Arrivée à Samarcande – Gour Emir

CARNET OUZBEK

Montagne au petit matin
Montagne au petit matin

Réveil très tôt avec les braiements de l’âne et les pépiements des oiseaux. A 7h nous sommes attablées pour le petit déjeuner. Toute la famille est levée. Le bébé se promène dans les bras de sa grand-mère, de sa tante. Elmira et Rouslam sont déjà partis à l’école. Les trois plus petits trainent déjà. Le chien qui a dormi deux jours, le museau sur mes sandales a compris quand nous avons roulé les valises.

Retour dans la steppe. A-t-elle jauni ces derniers jours, ou est-ce le contraste avec le vert vif de la montagne ? Le Lac Aydarkul qui paraissait si proche hier, est maintenant noyé dans la brume, invisible. Brume du matin ou brume de chaleur ? Nous guettons les troupeaux pour fixer sur une photo les Monts Nurata, la steppe. Image mentale que nous garderons dans nos souvenirs. Nous n’avons pas vu les glorieuses caravanes des temps passés mais nous avons aimé ces journées chez les bergers. Narzullo possède 100 moutons en plus d’un gîte d’éco-tourisme.

les troupeaux dans la steppe
les troupeaux dans la steppe

 

La première ville à 50km d’Uxum, Farosh. D’autres crêtes se rapprochent. Puis c’est le retour des cultures irriguées : le blé est déjà haut, les vergers soignés. Retour aussi du tuyau jaune du gaz. Dans un canal une série de norias tournent, de grosses boites cylindriques attachées aux pales.

Jizzakh est une ville importante. Nous passons devant une petite église russe qui brille au soleil. Un énorme monument fait le guet sur le bord de la route. Un train passe à grande vitesse , talgo espagnol que nous emprunterons pour rentrer à Tachkent.

par le défilé passent la route, la voie ferrée et le torrent
par le défilé passent la route, la voie ferrée et le torrent

Du temps de Tamerlan, un défilé gardait la plaine de Samarcande. La chaine du Turkestan rejoint les montagnes de Nurata. Dans l’étroit passage il était facile de poster des soldats pour garder la ville. Les Soviétiques y ont fait passer la voie ferrée, une rivière a fait son lit, maintenant la grande route….

les neiges éternelles (?)
les neiges éternelles (?)

Soudain, les neiges éternelles de très hautes montagnes se détachent au loin. Apparition miraculeuse, comme le Canigou derrière Perpignan, ou le Toubkal à Marrakech. Des peupliers, des lignes électriques, des maisons, la vitesse… nous ne prenons qu’une photo ratée de cette apparition merveilleuse. Nassim nous promet une belle photo de l’observatoire d’Oulough Beg.

Samarcande est une grande ville : premiers embouteillage depuis que nous avons quitté Roissy ! Un peu abrutie par les 3 heurs de routes, dans ma hâte d’arriver, je ne prête qu’une attention flottante aux quartiers que nous traversons. Les monuments semblent noyés dans une urbanisation confuse. Où sont les quartiers résidentiels ? Où est la vieille ville ? Prises dans la circulation nous sommes étonnes de tant de voitures après la steppe vide.

Gour Emir
Gour Emir

L’hôtel Dilshoda se trouve juste derrière les murs de l’ensemble Gour Emir le mausolée de Tamerlan et des Timorides. Après les splendeurs du Hovli Poyon de Boukhara et le patio de l’hôtel de Khiva, nous sommes déçues d’être dans un hôtel fermé et de ne pas pouvoir nous reposer à l’air libre – d’autant plus que le site Internet de Dilshoda montrait la cour avec des balconnades et des takhtan de l’ancien Dilshoda. Nous sommes installées à l’annexe. Une coupole surmonte un balcon de bois, mais le patio est fermé.

Première urgence : se doucher, se laver les cheveux ; A la yourte, la douche avait été sommaire. Au village, la panne d’électricité avait perturbé les ablutions.

Rafraîchies, récurées, nous voilà prêtes pour le déjeuner ! Nous passons aux pieds de Timour assis . Difficile de se repérer dans la circulation. Nassim fait de grands trajets pour pouvoir faire demi-tour, on se retrouve au même endroit (mais dans le sens inverse). Il nous conduit au Besh Chinar, restaurant réputé, fréquenté par les employés de la Maire toute proche. Brochettes et multiples salades, riz blanc au bon goût d’oignons,  installés dans le patio bordé de thuyas.

Gour Emir
Gour Emir

Enfin, nous sommes en condition pour aborder la splendeur de Gour Emir. Comme souvent, devant un monument exceptionnel, j’hésite à décrire. Comment traduire la beauté de la coupole turquoise cannelée, ses proportions, ses couleurs éclatantes. De loin on pourrait la qualifier de turquoise, à l’examen attentif on découvre de nombreuses couleurs. On photographie de loin on zoome, super-zoome. Pour les minarets, c’est pareil, on admire les délicates céramiques, les rouges, les bleus qui coiffent la tour, créneau ou chapiteau, comment nommer la couronne finement colorée ? Plus tard, je distingue les motifs des briques vernissées qui montent en spirale turquoise. De loin ce sont des spirales, mais ces lettres coufiques sont des calligraphies que je ne sais pas déchiffrer puisque je ne lis pas l’Arabe. Les stalactites du portique d’entrée – Iwan – sont d’une grande finesse. Eberluée devant tant de splendeurs, j’ai du mal à me concentrer et à prendre en notes les explications de Nassim. Heureusement, j’ai lu la biographie de Tamerlan de Lucien Kehren, avant le départ.

la couronne du minaret
la couronne du minaret

Dans la cour, un auvent protège des marbres fins des intempéries : le socle du trône et un calice pour les ablutions. On raconte aussi que ce calice était rempli de jus de grenade avant le départ des troupes de Tamerlan pour la guerre. Chaque guerrier buvait une gorgée et on notait soigneusement le niveau. Au retour, on renouvelait l’opération. La différence de niveau permettait d’estimer les pertes au combat. Une autre version dit que chaque soldat jetait une pièce et la reprenait au retour, les pièces restantes seraient celles des morts.

mosaïque
mosaïque

En 1897, un séisme mit à bas la madrasa et la khanaka qui encadraient le mausolée construit par Tamerlan pour sons fils. Lui-même souhaitait être enterré dans sa ville natale de Chakhrisabs. Mort au cours d’une expédition hivernale contre la Chine, son  corps fut rapporté à Samarcande où il repose aux pieds de son maître spirituel Mir Saïd Baraka. La « tombe » la plus grande (ce sont des cénotaphes, les tombes sont en dessous dans une crypte) est celle de Mir Saïd, la pierre de Timour est en jade noir, à ses côtés ses fils.

Intérieur du mausolée
Intérieur du mausolée

L’intérieur du mausolée conjugue le bleu et le jaune. Le bleu –couleur du drapeau de Timour –  était symbole de richesse : pour obtenir des pigments bleus il fallait du lapis-lazuli coûteux. Le jaune était symbole de tristesse. Après la mort de son fils, Timour déclara 40 jours de deuil. Un lustre magnifique surplombe les pierres tombales. Bleus, les stalactites, soulignés de bleu plus soutenu, au mince liseré doré< ; les niches de stalactites se rejoignent en éventails qui semblent de la dentelle ajourée. Bleus et or, les pavages de rosaces orientales aux ordres de symétries variés. Autour de la rosace à 12 pointes, s’imbriquent des pentagones qui, eux-mêmes, s’enroulent autour d’étoiles à 5 branches. Entre deux rosaces entourées par un cercle d’étoiles, une fleur à 10 pétales entourée de 10 triangles qui conduisent aux pentagones. Cette géométrie savante me fascine, comme une énigme mathématique. Pour la reproduire, par où commencer ? Où planter la pointe du compas ?

stalactites
stalactites

Les ouzbeks viennent en famille ou en groupe. Avec l’imam, ils s’assoient et prient. Viennent-ils en pèlerinage ou prient-ils simplement devant une telle beauté ?

Nous sommes revenues le soir dans la sérénité de cette salle bleue. Nous sommes encore revenues le lendemain. Sept femmes et un seul homme arrivent ; l’homme commente, pointe la hampe portant une queue de yack signalant un saint. Vient le moment de se recueillir. Ce n’est pas l’homme qui conduit la prière mais une femme qui chante très bien.

mausolée de Ruhabat
mausolée de Ruhabat

Sur l’esplanade gazonnée se trouve un petit mausolée de brique tout simple. C’est celui de Ruhabat, un sage érudit né à Boukhara au 12ème siècle. Parti en Chine avec une caravane, il est mort en route. Selon ses volontés on l’a enterré là où le chameau portant sa dépouille se serait arrêté. Ce mausolée est  aussi un lieu de pèlerinage. Nous arrivons pendant qu’une famille fait la prière, deux bébés s’ébattent sur le tapis.

 Aksaray

Aksaray
Aksaray

A l’arrière du mausolée de Tamerlan, un petit mausolée une coupole toute simple de briques rose cache un véritable trésor de décoration et de dorures . Rien à l’extérieur n‘annonce la splendeur des dorures et des ornements.  D’autres timourides y sont enterrés dont le fils d’Oulough Beg.

Après la visite touristique j’entreprends l’exploration du quartier autour de l’hôtel. Tout d’abord, je découvre l’autre hôtel Dilshoda avec sa cour, ses balcons de bois et sa tonnelle de vigne. Le personnel est le même qu’à l’annexe, on me reconnait et me fait signe d’entrer. L’hôtel est complet mais nous pourrons venir ici prendre le petit déjeuner et profiter de la cour.

Aksaray
Aksaray

Les rues et ruelles de notre quartier sont un peu étranges : des maisons basses et des murs gris qui ne paient pas de mine, des entrées sales et guère avenantes qui cachent des tonnelles, des cours ombragées, des arbres fruitiers et peut être des jardins. Le caniveau est au milieu de la voie, pas toujours revêtue, ou il y a si longtemps. Des enfants jouent. Les voitures sont rares, Lada ou ancien modèles russes. Là, on a installé des rangées de chaises en plastique rouge. Des hommes portant un manteau de velours qui ressemble à un peignoir converge vers cette maison. Un deuil ? Une cérémonie ? je ne saurais deviner.

Une mosquée dans un jardin semble désaffectée.

L’écriture cyrillique est omniprésente. Ne pas s’y méprendre et tirer des conclusions hâtives. Les anciens ont appris à lire en russe et peut être ne lisent-ils pas les lettres latines en usage seulement depuis 1991. Au bout de la rue, la grande tchaikhana est presque vide, sauf quelques vieux qui jouent au trictrac. J’ai l’impression d’un retour en arrière dans le temps. De l’autre côté du carrefour il y a des petits supermarchés. Je suis bien en peine d’y acheter quoi que ce soit : pas de prix affiché, des biscuits  en vrac, des marchandises improbables. Partout des petits restaurants avec des barbecues dans la rue mais jamais de carte.

 

Retour à l’hôtel, exploration des quartiers de l’autre côté de l’esplanade de Gour Emir : la place de l’Indépendance dans le dos de la statue de Timour Assis, j’emprunte le large boulevard des universités, promenade très verte avec des plates-bandes, des gazons entre les deux chaussées à trois voies et même des fontaines musicales qui changent de couleur. Les étudiants se promènent en tenues décontractées, pas un foulard à la ronde. L’absence de librairies ou de papeterie dans le quartier étudiant m’étonne. Pas de magasins de fringues de marques non plus, des cybercafés, des coiffeurs et une grande cafétéria dans le genre Mc Do à la ouzbek, vide. La marchand de glaces a plus de succès. Passé 20 h, il fait tout noir. Il n’y a plus personne dans la rue et je hâte le pas jusqu’à l’hôtel.

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Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

5 réflexions sur « Arrivée à Samarcande – Gour Emir »

  1. Ah! je le savais que Samarcande serait éblouissant! Je comprends que tu y sois venue et revenue dans cette sérénité bleue extraordinaire. Le petit mausolée doré est très beau aussi. Par contre la ville est un peu semble-t-il une ville du tiers monde, avec des rues sales, une circulation embouteillée?

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