2003 – De Fès à Rabat en passant par la vallée du Ziz et Meknès.

La source Mezki.
Heureusement que nous avons gardé le pain du dîner et des fromages fondus et des fruits pour remplacer le petit déjeuner. Quittons très tôt Errachidia endormie et atteignons vers 8 heures la Source Bleue. La route est construite sur un plateau pierreux, très plat, ennuyeux, laid.
Dès qu’on bifurque vers la Source Mezki ,la Casbah surgit face à nous comme un mirage. Nous découvrons le canyon : L’oued Ziz a creusé profondément le plateau, dans l’échancrure, une très belle palmeraie, l’eau de la rivière est très verte.
A cette heure matinale, le comité d’accueil est réduit, un vieil homme noir avec une barbiche, très grand, très digne dans sa djellaba verte nous vend les tickets d’entrée 10 dirhams. Un garçonnet essaie de placer une gazelle tressée à l‘intérieur de la voiture. Je lui explique qu’on en a déjà une collection et lui offre un bonbon pour qu’il ne soit pas fâché .Un jeune homme nous propose un thé « plus tard ».

La source est une belle piscine naturelle où nagent des barbeaux, certains de belle taille. Derrière un petit pont, dans une grotte, le coin des femmes qui allument des bougies, paraît-il.
La température n’est pas à la baignade. Je supporte allègrement un T-shirt à manches longues, ma chemise de voyage et le gros pull irlandais.

Palmeraie
Nous n’avons que des bons souvenirs de promenades dans les palmeraies : Agdz, Zagora et Assouan. La palmeraie a un avant goût de paradis. Tout ce qui est sans valeur chez nous, l’eau, l’ombre, la couleur verte de la végétation prend un prix inestimable. Après la lumière crue du désert, le soleil mordant, la palmeraie donne un sentiment de repos, de paix, de bien être. Chaque cm2 est précieux, les villages sont construits sur les bords, les véhicules absents. Nous marchons avec précautions sur les petites levées de terre sèche qui délimitent les parcelles ou le long des canaux d’irrigation. Dans les petits carrés, en ce moment, les fèves sont en fleurs, l’alfafa ou la luzerne ont été coupés, les carottes et les oignons prospèrent.
Les arbres fruitiers, en revanche, sont en repos hivernal, grenades, cognassiers et figuiers ont perdu leurs feuilles. Même ici, dans le grand sud, en février, c’est encore l’hiver. Les palmiers forment d’énormes touffes de six ou sept pieds à divers stades de développement. Ceux qui ne sont pas encore très hauts ressemblent à d’énormes ananas.

Nous profitons du calme que personne ne trouble. Est ce que nous devons cette sérénité à la fête, ou est ce la magie du lieu ? Nous savourons l’instant. Traversons le Ziz à gué sautant de pierre en pierre.
Sous la Casbah, les palmiers sont plus clairsemés, remplacés par des oliviers et des tamaris, les cultures sont moins florissantes, de nombreux carrés sont desséchés , en friche, je préfère penser que c’est à cause de l’hiver et contourne ces précieux jardins. Nous nous promenons deux bonnes heures et rentrons à la voiture pour chercher le pique-nique et mon matériel de peinture.
On nous invite au thé berbère devant les boutiques fermées. Nous parlons de choses et d’autres. Comme D refuse un deuxième thé, le jeune homme lui dit « vous n’allez pas marcher sur une seule jambe ». Il a fait des études de plombier chauffagiste au lycée technique mais vit de petits boulots, guide ci et là à Ouarzazate ou Zagora.
Je m’installe pour peindre sous un groupe de palmiers, dans un carré de luzerne. Les oiseaux sont très nombreux, si légers que les brins de luzerne ne se courbent même pas sous leur poids, petit oiseau vert au ventre jaune, au bec court qui prélève sa nourriture au sol. Dans les arbres fruitiers, les moineaux remplacent les feuilles.
Les moutons de la Fête
Après le pique-nique, une femme arrive, une lourde bassine sur sa tête. Elle donne des coups de battoir avec la tige d’une palme. D va la voir, offre un paquet de chewing-gum. Pour la photo, c’est non, ferme. C’est dommage, les femmes portent des tenues de toutes les couleurs. Elles lavent la peau du mouton, les têtes et les pattes calcinées. Elles rincent à l’eau et à l’OMO, les abats, les cœurs, les poumons mais aussi les tripes, la panse, les intestins dans lesquels elles soufflent. Nous rencontrons une autre troupe multicolore, leurs djellabas ou leurs longues robes sont bleues vif, roses, jaune, elles ont des voiles bariolés avec de grands motifs, quelque fois un foulard noir sur la tête. Peut être ce sont leur habits de fête. Pour mettre les pieds dans l’eau, elles remontent leurs caleçons longs tricotés vert pomme ou rose bonbon…
Avant de partir, nous retrouvons les jeunes, les boutiques sont ouvertes, ils comptent bien que nous leurs achèterons des souvenirs. Les fossiles sont bien tentants, je craque pour une goniatite sciée et polie, un trilobite dans sa gangue et une petite rose des sables, le tout pour 100 dirhams.
Retour sur le plateau grisâtre, le canyon est tout près, caché. Un point de vue nous le rend, encore une casbah, habitée, celle là. Je la dessine vue d’en haut. Nous sommes assises sur une dalle contenant des fossiles d’oursins noirs et pyritisés. Vu du dessus, l’enchevêtrement des maisons, patios, terrasses encerclées par des murs garnis de bastions carrés.
La route descend ensuite pour longer la palmeraie.
Geyser

Attraction suivante : un geyser d’eau très ferrugineuse, résurgence vauclusienne qui jaillit sur le plateau. Tout autour, des concrétions rouillées. Nous ne trouvons pas la ferme expérimentale signalée par Gallimard.

Erfoud
Arrivée à Erfoud vers 17 heures. La ville est bondée. Tout le monde est dehors. Des familles entières sur des heures, vélos, Madame en voile noir, les petits endimanchés. Les hommes portent souvent de belles djellabas blanches, certain ont des fez rouges ou des calots blancs brillants. Nous n’en avons pas vu plus tôt, j’en déduis que ce sont des tenues de fête.
Pas de voitures dans la ville, beaucoup de vélos. Deux tentatives pour trouver un hôtel. Le premier recommandé à Midelt, complètement vide manifeste peu d’enthousiasme à notre arrivée. Pas de cuisinier à cause de la fête. On va voir ailleurs. En centre ville, dans une rue encombrée, un petit hôtel, La Canne. Le patron est vraiment gentil, le prix de demi pension, 350 dirhams. Nous repartons dans la palmeraie pour la balade au soleil couchant. Encore la tranquillité, quelques petites filles nous escortent. Dans la chambre, bon dîner, tajine pruneaux, omelette brochettes, oranges à la cannelle,
En bas, le café est bondé il y a un match Maroc/Sénégal au stade de France, les hommes sont très chics, djellabas blanches, voitures décapotables. De notre chambre, nous entendons la clameur quand il y a un but pour le Maroc.