LES ROUGON-MACQUART t.8

Une Page d’Amour se déroule à Passy entre la Rue Vineuse, la Rue de Passy, la Rue Raynouard et le Passage des eaux un quartier que je connais de mon enfance. Un quartier alors plein de jardins secrets qui s’est urbanisé au début du XXème siècle mais dont on peut encore deviner le charme en visitant la maison de Balzac. Des fenêtres de l’appartement d’Hélène et sa filles, la vue est magnifique sur la Seine, les toits et les monuments de Paris. Zola se fait un plaisir de la décrire à toutes les heures du jour.
Le roman met en scène la bourgeoisie aisée de Passy : Hélène Granjean, veuve, Henri Deberle, médecin réputé, sa femme Juliette, mondaine, superficielle et toute une société d’amies des Deberle. Un prêtre et son frère sont les convives des mardis d’Hélène. Rosalie est la bonne d’Hélène, son bon ami le soldat Zéphyrin. Chez les Deberle, on reçoit dans le jardin d’hiver ou dans sous les ormes du joli jardin clos, on organise des fêtes, un bal costumé d’enfants est particulièrement brillant. Juliette passe l’été à Deauville, à la mode!
« Madame Deberle était touchée. La religion lui plaisait comme une émotion de bon goût. Donner des fleurs aux
églises, avoir de petites affaires avec les prêtres, gens polis, discrets et sentant bon, venir en toilette à l’église, où elle affectait d’accorder une protection mondaine au Dieu des pauvres, lui procurait des joies particulières,
d’autant plus que son mari ne pratiquait pas et que ses dévotions prenaient le goût du fruit défendu. »
Nous sommes très loin de la critique sociale ou des spéculations financières dans ce milieu très à l’aise qui fait la charité à la mendiante Madame Fétu en glissant des pièces blanches. Seule évocation historique : la Question d’Orient qui anime les conversations à la mode.
Il faut tout le talent de Zola pour que je poursuive plus de 400 pages alors que les romans d’amour ne me passionne pas plus que cela. Quelle gourde cette Hélène! Elle perd son mari à leur arrivée à Paris et reste cloitrée dans son appartement douillet sans même chercher à visiter la ville. La vue de la colline de Chaillot lui suffit! Seule sortie : les bonnes œuvres du curé Jouve.
Mariée sans amour, Hélène se consacre uniquement à Jeanne, 12 ans, sa fille de santé fragile qui ne va pas à l’école, ne fréquente pas d’enfants de son âge, sort très peu. Jeanne à la figure de petite chèvre n’est pas avantagée par Zola. A la suite d’une crise de convulsions particulièrement impressionnantes, Hélène va chercher le Docteur Deberle. Elle tombe amoureuse, croit vivre une passion platonique puisque le Docteur est marié et que sa femme lui témoigne confiance et amitié. Ces émois improbables et chastes me semblent passablement ennuyeux. Mais voici que par désœuvrement Juliette prend un amant. Hélène conçoit d’abord une machination machiavélique puis cède aux ardeurs charnelles dans les bras du Docteur.
Dire qu’elle s’était crue heureuse d’aller ainsi trente années devant elle, le coeur muet, n’ayant, pour combler le vide de son être, que son orgueil de femme honnête! Ah! quelle duperie, cette rigidité, ce scrupule du juste qui l’enfermaient dans les jouissances stériles des dévotes! Non, non, c’était assez, elle voulait vivre!
La tragédie de la jalousie viendra de Jeanne (et non de Juliette cocufiée). La fillette ne supporte pas d’être délaissée par sa mère et sa santé se dégradera. jusqu’à en succomber. Remords de la mère qui renoncera à l’objet de sa passion et se mariera avec le très sage frère du curé.
Alors que j’ai senti la vie animer les femmes du peuple, les vendeuses des Halles, les blanchisseuses, ou les demi-mondaines, ces bourgeoises sont bien fades. En revanche Zola sait illustrer cette histoire mièvre de décors intéressants.
Je n’ai pas lu celui-ci. Pour les thèmes amoureux je préfère les Romantiques… Zola, ce n’est pas son domaine, je crois 🙂
J’aimeJ’aime
Pfou oui je m’en souviens, quelle gourde tu dis? Quant à Jeanne, pfff pas sympa du tout. On oublie et on passe au suivant…
J’aimeAimé par 1 personne
@keisha : déjà au milieu de Nana
J’aimeJ’aime
La fille de l’Assommoir… Bientôt tu auras la fille du ventre de Paris. Je viens de vérifier, Hélène, Hélène Mouret…
J’aimeJ’aime
ah je croyais être au bout des Rougon, mais non je n’ai jamais lu celui là mais j’avoue que je vais faire l’impasse
J’aimeJ’aime
@Dominique : il en reste encore une bonne dizaine mais tu peux te dispenser de la Page d’amour
J’aimeJ’aime
» Et dire qu’elle s’était crue heureuse d’aller ainsi trente années devant elle, le coeur muet, n’ayant, pour combler le vide de son être, que son orgueil de femme honnête! Ah! quelle duperie, cette rigidité, ce scrupule du juste qui l’enfermaient dans les jouissances stériles des dévotes! Non, non, c’était assez, elle voulait vivre! » Pour une phrase aussi osée, aussi « révolutionnaire », Zola a dû se mettre à dos tous les bourgeois de l’époque, les cathos et l’église et j’en passe ! Ce n’est pas si mièvre et en tout cas ce n’est pas anodin de déclarer à cette époque bien-pensante et corsetée que la femme a droit à la jouissance et que la dévotion est une supercherie pour enfermer les femmes et les dominer. Une femme frigide et dévote ne remet pas en cause son mari et continue à lui être soumise. D’ailleurs, c’est la bonne société qui gagne puisqu’elle culpabilise Hélène qui retombe dans les bras du curé (par l’intermédiaire de son frère! ) !
J’aimeJ’aime
@claudialucia : quelle excellente avocate des droits et du plaisir des femmes tu fais! N’empêche que Hélène m’a agacée
J’aimeJ’aime
Plutôt avocate de Zola ! Je viens de finir de lire sa biographie et c’est fou toute la haine qu’il s’est attiré au cours de sa vie, les antisémites, évidemment, mais pas seulement et aussi de la part de l’armée, des nationalistes, des catholiques, des bien-pensants de tout bord, des collègues jaloux (comme les Goncourt) et même des anarchistes parce qu’il n’approuvait pas la violence ! … Et quel courage il a eu !
J’aimeAimé par 1 personne
@claudialucia : quand j’aurai fini les Rougon-Macquart je lirais volontiers cette biographie
J’aimeJ’aime