château Santa Cruz de Mar Pequena, un peu plus au sud à partir des Canaries, Pêcherie concédée aux Espagnols depuis 1769, puis octroyée à la suite du traité de Tétouan (1860). C’est en 1934  que se construisit la garnison espagnole, (jusqu’à 15.000 hommes)un port important, un aéroport et même dans le années 60, un téléphérique reliant le port  à la ville. Un article du journal Le Monde (1967) titré « Les larmes de l’Infante » donne davantage de précisions. Elle ne fut rétrocédée au Royaume du Maroc qu’en 1969.

Construite dans les années 30 en style Art Déco c’est une charmante ville espagnole que nous allons découvrir.

En route, nous repassons par les plages découvertes au premier passage. Nous nous attardons un instant sur la plage blanche de Sidi Ifni à la base de la falaise. De nombreux surfeurs sont à l’eau . La plupart allongés sur leur planches, rares sont ceux qui se lèvent et chevauchent les vagues. C’est un spectacle amusant. Près du cimetière, à l’entrée de la ville, nous demandons à un homme en djellaba vert pistache la place Hassan II , centre de la ville historique. Il enfourche une vespa et nous fait signe de le suivre.

La Place Hassan II est une vaste place ovale. En son centre, un jardin. Autour, les bâtiments officiels. Certains bâtiments espagnols ont été réutilisés, d’autres tombent en ruine 50 ans après le départ des occupants. Je n’ai pas reconnu la Cathédrale espagnole transformée en Tribunal. De larges avenues sont bordées de palmiers et de jolie villas Art Déco dans des jardins luxuriants. La végétation contraste avec l’aridité des collines de la région. Impression d’oasis. A l’extrémité d’une rue, l’hôpital blanc et bleu est aussi pimpant. Une dame sous un voile rose au semis de fleurettes m’aborde « buenas dias », je ne sais que lui répondre. Elle répète et commence une conversation en Espagnol. Elle doit être bien vieille. Quel âge avait-elle quand les Espagnols sont partis ? Peut être est -elle simplement partie travailler en Espagne. Je n’ose pas lui demander.

Derrière l’hôpital il y a un petit phare.

Sidi Ifni corniche

Une très jolie corniche borde la falaise, balustrade bleue et blanche, dallage soigné, terrasses de cafés agréables. La promenade descend en escaliers compliqués avec palmiers et massifs fleuris vers la plage. Une barque bleue marque un carrefour avec une rue vivante bordée de restaurants toujours aux couleurs de la ville bleu et blanc. Un petit hôtel Suerte loca rappelle ses origines espagnoles.

Nous aurions aimé suivre le bord de mer mais la corniche est interrompue.

A l’arrière nous trouvons le souk et des rues plus ordinaires. Une fresque rappelle la Marche Verte du 6 Novembre 1975 qui mobilisa 350.000 volontaires armés seulement d’un Coran et de drapeaux verts. Un musée commémore aussi cet évènement mais tout est en arabe. De longue date Sidi Ifni est le fief de la tribu guerrière des Ait Baamran qui se souleva en 1957 contre l’occupant espagnol.

A la sortie de la ville, le Port paraît surdimensionné. La digue qui protège la darse est très longue. De loin, je distingue de nombreux bateaux de pêche. Au moins deux bâtiments modernes logent des Instituts de Technologie de Marine et d’Halieutique. C’est justement l’heure de la sortie pour les étudiants. Dernière curiosité : le Téléphérique dont le pylône en béton est bien ruiné.

 

 

 

 

 

Tiznit et Aglou

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Tiznit souk des bijoutiers

De Mirleft à Tiznit, nous avons le choix soit par la route côtière P104 soit passer par la montagne sur des petites routes qui ne sont ni plus courtes ni plus roulantes mais très pittoresques : collines, oueds, arganiers, villages…très belle promenade en voiture par Arbat-Sahel (38 km)

Le guide Michelin propose une visite dans la Médina en laissant la voiture sous les murs : entrer par les Trois Portes, partir à gauche vers le Souk des Bijoutiers. A 10h du matin,  les boutiques viennent d’ouvrir. Je ne trouve pas les bijoutiers, normal, ils sont cachés dans un patio carré ! Les commerçants me donnent des indications fantaisistes (soit, ils ne comprennent pas, soit ils confondent leur droite de leur gauche). J’arrive sur le Méchouar – grand place en face de la Gendarmerie, plutôt allongée, occupée en son centre par un parking et bordée sur les deux longueurs par des boutiques, des bâtiments officiels dans les largeurs opposées. Je demande à un vieil homme le souk des bijoutiers ; il me fait signe de le suivre.

Tiznit souk des bijoutiers

Un patio est occupé par des ateliers et boutiques à l’écart de l’agitation. Seulement quatre boutiques proposent de jolis objets. Dans la première les pendentifs berbères traditionnels et d’autres interprétés de manière contemporaine, argent et pierres noires avec des motifs très épurés. J’essaie de faire baisser les prix mais il n’y a rien en dessous de 150 dh (je vais les regretter, je ne retrouverai plus rien d’aussi joli). Une autre boutique, très poussiéreuse propose des colliers de grosses boules de bois séparées par de l’argent, exactement ce que Dominique cherchait, pour marchander, je choisis un autre collier avec de grosses boules orange imitant l’ambre.

En passant, dans la rue, je découvre des foulards en coton blanc très simple avec une bande jaune et 4 pompons orange à chaque coin : 13 dh. Je suis ravie, aller au souk et ne rien rapporter est frustrant.

Tiznit maisons de la Médina

Pour trouver la Source Bleue, le trajet semble simple sur le plan. La grande rue de l’hôpital est désagréable. La réfection des trottoirs est en cours, les étals des commerçants débordent et il y a des la circulation. Je tente de couper par les petites rues, ruelles et couloirs ombragés et tranquilles.

Les femmes de Tiznit sont enveloppées dans de magnifiques voiles très fins et très colorés qui rappellent l’Afrique. Au Sénégal, près de la Maurétanie, les femmes étaient ainsi parées de tissus très gais. Elles sont très couvertes mais beaucoup plus belles que celles qui revêtent les vêtements religieux aux couleurs hideuses bleu marine, gris, rouge vineux ou moutarde – exception pour le noir, très chic.  Pour se prémunir du soleil, certaines ajoutent une casquette fort peu féminine sur leur voile. Toutes sont très amicales et me disent bonjour.

Tiznit source bleue

Ces ruelles et couloir forment un labyrinthe, souvent les ruelles sont aveugles. Je dois revenir sur mes pas. Demander la Source Bleue aux passants n’est pas la solution. Femmes et enfants ne comprennent pas quant aux hommes, ils disent un peu n’importe quoi. Je trouve enfin le vaste complexe qui compose la Source : un long bassin, une piscine en demi-lune avec des demi-sphères de pierre. La ville a été construite autour de ce point d’eau. En face : un monument imposant, la Casbah Aghenaj ou citadelle édifiée en 1820 sur l’ordre de Moulay Slimane avec 5 tours de guet, de hauts murs crénelés. A l’intérieur, un curieux agencement de murets. Si j’ai compris les explications du panneau, c’est un système hydraulique. Récemment la citadelle a été restaurée, on y a fait un amphithéâtre pour des évènements culturels. Un bâtiment hémisphérique est un peu énigmatique avec les perches de bois qui dépassent et hérissent l’extérieur.

Tiznit mosquée

On retrouve ces mêmes perches sur le minaret de la Grande Mosquée voisine. Plusieurs explications : prosaïque les constructeurs les auraient utilisées puis laissées. Plus poétique :  les âmes des défunts s’y reposeraient.

Retour par Aglou par la route côtière. Aglou est une station balnéaire en pleine expansion. On construit partout. La corniche a l’air jolie, le long de la plage de sable blanc mais difficile d’y accéder avec les travaux. Le reste est loti, voirie et éclairage déjà prêts mais aucun bâti. Nous espérons trouver mieux plus loin et trouver un accès à la mer. Des résidences ont privatisé les routes. Enfin, près de Mirleft, nous approchons de la dune en longeant une résidence luxueuse avec des dizaines de villas dans un environnement arboré et fleuri. C’est la Résidence Evasion où se trouve la villa que nous avions louée et annulée. Nous nous félicitons de rester à Aftas Trip.

Rapide pique-nique et promenade sur la plage après avoir franchi la haute dune. Des kitesurfeur gonflent leur aile.

Fin de soirée grandiose avec un coucher de soleil sans un nuage.

 

 

 

Randonnée dans la montagne au-dessus de Mirleft avec Ali

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A 10 heures, j’ai rendez-vous devant la Poste de Mirleft avec Ali, le guide. Nous passons devant la Mosquée blanche au minaret carré bordé de bleu. La lecture des enfants s’échappe de ses murs. Nous montons à grandes enjambée la pente de la colline. Au sommet, à contre-jour se détache la silhouette des murs crénelés du Fort Tidli construit par les Français en 1935. Mirleft était à la frontière avec le Sahara Espagnol, le poste frontière du Protectorat français se trouvait sur la plage au rocher troué Sidi Ben Abdallah que le guide appelle La plage du Marabout. Nous passons à côté de l’Hôtel des Trois Chameaux qui était aussi un fort militaire.

Nous montons sur la route goudronnée vers la montagne et le village d’Ali. En route, il commente les habitations des alentours. Beaucoup de Français ainsi que des gens de Marrakech ont construit des maisons. Ils viennent y passer plusieurs mois. Une grosse maison est en cours d’aménagement, à côté un gros camion porte un engin pour forer un puits très profond (plus de 100 m dans la petite vallée en contrebas. L’eau permettra de remplir la piscine et d’arroser le jardin. Les paysans berbères ont bien peu de jardins, sauf dans le lit de l’oued. Comme il n’a pas plu depuis des mois, même des années, l’oued est à sec. Les petites terrasses entourées de branchages épineux sont nues sauf celles proches de la ville où pousse la luzerne bien verte.

jardin de cactées

Les collines pierreuse sont égayées par les grosses boules des Euphorbes ( Euphorbia regis-Jubea) au feuillage gracile et aux tiges épaisses ramifiées formant un petit arbuste fleuri en boule tandis que Euphorbia officinalis fait des coussins. Des Euphorbes poussent en formant des tubes (symétrie 6) Plusieurs espèces coexistent faisant un jardin de cactus. La terre est brune tirant vers le rouge. Ici et là se déploient des petits arganiers moins imposants que dans la région d’Essaouira mais bien verts. Les Figuiers de Barbarie (Opuntia-indica) sont tous morts, les squelettes des raquettes noircies donnent un spectacle désolant. D’après Ali, ils sont victimes d’une maladie due à un insecte, ou une cochenille.

La maison d’Ali est en travaux, le salon est encombré de matériaux de construction de côté un épais tapis (on se déchausse) Ali apporte un petit butagaz, une théière et deux verres. Sur la table, une coupelle d’huile d’argan, des olives, du pain. La cérémonie du thé est une obligation dans le désert. Je m’y prête avec joie.

La balade continue dans la montagne sur la route jusqu’à un petit col d’où l’on voit toutes les plages de Mirleft. Les crêtes s’étagent vers Goulmine. Nous rencontrons un berger et son troupeau de chèvres, entendons les bergères qui rentrent les moutons. Un petit écureuil fait le gué , debout sur une pierre. Les villages sont dispersés de loin en loin, on en compte une dizaine. Certains en pisé se confondent avec la terre des collines. D’autres colorés avec des maisons beige, rouge foncé ou blanches. Ils ont de jolies mosquées blanches ou rouges. Les champs sont impeccablement labourés « pour la farine ». On attend la pluie qui ne vient pas. Pas de mécanisation, on laboure avec l’âne. Les ânes attendent tranquillement derrière les maisons, entravés, deux pattes attachées par une corde.

13 h nous retournons chez Ali. Le tagine est prêt. Son frère l’a cuisiné avec de grosses tranches de navets, des pommes de terre, une courgette, une aubergine, des carottes et des olives. Le poulet est excellent, tendre et charnu. Ali mange avec ses doigts, il utilise un morceau de pain replié comme une pince. Il m’a servie dans une assiette à part avec une cuiller ; je suis perplexe. Il m’a servie copieusement tandis qu’il chipote de tout petits morceaux. Dois-je terminer ma part et faire honneur à ce plat délicieux ou seulement y goûter ? les légumes sont fondants, pas gras du tout. Ali veut me resservir ; non ! c’est trop je ne pourrai plus marcher.

Le circuit du retour s’éloigne de Mirleft pour rejoindre le lit de l’oued dans le creux du vallon. Un village est précédé d’une luxuriante palmeraie. L’oued est à sec mais le lit du fleuve doit garder la nappe.

L’école est entourée d’un mur blanc avec une fresque. Les enfants étudient par roulement, certains tôt le matin, les autres plus tard. Dans cette petite école, il y a six classes. Combien d’instituteurs ?

Nous marchons dans le lit de la rivière dans les pas des moutons et des chèvres qui ont piétiné pour tracer de véritables sentiers. Chemin à l’ombre, très agréable.

15h30, nous sommes de retour à la Poste. Mirleft a un centre prospère : les boutiques sont sous des arcades bleues et blanches. Elles sont bien achalandées. Fruits et légumes sont appétissants : oranges, clémentines, légumes variés. J’achète même une barquette de framboise fruits de serre énormes mais très parfumés qui ont très peu voyagé. Massa est à une cinquantaine de km et pas au frigo !

Une bonne surprise nous attend à l’hôtel : le propriétaire et sa femme – médecin en ville – elle insiste,  ce n’est pas la patronne, nous proposent de rester encore deux jours alors que la réservation était bloquée et que nous devons déménager. En haute saison, ils ne proposent pas de chambre sur Booking, préférant les louer eux-mêmes. Nous pensions qu’ils étaient complets et nous avons réservé sur la route d’Aglou dans une résidence. Nous n’avons aps du tout envie de quitter Aftas Trip d’autant plus qu’ils offrent de nous surclasser dans un studio avec un balcon face à l’océan souligné par des bougainvilléeds rouge et orange. Depuis notre arrivée Dominique rêvait de ce balcon. La chambre est aussi plus jolie, dans des teintes oranges, murs ocres, grand tapis orange, canapé gris. Très jolie table hexagonale ajourée et peinte. Sur le balcon, une petite table ronde en céramique bleue une grosse poterie avec des plantes grasses encore une euphorbe, cactus graphique.

Pour annuler la réservation c’est relativement facile ; pour se faire rembourser, c’est plus compliqué. Frais d’annulation annoncés 140€ alors qu’une nuit est à 55€. Je supplie, j’insiste, demande une faveur. A 23 h 45 alors qu’on est couchées depuis bien longtemps, tombe la bonne nouvelle : annulation sans frais !

 

 

Les Plages de Mirleft à Sidi Ifni

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Plage de Mirleft ; Sidi Ben Abdallah

La plage de Sidi Mohamed Ben Abdellah se trouve à la sortie de Mirleft. Un rocher percé se trouve en plein milieu. Un restaurant a installé une belle terrasse.

Mirleft : plage Ftaysa plage sauvage des oiseaux

Après les dernières maisons de Mirleft des pistes conduisent à la mer. Un grand panneau signale une « plage sauvage », trop tard, nous ne trouvons pas le chemin. Nous allons à la suivante la plage Ftaysa par une piste en très bon état sur près d’un km qui conduit à un parking gardé. Il est interdit d’emprunter la rampe. Avec une voiture légère nous n’aurions pas songé descendre nous enliser dans le sable. Je suis complètement seule sur la plage presque vierge (à part un cube de bois tout neuf : cabine ou WC ?). L’anse de sable est enserrée dans des rochers rouges noircis au contact de l’eau, encroûtés de moules et de balanes. Une compagnie de goélands est regroupée sur le sable. Du parking on aurait dit un troupeau de moutons.  Ils s’envolent à mon approche.

Arche de Legzira à marée haute

Continuant la route vers le sud, notre attention est attirée par des antennes et par un lotissement blanc et bleu. Nous arrivons à Legzira, une des plages les plus fameuses de la Côte Atlantique avec son arche de grès rouge. Une deuxième arche, la plus spectaculaire, s’est écroulée il y a 6 ans. Des petits hôtels, des restaurants ont installé leurs tables directement sur le sable. Dromadaires et quads attendent le client. L’arche est située au bout de la plage sur le sable mouillé. J’ai des doutes, si la mer monte ne vais-je pas être prisonnière de la marée ? J’interroge des promeneurs : pas de danger jusqu’à 15 h (la mer descend) . L’arche est en grès rouge, plutôt en pouddingue, conglomérat de gros galets à sa base puis granulométrie plus fine en remontant. D’après des documents trouvés sur Internet, il s’agirait de sédiments fluviatiles Crétacé reposant sur le Granite Précambrien.

legzira : marée basse

Nous continuons vers Sidi Ifni, jolie ville blanche de 20.000 habitants. Jusqu’en 1969 c’était une ville espagnole. Franco en avait fait une base militaire en 1934. Elle disposait d’un aéroport et d’un port relié par téléphérique. Nous cherchons un supermarché en suivant les indications du GPS nous dirigeons dans des rues parallèles qui ont des noms de villes Le Caire, Gaza, Khartoum. Le supermarché est situé à côté de l’hôpital bleu pimpant. Si la ville a l’air prospère et moderne, le supermarché destiné aux habitants : nouilles, semoule et sucre en vrac, sodas et produits d’entretien. Pour les produits frais, préférer le marché. Nous sortons bredouilles.

Le port ne se visite pas, il semble ruiné avec les pylônes en béton de l’ancien téléphérique. Vu d’en haut, il ressemble à un port de commerce, selon Internet sa vocation est la pêche et même en 2023 en forte augmentation : poisson blanc et crustacés. Des instituts de technologie halieutiques sont tout neufs.

Pique-nique face la mer à la Plage Sauvage – plage Tamhrouche. Seule installation en dur : la baraque de  Surf Point. Sur la palge deux surfeurs en combinaison sur le sable et deux gamins en short allongés sur leurs planches. Je parcours la plage, pieds dans l’eau et découvre au retour que des gens (genre hippies) ont aménagé une grotte.

Dernière plage de la journée : la grande plage de Mirleft Imin Turga à l‘embouchure de l’oued, juste sous la ville. La plus aménagée avec des parasols. A marée basse, je pourrais rejoindre le rocher pointu devant Aftas Trip, notre hôtel à 4 km mais si la marée monte j’ai peur d’être piégée. J’ai largement rempli mon contrat journalier de 13.000 pas et il est temps de rentrer si je veux profiter de la piscine. Un aller-retour dans l’eau glacée.

Jusqu’au dîner, nous profitons de notre terrasse et du spectacle du coucher du soleil qui s’enfonce dans un banc de nuages. Dès qu’il disparaît, des oiseaux très bruyants s’agitent. Ils ressemblent un peu à des merles pour la taille et la silhouette mais avec des ventres gris et un bec de choucas. On ne les remarque qu’au lever et au coucher du soleil. Le reste de la journée, ils restent discrets. Deux ou trois muezzins appellent à la prière. Quand ils ont fini, les enfants de la mosquée lisent en chœur le Coran.

Au dîner le tagine agneau et pruneaux est délicieux.

 

 

le Ventre des Hommes – Samira El Ayachi

ENTRE GERMINAL ET ZAGORA

« Marre de Zola à l’école. Germinal, on nous donne le livre à lire. Germinal, le nom de la nouvelle rue qui conduit vers la mairie. J’ai rien compris à cette histoire, à part des pauvres qui se tapent dessus et qui se battent contre une main noire invisible. Après ça chante à pleins poumons la chanson de Pierre Bachelet, Au Nord, c’étaient les corons, la misère, la misère. »

 

Je viens de terminer Germinal et nous sommes en partance pour le sud marocain. J’ai écouté Samira El Ayachi un peu par hasard sur un podcast de France Culture à la suite d’un entretien avec Rosie Pinhas-Delpuech et elle m’a convaincue de lire Le Ventre des Hommes. Je ne l’aurai sans doute pas acheté autrement, parce que le titre ne me disait rien, je le trouvais vilain. j’ai des problèmes avec les titres!

Hannah, l’héroïne du roman est née à Lens, a été à l’école primaire Emile-Zola, bonne élève, elle va réussir les concours de l’éducation nationale et devenir professeur de lettres. Non conformiste,   elle préfère être instit, mais va se heurter aux injonctions et aux directives académiques….

« Hommage aux mineurs qui ont reconstruit la France après la guerre. » Il dit des choses comme ça d’une voix solennelle. « Après deux cent soixante-dix ans d’exploitation dans le Nord-Pas-de-Calais, la mine tire sa révérence. »

Son histoire se mêle à celle de son père que l’on a fait venir du Sud marocain en 1974 pour liquider les mines qui doivent fermer à terme. On recrute des ouvriers dociles, si possible illettrés qui ne poseront pas de problème quand on n’aura plus besoin d’eux.

« On organise de recruter des Marocains, avec pour objectif que nous ne resterions pas. On était là comme un point-virgule, pour faire la transition. »

[…] je n’avais pas le droit de dire que je savais lire, écrire, un tout petit peu le français, une personne apte à lire pourrait être une menace. Je devais faire attention qu’on ne me prenne pas en flagrant délit de connaître un peu la langue. »

Deux histoires se mêlent, celle de Hannah, enfant puis adolescente, enfant des corons, qui va lutter contre les préjugés de classe, vivre la vie d’une jeune fille dans le Nord qui n’a plus guère d’attaches avec le Maroc de ses parents mais qui a grandi entre deux cultures, entre sa mère qui parle berbère et son père qui rêve de s’intégrer.

J’ai pleuré, pleuré à cause de toi Bourdieu

L’histoire du père, histoire secrète que Hannah va découvrir sur le tard, est l’histoire d’un militant qui s’engage pour que les mineurs marocains obtiennent le statut de mineur qui garantie des droits sociaux, au logement, à la santé, la retraite…statut que tous les autres mineurs possèdent et qui est dénié aux mineurs marocains. Pour cela, ils feront grève, comme dans Germinal. Le père passera même à la télévision!

après quand je suis rentré ils disent rien Ils disent pas que les mines allaient fermer ou non On savait pas que tout le monde il a un contrat à vie avec la gratuité du logement à vie et tout ça Et pas nous On a confiance en la France c’est nos amis on a été sous protectorat on pense pas la France qui nous trahit nous ses amis.

Des accords avec le Maroc, et des complicités feront que les activistes sont très mal vus au retour au pays, ils risquent même d’être emprisonnés. Les vacances ne seront plus au bled mais sur les plages du Nord.

Hannah, la rebelle, va se trouver mêlée à une sale histoire « l’histoire de l’institutrice »…elle va être arrêtée et va comparer son arrestation à celles que son père a subi…j’arrête là de peur de divulgâcher!

Mais, sans rien spoiler j’insiste après le vote de la loi scélérate sur l’immigration, sur les conditions qui ont fait importer de la main-d’œuvre étrangère, bien racontées dans ce roman.

“Tous les bicots que t’as regardé droit dans les yeux, que tu as fait venir jusqu’ici, maintenant, tu vas aller les
voir un par un, et les regarder à nouveau dans les yeux pour leur dire que c’est fini. C’est pas compliqué. Tu
étais ‘Chef du département de la main-d’œuvre étrangère’, maintenant tu es ‘Coordinateur du retour au pays’. C’est la même chose, à l’envers. Tiens, voici tes nouvelles cartes de visite, monsieur le Haut Fonctionnaire”.

 

la route d’Essaouira à Mirleft

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Cad Rhir Euphorbes

8h40, le soleil est dans l’axe de la route, plein sud, éblouissant. C’est un véritable crève-cœur que de traverser les vergers d’arganiers grisâtres desséchés. Les arganiers sont le trésor de la région. Ils font vivre des milliers de femmes dans les coopératives paysannes. Leur silhouette en parasol donne de l’ombre en temps de canicule. Fourrage pour les chèvres. Ils sont un élément essentiel de lutte contre la désertification et la conservation des sols. Le Maroc a fourni des efforts pour la préservation des arganiers en distribuant des fours solaires pour éviter qu’on ne les coupe pour le bois de cuisson. Les arbres sont en stress hydrique avec cette sècheresse qui dure des années déjà.

Le relief s’accentue. La route s’élève. En altitude il y a un peu plus d’humidité. Des champs labourés, semés sont verts. Il y a même des mauvaises herbes sur le bord de la route (crucifères jaunes). Des oliviers coexistent avec les arganiers. Smimou s’éveille à peine à 9h30, écoliers et collégiens sont sur le chemin de l’école. On grimpe une interminable montée. Les crêtes sont bleues, violettes dans la brume. Descente sur Tamri où l’étroite vallée est occupée par des bananeraies, des cultures maraîchères et quelques serres.

Avant le cap Rirh

La route surplombe l’océan. Une très belle plage attire de nombreux surfeurs qui font de la gymnastique avant de rejoindre les vagues. Un vendeur propose des barquettes de framboises pour 20 dh , parfumées, elles viennent d’être cueillies. De Tamri à Agadir nous suivons le littoral, tantôt en corniche sur une côte rocheuse où les rares arbres ont des formes torturées, courbés par le vent d’ouest. Le sol est hérissé de plantes grasses, cactus ressemblant à de gros cierges buissonnants (Euphorbia handiensis). Des arbustes malingres fleurissent malgré la sècheresse (Nicotiana glauca). Aux environs du Cap Rhir une laie suivie de jolis marcassins traverse la route. On passe au-dessus de belles plages frangées de vagues.

La N1 aborde Agadir par son port. Au large, de très gros bateaux (pétroliers ou méthaniers) attendent. Les grosses sphères métalliques, les citernes, les installations portuaires sont importantes mais je suis encore plus impressionnée par le fourmillement sur les quai du port de pêche ( 462 navires et 1319 barques y sont répertoriées selon Darrayat.) si nombreux que le port de pêche est encombré ; La route entre dans la ville par une artère droite avec une voie en site propre pour les transports en commun. Elle passe entre des immeubles modernes chics. Pour sortir, je règle le GPS ave Massa pour but. Il nous entraîne dans la ville voisine d’Inezgane commerçante, embouteillée, mais tellement plus vivante que les façades contemporaines aseptisées que nous avons vues défiler à Agadir. Malgré les indications du GPS, on se perd dans les petites artères, coincées derrière le camion-poubelle et autres auto-écoles. Le pont est bloqué par une voiture en panne. Il y a de l’eau dans l’oued Souss mais on n’a même pas l’idée de le regarder. Nous rejoignons enfin une sorte de périphérique et la N1.  C’est le règne de la logistique et des gros camions frigorifiques qui emportent les fruits et les légumes en Europe. Domaine des serres opaques aux toits plats s’étendant sur de grandes surfaces. De grands murs enclosent les domaines agricoles. Difficile de deviner ce qui pousse en dessous. Les champs de plein air sont aussi entourés de bâches vertes et de murs. Que cultive-t-on ? Cette région agricole contraste avec les collines pierreuses que nous venons de traverser ce matin. Des publicités géantes vantes des fongicides. Agriculture conventionnelle !

Oued Massa

Nous quittons enfin la route principale pour atteindre Massa et le Parc Naturel du Souss-Massa. Dans le fleuve Massa l’eau verte coule entre des champs de luzerne vert fluo. La luzerne est destinée aux animaux ; c’est aussi un engrais vert. On cultive aussi en ce moment des navets. A cause de la Réserve Ornithologique le bio est obligatoire. « Il faut préserver la biodiversité et les insectes pour les oiseaux » affirme le guide qui m’accompagnera pour une courte promenade (45 minutes/100 dh) . le musée est fermé. Sur le parking, nous sommes les seules visiteuses. Pique-nique rapide mini bruschetta et framboises.

J’ai de la chance, Lahcen, avec ses grosses jumelles repère un vol d’ibis chauves, et un balbuzard (aigle pêcheur) . Debout dans l’eau, des flamands roses et des spatules, et plus loin, les canards barbotent canards souchets(tête verte bec filtreur) tadornes caserca (tête blanche et corps roux). Les ibis chauves  passent et repassent « ils embêtent l’aigle » qui va pêcher ailleurs. J’ai déjà vu des choucas chasser ainsi un aigle à SuperDevoluy au Col du Rabou. Finalement, un hélicoptère survient, effrayant ibis, spatules et flamands qui décampent.

Lahcen nous indique une petite route tranquille dans la campagne jusqu’à Mirleft pour éviter la Nationale 1 et ses camions. C’est la route d’Aglou qui part de Massa et traverse la petite ville de 18.000 habitants dans toute sa longueur. A la sortie de Massa, la campagne devient désertique avec des buissons épineux. Du sable blanc s’accumule sur les côtés de la route.

Aglou est une station balnéaire plutôt en expansion avec des chantiers presque partout. La route longe le littoral : des falaises rouges bordent l’Atlantique écumant.

Aftas trip la piscine et notre studio

C’est sur cette belle corniche que nous trouvons Aftas Trip, une résidence de vacances construite à flanc de colline entourée de verdure ce qui tranche avec l’environnement. Plusieurs barres de trois ou quatre studios précédés de belles terrasses, une piscine bleue.  Les allées gravillonnées sont bordées de murets ou de haies taillées au carré comme chez nous les buis ou les ifs, mais ce sont des éléanus aux clochettes odorantes, des hibiscus (sans fleurs) et d’autres végétaux difficiles à identifier à cause de la taille drastique. Les terrasses de chaque studio sont à l’ombre d’une pergola couverte de canisses. Du lierre exubérant grimpe sur le mur qui sépare des voisins. Un canapé, deux tabourets, une table basse meublent notre terrasse. Le studio est égayé de tadelakt jaune pâle. Une très jolie table est incrustée d’argent ciselé et d’os (ivoire ?) et de marqueterie, le tout protégé par une vitre. Il y a aussi une jolie commode en bois peint bleu foncé. Sinon les rangements sont des casiers muraux enduits de tadelakt.

Nous profitons du soir qui tombe. Entre les deux appels du muezzin, on entend les enfants lire en chœur le Coran ; Nous avions pris cette lecture comme la répétition d’une chorale pour une fête.

On dîne sous une grande tente caïdale de toile blanche ornée de motifs et doublée de tissus colorés. Nous sommes les seules clientes. On nous accueille très bien. Il n’y a qu’une seule marche. Seule la télévision nous donne du fil à retordre. Il y a au moins 30 chaînes arabophones, d’Irak au Soudan, 2 chaines palestiniennes, d’innombrables égyptiennes. France 24 parle arabe, je trouve enfin la BBC.

La « friture » que Dominique a commandée est servie sur une grande assiette avec un filet de merlan, une sole et des anneaux de calamar, des légumes bouillis et une mayonnaise à l’ail comme dans l’aïoli d’hier. La salade marocaine est une salade tomate, oignons, aromatisée de persil, coriandre, menthe roquette. Elle est présentée comprimée dans un emporte-pièce.  Mon tagine poulet olives et citron est un peu décevant. Il faut me résigner aucun tagine ne soutiendra la  comparaison avec celui de Rachida .

 

 

 

Sidi Kaouki

PLAGES DE L’ATLANTIQUE – ANTIATLAS

Reflets sur la palge

Sidi Kaouki est une plage sauvage immense au sud d’Essaouira et un spot de surf. On quitte la route d’Agadir à Ghazoua (gros bourg avec des immeubles blancs, un grand supermarché et un établissement universitaire). La route traverse la colline boisée d’arganiers (pas forcément en bon état) puis une forêt de thuyas (tris aticuta). On fabrique avec les racines de thuyas toutes sortes d’objets en bois d petite taille : coffres plateaux, sculptures…Ces arbres, de petite envergure, sont très ramifiés à la base. Leur écorce grisâtre ne laisse pas devine le bois rouge aux nœuds décoratifs. Entre arbres et arbustes ils ressemblent à de gros genévriers. Très prisés en ébénisterie, très convoités, très précieux, surexploités, ils sont aussi menacés par la sécheresse et les incendies. Je remarque également des pistachiers lentisques.

Un parking payant se trouve au bout de la route à l’entrée de la plage. Squatté par de nombreux camping-cars qui sont installés parallèlement à la plage masquant sans vergogne la vue sur mer.

Un quartier de paillottes, petits restaurants de poissons grillés, pizzerias proposent des menus à des prix imbattables (sardines entre 25 et 30 dh). Des toilettes à 2dh mais il faut emporter un petit seau.

Sur la plage, les parasols en paille ressemblent à des sombreros et des lits de plage.

Marée basse, sandales à la main, parka zippée, il fait très frais. Je parcours toute la plage jusqu’au marabout (tombeau d’un saint miraculeux dans les cas de stérilité féminine). La plage est très plate, le sable très fin. Une large surface est recouverte d’un film d’eau qui reflète les nuages – spectacle mouvant et fascinant. Les chiens sont plus nombreux que les humains et souvent de grand gabarit, Ils semblent errants et menaçants mais la plupart ont un maître qui les rappelle à distance. Dromadaires et chevaux sont à la disposition des touristes ainsi que des quads qui m’énervent prodigieusement pour le vacarme.

Sidi Kaouki mausolée

Des pêcheurs viennent vérifier les filets couchés à travers l’estran et attachés à un câble en plastique orange ou vert. Parfois une bouteille en plastique sert de flotteur. Vers l’extrémité de la plage, les surfeurs ont trouvé de meilleures vagues. Après une heure de marche je parviens au marabout percé sur un éperon rocheux. Le dôme est accompagné d’une construction bizarre. Au pied de la petite falaise, des rochers verdis par les algues gardent l’accès du cap. Je n’ose pas m’approcher, cela parait glissant.

Au retour la mer est montée, les filets des pêcheurs sont immergés. Le ciel s’est dégagé. Il fait très bon. Dominique, au parking, n’a pas apprécié la compagnie des « surfeurs » et des campeurs mal élevés si ce n’est drogués. Nous reprenons la route dans les arganiers pour une agréable balade en voiture. Au retour, les constructions en parpainf de « villas-bungalows-bunkers » me laissent dubitative, la sauvage Sidi Kaouki héritière de Diabat la hippie, deviendrait-elle une station balnéaire comme les autres. Ces bâtiments en voie d’érection à la limite de la plage connaîtront-ils le sort du Signal de Soulac ? la dune est mince recouverte seulement de quelques épineux.

la Mouettte et les dromadaires

Nos hôtes de Tamayourt nous ont conseillé le restaurant « la Mouette et les Dromadaires » à l’écart de la station, accessible uniquement par une piste dans les thuyas. C’est un établissement classieux, chaises laquées blanches dans une courette dallée, petits salons bas, côté mer, et une tente berbère. Prix à l’unisson ; pas de sardines, des planchas (150dh la moins chère) des plats originaux. Pour nous ce sera aïoli d’espadon et feuilleté d’aubergines et chèvre.  Espadon très tendre cuit à la vapeur, légumes bouillis un peu fades, le « feuilleté » n’a pas de pâte : c’est un un empilement de tranches d’aubergine grillée et de fromage de chèvre aux herbes saupoudrées de sésame. Pour dessert des pâtisseries sablées aux amandes sous diverses formes. Pendant le repas, nous sommes distraites par l’arrivée de deux beaux chevaux, un blanc et un alezan et d’une caravane de dromadaires, enfin d’un troupeau de moutons.

 

 

 

Parcours immobile – Edmond Amran El Maleh

LIRE POUR LE MAROC

le Mellah d’Essaouira

« Le dernier juif d’Asilah. Plus aucun juif ne mourra dans cette blancheur. Plus aucun ne naîtra dans la gloire de cette lumière. Nahon ! En lui s’est accompli un destin. D’autres peut-être sont morts en cette ville après lui, mais leur mort a été dérobée à cette terre de leur naissance. Enterrés ailleurs pour ne pas dire qu’ils avaient vécu là. »[…]
Une communauté est morte. La communauté juive zaïlachie. »

C’est avec une immense nostalgie que j’ai cherché ce qui reste du Mellah d’Essaouira. 

Le Mellah est vide mais un peu plus loin, dans le cimetière juif derrière Bab Doukkala, Edmond Amran El Maleh repose depuis 2011. J’ai lu Mille ans et un jour en une soirée d’un souffle, une illumination, Mille ans et un jours, compte la Communauté juive marocaine qui s’est évaporée, partie en Israël et en France… et je cherche chaque fois ces absents avec émotion. Parfois, je les trouve dans les endroits les plus improbables comme à Ifrane-Atlas – Sahir où leur présence est attestée depuis plus de 2000 ans, ou pendant la cérémonie du thé près de Tafraout dans la maison berbère où on cite les pratiques de purification juives de la nourriture, restées vivaces chez ces berbères musulmans. 

Portes du Mellah

J’ai cherché d’autres livres d’Edmond Amran El Maleh. le Café Zirek est indisponible. Celui qui l’a dans sa bibliothèque pourrait-il se faire connaître? Mais j’ai trouvé l’édition numérique de Parcours Immobile. 

« Un commencement de roman comme un début de bronchite : naissance d’un jeune homme sage qui rêvait de devenir éleveur de mots. Dévoré par ses mots. Dérives vers de glorieux royaumes. »

Roman ou biographie? Ecriture circulaire – guilgoul – qui met en scène un Juif tantôt Yeshuua, Josua ou Aïssa, natif de Safi comme l’auteur, habitant Essaouira ou Asilah, villes atlantiques, villes blanches. Fils de commerçants juifs, amoureux des mots

« ce cahier c’était un commencement de journal c’était son ranch où il élevait les mots une idée qui lui était peut-être venue de la lecture de Mallarmé, Mallarmé était écrivain mais lui était éleveur : il s’enchantait de ces bêtes superbes qu’il avait nourries choyées soignées des mois des années dans le plus grand secret il pouvait les voir comme un vaste troupeau dont il était le maître »

Enfant rêveur, asthmatique . Josua devient Aïssah, révolutionnaire professionnel,  d’abord en Espagne proche, antifranquiste, dans les années 30, puis communiste, permanent et clandestin quand le Protectorat Français sous la directive d’Auguste Juin prend des mesures violente pour réprimer les velléités d’indépendance des communistes marocains.

« Quand Rachid Houmrani lui avait dit « le parti va demander l’indépendance » Aïssa trouvait là la simple
confirmation de ce qui travaillait l’intérieur du parti comme une fièvre depuis des mois quelque chose comme les douleurs de l’enfantement. »

Et dans son style circulaire, l’auteur joue avec les mots d’ordre du temps stalinien, et fait maintes variations sur « le pain et les roses« 

Soixante-dixième anniversaire du camarade Staline « A ta santé, camarade » Picasso un verre à la main, à
l’ombre de la colombe, célébrait l’événement et les deux bicyclettes d’Aragon aussi dans l’éclat du dialogue des
deux guidons. Soixante-dixième

Clandestinité, mais aussi autocritique, « Le bon Mentor et le petit parti marqué à sa naissance par une mauvaise étoile »

j’ai un peu ramé dans les subtilités du Bureau Politique, mots d’ordres de Paris, oude plus loin…Budapest.. duplicité des messages, c’est loin tout cela. L’histoire m’a un peu échappé.

« Du haut de cette grande terrasse de la villa où se tenait l’Ecole, il regardait la mer avec fascination avec cet
envoûtement qui ne le quittera jamis : Ulysse de Joyce une vie commence s’ouvre sur la mer tout en haut d’une
maison on y accédait par un escalier en bois à ciel ouvert le café est installé sur la terrasse face à la mer des nattes par terre quelques petits tabourets. Il y allait tout gosse avec Hassan qui lui servait de gouvernante en quelque sorte, il y allait peut-être en cachette de ses parents un verre de thé et un peu de poisson frit encore tout chaud il en gardera toujours le goût, le goût aussi de ces silences accordés »

En revanche, l’évocation d’Ulysse, celui de Joyce, bien sûr…les sardines d’Essaouira ou de Safi m’ont enchantée. Poésie de cette vie perdue…

Et toujours la fidélité :

Josua n’avait jamais caché qu’il était juif, à l’intérieur comme à l’extérieur du parti c’était chose connue, il était un juif libre de dire qu’il l’était, de se dire qu’il pouvait ne plus l’être s’il le voulait. Libre parce qu’enfin il avait effacé il s’était affranchi libéré de la honte d’être juif, de la honte et de la peur d’accompagner sa grand-mère dans la rue parce qu’elle avait un foulard « sbinia »

 

Une journée à Essaouira

PLAGES ATLANTIQUES ET ANTI-ATLAS

Petit déjeuner idéal au soleil sur la terrasse : crêpes feuilletées repliées en carré, deux beignets, jus d’orange frais, omelette, salade de fruits, mile et confiture. Tellement abondant qu’il faudra sacrifier les sardines de midi.

Où vont donc ces enfants qui marchent sagement sur la route ?

A la plage où se déroulent des matches de foot sur les terrains dessinés sur le sable mouillé. Ils arborent dossards, chaussettes et chaussures de foot à crampons, pas tous, certains sont pieds nus. Est-ce un tournoi exceptionnel ou l’entrainement hebdomadaire ? Partout, on vient le dimanche à la plage en famille. Avec les touristes, l’été cela fait beaucoup de monde. A la mi-décembre l’affluence reste raisonnable et la plage est immense.

Le dimanche n’est pas le jour idéal pour aller au distributeur de billets. Le premier au logo de la BNP est en panne.  Le second est récalcitrant, son écran tactile peu sensible, finalement apparait le montant du retrait et la commission de la banque. Ma carte sort (soulagement) mais pas les billets ni le reçu. Il faudra surveiller sur l’appli du téléphone si le compte est débité. Comme je n’ai toujours pas d’argent je renouvelle l’opération à la Société Générale : avec succès. Les retraits max sont de 2000 DH (200€) comme il faut presque tout payer en espèces, les retraits seront fréquents.

Le port d’Essaouira est très actif. Le plus renommé du Maroc selon Wikipédia. Le port historique est gardé par un petit fort carré construit sur une belle digue de pierre de taille. Dans la petite rade quelques barques bleues. 50 Dh pour la visite de la Skala du port, un peu cher !

Je passe une petite porte dans le grillage, arrive à la criée puis aux quais où de nombreux bateaux de pêche sont amarrés. Filets et caisses sont entassés. Parmi les poissons je vois des murènes jaune et noires, un petit requin. Un homme fait de petites pyramides avec ses sardines puis disperse du gros sel. Je retourne à la ville par une belle arche de pierre : Bab el Marsa au fronton encadré par deux colonnes.

Médina

Une porte du Mellah

J’avais été lassée par les boutiques pour touristes avec leur marchandises standardisées près de l’entrée de la médina. Je dépasse le Bastion et poursuis vers le nord en direction du Mellah. En chemin, j’achète l’huile d’argan que Guy no. Des plaques commémoratives en hébreu honorent les Juifs importants de la communauté. us a demandée et entre dans la belle boutique de bois de thuya où nous avions acheté un coffret autrefois. Le bois de thuya si finement poli, avec ses nœuds, sa brillance naturelle, me plait énormément. Il règne dans le magasin un parfum spécial qui m’enchante.

Mellah

Portes du Mellah

On reconnait les maisons du Mellah à leurs fenêtres qui donnent sur la rue alors que les maisons musulmanes ont des murs aveugles. Au-dessus d’une très belle porte au linteau sculpté, une étoile de David, en-dessous, des bouteilles vides, grandeur et décadence. Plus loin, la synagogue me confirme que j’ai atteint mon but de promenade. Une dame passe la serpillière, je n’ose pas imprimer de traces sur le carreau humide et n’entre pas. Je le regrette. De l’autre côté de la rue, il ne reste plus qu’une palissade qui cache les ruines des maisons. On y a fait une exposition des photographies anciennes noir et blanc ou sépia, agrandies montrant les habitants autrefois. En face c’est à peine mieux, tout s’écroule sauf un bâtiment rénové qui était l’Ecole Talmudique. Un centre social s’y installe. Dans la cour, le puits a un couvercle avec une étoile de David. L’homme qui me fait visiter me montre les listes des élèves des dernières promotions, la plus récente date de 1963 « partis en Israël » comment-t-il. Derrière Bab Doukala se trouvent les cimetières juifs et chrétiens. L’écrivain Edmond Amran El Maleh dont j’avais beaucoup aimé Mille ans un jour y repose depuis 2011. Il faudrait que je relise ce livre et que je trouve le Café Zirek (indisponible) mais je viens de télécharger Parcours immobile qui commence précisément dans ce cimetière marin. Nostalgie.

Commerce populaire

Retour de Bab Doukala par la grande rue qui coupe en deux la ville close tout d’abord occupée par des commerces destinés aux habitants de la ville : vêtements, droguerie, légumes et fruits frais . Elle traverse le Souk Jedid , marché qui s’organise en deux patios, l’un d’eux avec les poissons et les épices, le second symétrique.

Après le souk, les boutiques pour touristes dominent. J’y vois des tote-bags brodés pour Gaza aux couleurs de la Palestine, logique.

Histoire

Le Centre d’Interprétation du Patrimoine d’Essaouira a ouvert le 11 novembre 2023, il est donc tout neuf et l’accueil y est enthousiaste. Beaucoup d’écrans, aucun objet authentique, de très mignonnes maquettes des bâtiments historiques. Au sol, sur le carrelage, un plan de la ville close pour situer les maquettes. Aux murs une frise chronologique trilingue raconte l’histoire d’Essaouira à partir de la Préhistoire.

  • On a retrouvé des preuves de l’occupation humaine il y a 150.000 ans à la grotte de Bizmaouran.
  • VIIème siècle av. JC ; commerce punique (lampes et épigraphie sémitique), industrie du fer et du cuivre.
  • Ier siècle Juba II (30 av C – 23 après JC°,  roi de Numidie puis de Maurétanie fait du site des Îles Purpuraires le siège du développement d’une industrie des tables monorphes et de la pourpre à partir du Murex qu’on trouve sur ces îles.
  • IIème et IIIème siècle après JC Essaouira est le centre d’un commerce florissant comme Tanger et Volubilis.
  • 1371 -1375 le château de Mogador est documenté sur des cartes pisanes.
  • 1506 Diogo d’Azambuja (navigateur portugais au service du Roi Manuel fortifie Mogador et Safi avant d’arriver au Ghana pour le commerce de l’or. Ce dernier construisit un château sur la Petite Île
  • 1577 Francis Drake eut pour mission de faire de Mogador une colonie britannique
  • 1627 le Sultan Saadien  Abdel Malik envoie 300 captifs pour travailler aux fortifications du Château de Mogador qui devient la casbah Saadienne
  • 1760 le Sultan Sidi Mohamed entreprend la construction d’un port royal – 1765 fondation de la ville
  • 1780 La ville de Mogador – cosmopolite – se trouve sur les itinéraires reliant Gibraltar, Cadix, Marseille et Tombouctou
  • 1807 fondation du Mellah sur ordre du Sultan Moulay Slimane suite à la croissance de la population juive installée dès la création de la ville, grâce à l’intervention du riche anglais Moses Montefiore.
  • 1860 Casbah Jdida
  • 1872 premier vapeur le Souira relie Marseille chargé de sacs d’amandes et d’olives

Après avoir recopié l’histoire d’Essaouira j’ai lu avec attention les écrans. Je n’aime pas beaucoup ces présentations, très séduisantes sur le moment mais éphémères dans ma mémoire, un écran en chassant un autre.

Promenade sur la plage

 

Comme le petit déjeuner était très copieux et qu’un couscous nous attend au dîner, nous avons sauté le déjeuner et je suis repartie, après une courte pause, arpenter le sable de la belle plage. La mer est montée et a effacé les terrains de foot, les enfants sont repartis à la maison. La promenade est très tranquille. Dans l’eau, un père donne un cours de surf à son gamin. Un peu plus loin, une femme en peignoir, attend son mari. De rares piétons marchent. Des chevaux galopent. Ils sont magnifiques. Certains sont libres, d’autres chevauchés par des cavaliers, me font penser à la fantasia de la fresque. Les dromadaires, menés par le chamelier à pied, sont montés par des séniors européens, un peu ridicules, ressemblant aux enfants sur les ânes de La Muette ou du Luxembourg.

Au bout d’une petite heure j’atteins la flèche de sable terminant la baie. Il est temps de retourner à la voiture.

Tamayourt

La Piscine de Tamayourt est toujours aussi accueillante, j’enchaîne les longueurs.

 Coucher du soleil splendide qui irradie derrière le petit arganier.

Le couscous est dressé dans un plat à tagine. La semoule est cachée sous les légumes : choux, carottes, navets, courgettes, courge, pois chiches. Le poulet est recouvert d’une sauce sucrée d’oignons confits et raisins secs. A part, dans des coupelles une dose supplémentaire de sauce, et de la harissa verte au zest de citron. Tout est succulent. Je me sers avec parcimonie de la harissa puis me ressert, surprise par la relative douceur du piment, de la finesse du goût et de la subtilité.

Maryam et son mari Corente nous accompagnent. Conversation sur le thème des gastronomies variées en voyage.

Notre gîte près d’Essaouira : Riad Tamayourt

PLAGES ATLANTIQUES – ANTIATLAS

Pour arriver au Riad Tamayourt , emprunter la Route d’Agadir. Après le pont, au deuxième tournant suivre la piste indiquée par la pancarte sur 700 m.

La maison d’hôtes est située sur une colline rocailleuse dominant la mer. Une maison blanche aux volets bleus est construite autour d’un patio planté d’une végétation luxuriante. Chaque chambre est meublée d’objets anciens provenant d’un brocanteur. Lits et tables en beau bois marqueté. Le travail du bois de thuya est une spécialité d’Essaouira. Chambre et salle de bains sont carrelés dans un camaïeu de bleu avec des zelliges et des carreaux mats à motifs géométriques. Les tableaux sont l’œuvre de Corente, notre hôte. Des photos anciennes complètent la décoration (portrait de Fidel Castro en Net B).

Devant la maison, la terrasse est pavée de galets noirs et blancs aux motifs arrondis autour des massifs fleuris : jaune du Senna bicapsularis, accompagné d’un hibiscus rouge et de petites plantes grasses épineuses Aloe brevifolia. Un autre massif rassemble autour d’un faux poivrier Schinus molle des aloès en fleur Aloe arborescens. Je me régale d’identifier genre et espèces de plantes avec Plantnet sur mon téléphone.

Sur une estrade, la plus jolie des piscines bleu nuit, transparente et chauffée à 30°.  4 palmiers Wellingtonia sont alignés, en face deux beaux agaves. A l’arrière, sur du gravier une barque de pêche sciée en deux.

L’accueil est chaleureux : thé à la menthe avec gâteaux secs en forme d’étoiles.

17h30, je me précipite pour un bain au 16 décembre. A la sortie, il vaut mieux se couvrir.

Rachida a accepté de nous cuisiner le dîner, même commandé sur le tard. Soupe orange : carottes courgettes pommes de terre. Tagine de poulet citron confit et olives maison. Le citron confit est détaillé en fines lamelles, accompagné d’un riz au grain très très long. Mousse au chocolat pour finir.

Rachida comme une influenceuse, m’enverra sur Whatsapp une vidéo de la préparation de la mousse, j’aurais aimé celle du tagine mais elle m’a montré les épices et les ingrédients:

Pour le tagine :

Epices :sel, poivre, gingembre, curcuma, Ras el Hanout, et dattes séchées

Coriandre fraîche, 2 oignons hachés, ½ citron confit, ½ citron vert, olives, poulet

2 cuillers à soupe d’huile de cuisine, 2 cuillers à soupe d’huile d’olive

1 grand verre d’eau

Faire mariner

Au gaz, 1L d’eau pour cuire le poulet

Faire réduire au four

 

Notre hôtesse, Maryam nous tient compagnie. Soirée très agréable.