CARNET OUZBEK

Le petit déjeuner est prêt sous l’auvent des rideaux chatoyants de la cour du vieux Dilshoda.
Nassim nous attendait devant la coupole turquoise de Gour Émir. Le ciel laiteux l’a incité à changer le programme.
Il traverse la ville par les avenues que nous connaissons déjà jusqu’aux portes de la ville et s’engage dans une rue défoncée entre des maisons basses cachées derrière de belles tonnelles. Une vache pait l’herbe du bas côté.
- « sommes nous encore à Samarcande ? »
- « Eh bien oui ! » répond Nassim qui affectionne cette expression.
Samarcande est très étendue mais son urbanisation est indéfinissable. On ne distingue pas la ville historique : les monuments sont très éloignés les uns des autres. A l’époque de Tamerlan, elle était déjà très étendue. Pas d’unité de style non plus. Les grandes artères sont bordées de petits immeubles récents souvent en brique ou en béton, parfois en verre. Les quartiers d’habitation sont mélangés avec les administrations et les commerces. Les bâtiments les plus imposants sont ceux des universités très imposantes pour une ville de 300 000 habitants. Les HLM soviétiques sont rares et dispersés. Nous ne traversons pas de quartiers gris comme à Riga, Sofia ou Bucarest. Samarcande est sur une zone sismique et ressent en moyenne trois séismes par an. On a évité de construire en hauteur. De très longues avenues sont bordées de maisons basses, parfois du 19ème siècle russe, très jolies, roses ou beiges, parfois blanches campagnardes. Partout il y a de la verdure des terre-pleins gazonnés, de grands alignements de platanes, mûriers ou peupliers.
Après un long cheminement dans les rues cahoteuses nous arrivons au bord de la rivière Siab où est installé Monsieur Zarif et son atelier de papier artisanal que Nassim a appelé « papier de soie » ce qui m’a induit en erreur. D’autant plus qu’en introduction de la visite il nous a raconté l’introduction d’un cocon de ver à soie en contrebande, apporté dans la coiffure d’une princesse chinoise mariée au fils d’un émir ouzbek. Arrivée clandestine puisque les Chinois gardaient jalousement le secret de la soie.
Le papier était un autre secret chinois qui sera propagé par les Arabes au cours du 8ème siècle lors de leur conquête et de l’islamisation. Emirs et Khans achetaient le papier qui meti plusieurs siècle à remplacer papyrus et parchemin.

La confection artisanale du Papier de Samarcande fut interdite à l’époque soviétique comme toutes les entreprises familiales. Monsieur Zarif a reconstitué l’atelier artisanal grâce à la documentation. Tout est effectué à la main dans son atelier.

Le matériau de départ – les rameaux de mûrier sont coupés en tronçons d’une soixantaine de cm. Deux jeunes filles écorcent les bâtons et déposent les écorces jaunes dans une bassine d’eau. Elles tremperont et bouilliront 4 à 5h dans des marmites sur le foyer de bois – exactement la même installation que pour cuisiner le plov à Uxum. Un moulin, dans le torrent va entraîner des pilons (de la taille d’un bon poteau) qui réduiront les écorces en pâte à papier. Cette pâte sera mâchée, pilée, jusqu’à devenir homogène.

Un ouvrier va étaler feuille par feuille sur un cadre de bois. Une centaine de feuille séparées par un tissu de coton s’égoutteront et sécheront sous une presse très simple : une grosse pierre. On les étendra ensuite un peu partout sur des fils comme de la lessive. Une fois sèches, les feuilles sont polies à la main avec une corne de vache ou un coquillage. Le papier obtenu est résistant, lumineux mais pas éblouissant. Alors que la durée de vie d’un papier ordinaire serait en moyenne d’un siècle, le papier de Samarcande est fait pour durer deux millénaires. Le mûrier repousserait les insectes papivores. Résultat parfait ! A la boutique des articles variés sont proposés à la vente : cartes décorées, sacs, pochettes même des robes, cadres pour photos mais ni cahiers ni carnets, le matériau est trop précieux.

Il faudrait que je relise le bouquin d’Orsenna Sur la Route du papier, le voyage au Pays du coton aussi !
J e ne savais pas que ce papier avait de telles propriétés! je comprends qu’il soit précieux, ne serait-ce que par cette fabrication artisanale.
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@claudialucia : je ne peux pas garantir la longévité, je me suis contentée d’écrire ce qu’on me racontait….
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