L’Île-Rousse sous le vent – Concert à Pigna

CARNET CORSE 2024

Les vagues dans le pot de l’Île-Rousse

C’est la tempête : les lauriers roses se secouent furieusement. La mer est agitée. La voiture est chargée à 100 %, au moins, on ne gâchera pas la dernière journée à la borne ! Journée de révision à l’Île-Rousse. Dominique retrouve sa place au parking sous la tour génoise. Difficile d’ouvrir la portière et de marcher droit contre le vent. Les embruns mouillent. Même avec la parka, j’ai froid. Après la promenade au phare, en marchant en crabe dans les rafales je me fais copieusement arroser sur la digue qui relie l’Ile Pietra à l’Île-Rousse.

A quai, le Kalliste de la Méridionale embarque ses derniers passagers pour Toulon. Sur sa coque est peint un fil électrique t une prise dessinant un cœur autour de la planète. Kalliste serait-il un bateau électrique ? Wikipédia m’apprend que ce navire a été construit en 1992 en Finlande et qu’il est pourvu de quatre moteurs diésel. Quand j’arrive en ville, je vois le Kalliste s’éloigner sans avoir l’air gêné par les vagues.

L’Île-Rousse Place Paoli

Pour m’abriter du vent, je parcours les petites rues de l’Île-Rousse avec ses restaurants, ses boutiques plus ou moins élégantes. On vend des couteaux corses à des prix raisonnables. Sont-ils authentiquement corses ? Les prix en-dessous de 30 € m’en font douter. Il y a aussi des bracelets de corail assez bon marché pour éveiller les mêmes interrogations. Les cartes postales sont introuvables, la tradition est sérieusement mise à mal par les réseaux sociaux. Je n’en trouverai que de l’autre côté de la Place Paoli dans une belle librairie-papeterie. Ce n’est pas drôle de faire de lèche-vitrine sans rien acheter. J’ai besoin d’un bob mais  cause de l’inflation( ?) ils ont sérieusement augmenté. Des tout simples sont affichés 35 €. Pas question de mettre une telle fortune à l’eau puisque je compte me baigner avec. La vendeuse m’en trouve un très laid à 9€ avec une tête de maure, unitaille règlable avec un lacet à coulisse.

Sur la plage personne à l’eau à cause des vagues et de la fraîcheur.

Nous sommes retournées déjeuner au Via Mare où Dominique a repris le filet de Saint Pierre et moi, un ceviche de daurade.

De retour à Corbara, je tente de joindre l’hôtesse du prochain gîte qui m’a envoyé un Sms mais qui ne rappelle pas.  SFR m’informe qu’il n’y a pas d’abonné au numéro demandé. Hier, pourtant cela répondait. Je soupçonne une arnaque. Nous ne connaissons ni l’adresse du gîte, ni le nom de la propriétaire. Seul recours « Gérer la Réservation » avec le Service-Client de Booking.com. Presque 2 heures au téléphone pour obtenir une vraie personne et non pas une voix électronique qui me demande de taper 2, ou 3….Je demande des garanties, puis un relogement. L’opératrice de Booking est très compréhensive et efficace. Pendant qu’elle cherche un logement de remplacement les SMS défilent en haut de l’écran. L’hôtesse de Serraggia s’est « réveillée », elle envoie un nouveau numéro de téléphone de contact, des photos, le téléphone de son amie qui nous recevra demain. Il n’y aura pas de relogement mais notre confiance est ébranlée.

Je suis bien énervée. Une bonne marche me calmera.

le Couvent de Corbara

Ce soir, à 18h30, à l’auditorium de Pigna, il y a un concert de Polyphonies Corses. 3 km seulement séparent notre gîte de Pietralta à   Corbara de Pigna par la route. Il existe aussi un sentier pédestre mais je n’ai pas le temps de le chercher et j’ai peur de me perdre. Après la sortie du village, la route est bordée de tombes monumentales et de mausolées. Dans la lumière du soir, les marbres blancs prennent une teinte dorée ou rosée. Le grand Couvent de Corbara surplombe la route. Il accueille des fidèles pour des retraites. On voit bien les plages d’Algajola de Pigna.

Pigna vue de loin, de la route

Pigna est construite dans un creux, je ne la découvre qu’au dernier moment, adossée à une autre colline. C’est un tout petit village qui a banni les automobiles cantonnées au parking. Les ruelles sont pavées de cailloux arrondis. Des artisans travaillent dans les ateliers-boutiques. J’ entre chez la fabricante de boîtes à musique peintes à la main. L’église est fermée comme la chapelle au toit de lauzes. Le restaurant et les cafés sont ouverts. Le village semble exclusivement vivre du tourisme.

ruelle de Pigna

A Cumpagnia est en résidence à Pigna. Cinq musiciens entrent sur scène, deux jouant de la guitare, deux du violon, le cinquième plus âgé est en retrait assis, à ses pieds toutes sortes d’instruments à vent de sa fabrication, un en corne, d’autres en bois avec une drôle de forme. Il a aussi une très petite guitare, sorte de mandoline à la caisse coupée à plat. Le clarinettiste est aussi percussionniste. Les parties instrumentales du concert occuperont une grande place dans le spectacle.

Les chants sont chantés en solo, ou en polyphonie a Paghjella (chant à trois voix, parois la basse est doublée)

Les explications sont passionnantes. Le groupe fait revivre des chants anciens du XIXème ou du XXème, comme cette lettre d’amour d’un condamné au bagne pour une vengeance. Traditions rurales : chants de métiers, chant du muletier ou lamento du châtaigner ou de l’olivier. Jeux où participaient les villageois : la moitié du village jouait les envahisseurs sarrazins tandis que l’autre moitié jouait les défenseurs. La dernière razzia date de 1805 et le souvenir reste encore vif dans les villages. A Corbara la m^me femme fut enlevée à deux reprise pour finir femme du Sultan.

A côté de ces chants ruraux laïques ils interprètent aussi les chants sacrés des Franciscains que – bizarrement j’apprécie plus que les chants corses – Ils sont en latin que je comprends à peu près en tout cas mieux que le Corse. Pour chanter ces chants sacrés, 4 chanteurs se regroupent au fond de la scène dans la quasi-obscurité. C’est très impressionnant. J’ai du mal à applaudir à la fin ; Applaudir la Messe ?

Pour terminer le spectacle, ils ont choisi des chansons plus légères, plus entraînantes,  comme ce « chant d’accumulation » sur le principe de « alouette, gentille alouette »mais ici on mange le merle.

Fin du concert 20h15. Aurais-je le temps de rentrer au gîte avant la nuit. Je marche d’un bon pas sur la route. Le coucher de soleil au-dessus d’Algajola est parfait. Pas un nuage. J’aimerais m’arrêter pour le contempler.9 heures sonnent à A Nunziata. J’arrive à 9h05, il fait encore clair.

Polyphonies corses : A Filetta à Calenzana

CARNET CORSE

 

Les spectacles de Polyphonie corse sont nombreux autour de Calvi, lequel choisir ? Nous avons à la maison un CD de ce groupe que nous écoutons régulièrement. La plupart des spectacles commencent à 21h30. Celui-ci est à 19h et Calenzana est sur la route de notre gîte, donc facile d’accès.

Pour visiter Calenzana, nous montons à 17 heures. Un nuage noir a englouti les sommets. On entend tonner au loin. C’est un jour bien gris pour découvrir Calenzana. Nous nous garons devant la biscuiterie traditionnelle Guerini, il y a une charcuterie « chez doumé » et une curieuse boutique fermée propose « des articles de GR20 ». je remonte la Rue Napoléon jusqu’à la poste et cela m’amuse.

Calenzana,

Sur la grande place se trouvent deux églises et un curieux clocher. L’église Saint Blaise est une grande église baroque avec un fronton blanc, édifié de 1691 à 1701 par un architecte milanais. Le haut campanile est une « Tour allemande » : Gènes fit appel à des mercenaires allemands en 1732 qui furent massacrés par les habitants armés de quelques arquebuses mais qui lancèrent leurs ruchers du bord des fenêtres et des toits. 500 allemands furent enterrés au « campo santo dei tedeschi » et c’est sur cd cimetière qu’on érigea le campanile. la  chapelle de la confrérie de Sainte-Croix est sur la même place que Saint Blaise; la présence de es chapelles de confrérie n’est pas rare en Corse.

De la place on peut admirer la vue d’une promenade plantée bordée d’une balustrade.

Après être passées devant des tombes monumentales à la sortie de Calenzana, la Chapelle  Sainte Restitude se trouve à 1km à l’écart du village dans une oliveraie ; Les arbres sont impressionnants avec leurs troncs creux. Juste après notre arrivée, la pluie se met à tomber. La chapelle est beaucoup plus grande et plus baroque que prévue (commencée au 11ème siècle elle a été restaurée ultérieurement, le chœur est surmonté d’une coupole octogonale 18ème siècle),

 

Les chanteurs d’A Filetta sont six hommes d’allure très simple : jeans parfois élimé, polos bleu marine ordinaires. Ils n’ont pas soigné la mise en scène. Leur spectacle est simple intimiste. Le titre A core datu (à cœur donné) correspond à l’esprit de la performance : 16 morceaux pour résumer les 40 ans d’existence du groupe A Filetta fondé en 1978 à l’initiative d’un instituteur et d’un agriculteur de Calenzana qui ne font plus partie du groupe de musiciens professionnels. JC Acquaviva est le conteur de cette histoire entre chaque séquence chantée.

La première période de l’histoire du groupe correspond à la sauvegarde du répertoire traditionnel qui se perd quand la montagne corse se vide avec l’exode rural, chants sacrés ou chants profanes (paghjella). A Filetta s’attacha à faire revivre la tradition. Cependant, et c’est très sympathique, A Filetta s’attache à une tradition très ouverte sans se refermer sur le passé ou sur une identité corse stricte. Au contraire les musiciens d’A Filetta se sont attachés à s’ouvrir sur d’autres polyphonies, sardes voisines mais aussi plus lointaines comme les polyphonies géorgiennes. Dans un troisième temps, ils vont renouveler le répertoire avec des créations sur les modèles traditionnels de Paghjella ou par des collaborations avec des metteurs en scène de théâtre(Médéa de Sénèque) et de cinéma.

La dernière partie « échange artistique » réunit 5 pièces contemporaines très variées. Celle que j’ai préférée est la Folie du Cardinal de Bruno Coulais qui n’est pas un inconnu puisqu’il a composé la musique des Choristes et de Micocosmos – ce n’est pas rien.

Intéressant : le final est un chant géorgien mais JC Acquaviva figure dans les auteurs. J’aime beaucoup cet élargissement au Caucase, une ouverture d’esprit qui ne s’est pas démentie dans toute la performance. Chanter en Corses, mais aussi en Latin en Grec et même en Géorgien ! Se revendiquer porteur d’une tradition, affirmer que la tradition orale n’est pas le passé mais sans cesse en devenir. S’affirmer Corse et prôner le métissage. Quelle belle leçon de générosité !

Les six chanteurs ne chantent pas tous en même temps. Pour la Paghjella, ils sont trois, pour les chants sardes. Ils alternent ? Parfois JC Acquaviva qui est leur porte-parole semble battre la mesure et les conduire. Il semble seulement parce qu’il dit se sentir porter par les paroles sans pulsation rythmique (là pour moi ce n’est pas clair). La gestuelle des chanteurs est particulière, d’une main comme une coque sur ne oreille, l’autre main marque parfois le rythme, parfois elle est posée dans le dos ou sur l’épaule du voisin. Les chanteurs du groupe sont très proches, ils se touchent pour se transmettre de l’énergie. S’ils sont tactiles, cela reste discret. Selon JC Acquaviva, les Géorgiens s’étreignent beaucoup plus.

Une belle soirée !

et ce lien pour les entendre http://

PS  c’est vraiment frustrant que sur mon blog LeMonde je n’arrive plus à intégrer des vidéos. heureusement j’en ai un autre Blogspot qui, lui les accepte. Si vous voulez entendre les polyphonie voici le lien