Tatas Somba

BÉNIN 2006 : BALLONS DICTIONNAIRES ET BÊTES SAUVAGES

Tata Somba qui ressemble à un château fort

Les premiers tatas

Nous passons sans nous arrêter devant les premiers Tatas – fermes fortifiées-  – beaucoup plus petits que je l’imaginais, surtout moins hauts. Leurs petites tourelles dépassent du mur d’enceinte. Les jolis toits de chaume sont de couleurs variées selon la patine. Devant le Tata, des colonnes tronquées, genre phallus, sur lesquelles on devine toutes sortes de bizarres choses : les fétiches. Tout un bric à brac, tas de bois de chauffage, brassées d’herbes pour le toit, nattes…

Tata sous les arbres de l'Atakora

Sous l’auvent de chaume, simple toit sur des piquets de bois, des gens s’abritent du soleil. Les animaux traînent ça et là : minuscules chèvres noirs. Des porcelets tètent leurs mères.

La tata en ciment de Maurice à Koussoukoungou

Au  Belvédère de Koussoukoungou,   pour admirer le panorama, des petites tables blanches ont été installées avec un bar où on ne sert rien. Arrive un vieux petit monsieur, tout maigre, au regard malicieux, qui nous commente la vue :

 » là-bas : le Togo, des montagnes bleutées, à nos pieds, la plaine de Boukoumbé dans la brume de chaleur, près de nous la montagne pelée et abrupte de l’Atakora. Un peu plus loin, des arbres fleuris du jardin des Pères. »

Le monsieur s’appelle Maurice. Il nous ouvre sa tata. En ciment, ce n’est pas une vraie. Elle n’est pas habitée non plus. C’est une tata « de démonstration »  qu’on peut visiter.   Je maudis ma jupe de gitane froncée  quand je dois monter à l’échelle Somba : une perche creusée de 3 ou 4 entailles, se terminant par une fourche que l’on pose le long du mur. Momo  vieux mais alerte, nous fait ensuite une démonstration de danse arc et flèches à la main, sur la tête un couvre-chef surmonté d’une corne de bovin, il rythme sa danse avec des castagnettes que D appelle des crotales. Nous aurions volontiers passé une nuit dans son hôtel, une autre tata de ciment : vue imprenable, chambres fraîches grâce à l’altitude et au vent. 4500F la nuit.

l'infirmier du dispensaire de l'atacora

Tiens des panneaux solaires! Ici, l’électricité n’arrive pas. C’est la première fois que nous voyons une telle installation au Bénin : c’est le dispensaire. C’est ici que nous donnerons les tubes de paracétamol que nous avons emportés de France. L’infirmier nous accueille, en blouse blanche, jeune souriant, très fier de poser pour la photo derrière son vaste bureau. Il sont deux infirmiers à se relayer 24H/24 dans ce petit poste de santé : soins urgents, petites maladies, paludisme… il y a même une maternité. Duran n’est pas vacciné contre la méningite. Dommage que nous ne soyons pas passés la semaine passée, il y avait campagne de vaccination ! L’infirmier nous explique qu’il reçoit le vaccin lyophilisé et qu’il prépare le flacon pour 50 doses. Ce qui reste se périme très vite. Dominique prend des photos et offre des chewing-gums aux enfants. L’infirmier en réclame « Moi aussi, je suis un garçon ! ».

prévention VIH

La route descend très raide vers la vallée. Le gros camion de » Goussainville 95″ grimpe la côte.

 

 

 

 

 

 

 

Les tatas sont des fermes fortifiées, pas des musées
Boukoumbé est endormie. 13H30. Il fait une chaleur accablante. Les gens dorment sous des abris. Le poste frontière avec le Togo est désert. La plaine est cultivée principalement de coton, mais aussi de mil et de sorgho. Les champs sont plats, beaucoup plus vastes que partout ailleurs dans la région. Des troupeaux de vaches paissent tranquillement. Les très jolis tatas sont dispersés dans la campagne, tous plus beaux les uns que les autres, abrités par leur baobab déjà vert. Des papayers égaient les jardins. Les portes d’entrée sont décorées. Nous avons envie de tous les photographier. J’aimerais bien dessiner aussi. Duran gare le 4X4. Je m’installe sur le pare-choc arrière tandis que D  s’approche du tata. Des adolescents l’accompagnent. Un homme agressif la prend à partie:

-« je vous ai dit bonjour !… »

Nous remontons en voiture. Duran le dispute gentiment:

« Si tu es saoul, va dormir ! »

Je dessinerai d’après photo de retour à la maison.

Nouvel incident : une femme s’approche de la portière, furieuse qu’on  ait pris une photo. J’ai peur qu’elle n’arrache l’appareil photo, et  d’être battue. Des sentiments très mélangés se bousculent. Pourquoi insistons nous  à aller voir des gens qui ne souhaitent pas notre présence et nous rejettent violemment ? Est-ce notre présence ou celle de l’appareil photo. Il semble que tout soit causé par l’appareil photo. En Turquie, au Maroc, en Egypte, les gens avaient le sens de l’hospitalité. Ici, notre présence n’est pas souhaitée.

sur la terrasse du tata


Momo sous introduit dans un vrai Tata

De retour, au col, Duran klaxonne. Nous retrouvons Momo qui nous introduit dans un vrai Tata habité. Il nous montre d’abord la décoration extérieure : le mur de banco finement dessiné avec les doigts, laissant des marques parallèles bien marquées. A l’aide d’un balai on a imprimé des motifs variés très fins ressemblant aux scarifications qui tatouent le visage entier des hommes d’ici.

Momo montre les crânes de moutons et tout un bazar de graines, plumes et branchages sur une petite plateforme à l’extérieur du mur d’enceinte « pour les singes », un peu mystérieux.

Il nous invite à le suivre à l’intérieur de la tata. De prime abord, il y fait tout noir, des étais mal équarris soutiennent le plafond. Au fond, dans la lumière du jour, la cuisine où mijote une tisane médicinale. Dans cette pièce vivent les animaux (invisibles). Momo montre : « Ici, la volaille ! », « Ici, les moutons, ici, les chèvres, ici, la vache ! ». Est-ce que les gens qui vivent ici possèdent tous ces animaux ? Quand les rentrent-ils ? Ici, c’est moderne, pas d’échelle de bois à encoche pour monter à la terrasse à la place des marches très hautes. Au niveau supérieur : des cases, chambres d’habitation qu’on ne visitera pas (ce n’est pas un musée mais une maison), des greniers énormes pithoi coiffés de chaume. Une échelle à encoches permet de grimper et des cendre dans le grenier. Notre hôte, l’instituteur ôte ses claquettes pour faire la démonstration et en sort une branche de mil. Dans l’autre grenier, est stockée une autre céréale dont on fait le couscous. Les greniers sont fait d’argile fine mélangée  à de la paille. Le résultat est plus léger que le banco, plus orange, on voit la paille. C’est ce que les termites recherchent. Ils ont creusé des galeries forant une sorte de dentelle. Il faudra refaire un autre grenier.

sur la terrasse, la cuisine,les greniers et les chambres

Sur le sol de la terrasse sèchent les graines d’un arbre  utilisées comme condiment »la moutarde ». Du mil germé forme un autre tas, fermenté, il servira à, faire de la bière locale, très alcoolisée. Des pots sont soudés au sol : dans deux grandes jarres on garde l’eau – très fraîche – sous un couvercle de bois. Une autre plus grande, très fine au décor géométrique de minces entailles, est noircie de l’intérieur « on fait brûler dedans, cela la rend plus solide ». Une vieille femme en pagne, mais les seins pendant, balaie la terrasse et s’active autour de bol émaillés contenant de la nourriture.

Toute la maisonnée est dehors sous l’abri de chaume, couchés ou assis sur ces banquettes de bois à clair voie que l’on voit presque partout. D a été faire un tour avec les enfants puisqu’elle n’a pas pugrimperà la terrasse. Elle a distribué ses chewing gums et m’attend pour offrir notre collection de fèves des galettes des rois comme jouets aux enfants.

Je suis assez réservée sur ces distributions, les chewing gum, cela fait toujours plaisir et c’est sans prétention. Les bracelets et les fèves n’ont aucune valeur. J’ai toujours peur qu’ils ne trouvent ces cadeaux insultants. D’autre part, ces enfants n’ont rien et la collection est jolie (je l’ai vue partir à contre-coeur). De toutes les façons, les fèves ne sont pas dans le sac à dos. On déballe tout ce qui pourrait faire « cadeau », des bonbons, un tout petit sac de toile, D offre son laser au garçon qui lui a donné son cahier d’écolier. Je raconte à l’assistance que le laser fait un point rouge que les enfants s’amusent au collège à pointer dans le dos du prof, que cela est interdit et alors, confisqué. Après un essai dans la pièce toute noire du rez de chaussé de la tata, l’instituteur s’approprie le laser du gamin. Il dit qu’il en aura plus l’usage.

Duran me fait « réviser » ma leçon d’arbres : iroko, néré qui ressemble à un mimosa, caïlcédrats et karité. Il est devenu bavard. Comme nous passons devant des garçons brandissant un lance pierres,  je lui raconte que j’ai vu passer ce matin sur son vélo, un vieux avec un arc et des flèches.

« Allait-il à une cérémonie ? – Peut-être, pas forcément, il allait peut-être à la chasse ».

Il existe deux sortes de flèches : les « préparées » et les ordinaires. Les « préparées » peuvent être mortelles. Elles envoûtent le gibier qui se laisse tuer. Selon le même principe, les cartouches « préparées » peuvent tuer des buffles avec les plombs pour les antilopes.

La fin de l’après midi se déroulera au frais dans la clim et pour moi à la piscine.

Le soir nous dînons aux chandelles avec la dame expatriée qui a laissé son rapport sur son ordinateur portable pour partager notre table le temps d’une récréation. C’est une femme très agréable et très énergique