Le Musée Marmottan Monet invite des artistes contemporains à dialoguer avec les œuvres de Monet. Sécheret (né en 1957) qui peint souvent à
Trouville a fait se rencontrer deux tableaux de Monet : Camille à la plage et Sur la plage de Trouville avec une collection de ses œuvres
Cherchez Camille!
En face de cet accrochage, plusieurs grands tableaux avec les Roches Noires au premier plan montrent la lumière changeante de Normandie, les nuages toujours différents et à l’horizon Le Havre et ses installations portuaires
Dans le cadre toujours charmant du Musée Marmottan Monet se tient l’exposition thématique sur le Sommeil, point de chronologie ou d’école, les tableaux sont regroupés autour de différents thèmes.
Le sommeil dans la Bible: Les manuscrits enluminés avec la Création d’Eve pendant le sommeil d’Adam, Jean s’endort pendant la Cène sur l’épaule de Jésus tandis qu’en face les trois fils de Noé contemplent leur père endormi . On saute les siècles
La Pisana – Arturo Martini
Peinture et sculpture. Affalée endormie la Pisana occupe le milieu de la salle suivant. Rapide recherche sur le net, La Pisana est interdite de Facebook( raison pour moi de la montrer!) mais son auteur Martini était un sculpteur fasciste officiel (raison de la censurer). Dans une vitrine, de petite taille, un Rodin, un Maillol, très petit, très joli, et d’autres petits chefs d’œuvre comme un dessin de Matisse.
Gravures des petits formats de dessins plus ou moins célèbres, dans les célèbres, un Dürer, un Goya, plusieurs dessins de Victor Hugo, plus loin deux Picasso. Des illustrations des Contes de Perrault, Gustave Doré
Baillements de Beckmann
Hypnos et Thanatos
De nombreux tableaux évoquent le somnambulisme , dont un Courbet spectaculaire, une Ophélie dont j’ai oublié l’auteur. L’ensemble est assez déprimant. Les Préraphaélites ont été inspirés, pluie de coquelicots, pavots, inspirant le sommeil dans la toile d’Evelyn de Morgan
Evelyn de Morgan Nuit et Sommeil (1878)
Le Sommeil et les Rêves
Munch – autoportrait en somnambule
Evidemment, un livre de Freuddans une vitrine
John Faed – Le rêve du poète (dans le brouillard on distingue l’Acropole)
Beaucoup de belles choses dans cette exposition trop fourre-tout à mon goût mais qui m’a permis de voir des tableaux inattendus. En revanche, le détour par Marmottan m’a permis de découvrir un peintre Sécheret en dialogue avec Monet au sous-sol.
L’exploratrice c’est Alice qui a construit avec Zacharie Lorentun spectacle autour d’Internet.Seule en scène, avec quelques accessoires basiques : un écran, un smartphone, un micro et un siège, elle raconte son exploration dans le côté sombre d’Internet
« Dans le spectacle tout est vrai »
» C’est drôle et terrifiant »
Affirment ils dans une interview sur Facebook.
De liens en liens, Alice débouche chez les complotistes, les Qanon, les platistes, les complètement barrés.
Son monologue est prenant, elle semble essoufflée devant ces découvertes inattendues.
Le plus drôle c’est que c’est un lapin, avatar d’un de ses nombreux followers, qui lui envoie les liens vers des endroits les plus glauques, derrière le miroir. Un lapin, Alice, cela ne vous dit rien? Mais c’est vraiment son nom!
Le spectacle tourne encore la semaine prochaine au 104. Courrez -y !
Je suis toujours bluffée par la richesse et la sophistication de l’art japonais. Bluffée mais toujours un peu perdue « lost in translation ». Il me manque les codes, les mythes, la manière de lire, et bien sûr les textes.
Pour moi, jusqu’à hier les mangas c’était cela :
Dragon boy
Mes élèves étaient fous du Japon, fans de mangas et j’avais assimilé cet engouement à une culture adolescente d’âge collège qui ne me concernait pas. Petits albums à la couverture souple bon marché, dessins animés de Goldorak, je n’avais guère de curiosité pour les suivre. J’aurais dû!
mode manga
Au dernier pique-nique de Babélio, début septembre, au parc de Bercy, tout un défilé de jeunes gens et jeunes filles costumés en personnages de manga, m’avait interpellée. Perruques roses (ou cheveux teints), tenues militaires, débordements de dentelle ou attitudes stéréotypées, ils m’avaient fait flipper. J’ignorais l’existence d’une mode manga – décidemment j’ignore tout!
journal satirique
Plusieurs origines aux mangas actuels : la rencontre avec l’Occident vers 1850 quand le Japon s’ouvre et l’introduction de la presse satirique avec un Japan Punch, des caricatures et plus tard des bandes dessinées.
kamishibai : théâtre de papier
Une autre source des dessins animés actuels peut être attribuée au kamishibai : des histoires illustrées sur des cartons étaient présentées par des castelets dans des boites de carton pour les gamins des quartiers populaires.
Dans les années 30, norakoru, officier de l’armée des chiens était inspiré de Félix le chat américain et traduisait le militarisme japonais.
Tezuka Osamu avec la Nouvelle Ile au Trésor, Phenix et Astro Boy (1952) révolutionne la bande dessinée et plus tard le dessin animé en faisant entrer une mise en scène cinématographique dans les cases de la BD avec des plongées, zoom et gros plan
Le dynamisme du dessin, sa sophistication me surprend malgré que je n’y comprenne rien.
de Mizuki Shigaru j’admire la finesse des dessins. En regard l’exposition présente des estampes et dessins anciens de l’époque Edo.
album ancien XVIIIème siècle
On devine une belle continuité entre les manga, les estampes et œuvres anciennes
renarde
Il me manque aussi les clés des légendes et mythes anciens que les Japonais identifient d’emblée.
Les mangas sont très diversifiés, mangas pour les filles qui me laissent perplexes. La violence est moins fréquente mais sont-ils féministes? Une série met en scène Marie Antoinette à Versailles.
Admirative de la finesse des tracés, de l’inventivité des cadrages, il me reste encore beaucoup à voir avant de tenter de comprendre!
Troubetzkoy sonne vraiment russe ! Je le découvre italien, né en 1869 en Italie, enfant illégitime d’un diplomate russe et d’une mère américaine pianiste et chanteuse. Plutôt cosmopolite, dans son ascendance et dans sa carrière.
Milan (1886 – 1875)
Bugatti
Sa formation artistique se déroule à Milan où il fréquente les artistes anticonformistes
Moscou – Saint Pétersbourg (1897 – 1898)
Moscou – l’hiver, traineau Le tsar Alexandre III
En 1900, il remporte le concours pour la statue équestre du Tsar Alexandre III. Il rencontre Tolstoï
Moscou calècheTolstoï
1906 installation à Paris
Robert de Montesquiou
Il se promène au bois de Boulogne avec ses loups apprivoisés et fréquente les élites de la capitale. Il parfait le genre du portrait-statuette on découvre dans l’exposition les statuettes de Anatole France, Rodin, Bernard Shaw, Roland Garros aux commandes de son avion,
Anatole France
ainsi que de belles dames souvent en compagnie de leurs animaux familiers
la marquise Luisa Casati
j’ai bien aimé la série de danseuses
danseuses.
Troubetzkoy l’américain
Il fait plusieurs séjours aux Etats Unis (1911 – 1912 et 1914-1920)
Cow boys
Fasciné dès sa jeunesse par le Wild West Show de Buffalo Bill qui s’est produit à Milan en 1890 il représente cow boys et indiens
indien
Troubetzkoy et le monde animal
Comment pouvez-vous me manger?
Il représente volontiers les hommes ou les enfants en compagnie de leurs chiens et à la suite de Tolstoï ou Bernard Shaw s’est engagé pour la cause animale comme le montre le diptyque des dévoreurs de cadavres
Dévoreurs de cadavres
Strictement végétarien, Troubetzkoy s’éteint d’une grave anémie.
j’ai beaucoup aimé les bronzes de petits formats plus que les grands portraits . j’ai été surprise de lire que nombreuses statues proviennent du Petit Palais, je me propose de leur rendre visite quand l’exposition sera terminée.
Nathan Thrall journaliste américain – récompensé par le Prix Pulitzer 2024 enquête sur un fait divers : l’accident et l’incendie d’un bus scolaire le 16 février 2012 qui a conduit au décès de 7 personnes dont six enfants d’une école maternelle en sortie. Abed Salama est le père d’un petit garçon de 5 ans.
Cet essai de 400 pages( dont une quarantaine en annexe) et références très détaillées, sources officielles israéliennes, palestiniennes, des Nations Unies, journalistiques, entretiens…un travail approfondi et sérieux.
Ce n’est pas du tout un texte aride ou ennuyeux. Des chapitres présentent les personnages et leur histoire personnelle. il raconte une histoire qui commence avec la Nakba (1948) et l’histoire de la Palestine, Première Intifada(1987), Accords d’Oslo (1993), Seconde Intifada(2000-2002), avec. les violences et les incarcérations . Personnages palestiniens et israéliens, tous nommés, caractérisés avec leurs interactions. Un chapitre est consacré à la conception de la barrière de séparation, son inventeur, les arguments des différentes parties concernées.
Surtout, ce sont des personnages qui ont des vies diverses, des histoires d’amour, des mariages plus ou moins heureux, des carrières professionnelles ou politiques. Les chapitres s’entrelacent. Vie quotidienne compliquée par les checkpoints, où la couleur de la carte d’identité permettra ou interdira le passage. L’apartheid est régulé par la couleur de la carte. Heureux possesseurs d’une carte de couleur bleue qui permet l’accès à Jérusalem !
Ces 350 pages se lisent comme un roman. Au début, je n’avais pas compris qu’il s’agissait de véritables personnes et de leur vraie vie. C’est à la lecture des annexes que j’ai vu l’ampleur de la documentation du journaliste.
La tragédie a bien fait l’objet d’une enquête, de la recherche des responsabilités dans l’accident : négligences des chauffeurs du camion ou du car, indemnités. Le drame aurait-il pu être évité? Le tribunal a jugé.
Si des coupables furent désignés, personne — ni les enquêteurs, ni les avocats, ni les magistrats — ne pointa les causes véritables de la tragédie. Personne n’évoqua le manque chronique de classes à Jérusalem-Est, qui avait conduit de nombreux parents à envoyer leur progéniture dans des écoles de Cisjordanie très médiocrement encadrées. Personne ne pointa non plus du doigt le mur de séparation et le système d’autorisations qui avaient contraint.
Personne ne fit remarquer qu’une seule et unique route par ailleurs très mal entretenue ne pouvait suffire au trafic routier palestinien nord-sud de la zone Grand Jérusalem-Ramallah. Et personne ne rappela non plus que les checkpoints étaient utilisés pour endiguer la circulation palestinienne et faciliter celle des colons aux heures de pointe. Personne ne releva que l’absence de services de secours d’ un côté du mur de séparation ne pouvait que conduire à une tragédie. Personne ne déclara que les Palestiniens qui vivaient dans la région de Jérusalem étaient négligés parce que l’État juif cherchait activement à réduire leur présence là où l’expansion d’Israël était la priorité des priorités. Et personne ne fut tenu de rendre des comptes pour tout cela
Le nom de Gustonne m’était pas inconnu; je l’avais rencontré à la Fondation Vuitton lors de l’exposition Nymphéas, les derniers Monet et l’Abstraction Américaineen 2018 CLIC
Guston détail du rouge au centre du tableau
Exposé avec Pollock, Rothko, De Kooning, et d’autres. Je me souviens d’un grand tableau rouge complètement abstrait. je l’ai retrouvé au Musée Picasso.
Avant de peindre des tableaux abstraits, dans les années 50, Guston a peint des grandes fresques murales, des tableaux variés, des œuvres militantes, et il est revenu à la figuration dans les années 70. C’est donc un plasticien très complet, une personnalité américaine marquante que j’ai eu le plaisir de découvrir au Musée Picasso.
Mother and Child (1930)
Philip Guston a tout à fait sa place au Musée Picasso. Mother and Child est exposé en regard de La Jeune fille au chapeau (1921) et les deux tableaux dialoguent parfaitement. On peut aussi noter des analogies avec De Chirico, Max Ernst A propos de Guernica, moins célèbre que celui de Picasso, Bombardement de Guston, traite des horreurs de la Guerre d’Espagne. Il est présenté à côté du cheval du célèbre tableau.
Bombardement (1937)
La construction de ce tableau rond est impressionnante. On perçoit au centre l’explosion de la bombe tandis que les avions nazis survolent la ville. Au premier plan le personnage au masque à gaz à silhouette de Superman et à la cape rouge symbolise-t-il la mort (ou je fais un anachronisme?)
Esquisse pour une fresque murale – Study for Queensbridge Housing (1939)
Murals 1931 dénonce le lynchage judiciaire de 9 afro-américains accusé à tort de viol. -La fresque fut détruite par un groupe de policiers. En 1932, des peintres muralistes mexicains José Clemente Oxoco et Siqueiras l’entraînèrent au Mexique pour réaliser des murals. L’exposition présente une vidéo de la restauration de la fresque de Morelia The struggle against Fascism, fresque de 100 m2 recouverte puis redécouverte et restaurée.
Au temps de l’Action Painting
1947 à Greenwich village, Philip Guston s’engage dans l’abstraction en compagnie de Pollock, Rothkoet de Kooning. Il fréquente également John Cage et Morton Feldman. De cette époque, il réalise aussi des portraits amusants, plutôt des caricatures. je reconnais Cocteau, Apollinaire, Diaghilev et Poulenc.
Philip Roth (1975)
Nixon Drawings
En 1969, il rencontre Philip Roth. A la même époque, il retourne au figuratif et fait toute une série de 73 dessins Poor Richard exposés en face des dessins de Picasso : Songes et mensonges de Franco (1937). A propos de Nixon, du Watergate, et de sa propriété de Kaye Biscayn. Les caricatures sont féroces. je remarque les occurrences fréquentes des lunettes carrées de Kissinger.
Poor Richard!
Je ne peux m’empêcher de penser à Mar-a-Lago de Trump, son golf, qui pourrait maintenant faire une série pareille, insolente et inspirée?
Philip Roth, de son côté a écrit Tricard Dixon et ses copains. Fuyant le scandale, Roth s’installe à Woodstock ainsi que Guston.
Un mandarin qui joue les crétins
Studio Landscape
En 1970, Guston abandonne l’abstraction; expose des personnages encagoulés, esthétique évoquant la bande dessinée. Cet abandon lui est reproché ce à quoi il répond:
Ses tableaux récents venaient résoudre la schizophrénie dont Guston se sentait affecté : « la guerre, les évènements américains, la violence dans le monde. Quel sorte d’homme étais-je donc, assis chez moi, lisant des magazines, m’indignant de ce qui passait, puis retournant dans mon atelier pour accorder un rouge et un bleu »
Autoportrait peignant dans son atelier
Le rose qu’il emploie est une sorte de provocation : il déclare que le rose est la couleur la plus vulgaire symbolisant la bêtise. Guston se représente coiffé de la cagoule du KuKluxKlan qui symbolise le mal. Etrange inversion qu’il compare à la situation d’Isaac Babel se retrouvant avec les cosaques instigateurs des pires pogroms.
La dernière salle de l’exposition : Un monde tragicomique montre un grand tableau Black Sea
Black Sea
Guston se souvient de ses origines. Né Goldstein à Montréal, d’une famille de Juifs d’Odessa dont est originaire Isaac Babel. La Cavalerie Rouge serait pour le peintre « une tragicomédie où les idéaux se fracassent contre les murs du réel dérisoirement prosaïque » l’énorme fer à cheval serait un monument à l’écrivain de la cavalerie rouge.
J’ai découvert un artiste dont je me sens (modestement) terriblement proche, entre Roth, Babel, Pollock et Rothko. Lutte anti-apartheid, fresques sociales. Musique de Cage. Toute une Amérique qu’on aimerait voir se lever contre les horreurs actuelles.
« A l’occasion du vingtième anniversaire de l’ouverture au public du MAC VAL l’exposition « Forever young » se tourne vers le futur : elle réunit 20 jeunes artistes pour quoi la rencontre avec le MAC VAL a constitué un moment pivot, un tournant dans leurs parcours artistique.
Fréquentation et compagnonnages sont peut être les maîtres-mots de ce projet. En effet, elles et Ils ont grandi près et avec le MAC VAL » (extrait du texte du commissaire de l’exposition)
…Proche voisinage. J’aime visiter le MAC VAL, où je me sens presque « chez moi » il y règne une ambiance amicale d’ouverture sur la ville de Vitry, sa population mélangée, le Street-Art dans les rues, le marché du samedi, et non loin, un collège où j’ai enseigné autrefois. Musée d’Art Contemporain très accessible. Ce qui est paradoxal. Pas de snobisme. Des visites guidées passionnantes.
Coco de RinneZ devant son autoportrait en Marylin de Warhol.
J’ai eu le grand plaisir d’échanger quelques mots avec la photographe Coco de RinneZ qui s’est « autoportraitisée » en Che Guevara, Basquiat, ElisabethII d’Angleterre, Frida Kalho, Basquiat, Bob Marley, Polnareff marquant ainsi les identités multiples dépassant les catégories de genre, de race, de culture.
Coco de RinneZ : autoportraitsCoco de RinneZ : autoportraits
je n’avais pas remarqué la série de peintures faciale. C’est Coco elle même qui me les a montrés. Encore plus de cosmopolitisme. Et cela va très bien à Vitry!
Mario D’Souza : Home away from Home
L’installation de Mario D’Souza est plus énigmatique : sur trois tapis fleuris l’artiste a disposé des tissus de couleur vive pliés, des cadres contenant des dessins, des oiseaux en bois, et des répliques de fruits exotiques. Devinette : d’où proviennent tous les objets? Un texte en sanscrit nous donne un indice : Mario D’Souza est né à Bangalore. Home awimpray from Home illustre-t-il l’exil ou le cosmopolitisme?
Dessins de Mario D’Souza : mains cueillant des fruits
Rebecca Topakian née à Vincennes nous transporte avec ses photos en Arménie d’où est originaire sa famille. Certaines sont imprimées sur de curieux supports en verre ou en pierre.
La chambre rouge de Maïlis Lamotte-Paulet (voir plus haut) est plus énigmatique. Quelle chambre a son sol en goudron? et ces parpaings emballés dans des sacs plastiques roses? Le rose fait girly, le rouge, bordel, bonbons, grenades et jus de fruit sur l’écran de télé, étonnent. Se trouve-t-on dehors ou dedans? Feuilletage des métaphores a dit le conférencier.
Agitatrice de Chadine Amghar
Agitatrice cette planche à repasser recouverte de Toile de Jouy? L’écharpe d’un club de foot marocain montre l’ambiguïté de cet accessoire normalement féminin, ambiguïté aussi de la double culture franco marocaine. Chadine Amghar détourne les objets ménagers ainsi que les trottinettes emballées dans du polystyrène : monument à la mobilité douce ou au contraire emballage de ces trottinettes décriées. La présence des pigeons est aussi contradictoire : les pigeons, comme les trottinettes sont des malaimés.
Jordan Roger : Burn them all
Le gentil château de conte de fées en céramique pastel suggère le Chateau de Disney. A première vue, il est bien enfantin et innocent. Si on le regarde mieux, il brûle des flammes de l’enfer. Des inscriptions assassines se découvrent ensuite. C’est une dénonciation de l’homophobie : des contes de Disney où les gays sont les méchants. Rejet même dans la famille de l’artiste qui lui a fait barrer le Roger de son nom.
Je n’ai pas pu étudier, photographier les autres installations. Dommage. A vous de faire le déplacement à Vitry!
Evidemment, il y a aussi les collections permanentes avec des œuvres nettement antérieures. Parmi les noms les plus connus Annette Messager, Agnès Varda, Etel Adnan…. et bien d’autres.
Tu m’as demandé récemment pourquoi je prétends avoir peur de toi. Comme d’habitude, je n’ai rien su répondre, en partie à cause de la peur que tu m’inspires, en partie parce que la motivation de cette peur comporte trop de détails pour pouvoir être exposée oralement….
1919, Kafka âgé de 36 ans adresse cette lettre d’une centaine de pages qui ne sera publiée qu’en 1952. Ce texte livre une histoire de sa vie, de sa famille, de ses tentatives de mariage. Je le lis après avoir visionné le film de Agnieszka Holland , Franz K. CLIC Cette lecture m’éclaire pour les scènes qui m’avaient étonnées comme celle de la cabine de bains, ou la rupture des fiançailles à Berlin;
« Tu ne peux traiter un enfant que selon ta nature, c’est-à-dire en recourant a la force, au bruit, à la colère,
ce qui, par-dessus le marché, te paraissait tout à fait approprié dans mon cas, puisque tu voulais faire de
moi un garçon plein de force et de courage. »
La première moitié adresse des reproches au père, elle analyse avec beaucoup d’insistance les rapports de force que le père a instauré:
« s’ensuivit que le monde se trouva partagé en trois parties : l’une, celle où je vivais en esclave, soumis à
des lois qui n’avaient été inventées que pour moi et auxquelles par-dessus le marché je ne pouvais jamais
satisfaire entièrement, sans savoir pourquoi ; une autre, qui m’était infiniment lointaine, dans laquelle
tu vivais, occupé à gouverner, à donner des ordres, et à t’irriter parce qu’ils n’étaient pas suivis ; une
troisième, enfin, où le reste des gens vivait heureux, exempt d’ordres et d’obéissance »
Il revient longuement sur ce thème de l’obéissance et des ordres iniques qui l’ont complètement inhibé.
« par ta faute, j’avais perdu toute confiance en moi, j’avais gagné en échange un infini sentiment de
culpabilité (en souvenir de cette infinité, j’ai écrit fort justement un jour au sujet de quelqu’un : « Il craint
que la honte ne lui survive »
La deuxième moitié de la lettre m’a beaucoup plus intéressée. Il s’interroge sur sa position vis à vis du judaïsme, du judaïsme de son père et du sien. Avec beaucoup d’humour il associe l’ennui éprouvé à la synagogue et celui au cours de danse.
« Je passais donc à bâiller et à rêvasser ces heures interminables (je ne me suis autant ennuyé, je crois, que plus tard, pendant les leçons de danse) et j’essayais de tirer le plus de plaisir possible des quelques petites diversions qui s’offraient, comme l’ouverture de l’arche d’alliance, laquelle me rappelait toujours ces baraques de tir, à la foire, où l’on voyait également une boîte s’ouvrir quand on faisait mouche, sauf que c’était toujours quelque chose d’amusant qui sortait… »
Il évoque aussi son activité littéraire, non pas tant l’acte d’écrire que la réception de ses œuvres par son père. Dans cette lettre, il analyse les raisons de sa recherche d’émancipation dans le mariage mais aussi les raisons des échecs. Il évoque aussi ses études, mais toujours dans la même optique de la peur de l’échec, même s’il passait sans difficultés dans la classe supérieure.
Ce texte permet de mieux connaître l’écrivain qui se livre de manière très intime parfois très douloureuse comme cette métaphore du ver de terre
« Là, je m’étais effectivement éloigné de toi tout seul sur un bout de chemin, encore que ce fût un peu à la
manière du ver qui, le derrière écrasé par un pied, s’aide du devant de son corps pour se dégager et se
traîner à l’écart. »
En surfant sur Internet j’ai trouvé plusieurs podcasts ICI ou vidéo-youtube de lecture de la Lettre au père, et je compte bien les écouter en me promenant. Kafka ne me lâche pas en ce moment!
Certes, l’auteure est française, le livre écrit en français, mais Kafka est un grand littérateur de langue allemande, je pense que ce livre a sa place dans les Feuilles Allemandes!
Lu d’une traite, ou presque, à la sortie du film Franz K. d’Agnieszka Holland. La figure de Kafka rôde, présence en filigrane, référence familière. Figure très floue parfois quand j’ai vu Les Deux Procureurs de Loznitsa qui m’a rappelé Le Procès avec ces couloirs, ces portes fermées, ces gardiens énigmatiques, mais attention les procès staliniens sont datés de 1937 alors que Franz Kafka est décédé en 1924. Référence intemporelle.
« Kafka est un mort-vivant : il était mort de son vivant, il vivra après sa mort. » (p41)
J’irai chercher Kafka de Léa Veinstein est une enquête littéraire. L’écrivaine, qui a consacré sa thèse à Kafka, part, en Israël, à la sortie du confinement, voir les manuscrits et enquêter sur les manuscrits de Kafka.
Car, suivre ces morceaux de papier c’est se plonger dans un espace où le réel piège la fiction, la moque ; c’est se plonger dans un temps à la fois précis et éternellement retardé, divisé, un temps élastique comme celui des Mille et Une Nuits. Ces manuscrits vont connaître les autodafés nazis, se cacher dans une valise pour fuir Prague vers Tel-Aviv, être revendus à une bibliothèque en Allemagne, être scellés dans des coffres-forts en Suisse. Et comme pour défier les nuances, ils vont se retrouver au cœur d’un procès long de presque cinquante ans, un procès dont le verdict citera le Talmud et concédera que le tribunal est incapable de répondre à la seule question qu’il aura eu le mérite de poser : à qui appartient Kafka ? (p.21)
Ces manuscrits ne devrait pas exister : Max Brod a désobéi à l’ordre de Kafka de tout brûler après sa mort. Non seulement il a collecté, réuni, lettes, notes, manuscrits de roman, mais il les a sauvés, a traversé l’Europe pour les emmener en Palestine loin des autodafés nazis. Et même arrivés à Tel Aviv, l’histoire ne s’arrête pas. C’est cette histoire que raconte le livre.
pourquoi suis-je là, pourquoi suis-je persuadée de venir ici rencontrer Kafka alors qu’il n’a jamais que
posé son doigt sur la carte à l’endroit de ce pays qui n’existait pas encore au moment où il est mort
8 jours passés à Tel Aviv et Jérusalem, très chargés d’émotion que l’écrivaine nous fait partager. A travers des prétextes très triviaux, Kafka surgit quand on s’y attend le moins. Un choucas perché, mais c’est Kafka bien sûr!
Le nom de famille Kafka, écrit avec un -v-, signifie choucas en tchèque, et Franz a plusieurs fois signifié qu’il prenait cette descendance très au sérieux. Dans les Conversations avec Gustave Janouch, on trouve cet échange : – Je suis un oiseau tout à fait impossible, dit Kafka. Je suis un choucas – un « kavka ».
Un chauffeur de taxi rend un faux billet de Monopoly : méditation sur authenticité posée par Kafka
Et si Kafka continuait à me provoquer? Tu veux jouer? Au Monopoly maintenant? Alors jouons. (p.35)
Un rat pendu dans une exposition d’Annette Messager, encore une rencontre kafkaïenne!
Au cours du voyage Lé Veinstein fit référence à Valérie Zenatti, écrivaine que j’aime beaucoup, Nicole Krausse et son livre Forêt Obscure dont je note le titre, une poétesse israélienne Michal Govrin…
Le Procès des manuscrits de Kafka est l’objet du voyage, Léa Veinsteinrencontre les avocats qui ont plaidé, l’un Eva Hoffe, l’héritière de Max Brod, qui compte disposer des manuscrits comme elle le souhaite, les vendre aux enchères, y compris à un musée allemand. L’autre pour la Bibliothèque d’Israël, et derrière la Bibliothèque il y a l’Etat d’Israël qui considère que Kafka lui appartient.
En 2011, avant que le premier verdict ait été rendu, la philosophe américaine Judith Butler signait un
texte important dans la London Review of Books, intitulé « Who Owns Kafka ? »
Et cette controverse va très loin
l’idée est de rassembler tout le judaïsme en Israël, pas seulement les personnes physiques. Ils ont « récupéré » des tableaux de Chagall à Paris, ou encore des fresques peintes par Bruno Schulz, rapportées ici par des agents du Mossad. C’est un projet politique et symbolique. Or Kafka fait partie de cet héritage. Il devait physiquement être amené ici. (p.240)
Le Procès, tout à fait kafkaïen, Léa Veinsteinl’écrit avec une majuscule, ou plutôt les procès puisque ils iront jusqu’à la Cour Suprême , vont durer jusqu’en 2018. Deux ans après le verdict, les documents sont à la Bibliothèque nationale à Jérusalem.
Et Kafka dans cette histoire? L’écrivaine est très nuancée là-dessus. d’ailleurs la volonté de Kafka étaient que les manuscrits soient brûlés.