Qui a tué Arlozoroff? Tobie Nathan

LIRE POUR ISRAËL

 

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J’ai terminé il y a peu de temps, Ce pays qui te ressemble qui se déroule au Caire de 1925 à 1956 et qui m’a beaucoup touchée. J’ai lu il y a quelques mois 613 vrai-faux polar ethnologique juif qui m’a fait beaucoup rire. Qui a tué Arlozoroff? m’a tout de suite attirée.

Pour moi, Arlozoroff, c’était le nom d’une rue de Tel Aviv. Je n’avais jamais eu la curiosité de me renseigner sur le personnage. La fait que le meurtre d’Arlozoroff soit une énigme non résolue ne pouvait que m’intriguer. Et puis, la période du Yichouv, avant 1933 (Arlozoroff a été tué le 16 juin 1933), m’intéresse. Rien n’était encore joué, le Foyer juif promis par Balfour était encore une notion assez vague. Nombreux sionistes n’avaient pas encore privilégié l’option d’Etat juif et certains pensaient à un état bi-national. Arlozoroff était proche de ces derniers. C’était aussi un personnage important engagé dans des tractations avec les puissances européennes. C’est donc une histoire qui m’intéresse vraiment.

Qui a tué Arlozoroff? Les hypothèses, autrefois ont divisé la classe politique, les Révisionnistes (extrème droite) voulaient-ils se débarrasser d’un personnage opposé à leur nationaliste étroit, à gauche, lui reprochait-on des compromis avec l’Allemagne? Les Arabes voulaient-ils le faire disparaître? Toutes ces hypothèses politiques sont envisageables.

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Tobie Nathan envisage un point de vue très différent. Arlozoroff aurait eu une relation passionnelle avec la femme de Goebbels, et ce dernier (ou cette-dernière) auraient fomenté le crime. Il développe cette hypothèse dans ce gros roman sous forme d’enquête d’espionnage que mène Moreno, un journaliste juif d’origine égyuptienne, qui a vécu à Tel Aviv et qui est basé à Paris. Moreno n’enquête pas directement sur la mort d’Arlozoroff mais sur celle d’un personnage très trouble. Le Shinbet, les autorité françaises, les polices allemandes sont sur ses traces….

Cela aurait pu faire un livre d’espionnage palpitant (dixit le 4ème de couverture). C’est plutôt un roman historique qui s’attarde beaucoup à Berlin dans les années 30 en racontant la montée du nazisme. Ce qui est aussi très intéressant. Malheureusement le personnage central se trouve être Magda, la future femme de Goebbels, ancienne maîtresse d’Arlozoroff. Elle est belle, intelligente, charmante, cultivée….antipathique en diable. Les toilettes, les voitures de luxe, les fantaisies sexuelles de la belle m’ont lassée. l’auteur aurait dû faire plus court!

En revanche, j’ai regretté ne pas en apprendre plus sur Arlozoroff et sur ses collègues. mais ce n’était pas le sujet.

Un bon livre donc, mais trop de longueurs sur les histoires de coeur, et de sexe, dont on se serait passé. Où est passé l’humour dévastateur de Tobie Nathan qui m’avait tant fait rire?

Jérusalem – Alexandra Schwartzbrod

Merci à Babélio, dans le cadre de la Masse Critique et aux éditions Tertium de m’avoir fait découvrir cet ouvrage.

L’auteur, Journaliste à Libération, correspondante à Jérusalem de 2000 à 2003, nous livre son témoignages sur cette période où se déroula la Deuxième Intifada (septembre 2000),  la construction du mur de séparation et les années suivantes. Pendant cette première décennie on a assisté à la disparition des témoins majeurs : Arafat  (2004) et Ariel Sharon(2006- coma, 2014 décès), l’affaiblissement du Travaillisme israélien. Dans son  livre, on évoque encore le processus de paix, le siège de Ramallah. L’auteur, journaliste rencontre des personnalités intéressantes. Elle se déplace dans le cadre de ses reportages dans les camps palestiniens comme dans les colonies israéliennes.

Cependant le petit livre de 125 pages n’est pas un livre d’histoire. L’auteure livre ses impressions plutôt qu’une analyse politique structurée.

Ce n’est pas non plus un portrait littéraire de la ville, ni le regard d’un promeneur. Peu de descriptions, si on connaît la ville, on reconnaît les quartiers,les rues , mais les indications sont plutôt vagues.

En revanche, on fait des rencontres sympathiques : Batya Gour, Zeruya Shalev, Michel Warschawski et Marek Halter…

Un petit livre sympathique pour passer une soirée à Jérusalem!

Livres contre critiques

Chrétiens d’Orient à l’IMA – 2000 ans d’histoire

EXPOSITION TEMPORAIRE A L’INSTITUT DU MONDE ARABE

jusqu’au 14 janvier 

Plaques d’ivoire 6ème et 7ème siècle

Exposition importante couvrant 2000 ans d’histoire et tout le Moyen Orient, de l’Egypte à l’Anatolie, du Liban à l’Arménie……réunissant des pièces d’une valeur inestimables, certaines prêtée par des communautés et couvents. Grande variété aussi des objets, mosaïques et chapiteaux, icônes, manuscrits et textiles sans oublier les photographies et même des films…Chacun y trouvera ce qu’il cherche.

Bible arménienne enluminée

Pièces antiques des premiers chrétiens et objets liturgiques. Une étude très exhaustive présente  les courants du christianisme avec les influences, les conciles, les théories qui les différencient: christianisme alexandrin, nestorien, arménien, melkite, maronite…. La naissance du monachisme, des stylites aux monastères du désert égyptien occupe une salle entière.

icône

Après la Conquête Musulmane au 7ème siècle, les Croisades au 11ème, et la Constitution de l’empire Ottoman, les influences se mêlent, les cultures s’hybrident, se répondent. Les objets s’échangent : objets de la vie quotidienne fabriqués par les artisans chrétiens pour les dignitaires musulmans,  ou gravure des commerçants turcs à la Foire de Beaucaire.

maquette des lieux saints à destination des pélerins

Une Bible polyglotte en sept langues, imprimée à Paris par l’orientaliste Savay de Brèves, ambassadeur à Constantinople 1591-1614 – publiée de 1620 à 1645 permettait aux érudits de comparer la version hébraïque du texte sacré à sa traduction grecque, syriaque, copte, araméenne….J’ai été aussi très impressionnée par la lettre de Soliman à François 1er accordant les capitulations.

Détail du rideau d’autel en coton de madras

Un rideau d’autel de la chapelle arménienne de Jérusalem est en coton de Madras, venant d’Inde, illustrant le rôle des chrétiens dans le négoce des textiles dans la région et surtout à Alep…

Difficile de ne pas évoquer dans l’histoire récente, les persécutions :  le Génocide Arménien ainsi que les massacres des Syro-Chaldéens au début du 20ème siècle. Une exposition photo des Pénélopes, femmes attendant un  mari, un fils disparus, un film libanais…

 

 

 

 

Un meurtre à Jerusalem – Arnold Zweig

JERUSALEM 1929

« El Kouds », dit l’Arabe portant la main au front;

Le Grec cherchant le Christ, « Hyerosolyma » ;

« Yerouchalaïm » te nommons nous, fils prodigues de Sem ;

mais les jeunes peuples te saluent, ceinte d tes remparts,

D’un rayonnant « Jerusalem »

Arnold Zweig (1887-1968) en butte à l’antisémitisme du Reich émigra en Palestine dans les années 1930.  Après la  Seconde guerre mondiale il préféra construire le socialisme en RDA où il fut un écrivain reconnu.

Le sort s’est acharné sur son ouvrage Un Meurtre à Jérusalem écrit à Jérusalem, : publié en Allemagne en décembre 1932, il fut saisi dès avril 1933 pour être brûlé et passa donc inaperçu à sa parution. Ce n’est qu’en 1956, en RDA qu’il fut réédité mais défiguré par la censure communiste. Il ne put être publié dans son intégralité qu’en 1994. C’est pourtant un livre remarquable qui mérite de sortir de l’inconnu.

Roman policier comme le suggère le titre?  Certes, il y a une victime, le poète De Vriendt, qui a abandonné le sionisme pour l’orthodoxie. Il y a un policier, Irmin, des services secrets de sa Majesté, qui cherchera le coupable par devoir et aussi par amitié.

Roman historique :  le meurtre a lieu à la veille des émeutes en Palestine 1929 qui ont fait 133 victimes juives et 110 arabes.

Jaffa street during the 1929 disturbances

Roman politique : toutes les composantes de la politique sont ici analysées avec beaucoup de précision.

 Les britanniques  ont Mandat sur la Palestine, et  maintiennent l’ordre avec un minimum de troupes, jouant des rivalités entre juifs et arabes., n’intervenant que fort peu dans les émeutes pour protéger les Juifs.

On assiste à la réunion des cheikhs et des dignitaires arabes, véritable tableau. Les fellahs dépossédés  bien par les propriétaires terriens qui vendent leurs terres, ne sont pas oubliés.

La communauté juive est encore plus hétéroclite,  religieux agoudistes et sionistes s’opposent .Les juifs orthodoxes sont prêts à composer avec les dignitaires arabes pour limiter le pouvoir des sionistes. Même parmi les sionistes on distingue, les socialistes, ouvriers et kibboutznikim, et les nationalistes d’une part.  Russes et Allemands ont des réactions différentes…sans parler des communistes qui prônent l’unité des travailleurs arabes ou juifs. Des discussions sans fin analysent toutes ces nuances et font ressortir les différences.

Roman philosophique le poète,  De Vriendt est un personnage complexe. Pour certains, orthodoxes, c’est un dévot. Sa relation homosexuelle avec le jeune Seoud à qui il prodigue des cours le comble et le fait douter. Ses poème peuvent apparaître comme des blasphèmes

En vérité, c’est Toi le Prince des Ténèbres

Toi qui quand je suis né, m’as condamné à mort,

et lorsque grimaçant, je girai dans ma tombe, 

De quel secours sera que Tu sois éternel

Qui a tué De Vriendt? Est-ce un crime d’honneur de la famille de Seoud, Irmin, le policier britannique l’avait averti de la menace. Est-ce un crime de rôdeur, de voleur, des arabes bien sûr, les voleurs ne pourraient être juifs, « sauf peut être au Kurdistan? ». Est-ce un crime politique, des jeunes nationalistes ne peuvent lui pardonner sa trahison, puisqu’il  s’oppose aux sionistes, prêt à s’allier au Mufti… Un terrorisme juif s’attaquant à des Juifs paraît inconcevable, et pourtant….

C’est en tout cas un roman fort bien écrit. Chaque chapitre est un véritable tableau, décor personnages sont décrits avec soin et précision. le décor n’est jamais oublié, ni le climat, chaleur oppressante de la journée, recherche de la fraîcheur…. ni la nature. Ode magnifique aux paysages, montagnes de Jérusalem, Mer Morte, Carmel….

Le récit des émeutes est saisissant, vues par les juifs religieux comme un pogrom, par l’anglais, avec un certain flegmatisme, occasion de bravoure par les jeunes nationalistes, aussi fraternisations inattendues entre Juifs et arabes qui entretiennent des relations de bon voisinage. Humour et ironie ne sont pas absent même dans les moments tragique, comme ces protestations américaines qui réclament des navires de guerre britanniques dans « la rade de Jérusalem »…

C’est un vrai chef d’oeuvre à redécouvrir!

Les aventures extraordinaires de Sa’îd le Peptimiste – EMILE HABIBI

LITTERATURE ISRAELIENNE/PALESTINE 

Comment vivent les Arabes israéliens( 1.6 millions en 2015) ?

 

Le cinéma donne une réponse vivante, encore dans les salles actuellement Tempête de sable, un remarquable AjamiAna Arabia, Noces en Galilée … et j’en oublie. Pour la littérature,  encore je ne connaissais que Sayed Kashua qui écrit fréquemment dans la Newsletter de La Paix Maintenant, il était temps pour moi de lire Emile Habibi (1922-1996), député du parti communiste, journaliste , écrivain reconnu et primé.

Le titre : Les aventures extraordinaires de Sa’îd le Peptimiste me fait penser aux contes orientaux.  Conteurs et les contes sont des facteurs importants de la culture arabe. Mais pas que! Dans la première partie du livre l’auteur fait allusion aux poètes et auteurs anciens (très intéressantes notes en bas de page). Il fait aussi référence à un conte des 1001 nuits : la maison de Broze, que j’aimerais bien lire.

Autre allusion : Sa’îd les Peptimiste est un Candide. Naïf mais s’interrogeant sur la marche du monde. L es réponses de Panglosse  transcrites dans la situation d’Israël dans les annéees 50 résonnent ironiquement. Candide était un optimiste. Sa’îd  est qualifié de « Peptimiste »: l’optimiste béat n’est pas de mise après la Nakba, mais cela pourrait encore être pire pour notre héros qui n’est ni mort (un âne a arrêté la balle qui lui était destinée, il n’est pas exilé, il a même des « relations » un Adon Sifsârashk, qui le protège, en échange de services pas très avouables.

Sa’îd, homme simple, juste pour survivre, se soumet joue un rôle que d’aucuns jugeraient sévèrement, il renseigne les autorités israéliennes, des activités des communistes. S’il dévoiles certains secrets des autres, les siens, il les garde bien . Pourtant, l’empathie subsiste. Autre mode de survie, l’humour, l’ironie. Les « aventures extraordinaires » parfois, au début, prêtent à sourire. On pense à l’humour juif, paradoxalement. A mesure que j’avance dans la lecture, le tragique l’emporte avec la disparition de son fils et de sa femme. Wala’ leur fils a pris les armes et s’est enfermé dans une caverne marine, les policiers israéliens demandent à  Sa’îd et  à sa femme Bâqiyyeh de faire sortir leur enfant:

« – Wala’, mon enfant, jette tes armes et sors! […]Ta caverne est étroite, elle est sans issue. tu étoufferas! – Y étouffer! Je suis venu pour respirer librement. Quand j’étais un enfant, vous étouffiez déjà mes cris. Plus tard, quand je m’essayais à parler votre langue, vous me faisiez la leçon « Prends bien garde à ce que tu dis! » »

Malgré tous ses compromis, malgré ses « appuis » Sa’îd se retrouve emprisonné pour une erreur minable.

Jamais dans ses tribulations Sa’îd ne se plaint ni ne geint. Cela pourrait être tellement pire….

 

Je danserai si je veux – film de Maysaloun Hamoud

FILM ISRAELIEN/PALESTINIEN

Laila et Salma partagent un appartement à Tel Aviv. Laila est avocate, belle, indépendante. Salma est DJ et barmaid dans un bar branché. Elles sont joyeuses et libres, boivent des bières, fument des joints et profitent de la vie trépidante de Tel Aviv. Quand Nour débarque dans la colocation avec sa grosse valise et son voile, elle détonne un peu.

Trois filles palestiniennes qui essaient de gagner la liberté et le bonheur, chacune à sa façon.

Laila, courtisée par un collègue juif ,  ne cède pas à ses avances, elle tombe amoureuse de Ziad, le beau garçon qui revient de New York ils forment un très  beau couple mais rapidement Ziad lui demande des compromis inacceptables pour elle.

Nour est fiancée à Wissam, un homme pieux qui ne songe qu’à avancer la date du mariage alors que Nour tient à terminer ses études d’informatique et à obtenir un emploi.

Salma est lesbienne. Sa famille chrétienne de Nazareth, qui paraît tolérante lui présente des prétendants qu’elle refuse.

A chacune, son degré de révolte, sa résistance,  ses limites.

Ce n’est pas facile d’être une femme – palestinienne – libre et heureuse même dans la grande ville.

Un film féministe réalisé par Maysaloun Hamoud qui a cherché à faire entendre une nouvelle voix dans l’ambiance des changements annoncés par les Printemps arabes.

Un film produit par Shlomi Elkabetz dédié à Ronit Elkabetz, sa sœur décédée il y a tout juste un an, bouleversante dans le Procès de Viviane Amsallem qu’ils ont réalisé ensemble.

 

Shlomo le kurde – Samir Naqqash

 

Comment ai-je trouvé ce livre? D’après les algorithmes d’Amazon ou les propositions de Babélio? Le titre m’a interpellé : Shlomo , prénom juif, suivi de kurde. Les Kurdes (à part mes petites élèves) je  ne les connais que d’après la télévision (guerres en Irak ou en Syrie et politique turque).  De leur culture, juste un film : My sweet Pepperland. J’étais donc très curieuse du Kurdistan. L’auteur m’était inconnu, Samir Naqqash, né à Bagdad en 1938 – mort en 2004 en Israël, écrivain juif de langue arabe, considéré par Naguib Mahfouz comme « l’un des plus grands auteurs à écrire en arabe aujourd’hui« .

Enchevêtrement des identités:

 

 

 

 

Au début du livre en 1924, en partance  de Bagdad vers Bombay,  Shlomo se présente :

« Un nasillard bredouillant, un métis, un Kurde juif perse, azéri et bagdadien, un voyageur en route vers l’Inde. Moi! j’étais tout  cela à la fois »

il affirme:

« Je suis Shlomo le Kurde! Un Kurde borné, aussi fort que les montagnes du Kurdistan, aussi résistant que les arbres d’Azerbaïdjan! …un homme pieux, pratiquant, plein de bons sentiments…. »

et à nouveau:

« Je suis un Kurde, borné, mon corps élancé et souple est un cyprès dressé sur la terre du Kurdistan, un chêne que ne peut déraciner même la pire des tempêtes, mon cœur est fait de ces pierres où j’ai grandi, il n’est pas lâche, il ne bat pas à cause de la peur… »

Ce chêne indéracinable a pourtant pris le chemin de l’exil à la fin de la Première Guerre Mondiale une première fois et en 1941, chassé de Bagdad par un pogrom pendant la Seconde Guerre Mondiale 

C’est avant tout un commerçant habile  voyageant de Sablakh dans le Kurdistan iranien, jusqu’à Istanbul, Moscou, Téhéran puis de Bagdad vers l’Inde. C’est un homme honorable à qui on avait délégué la garde de la synagogue de Sablakh. Polyglotte qui servit d’intermédiaire entre la communauté juive et les ruses quand ils occupèrent la ville. 

Multiplicité des langues

Comme juif « le djebali, c’est le nom de l’araméen des montagnes?- C’est la langue des Juifs depuis l’époque où les Assyriens nous ont capturés? […] – Et l’hébreu? – C’est la langue de notre Torah et aussi celle du Midrash »

Il parlait en persan, en kurde et en azéri qui étaient les langues de sa ville. En russe et en turc pour faire du commerce. Installé à Bagdad , il appris l’arabe de Bagdad puis l’anglais, le hindi….Sur sa boutique l’enseigne était « Shlomo le kurde » le premier à avoir importé des vêtements de seconde main, marchandise qu’il avait découverte à Bombay.

Shlomo le Kurde est un personnage! Presque centenaire, il raconte ses souvenirs, ses amours, Esmer et Esther, à Sablakh, il était bigame et cela ne semblait scandaliser personne.

Au delà du personnage de Shlomo c’est l’histoire des persécutions des Juifs, liquidation de la communauté de Sablakh puis du pogrom de Bagdad le Farhoud qui eut lieu le 1 et 2 juin 1941 alors que les Britanniques qui occupaient l’Irak se replièrent et que la population pro-nazi  se déchaîna.

C’est aussi l’histoire de Sablakh (Mehabad)pendant la Première Guerre Mondiale . Petite ville perse aux confins du royaume du Shah-an-shah qadjar, dans les montagnes du Kurdistan, à l’ouest de l’Azerbaïjan iranien, elle était peuplée de musulmans et juifs et chrétiens.

« …personne parmi les sages de Sablakh, pas même ceux qui ressemblaient aux prophètes, n’avait prévu que la belle et paisible Sablakh tomberait elle aussi dans le gouffre de ce maudit conflit, que les deux pinces de la tenaille se refermeraient sur elle – l’empire tsariste d’une part, les Ottomans et les Allemands de l’autre. Une tenaille tyrannique qui allait écraser Sablakh… »

Le Shah avait déclaré la Perse état neutre dans la guerre, ce qui n’empêcha pas les armées du Tsar de venir l’envahir, suivis des alliés ottomans et allemands. La ville fut successivement occupées par les belligérants qui terrorisaient la population locale. Les musulmans soutenaient leur coreligionnaires ottomans tandis que les russes les massacraient. Des luttes fratricides entre les seigneurs locaux envenimaient la situation. Des factions pro-bolcheviks compliquaient encore les alliances. Aux combats sanglants qui se déroulaient,  les hivers rigoureux, la neige, le froid, rendaient la vie encore plus pénible. Vint la famine que l’auteur décrit très vivement, ironie et tendresse, le récit est poignant. Contre tous ces malheurs, les voisins s’organisent, la solidarité est grande. Après 4 années d’enfer, Shlomo devra prendre le chemin de l’exil.

Est-ce parce qu’il a été écrit en arable par un israélien que ce livre majeur est pratiquement oublié?

 

 

 

Jusqu’à la mort – Amos Oz

LITTÉRATURE ISRAÉLIENNE

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Jusqu’à la mort rassemble deux longues nouvelles d’une centaine de pages chacune.

Jusqu’à la mort se déroule en 1096. Guillaume de Touron, à la tête d’une petite troupe de chevaliers et de vilains se dirige vers Jérusalem, Claude-le-bossu tient chronique de cette croisade. Libérer les lieux saints ne semble pas la préoccupation principale des croisés. En permanence, la persécution des Juifs est consignée dans le récit de Claude.

Au le début de l’été, au milieu de la moisson de l’orge, le négociant juif fut l’objet de soupçons. il fut mis à mort en toute justice pour avoir protesté de son innocence avec énergie. Le spectacle du Juif sur le bûcher aurait dû dissiper ‘ennui et l’angoisse qui s’était emparée de nous depuis le printemps….le Juif se consumant, rèussit à tout ternir en proférant une injure typiquement juive à l’adresse du sieur Guillaume[…]Et bien entendu, on ne put châtier le malheureux pour avoir proféré des injures car ces Juifs-là sont de nature à ne brûler qu’une seule fois…. »

Juifs réels ou supposés. Les chevaliers persécutent les Juifs des villages qu’ils traversent et qui se cachent à leur passage. Quand ce sont des commerçants ou un simple colporteur, ils les dépouillent de leur richesse. Une mère et son enfants, dans l’imagination des Croisés deviennent des bêtes sauvages

« une véritable louve extirpée avec son petit de son repaire dans un tas de foin. La juive ouvrait la gueule aux dents blanches pointues qui n’avaient rien d’humain… »

A la suite un pogrom particulièrement terrible où un village est brûlé, même une maison ne renfermant que des livres anciens, la troupe des Croisés rencontre l’hiver , les grandes pluies d’hiver et le froid. Ils perdent de vue l’objectif premier de la libération des lieux saints. Ils vont jusqu’à se soupçonner les uns les autres d’être Juifs…

« quelque chose lui disait que cet endroit lui était étranger et que Jérusalem n’était pas au bout du voyage. …que Jérusalem n’était pas la Cité de Dieu et qu’Andréas était peut être le Juif caché…. »

Équipée hallucinée dont le but ne peut être que la mort.

La seconde nouvelle Un amour tardif  a pour personnage un conférencier vieillissant et solitaire qui va de kibboutz en kibboutz animer des soirée sur le thème des juifs russes persécutés dans les années 50 ou 60, injuriant les Bolcheviks qu’il a bien connu, ayant lui même fait la Révolution en Russie.

Après l’antisémitisme médiéval de la première nouvelle , voici l’antisémitisme politique soviétique, doublé de l’antisémitisme traditionnel russe. C’est donc cette permanence de la haine des juifs qui fait l’unité du recueil de nouvelles. Aussi ce glissement vers la mort de l’arrivée de la vieillesse, de la maladie, la décadence.

Autant le style de Jusqu’à la mort est dépouillé, incisif, autant un amour tardif  fait languir le lecteur. J’ai pensé l’abandonner avant la fin, vraiment démodé et désuet? Qui se souvient de Berl Katzenelson, dont le portrait orne le bureau du vieux conférencier. Qui se souvient que Golda Méir fut Golda Meyerson?

 

 

 

Amos Oz – diverses lectures d’après mes vieux carnets….

LITTÉRATURE ISRAÉLIENNE

 

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Lire le Monde a choisi Amos Oz pour thème de lecture commune.

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Je suis cet auteur depuis très longtemps, depuis Mon Michael (1968)qui est un des rares livres que j’ai lus en VO en hébreu. Il faudrait que je le relise d’ailleurs car j’ai plus souvenance de mes efforts de déchiffrage que de l’histoire.

 

 

 

 

Seule la mer (2002)

amos-ozseule-la-mer_Noté roman, par l’éditeur. Surprise, j’ouvre le livre et découvre des poèmes en vers libres. ! C’est pourtant un roman, très beau. Poésie israélienne, très prosaïque en même temps très littéraire, biblique. Les références au Cantique des Cantiques à l’Ecclésiaste à Job et à la Genèse sont flagrantes. Les amours pudiques, inachevées. J’ai beaucoup aimé.

 

Une Histoire d’Amour et de Ténèbres (2004)

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Je n’ai pas été déçue ! Parfois, rarement, il me semble qu’un livre a été spécialement écrit pour moi. C’est le cas ici. Et il tombe également au bon moment. Je l’ai entamé en même temps qu’Arafat s’est éteint à Paris. Cette lecture me paraît l’antidote à la célébration mortifère de l’ancien dirigeant palestinien. Je ne peux me départir d’un certain scepticisme. Et en tout cas, pas de cette négation totale d’Israël. Sans rien ôter à la grandeur du personnage, j’ai besoin du contrepoids du camp de Shalom Akhshav que représente Amos Oz. Cela pour le contexte politique actuel.

Même dans d’autres circonstances, j’aurais été aussi admirative de ce livre. Tout un univers est ouvert : aussi bien au début l’univers de toute la littérature hébraïque : Agnon, Tchernikowski, Bialik ainsi que tout le contexte du schtetl sans lequel on ne peut pas comprendre la génération des premiers pionniers d’avant la création de l’Etat Juif.

Vilna, Odessa, la Pologne, la Russie du début du 20ème siècle sont magistralement évoqués.

Puis à Jérusalem, je découvre toute une frange de la société lettrée, même érudite, que je soupçonnais sans la connaître : frange révisionniste alors que je ne connaissais que le côté travailliste et haloutsique de la construction du Yechouv. Intéressante évocation de Menahem Begin au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Je n’ai toujours connu que le point vue de  de l’Hashomer Hatzair.

Émouvante évocation des parents de l’auteur. Histoire tragique du suicide de la mère. Comment un petit garçon devient un immense écrivain. Et comment le fils de professeurs de droite devient un kibboutznik !

 

Une panthère dans la cave (1997)

amos-oz-une-panthere-dans-la-caveEcrit avant  : Une Histoire d’Amour et de Ténèbres, mais que j’ai découvert quelques temps plus tard. Dans la même veine que le précédent. Un enfant, en 1947, dans une famille d’intellectuels polonais, se fait traiter par ses copains de « traître » parce qu’il échange des leçons d’hébreu contre des leçons d’anglais avec un sergent britannique. Jérusalem de la fin du Mandat britannique. Lieux et période familiers… il me semble que cette époque fait déjà partie de mon histoire personnelle même si elle se déroule avant ma naissance. Jérusalem des années d’après guerre  m’est moins étrangère que ce qu’elle peut devenir actuellement. L’enfant amoureux des mots, des dictionnaires et des encyclopédies est extrêmement attachant.

 Soudain dans la forêt profonde (2005 en français 2008)

amos-oz-dans-la-foret-profondeUn conte dans un village imaginaire. Les animaux ont disparu. Interdit de les évoquer ou d’imiter leur chant sous peine de réveiller des sentiments mêlés de culpabilité ou de moqueries. Un enfant, un peu simplet, s’enfuie dans la forêt, il revient atteint d’une étrange maladie : il hennit comme un poulain et se coupe de la société des hommes. L’institutrice, vieille fille moquée, tente d’instruire les enfants en leur montrant des images d’animaux. Deux enfants partiront chercher les animaux dans une étrange forêt enchantée.

Après j’ai consigné mes lectures dans mon blog et je colle ici quelques liens:

 

Vie et mort en quatre rimes 

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Dernièrement Judas qui est un très grand livre.  Je suis surprise en relisant mes notes de retrouver le lien avec la panthère dans la cave dans le thème du Traître.amos-oz-judas

Pour la Lecture commune, j’ai cherché un titre ancien que je n’avais pas lu : Jusqu’à la mort (1971) composé de deux nouvelles d’une centaine de pages chacune, la première se passant au temps des Croisades la suivante Un amour tardif ayant pour personnage un conférencier vieillissant dans le mouvement kibboutzique.

Par ailleurs, je ne retrouve plus le billet sur les Scènes de la Vie villageoise (2010).

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Une nuit Markovitch – Ayelet Gandar Goshen

LITTÉRATURE ISRAÉLIENNE

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J’étais impatiente de lire une jeune auteure israélienne (née en  1982) alors que je suis depuis longtemps l’ancienne génération Amos Oz(né en 1939), Grossman(1954) A B Yehoshoua(1936). Présentée comme militante pacifiste par Le Point. Le livre était qualifié de feel good book et les billets des blogueuses et de Babélio étaient élogieux.

Je me suis donc empressée de le télécharger.

Dès les premières pages, j’ai été plutôt décontenancée. Yaakov Markovitch et son ami Zeev Feinberg, héros et anti-héros m’ont paru plutôt caricaturaux. J’aurais pu m’attacher à Markovitch, le personnage fade que personne ne remarque. Zeev Feinberg dont la caractéristique la plus marquante est d’avoir de belles moustaches m’a franchement agacée. Quand au « numéro2″ de l' »Organisation » -copie-collé de Feinberg, il n’a même pas la moustache. Ces beau machos partent sauver des juives en Europe. Quelle Europe? Existe-t-il un pays qui s’appelle l’Europe? Allemagne, Autriche, Pologne…..on ne sait pas. C’est une Europe mythique, dématérialisée. D’ailleurs la Palestine n’est pas mieux lotie. Je sais qu’il y avait un Mandat Britannique, mais on ne rencontre pas un Anglais, des Arabes, on n’en voit que morts. Quant au « village » il n’a pas de nom ni de localisation précise, c’est « le village ». Sans doute dans le nord, puisque Markovitch va voir une prostituée à Haifa… mais  ce village est tellement indéterminé que je n’arrive pas à le visualiser. Quant au village arabe voisin, il n’apparaît que bien tard dans le roman: abandonné.

Même si on veut que le récit soit mythique, plutôt un conte que réaliste, il faut quand même un petit effort de contextualisation.

C’est une histoire – des histoires – d’amour. L’histoire de Markovitch, que le sort lie, pour une traversée à la plus belle femme qui puisse exister, et qui refuse de délier ce sort et reste marié à Bella qui ne veut pas de lui. L’histoire de Sonia, la lionne, à la fragrance d’orange avec Zeev, qui la trompe mais l’aime! Qu’est-ce qu’elle lui trouve?

Histoire de filiations, d’enfants aux géniteurs incertains.

Et que font les femmes là-dedans? Elles ne sont surtout pas des combattantes,   ni des agricultrices (monsieur cultive la terre). Elles aiment, font des bébés et accessoirement Sonia milite – pour l’intégration des femmes, pas pour autre chose, et surtout pas dans la politique. Ce n’est pas le souvenir que j’avais des  pionnières.

Feel good book? moi, il m’a agacée.