CARNET OUZBEK
La pluie a cessé pendant la nuit, au matin il fait même très beau. La route traverse la steppe plate et uniforme, elle est droite. De petites bosses font des montagnes russes. La ligne électrique court en parallèle. Un cavalier surgit des buissons puis disparaît comme il est venu. Poésie de la steppe.
Les troupeaux sont nombreux, le plus souvent des moutons noirs avec des chèvres grises noires ou blanches. De temps en temps, des chevaux en liberté, magnifiques. Des vaches paissent à proximité des villages, petites, placides elles trouvent leur provende dans l’herbe verte du printemps. Les Ferula (fenouils) s’élèvent comme de minuscules arbres : leur cime ronde des ombelles rassemblées en une grosse boule mi-chou-fleur/mi-fenouil sur une tige.
Dans la région, on extrait le marbre. Plus loin, des excavations plus importantes : on cherche de l’or dans les montagnes de Nurata. Entre la route et les montagnes sont alignés de nombreux villages. Impression de bout du monde. Des gens vivent entre la montagne aride et la steppe infinie. Des nuages s’accrochent à la montagne. Voici notre village Uxum ! Tout au moins l’entrée du village. Une piste conduit aux premières maisons puis les évite et entre dans une vallée. La belle Chevrolet de Nasim se comporte bien sur le chemin défoncé. Le village est plutôt une addition de fermes dispersées au flanc de la montagne qu’un bourg organisé.
La famille qui nous accueille est installée dans trois maisons basses aux murs de pierre disposées en u autour d’un petit champ. Trois générations vivent ensemble. Le Grand Père, en costume de ville, chauve arbore le plus souvent une toque noire et blanche. Ses fils ont une allure moderne. L’un d’eux nous accueille en anglais. Il porte des jeans, une polaire et une casquette de base-ball. Les femmes ont une tenue traditionnelle élégante. La robe est plus ou moins longue sur des pantalons de velours serrés en bas par un galon. Pantalon et robe brillent de perles de strass cousues. Le foulard est assorti, elles le portent noué derrière avec un gros nœud qui ressemble à un chignon. La plus jeune porte des leggings violets, une jupe courte aux triangles fluo et son foulard comme la jupe. Leur visage est très avenant. La grand-mère a toutes ses dents en or, les plus jeunes sont très soignées. Chacune a 4 enfants sauf la plus jeune qui n’a qu’un bébé. Nous avons mis un certain temps à attribuer à chacune des mères ses enfants respectifs.
Dans la plaine le temps était ensoleillé mais dès que nous sommes arrivées au village il pleuviote et surtout il souffle un vent glacial. Tout le monde est emmitouflé dans des anoraks. Les bonnets sont enfoncés jusqu’aux oreilles. Avec mon pantalon d’été et mon t-shirt, je gèle. Pas trop envie de sortir. On sort les polaires des valises, les survêtements, les K-Ways. Pour la première exploration dans le village, on nous flanque, d’office, un accompagnateur : Rouslan, 11 ans, des yeux clairs, la peau très claire. Il parle un peu anglais. Après 50m, nous arrivons à un hameau composé de belles fermes et étables en pierre étagées à flanc de coteaux.
Fin de la promenade : « many dogs ! ».
On descend la piste : « 12h lunch ! » décide l’accompagnateur.
D’ailleurs, il pleut !
Le déjeuner est servi dans la grande salle de la maison où nous logeons. Le sol est recouvert d’épais tapis et de grands kilims. Au mur, un kilim avec le même motif et un tapis de prière avec la représentation de la Mecque et la photo du père du grand-père, hadji. Table basse, matelas colorés, coussins. On mange par terre. A table il y a un couple de jeunes Russes qui partiront cet après midi à Samarcande, le jeune homme à la casquette de base-ball, le grand père, Nassim et nous.
On apporte un assortiment de salades : aubergines confites avec des grains de poivre et des feuilles de laurier entières, haricots rouges à l’ail, une salade fraîche avec beaucoup d’aneth. Chorba : un grand bol de bouillon clair avec des morceaux d’agneau, des carottes et pommes de terre. Cette soupe chaude est bienvenue avec la pluie. Au choix thé noir ou thé vert.
Au mur, une carte touristique et des photos des curiosités de la région.

Le soleil est revenu. Le Grand-Père me propose une promenade. Nous traversons le jardin où il y a 4 ou 5 rangs de tomates et autant de pommes de terre. Derrière se trouve la réserve des argalis (mouflons). Ella Maillart racontait que son guide Kirghise chassait les argalis sans autre précision. Le mâle a de belles cornes recourbées. Les femelles ressemblent à des chamois, un peu lourds. Nous montons le plus haut possible pour observer la harde puis à un petit col où paissent leurs vaches. Le vent souffle par rafales très puissantes qui nous font tituber. Pas seulement moi, la touriste, également le montagnard qui a dû se mettre sur 4 pattes pour enjamber une petite arête rocheuse. De temps à autres, il me fait asseoir pour surveiller les argalis ou regarder le paysage. La promenade se transforme en safari-photo. Le Monsieur tient à ce que je rapporte de belles photos du mâle aux cornes enroulées. Le vent est si puissant qu’on se cramponne au grillage. On rentre « en marchant comme des ivrognes » déclara-t-il le soir.
La tempête de la nuit dernière a fait beaucoup de dégâts. 140 poteaux électriques ont été abattus. Le courant ne reviendra pas ce soir. Il faut s’organiser et prendre nos précautions avant la tombée de la nuit.




conditions météos difficiles, mais belle découverte tout de même!
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