Mission Dakar-Djibouti – Contre-enquêtes – Musée du Quai Branly

Exposition temporaire jusqu’au 14 septembre 2025

L’expédition Dakar-1934Djibouti (1931-1933) dirigée par Marcel Griaule, ethnologue. 11 scientifiques ont traversé 15 pays et ont rapporté des milliers d’objets et spécimens naturalistes…On peut remettre en perspective cette expédition avec l’Exposition coloniale de Paris en 1931. 

L’Exposition du Quai Branly présente de nombreux objets, masques ou objets de la vie quotidienne documentant les cultures traditionnelles censées disparaître sous l’effet de la colonisation. Une calebasse, une herminette, un métier à tisser ou un panier traditionnel ayant pour les ethnologues autant de valeur qu’une sculpture, poteau sculpté ou un masque.  

Instruments de musique

On pourrait se contenter de déambuler parmi les vitrines, lire les cartels, être dépaysé par les coutumes, les formes…les matières. Admirer les calebasses gravées, décorées, deviner les usages.

 

 

Les Contre-enquêtes offrent une perspective nouvelle en questionnant les Méthodes et pratiques d’acquisition dans le contexte colonial. Le succès apparent de la mission a été terni par les méthodes controversées d’acquisition  avec des preuves de vol, de saisie d’achats avec tromperie. 

Mama Whita (2018) Delphine et Elodie Chevalme

Les papiers peints, de style Toile de Jouy apporte un contrepoint en donnant une image du rapport de domination des autorités coloniales sur les indigènes. Achats, dons, échanges ne pouvaient s’envisager sereinement. Des vidéos documentent les Contre-enquêtes menées au Bénin, à Dakar, au Mali ou à Djibouti. 

la cinéaste Alice Diop rend compte de l’une des ses enquêtes.

Les nouveaux enquêteurs ont pris le temps d’interroger les descendants des dignitaires qui auraient vendu/cédé/offert des objets. Le récit montre comment les sages n’auraient jamais donné des objets au très fort pouvoir symbolique et religieux qu’ils conservaient avec grand soin et utilisaient dans des cérémonies. Seule la contrainte explique qu’ils s’en soient séparés

Gris-gris

D’autres contre-enquêtes ont été menées à propos d’objets du quotidien : tabouret offert à la mariée, panier pour fumer le lait de chamelle, métier à tisser. Les ethnologues des années 30 n’avaient pas toujours pris le temps d’établir une fiche détaillée sur les usages de ces objets destinés selon eux à être remplacés par des artefacts occidentaux, plus pratiques, moins chers. Les contre-enquêtes ont souvent retrouvé de tels objets qui subsistent encore et compris à quoi ceux-là servaient. Le métier à tisser, les soufflets de forge, eux sont utilisés uniquement par de très vieux artisans qui ne transmettront plus les techniques aux jeunes « trop dur », pas rentable économiquement.

J’ai beaucoup apprécié les vidéos des contre-enquêtes qui se placent dans la perspective de restitution des œuvres mal acquises. A ce propos, le film Dahomey de Mati Diop raconte le retour de certaines à Cotonou . J’ai un moment confondu Mati Diop et Alice Diop. ICI ma chronique du film avec sa bande-annonce. 

Beauté de ces objets, photos anciennes, et aussi le livre de Michel Leiris L’Afrique Fantôme (1934) que je note dans mon pense-bête….Une visite intéressante. 

La Part de l’Ombre – sculpture du SO du Congo au Quai Branly

Exposition temporaire jusqu’au 10 avril 2022

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Dans cette exposition : masques et statues de bois.Les masques sont splendides.

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Bois et pailles, textiles aussi. Ils sont portés par les hommes même si la figure est féminine. Le plus souvent ils sortent à l’occasion d’initiation des jeunes hommes .

masque féminin portant un plateau de nourriture : masque mendiant
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On reconnait ici un homme blanc : un missionnaire

Certains statues font l’objet de cultes plus discrets, à l’occasion de l’élection d’un chef on voit aussi des statuettes présentées en couple. Souvent l’homme est un musicien, la femme présente une maternité

L’homme tambourine, la femme porte son enfant sur sa hanche et de l’eau sur la tête
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statue faîtière sur un toit

Certains statues sont des fétiches, investies d’un pouvoir magique parfois guérisseur, il existe aussi des objets anti-sorcellerie Njinda.

Encore un couple musicien/maternité
les piquants suggèrent un caractère agressif
Pourquoi le personnage est-il entravé?

En conclusion : une très belle exposition très intéressante aussi avec des données historiques

Dans le ventre du Congo – Blaise Ndala – Le Seuil

LIRE POUR L’AFRIQUE

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Récit où résonnent  les voix de deux jeunes femmes, Tshala, princesse Bakuba, en 1958 et Nyota, sa nièce quarante cinq ans plus tard. Les deux récits s’entremêlent de Bruxelles à Kinshasa (Léopoldville) et au Kasaï. Sauts dans la chronologie, sauts entre le Congo et la Belgique, voix des narratrices qui s’adressent à des interlocuteurs pas toujours reconnaissables, j’ai eu beaucoup de mal à me retrouver dans ce roman touffu écrits de longues phrases et gros paragraphes.

Puis je me suis laissé emporter dans la découverte du Congo et de la colonisation belge, de son Indépendance, et des suites de la décolonisation. Histoire racontée non pas par les politiques ou des historiens mais par de très jeunes filles – princesses, très conscientes de leur beauté et de la noblesse de leurs origines. C’est un roman très riche en personnalités et en évènements. Il essaie d’épouser la complexité des protagonistes. Pas de manichéisme, le méchant banquier colonialiste se révèle généreux. Le critique le plus acerbe de la colonisation est un anthropologue blanc. Le jeune footballeur qui ne pense qu’à sa carrière dans un prestigieux club britannique lance une action collective contre le racisme dans les stades….

Le sujet est bien sûr, la dénonciation du colonialisme belge, exploitant les richesses du Congo avec une cruauté et un cynisme éhonté. Dénonciation du racisme qui a permis de montrer un véritable zoo humain : le village congolais à l’Exposition Universelle de 1958 à  Bruxelles (celle de l’Atomium). Ce racisme perdure dans les stades quand certains spectateurs accueillent les sportifs avec des bananes et des cris de singes. Rôle aussi important de la musique, rumba congolais…

Histoire de femmes convoitées qui doivent se défendre dans un monde dangereux.

J’aurais aimé en apprendre plus sur Patrice Lumumba, et son assassinat, sur Mobutu aussi. Les deux hommes politiques font des apparitions furtives mais si je veux en savoir plus sur l’histoire de la République Démocratique du Congo, j’ai juste une chronologie de 3 pages en épilogue.

J’ai fait un beau voyage, pas facile mais passionnant!

 

Beauté Congo 1926-2015 à la fondation Cartier

LE MONDE EN EXPOS 

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Très belle exposition à la Fondation Cartier (Bld Raspail) regroupant de nombreux peintres, photographes et sculpteurs congolais de 1926 à 2015.

beauté congo fondation Cartier 003 Les styles ont beaucoup évolué du temps de la colonisation où les premiers artistes dessinaient plutôt des motifs animaliers naïfs jusqu’à nos jours.

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beauté congo fondation Cartier 011Dans les oeuvre les plus récentes, les  couleurs flashent, la critique sociale et politique se fait plus violente, les photos sont sophistiquées.

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De grandes maquettes occupent la salle en sous sol, tout à fait originales.

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Lire pour l’Afrique (Congo) -Mémoires de porc-épic – Alain Mabanckou

Voyager pour lire/ Lire pour Voyager

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Le porc-épic est vraiment très peu « politiquement correct » ? D’abord, il ignore la ponctuation (ou tout au moins les points et les majuscules). Ensuite, c’est un assassin ! Ce récit se lit d’un trait. Il nous transporte dans un univers étrange et ensorcelé, où des doubles mystérieux, pacifiques ou nuisibles, peuplent discrètement le village africain.  Monde animal et humains interfèrent par des liens  puissants et magiques. Porc-épic est aussi un témoin curieux des occupations des hommes qu’il côtoie.

Cette lecture enchantée m’a fait voyager.

Mémoire de porc-épic – Prix Renaudot 2006 – POINTSP1742 229pages

Pièces d’Identités – film congolais de Dieudonné NGANGURA Mweze 1998

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Pourquoi écrire sur un film Africain qui n’est plus distribué dans les salles?

-Justement pour qu’on le demande!

Le vocable d' »identité » a résonné bizarrement en moi en notre époque sarkozyste… j’avais pensé passeport, visas, contrôles policiers…
Identité française???

Et bien non!

D’abord, le film est tourné en Belgique. Congolais ou belge? Là n’est pas non plus la question! Aussi exotiques que les fêtes africaines, les costumes traditionnels, masques et autres, la gueuze qui se consomme sans modération, l’atomnium et les décors bruxellois.Le politiquement correct n’a pas contaminé les soirées trop arrosées des anciens colons qui dégoisent des propos ouvertement racistes mais non pas empreints de nostalgie de leur jeunesse.Un roi de village Mani Kongo fait, le voyage à la recherche de sa fille Mwana étudiante, tout du moins le croit-il, perdue de vue. Il arbore son costume traditionnel de roi, casque de perle et bâton sculpté. Ce sont ses pièces d’identité. Première surprise pour moi!personnage en costume folklorique, le bon sauvage(?), je crains le pire. les bons sentiments, les affreux colons personnifiés par un commissaire de police de caricature qui humilie la jolie jeune fille africaine trop naïve. Trop facile! Opposition noir et blanc? Trop facile encore.
le film est beaucoup plus nuancé. Chaque personnage révèle sa part d’ambiguïté, les bons et les méchantssont répartis dans chaque camp. La naïve Amanda sort de prison, elle a convoyé de la drogue ou des faux papiers. Son ancien ami, un sapeur « tout est dans la marque » que le roi africain qualifie de « mal habillé » est un petit maquereau minable. Que dire du faux chauffeur de taxi, faux congolais, vrai métis, vrai délinquant. De l’étudiante qui a perdu tout contact avec l’Afrique et qui s’est inventé des ancêtres dans un cimetière bruxellois? Les piliers de bistro du Katanga ne sont peut être pas aussi « noirs », leur attachement à l’Afrique est lui aussi ambigü…amour dévoyé. Les bonnes sœurs, en revanche, ne sont pas épargnées, ni les travailleurs sociaux. Que dire du « Père blanc », africain noir de peau qui expulse Mani Kongo de force du foyer lui intimant l’ordre de prendre l’avion le jour même? quand au contraire le commissaire de police lui permet de se renflouer et le réconforte.Par de là des personnages secondaires attachants, les décors d’une Belgique folklorique, les images d’archives de l’Exposition Universelle et de l’Indépendance du Congo donnent une dimension moins anecdotique. Anecdote : le Roi des Belges se fait voler son épée au cours des cérémonies d’indépendances. Scène en miroir des pièces d’identité du roi Mani Kongo!