CHALLENGE ROMANTISME
On a toujours l’image de Victor Hugo dans sa vieillesse, on imagine moins l’adolescent qui déclara « je veux être Chateaubriand ou rien » à 14 ans ou qui, en 1818, paria avec ses camarades qu’il écrirait un roman en 15 jours. C’est Bug-Jargal, ce premier roman de Victor Hugo paru d’abord en 1819 puis remanié en 1826.
Est-ce que les esclaves sont quelque chose? – Oui monsieur, dit le vieux maréchal de camp de Rouvray, oui les esclaves sont quelque chose ; ils sont quarante contre trois ; et nous serions à plaindre si nous n’avions à opposer aux nègres et aux mulâtres que des blancs comme vous

l’insurrection des esclaves est un contre-coup de la chute de la Bastille.
Moins abouti que ses œuvres les plus célèbres, Bug-Jargal est un livre à part entière.
Bug-Jargal raconte la révolte des esclaves à Saint Domingue en Août 1791. J’ai eu envie de lire la vraie histoire. Victor Hugo s’est très bien documenté : le héros Bug-Jargal est sans doute imaginaire, mais les autres chefs de l’insurrection, Biassou, Boukmann ont bien existé. Les cérémonies étranges, les messes burlesques de l‘Obi correspondent au culte vaudou qui a réellement été célébré au début du soulèvement. Coïncidence amusante : en juin 1794, une expédition commandée par Victor Hugues, libérera les esclaves- la proximité des patronymes m’a fait sourire.

Bug-Jargal, qui a donné son titre à l’oeuvre a une personnalité exceptionnelle, son aura, son autorité digne d’un fils de roi africain qu’il est. Le capitaine d’Auverney, le narrateur rivalise de chevalerie et de noblesse. L’art de Victor Hugo est de ne pas avoir construit une oeuvre manichéiste avec tous les bons dans un camp, les méchants dans l’autre. Les personnages sont complexes. L’histoire d’amour – un peu mièvre – pour la parfaite Marie se complique dans la rivalité des deux héros qui s’estiment et s’appellent même frères. Les « méchants » se répartissent dans les deux camps aussi bien dans celui des colons blancs que chez les insurgés, la sauvagerie et les massacres sont dénoncés. Dénoncée l’horreur de l’esclavage. Raillée, l’hypocrisie de certains « négrophiles », confrontés au soulèvement, retrouvent les intérêts des planteurs. Moquées aussi, les pratiques militaires qui veulent asseoir l’autorité des officiers sur une prétendue « connaissance du latin ». Dénoncés aussi les massacres de la Terreur.

Cette oeuvre de jeunesse anticipe certains des thèmes hugoliens.
Dans le personnage du bouffon Habibrah, je crois deviner l’Homme qui rit. Encore un personnage complexe:
« Crois-tu donc que pour être mulâtre, nain et difforme, je ne sois pas homme? Ah ! j’ai une âme, et une âme plus profonde et plus forte que celle dont je vais délivrer ton corps de jeune fille! J’ai été donné à ton oncle comme un sapajou…. »
Il a campé ces personnages forts et complexes dans la nature exubérantes des îles Caraïbes
Souvent même ses eaux étaient cachées par des guirlandes de lianes, qui, s’accrochent aux branches des érables à fleurs rouges semés parmi les buissons, mariaient leurs jets d’une rive à l’autre, et, se croisant de mille manières, formaient sur le fleuve de larges tentes de verdures
La grotte dans laquelle est réfugiée Marie me fait penser à la celle de Gilliatt des Travailleurs de la mer
Au dessus de cette salle souterraine, la voûte formait une sorte de dôme tapissé de lierre d’une couleur jaunâtre. Cette voûte était traversée presque dans toute sa largeur par une crevasse à travers laquelle le jour pénétrait, et dont le bord était couronné d’arbustes verts, dorés en ce moment des rayons du soleil. ….
J’ai été un peu agacée des scènes où Léopold d’Auverney était prisonnier aux mains de Biassou, j’ai trouvé le grotesque trop outré, un peu condescendant. mais peut être était-ce vraiment comme cela? Ces uniformes déguenillé, ce latin de cuisine, ces drapeaux dépareillés.

Le souffle n’est pas encore celui des chefs d’œuvres les plus célèbres mais c’est celui de la révolte des esclaves, de la Révolution, avec toutes ses contradictions.
lire également le billet de Moglug et celui de claudialucia ainsi que celiu de Margotte
ah nettement plus complet comme ça !
j’ai lu le billet de Claudialucia et le tien, il faut que je me remette à VH il me reste encore à lire celui là et l’homme qui rit
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@Dominique : merci pour le test. Cela a marché! L’homme qui rit est un chef d’oeuvre, Bug-Jargal peut être pas mais il se lit vite et c’est une curiosité. Comme tu as une liseuse cela sera gratuit et l’Homme qui rit ne pèsera pas trop lourd dans ton sac (le livre papier, oui)
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C’est vrai que le nain peut préfigurer l’homme qui rit et j’aime beaucoup sa plainte que l’on retrouvera très souvent dans VH.
Il y a Laure aussi dans la LC : http://micmelo-litteraire.com/bug-jargal-victor-hugo/#comment-19786
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C’est chouette les parallèles que tu fais entre les différentes œuvres. Cela me fait penser que j’ai du retard sur l’œuvre hugolienne ! Quoique je partage ton engouement pour L’Homme qui rit ! Je n’ai pas encore lu Les travailleurs de la mer, mais il fait partie des titres que j’aimerais lire… disons en 2015^^
Pour revenir à Bug-Jargal, l’épisode ou D’Auverney est prisonnier des révoltés m’a également agacé et j’ai trouvé qu’il trainait en longueur, je l’ai trouvé caricatural surtout la menace de cannibalisme (si je me souviens bien). Je ne me suis jamais vraiment penchée sur cette question, mais je serais curieuse de savoir si ces pratiques sont avérées dans une civilisation ou dans une autre, et si c’est le cas dans quel contexte précisément…
En tout cas, je n’avais pas conscience que l’ouvrage était à ce point documenté sur la révolte de Saint-Domingue, je n’ai pas fait de recherches supplémentaires après ma lecture, et je suis contente de le découvrir sur ta chronique. 🙂
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@Moglug : en effet cet épisode où Auverney est prisonnier est dur à lire maintenant. Se souvenir quand même l’époque où il a été écrit et les nombreux fantasmes qui traînaient alors.
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J’aime beaucoup ton introduction ! Ton billet est très complet. J’ai hélas, moins de points de repères dans l’œuvre que je maîtrise encore mal… mais ce challenge va tout changer 😉 Enfin, comme toi, j’ai aimé trouver l’ébauche des grands personnages à venir !
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@Margotte : je viens de mettre un lien vers ton blog. Ce challenge qui réunit de nombreuses blogueuses est très prometteur. Il m’a permis de découvrir ton blog;
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Très intéressant ton article, lecture que je ne regrette pas du tout, et que je suis contente d’avoir partagée.
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