CARNET OCCITAN

C’est avec un plaisir renouvelé que nous parcourons la N612 d’Albi à Castres (47 km) dans la lumière du matin bien que nous ayons fait le même chemin hier. Collines arrondies, douceur du relief, bosquets d’arbres, double rangée de platanes. Avec quelques cyprès on se croirait en Toscane. Et toujours les montagnes bleutées à l’horizon.
Si Albi est une ville rouge, de briques, de construction homogène, Castres est plutôt blanche camaïeu de gris et de beige, belle pierre calcaire pour les demeures bourgeoises. Beau jardin Le Nôtre, avec un théâtre rococo à l’italienne blanc de stuc comme une pâtisserie. Au fond du jardin le classique Palais épiscopal dessiné par Mansart en pierre blonde loge l’Hôtel de Ville et le Musée Goya. Un peu plus lion une balustrade longe l’Agout dont l’autre rive est bordée d’un alignement de maisons colorées aux balcons de bois à encorbellement : anciennes maisons des tisserands, tanneurs et teinturiers qui s’ouvrent directement sur la rivière.
Ce matin, la Place Jean Jaurès est occupée par le marché à mon retour, à midi les restaurants et cafés ont sorti tables et chaises sur les terrasses, je remarque la statue de Jean Jaurès qui est le grand homme de Castres.
Pour rejoindre le Musée Jean Jaurès je passe par des rues piétonnières commerçantes et bien animées. Cela m’amuse de passer par la Rue Emile Zola pour arriver place Flaubert. Pas ou peu de touristes, une petite ville du midi authentique.
Musée Goya

Le Musée Goya est spécialisé dans la peinture espagnole. C’est un musée très moderne, très vaste installé dans le Palais Episcopal, rénové récemment réouvert seulement en avril 2023. Un soin particulier a été apporté à la climatisation (portes qui s’ouvrent devant chaque visiteur et se referment rapidement) et à l’éclairage. Le trésor du musée, Les Caprichos de Goya, gravures sur papier, sont très fragiles.

Au rez-de-chaussée, 3 salles sont dédiées aux expositions temporaires : « Goya dans l’œil de Picasso » (jusqu’au 1er Octobre 2023) . Picasso connaissait très bien l’œuvre de Goya. Tous deux éprouvaient la même fascination pour la tauromachie. Deux salles présentent des gravures des deux artistes. Les sections sont titrées en Espagnol : Suertes, Arena, Muerte, Monstros

L’expression de la Mort est présente dans l’œuvre des deux artistes. La « Nature Morte à Tête de mouton » est – selon le cartel – « le reflet des horreurs de la guerre. Picasso et Goya ont créé des êtres hybrides, dévorants témoins de leurs angoisses existentielles «

A l’étage, les collections permanentes d’Art Espagnol sont présentées chronologiquement. Dans al salle du Moyen Age, je suis éblouie par le Retable du Maître de Riofrio. Je passe vite devant les peintures religieuses, reconnais un Velázquez : Portrait de Philippe IV en chasseur. Murillo : La vierge du Rosaire. Une salle entière est occupée par les énormes tableaux de Pacheco : le Christ servi par les Anges et un Jugement dernier avec les têtes des élus formant des nuages baroques et un enfer très pittoresque. Une autre salle est réservée à l’influence des peintres italiens sur la peinture espagnole, en particulier Le Caravage. J’ai bien aimé les statuettes du Massacre des Innocents de Matera comme des personnages de crèche populaire. Je traverse sans m’arrêter les salles des Natures mortes ou de la peinture religieuse pour arriver au fond du couloir aux salles consacrées à Goya. Deux huiles intéressantes : un Autoportrait avec des lunettes et la très grande toile La Junte des Philippines (320×433).

Les Caprichos sont conservés dans une pièce noire. Les gravures ne restent pas longtemps dans les vitrines éclairées, six mois tout au plus avant de se « reposer » de longues années. Un professeur est entouré d’étudiants. Je profite de cette visite guidée. Le conférencier insiste sur l’aspect subversif des Caprichos qui critiquent la société espagnole. Gravures au vitriol qu’il publiait lui-même. Quand la protection de Manuel Godoy en 1808 lui fait défaut l’Eglise Catholique et l’Inquisition sont une menace pour les gravures que Goya ne peut plus diffuser et qu’il doit détruire. Il offre les plaques au Roi pour les mettre à l’abri j’ai beaucoup aimé l’humour corrosif, la série des ânes avec leurs litres critiques. J’ai admiré la finesse des figures ? Peut-on parler de caricatures ? Malheureusement l’assistance est nombreuse et j’ai peu de temps pour avoir un peu d’intimité avec les œuvres.
Une large partie du Musée est consacrée à la peinture espagnole moderne et contemporaine. Je reconnais un Picasso, Tapiès, bien sûr mais je n’ai plus la disponibilité pour faire connaissance avec des artistes moins connus. Découvert un sculpteur intéressant : Pablo Gargallo dont j’ai aimé son Hommage à Chagall
Jean Jaurès
Je n’aurais pas quitté Castres sans une visite au Musée Jean Jaurès après avoir visité la mine de Cagnac-les-mines (Carmaux prévu demain) et avec Germinal comme livre de chevet. Le Musée Jean Jaurès est un musée à l’ancienne ; beaucoup de panneaux noir et blanc avec des extraits de journaux, des documents photographiques, même son bulletin scolaire à Castres et des papiers au lycée d’Albi où il enseignait la philosophie ; des caricatures aussi de toute la classe politique alliés ou adversaires. Je m’intéresse au personnage d’Emile Combes « le père Combes ». Une vitrine entière est consacrée à l’Affaire Dreyfus. Une autre, plus étonnante, présente ses positions anticolonialistes. De nombreux documents sont photocopiés à destination des visiteurs : j’emporte une feuille racontant son action pendant les Grèves de Carmaux (1893), grève des mineurs (1892-1893) et des verriers (1895)
La virulence des attaques es journaux de Droite et leurs caricatures est étonnantes. Tableaux de ses partisans carricatures d’opposants. Il faudrait tout regarder. Voilà que le musée ferme à midi, on ferme. Ce sera plus un pèlerinage qu’une visite d’étude
Une petite ville qui recèle pas mal de centres d’intérêt .. il aurait fallu plus de temps.
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@Aifelle : le temps….c’est toujours ce qui manque! Il faut dire qu’avec la canicule ce n’est pas évident de rester des jours entiers en ville, on cherche aussi un peu d’ombre et de fraîcheur
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J’ignorais totalement qu’il y avait un musée Goya en France
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@dominique : c’était une belle surprise
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