Villa des Femmes – Charif Majdalani

LIBAN

Villa-des-Femmes_

De Charif Majdalani, j’ai beaucoup aimé Caravansérail : « C’est une histoire pleine de chevauchées sous de grande bannières jetées dans le vent, d’errances et de sanglantes anabases…. » ainsi que Le dernier seigneur de Marsad saga d’une famille de chrétiens-orthodoxes vivant dans la banlieue de Beyrouth de la fin du 19ème siècle à la guerre civile dans les années 1975 et après.

Villa des Femmes reprend la thématique de ce dernier livre.

incipit :

« je me suis tenu là, tout le temps nécessaire, gardien de la grandeur des Hayek, témoin involontaire de leurs déchirements et de leur ruine, assis en haut du perron de la villa… »

Le narrateur est Noula, chauffeur du patron Skandar Hayek, le patron des usines textiles, le chef de famille incontesté, autorité quasi-féodale qui fait les municipalités, négocie la paix entre Palestiniens et Chrétiens. La première partie du roman narre donc la geste de la famille Hayek, sa grandeur et ses secrets cachés, Mado la fiancée sacrifiée, Marie et son mariage de convenance…les familles apparentées.

Skandar, au faîte de sa gloire, s’écroule. Son fils, incapable de lui succéder, ruine la famille. Les tensions entre Palestiniens et Chrétiens tournent à l’affrontement. La guerre éclate, larvée puis violente. Mado , Marie, Karine, la fille et Jamilé résistent dans cette villa des femmes. 

Roman très bien conduit qui tente de nous faire comprendre l’incompréhensible que cette guerre fratricide. Des personnalités sont diverses et intéressantes, des femmes fortes. j’ai aimé  le charme de ce domaine dans les orangers. Cependant l’effet de surprise ne joue plus. Ce roman ressemble un peu trop au Dernier Seigneur de Marsad.

 

 

Amin MAALOUF : Origines

 LIBAN

maalouf origines

« Pour moi, en tout cas, la poursuite des origines apparaît comme une reconquête sur la mort et l’oubli »

Amin Maalouf, mène une enquête minutieuse, plus historien que romancier, à la recherche de son grand-père Botros.

« Puisqu’il ne servait plus à grand-chose d’interroger les vivants, j’allais interroger les morts. [….]N’y avait-il pas, dans l’armoire de ma mère, une malle ancienne qui bruissait de leurs voix ? »

Nous le suivons dans cette enquête, dans la Montagne libanaise, jusqu’à Cuba. Ses recherches le font remonter  au milieu du 19ème siècle,  époque du Rocher de Tanios – livre que j’ai beaucoup aimé.  Elles rappellent un passé très ancien du temps des Omayyades où les princes brigands de la Montagne avaient imposé un tribut au calife de Damas.

Dans sa famille, on a beaucoup écrit et conservé les écrits. D’ailleurs Maalouf écrit ::

« Hommage à la tradition orale, entend-on souvenir ! Pour ma part, je laisse ces pieux ébahissements aux coloniaux repentis. Moi je ne vénère que l’écrit. »

Parole d’écrivain, mais aussi, en droite ligne de ces personnages qu’il évoque : maîtres d’école, journalistes, pourfendant l’ignorance et voulant étendre l’esprit des Lumières sur le Moyen Orient encore englué dans les traditions et les querelles religieuses. Ecole catholique ou protestante ?  Botros est fier de son œuvre : l‘Ecole Universelle où l’on accueille toutes les confessions et où on enseigne aussi bien l’Arabe que le Turc, l’Anglais que le Français.

« Des milliers de lettrés jeunes ou moins jeunes « complotaient » de la sorte dans ce même espoir de « dissiper les ténèbres »

Au détour du 20ème siècle s’ouvrent des perspectives, des rêves, des possibles « bâtir chez nous au Levant, nos propres Etats-Unis, une fédération des différentes provinces ottomanes »

C’est une grande leçon d’histoire : la fin de l’empire Ottoman, la révolution des Jeunes-Turcs de Salonique où prévalait aussi cet esprit des Lumières, jusqu’aux péripéties du Mandat français.

Origines complexes qui ne se limitent pas au village de la Montagne. On voyageait beaucoup. On s’exilait pour chercher fortune, en Egypte et aux Amérique. L’enquête se déroule aussi à La Havane où l’auteur cherche les maisons « familiales » de Gebrayel, le frère de Botros.

« Nous les âmes nomades, avons le culte des vestiges. Nous ne bâtissons rien de durable, mais nous laissons des traces ».

Les Echelles du Levant – Amin Maalouf

VOYAGE EN ORIENT

maalouf echelles

J’ai lu d’une traite ce roman émouvant.
De l’Orient compliqué, il saisit les contradictions et les fractures.
Petit fils de sultan ottoman, Ossyane est destiné par son père, non pas à régner mais à être révolutionnaire
.Adana, Turquie, à la veille de la Première Guerre Mondiale, le père du héros se lie à un Arménien, juste avant le Génocide.
Ossyane devient un héros de la Résistance, on pense à l’Affiche rouge
1947, Ossyane se marie avec Clara, survivante de l’Holocauste. Le couple hésite à s’établir : Beyrouth ou Haïfa?
années 70, c’est la guerre intercommunautaire au Liban qui donne un nouveau tournant à la vie d’Ossyane.
Maalouf raconte une histoire libanaise, mais aussi universelle; Il n’a pas fini de m’étonner

Les Croisades vues par les Arabes – Amin Maalouf

VOYAGE EN ORIENT

croisades

Téléchargé sur ma liseuse à la suite du Talisman de Walter Scott, lu immédiatement après l’Orientalisme d’ Edward Said…

Les Croisades n’ont pas été seulement « vues » par les Arabes, elles ont été racontées par des chroniqueurs témoins des évènements. Maalouf puise dans ces écrits pour faire un récit pittoresque de deux siècles d’histoire (1096 – 1291) du Proche Orient. Ce n’est pas un roman historique c’est un livre d’histoire qui se lit comme un roman, avec des intrigues, ds rebondissements, des personnages hauts en couleur, des traîtres et des sultans chevaleresques, des chevaliers barbares, d’autres éclairés, des esclaves et même une sultane d’Égypte….

En Occident, on a l’habitude de numéroter les Croisades, la 1ère celle de Pierre  l’Ermite et Godefroy de Bouillon, la 4ème du Doge Dandolo, les 7ème et 8ème avec Saint Louis. Maalouf adopte une autre chronologie : le livre est découpé en six parties  l’Invasion (1096 -11oo), l’Occupation (1100-1128), la Riposte (1128-1146), la Victoire (1146-1187), le Sursis (1187-1244), l’Expulsion (1224-1291). Les croisades ne sont pas envisagées en une confrontation religieuse mais plutôt comme un processus de colonisation. Si la religion est invoquée, c’est le djihad qui devra délivrer les musulmans des occupants, et cela ne marche pas très bien.

L’invasion

« En juillet 1096 des milliers de Franj approchent, quelques centaines de chevaliers un nombre important de fantassins armés et des milliers de femmes, d’enfants, de vieillards en guenilles : on dirait une peuplade chassée par un envahisseur »

Comment cette troupe saura-t-elle s’imposer face à l’Empire Byzantin et face aux turcs seldjoukides qui s’imposent face à lui. C’est que l’Orient musulman est divisé!

« depuis 1055, le calife de Bagdad, successeur du Prophète et héritier du prestigieux empire abbasside n’est qu’une marionnette docile entre leur (des Seldjoukides) mains »

Les Seldjoukides ne forment pas un empire centralisé, les différents chefs se jalousent de guerroient. « entre cousins seldjoukides, on ne connait nulle solidarité : il faut tuer pour survire. « 

krak

Les Croisés vont profiter de ces rivalités et s’imposer en se taillant des fiefs à Edesse,  Antioche , ville où les chrétiens d’Orient sont nombreux, prenant Jérusalem en 1099, assiégeant toutes les villes importantes de la côte : Tyr, Saïda, Tripoli….

La cruauté de la conquête est atroce . Le cannibalisme de Maara (relaté par Walter Scott) atteste de la barbarie des occupants. Jérusalem est saccagé sauvagement sans même épargner les coreligionnaires – Grecs, Géorgiens, Arméniens, Coptes ou Syriens.

« Face au morcellement irrémédiable du monde arabe, les Etats francs vont apparaître d’emblée par leur détermination, leurs qualités guerrières et leur relative solidarité comme une véritable puissance régionale »  .

le château fort de Yehiam
le château fort de Yehiam

Intervient aussi l’influence d’une curieuse secte celle des Assassins qui brouille les pistes.

La Riposte

La première victoire significative (1148) du camp musulman est la débâcle devant Damas de l’empereur allemand Conrad. Le héros de cette période de Victoire  est Noureddin,  prince intègre et très pieux qui lance une véritable propagande, commandant des poèmes, des lettres, aux mots d’ordres simples

« Une seule religion, l’islam sunnite [….un seul état pour encercler les Franj de toutes parts; un seul objectif, le jihad, pour reconquérir les territoires et surtout libérer Jérusalem »

Suppression des impôts, interdiction de l’alcool (et du tambourin), simplicité des tenues cet islam est rigoriste

« Quel est le chien Mahmoud pour mériter la victoire?  » – dit -il de lui-même « De telle démonstration d’humilité lui attireront la sympathie des faibles et des gens pieux, mais les puissants n’hésiteront pas à le taxer d’hypocrisie »

En face se dressent des croisés pas très recommandables comme le Prince Renaud chevalier-brigand d’Antioche « assoiffé d’or, de sang et de conquêtes ».

Le théâtre des opérations militaires va se déplacer vers l’Égypte autour des années 1160. Saladin va succéder à Noureddin au moment où Amaury , roi de Jérusalem lègue son royaume à son fils Baudouin IV, le roi lépreux. Saladin va reconquérir Jérusalem sans effusion de sang, sans destruction, sans haine. 

« certes on ne peut reprocher au sultan la magnanimité avec laquelle il a traité les vaincus. Sa répugnance à verser le sang inutilement, le strict respect de ses engagements, la noblesse émouvante de chacun de ses gestes… »

Une nouvelle croisade, la 3ème en 1191 voit débarquer Frédéric Barberousse Richard Cœur de Lion, Philippe Auguste, Conrad de Montferrat  qui feront le siège d’Acre que raconte le Talisman de Walter Scott. Je découvre avec étonnement que le roman de Scott est très proche de la réalité historique;

« entre deux escarmouches, chevaliers et émirs s’invitent à banqueter et devisent tranquillement ensemble, s’adonnant parfois à des jeux… »

Maalouf note que « Richard lui-même est fasciné par Saladin. dès son arrivée, il cherche à le rencontrer »mais la rencontre imaginée dans le roman ne se fera jamais.

« les rois ne se rencontrent qu’après conclusion d’un accord. De toute manière, ajoute-t-il, je ne comprends pas ta langue et tu ignores la mienne, et nous avons besoin d’un traducteur en qui nous ayons tous les deux confiance. que cet homme soit donc un messager entre nous. » aurait répondu Saladin.

L’histoire du mariage envisagé entre la sœur du roi d’Angleterre avec le frère de Saladin est aussi véridique. De même la colère de Richard contre le marquis de Montferrat qu’il fera assassiner. Richard doit retourner en Angleterre :

« un mois après la conclusion de la paix; il quitte la terre d’Orient sans avoir vu ni le Saint-Sépulcre ni Saladin ».

Frederick_II_
Fréderic 2

L’essentiel des affrontements, pendant après 1220 se feront en Égypte. Arrive en  1128, Frédéric II qui a épousé en 1225 Yolande reine de Jérusalem.

« dès son arrivée de Palerme, celui-ci (l’émir Fakhreddin) est émerveillé : oui tout ce qu’on dit de Frédéric est exact! Il parle et écrit parfaitement l’arabe, ne cache pas son admiration pour la civilisation musulmane, et se montre méprisant à l’égard de l’Occident barbare et surtout du pape de Rome la Grande »

A la suite de la crise de Damiette et d’une campagne égyptienne où les armées arabes et franques s’enlisent,

« Frédéric obtient Jérusalem, un corridor la reliant à la côte ainsi que Bethleem, Nazareth, les environs de Saïda. « .

Seventh_crusade

Le dernier épisode, L’Expulsion se fait sous la menace Mongole. En 1248 Louis IX arrive en orient avec l’idée de conclure une alliance avec les Mongols pour prendre le monde arabe en tenaille. Il se lance dans une campagne égyptienne, remportant un succès décisif à Damiette , on lui propose d’échanger Damiette contre Jérusalem mai le roi de France refuse. A la suite de ces guerres, Maalouf note un évènement déterminant pour la région  : l’avènement des Mamelouks au pouvoir en Égypte. Un étrange épisode amène au pouvoir une sultane puis Baibars .

J’ai dévoré cette histoire comme un roman. Dans l’épilogue, Maalouf montre que:

« alors que pour l’Europe occidentale, l’époque des croisades était l’amorce d’une véritable révolution, à la fois économique et culturelle, en Orient, ces guerres saintes allaient déboucher sur de longs siècles de décadence et  d’obscurantisme »

Le souvenir de ces croisades est encore prégnant dans la région.

« A la veille du 3ème millénaire  les responsables politiques et religieux du monde arabe se réfèrent constamment à Saladin, à la chute de Jérusalem et à sa reprise. Israël est assimilé, dans l’acception populaire comme dans certains discours officiels, à un nouvel État croisé. »

 

 

 

Leon l’Africain – Amin Maalouf

Grenade : Alhambrah
Grenade : Alhambrah

Lu autrefois, je l’ai emporté sur ma liseuse en voyage à Marrakech.

Quel merveilleux compagnon!

….« nul ne sait que je m’appelle aujourd’hui Léon ou Jean-Léon l’Africain, là-bas, j’étais Hassan, fils de Mohamed-al-Wazzan et dans les actes officiels, on ajoutait « al-Zayyati » du nom de ma tribu d’origine, « al-Gharnati », le Grenadin… »

J’ai rêvé de Grenade, et assisté à sa chute de Boabdil

« Aussi quand il me contait la chute de Grenade, son récit débutait-il dans les salles tapissées de l’Alhambra »  .

souk de Marrakech
souk de Marrakech

J’ai marché dans la médina de Fès, par l’imagination, alors que je me trouvais au cœur des souks de Marrakech, je suis entrée dans les fondouks et dans les hammams. roman d’aventure, j’ai tremblé pour sa sœur Mariam emmenée de force chez les lépreux.

maroc2013dt 002 (200) - Copie

« j’avais besoin de partir à l’instant, de m’accrocher bien haut à la bosse d’un chameau, de m’engloutir dans l’immensité désertique où les hommes, les bêtes, l’eau, le sable et l’or ont tous la même couleur, la même valeur, la même irremplaçable futilité…« 

Je suis partie avec lui en caravane à Tombouctou (en vrai je me suis arrêté en route à « 52 jours de Tombouctou« ) j’ai imaginé la tempête de sable

tombouctou

« Nous accumulons ainsi, au fil des caravanes, richesse et savoir, à l’abri de ces montagnes inaccessibles que nous partageons avec les aigles, les corneilles et les lions, nos compagnons de dignité »

Richesses et palais, intrigues et luttes de pouvoir. Hassan le Fassi perd ses richesses et suit des caravanes le long du Niger, De Tombouctou vers le Caire.

le Caire
le Caire

Je me suis promenée dans le vieux Caire et au Khan el-khalili, lu les luttes entre le Grand Turc et les Mamelouks…..peste et massacres….rencontré Sélim à Constantinople et Barberousse, le pirate.

Des pirates siciliens l’ont capturé en chemin vers Tunis:

« Ainsi j’étais esclave, mon fils, et mon sang avait honte. Moi dont les ancêtres avaient foulé en conquérants le sol de l’Europe, je serai vendu à quelques prince de Palerme, de Naples, de Raguse…. »

C’est en cadeau au pape Léon, qu’il est arrivé à Rome, au château saint Ange. Il se converti pour l’amitié des Médicis et devient ambassadeur du Pape auprès de François 1er et de Soliman pour bâtir un pont entre Rome et Constantinople

« d’un côté Soliman, sultan et calife de l’islam, jeune ambitieux au pouvoir illimité  mais soucieux de faire oublier les crimes de son père et d’apparaître comme un homme de bien. De l’autre, Charles, roi d’Espagne, encore plus jeune et non moins ambitieux qui s’est fait élire à prix d’or au trône du saint Empire. Face à ces deux hommes, les plus puissants du monde, il y a l’état pontifical, croix géante et sabre nain… »

« …tu n’aimes pas les princes et encore moins les sultans. Quand l’un d’eux remporte une victoire, tu te retrouve d’emblée dans le camps de ses ennemis, et quand quelque sot les vénère, c’est déjà une raison pour les abhorrer » lui dit son ami d’enfance Haroun, envoyé de Soliman
J’ai aimé l’humanisme du personnage qui a beaucoup voyagé,

« Et la vérité en tout cela? – c’est une question que je me pose plus : entre la vérité et la vie, j’ai déjà fait mon choix… »

« Lorsque l’esprit des hommes te paraîtra étroit, dis-toi que la terre de Dieu est vaste, et vastes Ses mains et Son cœur.N’hésite jamais à t’éloigner, au delà de toutes les mers, au de-là de toutes les frontières de toutes les patries, de toutes les croyances….

Je suis souvent déçue par les romans historiques, mais pas par celui-ci qui est très riche!

Caravansérail – Charif Majdalani

 

Egypte oasis 2010 dt baharya désert noir 125 - Copie

Incipit :

« C’est une histoire pleine de chevauchées sous de grande bannières jetées dans le vent, d’errances et de sanglantes anabases…. »

caravansérailAinsi commencent les aventures de Samuel Ayyad qui se mit au service des Britanniques à Khartoum en 1909 et partit guerroyer contre Bellal, un rebelle successeur du Mahdi, au Kordofan, Darfour et plus loin encore dans l’Afrique de l’Est. Samuel Ayyad doit gagner l’alliance des sultans grâce aux fusils offerts par l’empire Britannique et à des sacs d’or…Batailles de cavaliers avec étendards, bannières, sabres et turbans.

Un autre libanais est parti pour une aventure différente :

« parmi les nombreuses histoires sur ces hommes qui se sentirent à ‘étroit entre la mer et la montagne et quittèrent le Liban au début du XXème siècle, celle de Chafic Chebab est sans doute une des plus singulières »

Chafic Chebab est un commerçant, un antiquaire qui vend de belles pièces de menuiserie en Alexandrie. A Tripoli il découvre un petit palais qu’il achète en entier fait démonter et s’imagine pouvoir vendre à un des sultans des cheikhs au sud du Sahara, Tchad ou Soudan. Il affrète donc une caravane pour transporter pierre à pierres le palais

« En découvrant les pierres de taille, le bassin décoré et les plafonds sculptés portés par les équidés aux allures de pimbêche, il part d’un fabuleux éclat de rire en déclarant qu’il vient de comprendre l’étymologie du mot « caravansérail »…. »

Car on rit aussi beaucoup en suivant cette épopée de mille et une nuits et même beaucoup plus qui suivra la traversée caravanière, du palais dans les savanes soudanaises, sur des barges sur le Nil jusqu’au Caire, abordé en 1914, alors que la guerre vient d’éclater.

Lawrence d'Arabie (K)Le seul moyen de retourner au Liban est de faire un prodigieux détour par l’Arabie où les tribus alliées de Fayçal se sont alliées aux britanniques contre l’empire ottoman. rencontre avec T E Lawrence…nouvelles alliances avec les Bédouins mais aussi avec des notables de Médine faits prisonniers.Chevaleresque, Samuel Ayyab rachète leur liberté et les raccompagne
« durant ces interminables journées, il arrive à Samuel de songer qu’il s’apprêtait  lieu à rentrer chez lui et que, au lieu de ça, il se trouve en train d’aider les autres à le faire, sorte de Moïse involontaire ramenant ses Hébreux vers leur ville promise…. »

Roman d’aventures, récit de voyage, de caravanes exotiques, de batailles et de marchandages, récit historique aussi, aventures cocasses, rebondissements…Samuel et son palais arriveront-ils à destination?

Les Désorientés – Amin Maalouf

J’ai dévoré ce gros bouquin de 500pages, le temps d’un week-end.

C’est le retour de l’exilé au pays natal – le Liban – jamais nommé. Après plusieurs décennies, Adam répond à l’appel d’un « ancien ami » mourant. Retrouvailles, mais aussi décalage entre celui qui a fuit et a gardé les mains propres, et ceux qui sont restés dans les conflits inextricables et qui ont dû se compromettre.

C’est aussi le roman de l’amitié indéfectible entre une bande d’étudiants qui refaisaient le monde, dans le début des années 70, quand il était de l' »air du temps » d’être « de gauche » et détaché de son appartenance communautaire. Le roman commence par une interrogation sur le concept d' »ancien ami », différent de l’ami de longue date, « l’ancien ami », c’est celui qui ne serait plus un ami aujourd’hui. Est-cer possible de rejeter ses amis? Comment se retrouver 25ans après une séparation, après que la bande se soit dispersée aussi loin qu’en France, au Brésil ou aux Etats Unis? Comment se retrouver au moment de la maturité quand les idéaux de jeunesses ont été oubliés si ce n’est bafoués?

C’est aussi l’analyse de l’historien – Adam est professeur d’histoire – du basculement de l' »air du temps »qu’il situe en 1 979 quand les révolutionnaires sont passés de la gauche communiste à l’islamisme avec l’arrivée de Khomeiny en Iran et à l’ultra-libéralisme avec Thatcher et Reagan. Analyse du communautarisme.

Les amis d’autrefois pourront-ils se réunir autour du souvenir de l’un d’eux décédé?

 

Incendies – film de Denis Villeneuve, d’après la pièce de Wadji Mouawad

incendies-2010_diaporama.1295629438.jpg

Les guerres civiles sont les plus cruelles. Chrétiens, Palestiniens, musulmans se déchirent. Les vendettas, les représailles s’additionnent et seuls les chefs de guerres en tiennent un compte exact pendant des décénnies, remarque un personnage du film.

Quête des racines, quête d’identité …. les deux jumeaux canadiens sont projetés dans le Liban déchiré.

Thriller? On ne s’ennuie pas un instant pendant les 2h10 du film, les surprises et rebondissements  sont haletants.

Comment le cinéaste a-t il filmé ces décors de destructions absolues? Reconstitutions ou ruines encore visibles. La violence est extrême on n’en ressort pas indemne.

incendies2-2010_diaporama.1295631071.jpg

La ressemblance entre les deux actrices qui jouent  Lubna Azabal (Nawal Marwan, la mère). la mère et Jeanne, Mélissa Désormeaux-Poulin,la fille et les nombreux flash- back, exigent du spectateur une attention redoublée aux décors. Un téléphone portable, un 4×4 nous permettent de nous situer dans le temps.

Tragédie, tragédie des origines, j’aurais aimé voir la pièce de Wadji Mouawad dans la suite du théâtre antique.