FEUILLES ALLEMANDES

» Un évadé qui a réussi à s’échapper, c’est toujours quelque chose, ça chamboule tout. C’est toujours un doute jeté sur leur pouvoir absolu. Une brèche.”
Automne 1937, sept opposants au nazisme se sont évadés du Camp de Concentration de Westhofen. Sept platanes ont été élagués, des planches ont été clouées de manière à figurer sept croix destinée aux évadés. Ce gros roman est le récit de la traque pour les reprendre.

Gros roman (461 pages) sous-titré Roman de l’Allemagne hitlérienne se déroule pendant quelques jours, une grosse semaine, dans un périmètre restreint des environs de Mayence bordés par une campagne de collines, vergers de pommes, pâturages et à l’ouest le Rhin, la ville, ses usines, ses auberges…
.Dans ce cadre si resserré, tout un monde!
Tous sont représentés : les gardiens du camp de concentration, avec leurs personnalités, leurs manies, leur sadisme mais aussi leurs failles.
Entre les deux fenêtres, le portrait de son Führer, qui, c’est l’idée qu’il s’était forgée, lui avait conféré son
pouvoir. Presque, pas tout à fait, un pouvoir sans limites. Dominer les êtres, corps et âme, décider de la vie et de la mort, pas moins que cela. Des hommes adultes, pleins de force, que l’on fait aligner devant soi, et on peut les briser, vite ou lentement, leurs corps l’instant d’avant encore droits tombent à quatre pattes,
l’instant d’avant hardis, insolents, les voilà gris, balbutiant dans une angoisse mortelle.
Hommes, femmes et enfants de la campagne : un berger, deux fermes avec les occupants, hommes femmes et même les animaux. Franz et son vélo se trouve à cheval entre la campagne où vit sa famille et l’usine. Monde ouvrier. Solidarités entre militants ou simplement camarades de travail. Un médecin juif, un professeur et sa femme, une serveuse dans une auberge. Le plus souvent des braves gens.
Des braves gens, pas tous! Par opportunisme, pour sortir du chômage, ou fascinés par la force, certains ont rejoint les SA et les SS. Certaines familles sont divisées. Pour reprendre les évadés une nasse se déploie qui saura utiliser les complices, les faiblesses. Et quand les dénonciations ne suffiront pas, il faudra bien utiliser la terreur, arrêter les proches, parfaitement innocents, les piéger…
Liesel la sentait encore dans ses veines en ce moment. La peur qui n’a rien à voir avec la conscience, la peur
des pauvres, la peur de la poule devant le vautour, la peur des poursuites de l’État. Cette peur ancestrale
qui montre mieux que toutes les constitutions et les livres d’histoire de quel côté se place l’État.
On voit évoluer tous ces personnages dans leur cadre très bien évoqué. Images de brumes sur la campagnes, images ensoleillées. Scènes d’intérieur. Les personnalités sont fouillées, la vie quotidienne vivement décrite.
La lectrice est emportée d’un personnage à un autre. Elle suit la cavale de Georg Heisler, le personnage principal, le roman est un véritable thriller. qui s’en sortira. Les premiers seront rapidement attrapés, Belloni, le funambule tombera d’un toit même si c’est un spécialiste des salto. Füllgrabe se rendra, espérant que son geste lui gagnera la clémence.
La septième croix attend toujours Georg Heisler, tant qu’il ne sera pas repris les nazis seront en échec, ses camarades même incarcérés garderont espoir.
La fuite réussie de cet individu particulier détruira la légende de la toute-puissance des nazis.
Si l’auteure démonte les mécanismes de terreur, elle évoque aussi les solidarités ouvrières, la bonne volonté de ceux qui ne veulent pas être coupables, ceux pour qui l’hospitalité est une obligation humaine. Anna Seghers montre que même dans les heures les plus noires, un fond d’humanité demeure.
Nous sentions tous combien les puissances extérieures pouvaient atteindre l’homme, jusqu’au plus
profond de lui, mais nous sentions aussi qu’il y avait là, en lui, quelque chose d’inviolable et
d’indestructible.
Dans la postface Christa Wolf raconte comment ce livre écrit en exil a été publié en 1942, aux Etats Unis, en anglais avant de paraître en Allemand. Comment un film en a été tiré.
Après 1933, dispersée dans de nombreux pays, la littérature allemande socialiste assume le rôle qui lui
incombe : éclairer le peuple sur les raisons profondes de la catastrophe.
Je l’avais emprunté à la bibliothèque, mais ce n’était pas le bon moment pour le lire. Je le réemprunterai un jour.
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@Aifelle : il est gros et dense. Il faut être disponible
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je redis ce que j’ai dit à Sacha après le nazisme choisir le communisme ne me semble pas la solution , il faut dire que je viens de finir « Stasiland »
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Le fait de voter RN apres avoir voté pendant des années le PC est aussi surprenant.
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Deuxième billet aujourd’hui, je veux bien noter, mais il faut êtr disponible dans sa tête!
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Dense aussi par son ecriture ciselée. Nous l’avons étudié en 3e en Allemagne. Les descrptions permettent de bien situer les caractères des personnes. Un grand roman.
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Le film avec Spencer Tracy est édulcoré par rapport au livre.
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Quel plaisir d’avoir une lecture commune sur un tel livre ! Oui, il est dense et parfois complexe, mais si intéressant. J’aime beaucoup la façon dont tu cites les différents types de personnages (je suis resté plus général), ces familles désunies sur l’attitude par rapport au régime. On perçoit vraiment la terreur des proches (je pense à Liesel). Merci beaucoup pour cette nouvelle participation !
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Les livres ont parfois des histoires très romanesques. Celui-ci semble très intéressant, par le sujet qu’il traite, mais ce n’est pas le bon moment pour moi.
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Tu me donnes envie de lire ce roman. je vais le chercher en bibliothèque.
Je pensais que tu étais d’accord pour faire le bilan aujourd’hui. Comme j’avais oublié de le préparer, je viens juste de l’envoyer ce matin.
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@claudialucia : pour moi c’est prêt je t’ai envoyé par mail le brouillon pour correction éventuelle
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j’ai très peu lu Anna seghers contrairement à toi il faut que je m’y mette
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Patrice et moi m’avez convaincue, notamment en mentionnant les qualités romanesques de ce roman, et l’humanité qui perce malgré la noirceur de cette époque.
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