CARNET BULGARE

L’arrivée dans les nouveaux quartiers de Nessebar est peu plaisante, encore des immeubles énormes, des panneaux publicitaires. Le GPS nous guide dans une urbanisation balnéaire horrible avant de parvenir à la vieille ville de Nessebar sur sa petite île reliée à la terre par une digue. Au poste de contrôle (entrée d’un grand parking), je brandis le voucher de l’hôtel qui sert de laisser-passer. Balkania a bien fait les choses. Une place de parking est réservée à l’hôtel.
L’Hôtel Royal Palace est un vrai 3 étoiles, climatisé, une réceptionniste stylée et gentille, tout le confort. Le balcon donne sur une courette. Entre les maisons, on devine la mer. Le plus insolite et charmant se trouve dans le couloir : des arches de briques et pierres, construction byzantine incluse dans le bâtiment moderne. Les serviettes sont moelleuses et immenses, à ces détails on reconnaît le vrai trois étoiles ! La carte du restaurant s’avère décevante : des plats internationaux et sans intérêt, rien de ce qui fait notre ordinaire en Bulgarie, ni poivrons farcis, ni aubergines, ni soupes au tripes ou aux haricots, à la place des consommés de poulet ou de la soupe à la tomate !
La télévision donne toute satisfaction : sorties vidéo pour nos câbles, Euronews et CNN pour les nouvelles du Monde. Elles ne sont pas réjouissantes : à Bourgas, non loin d’ici, un car de touristes israéliens qui arrivait de l’aéroport a été victime d’un attentat.
Le tour de l’île se fait en une petite heure. Le parking nord assez étendu sépare la ville des quais. Le charme vient de la mer. Les immeubles de la station balnéaire qui tapissent le golfe ne sont pas si déplaisants, vus de très loin. Les collines sont boisées. Vers la pointe, une petite plage invite à la baignade tranquille. Comme un éperon, sur pilotis un restaurant s’enfonce dans la mer, restaurant de poisson qui arbore un drapeau grec à côté du drapeau bulgare et de celui étoilé de l’Europe. La côte sud est bordée par une route en corniche. Des restaurants ont construit des terrasses suspendues au dessus de l’eau. C’est tranquille, classe, et sûrement cher. On y propose crevettes, gambas, fritures et moules mais les prix ne sont pas affichés, mauvais signe !Une autre plage avec des parasols se trouve au pied d’une horrible boîte géante : boîte de nuit ? club de plongée ? ou terminal des ferries ? je n’ai pas bien compris, à fuir. Plus loin le quai d’où partent les ferries et des bateaux de grande taille. Un trois mâts qui croisait dans la baie déverse un flot de touristes attendus par des autobus. C’est sans doute, à son bord, qu’on admire le coucher de soleil avec une flûte de champagne (publicité trouvée dans la chambre de l’hôtel).

Un petit port de pêche avec des barques colorées est niché dans une anse non loin de l’amphithéâtre aux arches antiques. On fait les réglages d’une sono impressionnante. Je pénètre ensuite dans une zone de baraques, mi-marché de Noël, mi-marché africain, on y vend tout et n’importe quoi, des chaussons fourrés aux chapkas, des produits de beauté à la rose aux masques africains, sans oublier les bibelots en coquillages, les tatouages-décalcomanies, les aimants criards et les cartes postales érotiques. Es baraques cachent la mer. Sur le quai, des bateaux-taxis hèlent les clients dans toutes les langues (surtout russe et anglais), faisant la navette entre le Vieux Nessebar et les plages Sunny Beach. En face, une sorte de rempart, série de restaurants sur deux niveaux, beaucoup moins jolis que sur la côte sud. Les plats sont standardisés. Les calamars remplacent les poissons, pizzas et salades composées sont photographiées pour les illettrés – usines à touristes !
Pour l’usine à touristes, je n’ai encore rien vu. Du quai, Nessebar est ravissante avec ses maisons traditionnelles aux toits en pyramides de tuiles rouges. Maisons à un étage en encorbellement. Les premier étage en bois rappelle les maisons turques, la vigne court en tonnelle. De loin, l’ensemble est homogène et charmant. Au niveau du trottoir, en revanche, c’ »est la catastrophe. Le Mont saint Michel est un désert commercial à côté des rues de Nessebar. Pas un centimètre qui ne soit consacré à la vente. Si on lève les yeux, c’est pour voir des dentelles, des nappes à rares vertes ou rouges, des tenues de marins du 6mois au XXL, et cela dans le meilleur des cas. Dans le pire, ce sont des empilements de mugs sérigraphiés à l’effigie des vedettes, fesses et seins en cartes postales. Pas de vitrines décorées, ni de boutiques d’antiquaires, ni commerce d’alimentation. Rien de banal ou de quotidien pour reposer les yeux. Encore moins de boutiques de luxe. L’or et l’argent s’exposent avec leur teneur en carats. Les églises byzantines sont noyées dans cette masse de marchandises. J’avais espéré que le soir, après la fermeture des sites touristiques, aurait apporté une trêve et de la tranquillité. Erreur ! Les navettes apportent des stations balnéaires leurs cargaisons de dîneurs qui préfèrent les terrasses sur mer aux salles à manger climatisées des grands bastringues. Nessebar ne désemplit pas. D’ailleurs, ces visiteurs sont-ils des passionnés d’histoire antique ou byzantine ? N’est-ce pas justement le supermarché à souvenirs qu’ils recherchent ?
