LIRE POUR LA ROUMANIE OU L’UKRAINE?
Roman familial autobiographique.
Curieuse construction que cette autobiographie racontée en cinq portraits où l’auteur met l’éclairage sur un personnage différent : Kassandra, la nourrice paysanne houtsoule ou roumaine, la mère, aristocrate autrichienne, prisonnière des conventions de l’époque, jouant le rôle de la mère soucieuse de l’hygiène et de l’éducation de ses enfants, puis divorcée épousant les idéaux féministes, mais toujours conventionnelle, le père, fonctionnaire de la double monarchie, chasseur, mais aussi artiste, la sœur décédée jeune, complice rieuse du narrateur, Strausserl, la préceptrice. Un curieux épilogue est consacré au sixième personnage du livre : la ville de Czernowitz, capitale de la Bucovine, Autrichienne avant la Première Guerre Mondiale, Roumaine entre les deux guerres, Ukrainienne maintenant.
L’histoire de ce roman kaléidoscope commence à la naissance de l’auteur en 1914 à la fin de la seconde guerre mondiale. Famille attachée à ses racines, à ses propriétés en Bucovine mais aussi errante, réfugiée à Trieste pendant la Grande Guerre, le plus souvent en Autriche à Vienne, en Transylvanie, à Bucarest. Chaque portrait complète le précédent. Chaque personnalité s’avère plus complexe que dans le regard du personnage précédent. le père décrit par la mère comme un original, un chasseur brutal, un butor, un fou, est particulièrement déroutant, anticonformiste.
Ces analyses psychologiques très poussées me font penser aux romans de Schnitzler ou de Zweig, Rizzori n’ignore rien de Freud, même s’il le critique. Mais c’est surtout l’histoire de la Bucovine qui m’a passionnée. Bucovine, duché cédée à l’empire austro-hongrois en 1775 par la Sublime Porte, envahie plusieurs fois pas les troupes russes, sous contrôle roumain entre1919 et 1940, rattachée à l’Union soviétique par l’accord Ribbentrop- Molotov, partagée maintenant entre la Roumanie et l’Ukraine.

C’est Rumiz, dans son Voyage aux Frontières de l’Europe, qui m’a donné envie de lire von Rizzori, racontant cette Europe d’avant 1914 où l’on pouvait sans passeport voyager des confins de la Galicie ou de la Bucovine jusqu’à Trieste.
… »Avec la fin de l’Autriche-Hongrie impériale-et-royale, c’était comme si ce fut éteinte une lumière qui avait alors nimbé . Un nouvel âge du monde avait nos jours d’une lumière dorée. Nous n’étions pas les seuls à être concernés. Un nouvel âge du monde avait commencé…«
Bucovine, Galicie, qui se souvient de ces provinces ? Quand construire des chemins de fer en Bosnie ou dans l’Herzégovine était une aventure comparable aux recherches des sources du Nil…. Mosaïques de populations cohabitaient à Czernowitz, manteau d’Arlequin que le parler de Kassandra qui mélangeait le Roumain, le Ruthène, l’Allemand, le Yiddish, multiplicité des croyances aussi : Autriche catholique, Roumanie orthodoxe, Saxons protestants, Juifs, mêmes théosophie, spiritisme…Richesse d’un monde disparu:
« On a attribué à l’esprit de Czernowitz à la juxtaposition et au mélange des populations tout à fait unique qu’on rencontrait en Bucovine, à leur compassion portée à l’extrême dans la capitale , à la fécondation culturelle et au polissage des mœurs qui résultaient de tous ces contacts, à l’exigence et à la nécessité constante de s’adapter , de penser vite et de réagir de manière appropriée, ce qui, surout pour les juifs, constituaient un besoin vital… »

L’histoire de ces régions est passionnante, peut-être parce que nous la connaissons aussi mal. Je l’ai surtout rencontrée dans les récits de survivants de l’holocauste qui évoque un monde totalement disparu. Je note ce titre (tu as vu le salon du livre cette année sur le thème de la Roumanie ?)
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@Aifelle : merci de me signaler que la Roumanie sera à l’honneur au Salon du Livre. D’ordinaire je n’aime pas trop ces grandes manifestations mais je ferai une exception.
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coincidence j’ai parlé de ce livre ce matin à la bibliothèque car pour le club lecture de mars sur la roumanie nous cherchions des titres
j’ai donné celui là car j’ai beaucoup aimé ce récit, je le rapproche un peu de Nabokov et son Autres rivages
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@Dominique : on n’a que l’embarras du choix en ce qui concerne les lecture Roumaines surtout si on remonte un peu dans le temps!
Je ne connais pas Auttres Rivages de Nabokov, encore une nouvelle piste!
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Je connais mal la littérature roumaine à part les « classiques » PanaIt Istrati et Virgil Gheorghiu que j’aime beaucoup.
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@claudialucia ; neiges d’antan est plutôt à classer en littérature de langue allemande.
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Bucovina (capitale: Cernauţi) a ete depuis toujours un teritoire roumain habite par les roumains. Les houtsules ont habite ici depuis toujours. Cette province roumaine a du supporter les jeux politiques des trois empires: austro-hongrois, turque et russe. En tout cas, la “Sublime Porte” n’avait pas du tout le droit legal de ceder la Bucovine aux autrichiens et la Moldavie aux russes, dans un moment quand ces deux provinces n’etait pas un territoire turque. Mais le destin et l’avenir de la Roumanie a ete depuis toujours joue dans un coin d’une table…plus recement a Yalta, apres ca, a Malta…Au present, des gens qui n’ont pas aucune idee de ce qui se passe ici chaque jour, (car ils habitent toujours a Bruxelles et ne connaisent pas ni la langue roumaine, ni l’histoire de la Roumanie), ont l’envie de nous donner des diverses lecons…. C’est comme depuis toujours, mais les peuples vont resister, les empires vont disparaitre. Et nous n’avons pas oublie jamais qui nous a vendu aux russes. On peut pas oublier l’accord Ribbentrop-Molotov et le… « diktat de Vienne »(quand la Hongrie a commence, dans une maniere sauvage, le.. « ethnic cleansing » en Transylvanie: ils ont tue et massacre (dans les villages Ip et Traznea et dans plusieurs autres villages)les roumains: femmes, hommes, enfants innocents…Ils ont transporte a Auschwitz les juifs qu’ils ont trouve dans le teritoire de Transylvanie qu’ils ont occupe…)…On nous dit de oublier, de penser au present, a l’avenir…mais sans le passe, il n’existe pas ni present, ni avenir…
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@George : j’anticipais déjà votre réaction roumaine, vous avez raison de rappeler l’histoire de la Bucovine aux gens de l’ouest qui ne l’ont jamais apprise. Mais le livre? le connaissez vous?
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J’ai cherche deja, mais cette livre n’a pas ete publiee chez nous. Je vais continuer a chercher. A l’Est de Roumanie, la politique actuelle est de refuser la creation des ecoles pour les roumains, de refuser l’acces aux ceux qui apportent des livres et manuels roumains et je suis sur que une livre comme « Neiges d’antan » va etre refuse aussi, car ils n’aiment pas de reconnaitre le melange et/ou l’existence des autres ethnies dans une region qui leur appartient a present.
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