La vie sans fards – Maryse Condé

C’est la suite de Le Cœur à rire et à pleurer qui racontait l’enfance de Maryse Condé, son arrivée à Paris pour y faire de brillantes études, sa découverte d’Aimé Césaire et Frantz Fanon et son engagement politique. Elle délaisse ses études pour fréquenter les cercles antillais et africains. 

Le journaliste haïtien, Jean Dominique l’a abandonnée enceinte pour faire la Révolution à Haïti à la veille de l’élection de Duvalier. Maryse Boucolon, en 1956 accouche d’un petit garçon et part au sanatorium de Vence guérir un début de tuberculose.  après avoir mis le bébé en nourrice. 

Chargée de famille, elle doit subir l’opprobre réservée aux filles-mères

« Mieux vaut mal mariée que fille « 

Elle se trouve un mari africain, Condé, comédien guinéen qui l’épouse en 1958. Au bout de 3 mois, ils se séparent mais Maryse est à nouveau enceinte. 

« Ce mariage avait relevé ma honte »

En 1959 elle est affectée au collège de Bingerville en Côte d’Ivoire. Elle part seule avec son fils, et enceinte. Escale à Dakar, puis Abidjan. En fait de Négritude elle découvre que les Antillais sont mal vus par les Africains, ayant servi de fonctionnaires coloniaux

« ils nous traitent de valets tout juste bons à exécuter la sale besogne de leurs maîtres »

Maryse Condé, « sans fards » ne se donne pas le beau rôle. Elle n’éprouve aucune vocation à enseigner.  Elle ne cherche pas de prétexte politique à son expatriation. Malgré ses lectures enthousiastes de Senghor, elle ne tombe pas sous le charme de l’Afrique. Elle arrive pourtant dans un moment passionnant, juste avant les Indépendances, fréquente des meetings mais ne comprend pas la langue.

« En Côte d’Ivoire , j’éprouvais le sentiment qu’une nouvelle Afrique s’efforçait de naître. une Afrique qui ne se fierait qu’à ses seules forces. Qui se débarrasserait de l’arrogance ou du paternalisme des colonisateurs. J’éprouvais le douloureux sentiment d’être tenue à l’écart. « 

Même la fête de l’Indépendance le 7 Aout 1960, elle est exclue.

Elle rejoint Condé, son mari, à Conakry avec ses deux enfants

De toutes les villes où j’ai vécu, Conakry demeure la plus chère à mon cœur. J’y ai compris le sens du mot « sous-développement ». j’ai été témoin de l’arrogance des nantis et du dénuement des faibles »

Elle assiste au « socialisme africain » de Sékou Touré.

Guinée était le seul pays d’Afrique francophone à se vanter de sa révolution socialiste.

 Elle découvre aussi une société musulmane, séduite par l’appel du muezzin. Toujours mal acceptée par ses proches, elle  ne fait aucun effort pour « s’intégrer », ni à apprendre le Malenké, ni à porter des pagnes. D’ailleurs à quoi bon?

« Peu à peu, je comprenais qu’il ne suffisait pas d’apprendre à parler le malenké, mais qu’il fallait surtout apprendre à considérer le monde comme composé de deux hémisphères distincts, celui des hommes et celui des femmes. »

Pourtant, elle demande la nationalité guinéenne. Elle obtient un poste de professeur de Français dans un collège. Fréquente des intellectuels et des révolutionnaires, Hamilcar Cabral, le Cap-Verdien, Louis Gbehanzin, un prince béninois. Le socialisme de Sekou Touré s’avère bien inégalitaire

Chaque jour davantage, la société se divisait en deux groupes, séparés par une mer infranchissable de
préjugés. Alors que nous bringuebalions dans des autobus bondés et prêts à rendre l’âme, de rutilantes
Mercedes à fanions nous dépassaient transportant des femmes harnachées, couvertes de bijoux, des
hommes fumant avec ostentation des havanes bagués à leurs initiales.

Culte de la personnalité, pénuries, surtout répression politique sévère

« le « complot des enseignants ». Il est à déplorer qu’ils aient fait l’objet de très rares publications. Ils constituent le premier crime organisé sur une grande échelle par le régime de Sékou Touré. Ce fut une véritable purge qui tenta d’abord d’éliminer l’ennemi Peul, mais s’attaqua aussi à tous les patriotes. »

A Conakry, elle ne parvient plus à subvenir aux besoins de ses quatre enfants . Elle va partir, à Dakar puis au Ghana à Accra, plus prospère mais toujours socialiste accueillant divers militants étrangers Freedom fighters. Avec un « garant révolutionnaire », elle va obtenir un bon poste d’enseignante. Elle se heurte encore au machisme qui va jusqu’au viol. Culte de la personnalité 

« Cependant, l’élément le plus frappant de cet ensemble architectural était une gigantesque statue de
Kwame Nkrumah, un livre à la main. Elle était sise au mitan de la place du même nom, car Winneba était
le lieu d’un culte de la personnalité tel que je n’en avais jamais imaginé. »

Au centre  de Winneba, où elle enseigne, visite de Malcom X et de Che Guevara

« En effet, sitôt que j’eus mis le pied à Winneba, je compris que j’eus été parachutée dans une Afrique
entièrement différente de celle où j’avais vécu et où je n’avais pas ma place : celle des puissants et de ceux
qui aspiraient à le devenir. »

Un coup d’état va la chasser du Ghana, elle est emprisonnée comme espionne et expulsée.

Séparée de Condé, elle vit une histoire d’amour avec un avocat séduisant sans avertir son mari. « Sans fards »

« Épouse menteuse, épouse infidèle, épouse adultère, je ne lui rendais pas l’existence facile. Il était évident
que, moi aussi, je le détruisais. »

Les passions, les amours, les relations plus ou moins consenties ne font pas de l’héroïne un personnage très sympathique. j’ai parfois du mal à la suivre, surtout quand elle disperse ses enfants, les confie à des étrangers…

En revanche, le récit est passionnant si on s’intéresse à cette période des Indépendances Africaines. De Dakar à Conakry, Acra, Abomey et même Lagos, elle a parcouru l’Afrique et rencontré révolutionnaires, intellectuels, écrivains.

Un autre aspect est le livre d’apprentissage : comment la mère de famille devient une écrivaine?

C’est à Londres qu’elle atterrit, expulsée du Ghana qu’elle devient journaliste et se fait apprécier à la BBC. Elle retourne à l’Université étudier l’histoire du colonialisme et la sociologie du développement. 

« Un soir après le dîner, alors que les enfants étaient endormis, j’attirais à moi la machine Remington verte que j’ai gardée pendant des années, sur laquelle j’ai rédigé les deux volumes de Segou »

Ses allers-retours en Afrique ne sont toujours pas terminés. Maintenant j’ai compris pourquoi la Guadeloupéenne a écrit Segou et pourquoi l’Afrique est présente même dans les romans antillais. 

A lire et à relire, rien que pour toutes les références littéraires, une PAL entière de littérature africaine, de Sembene à Soyinka, Senghor, Fanon et tant d’autres. A relire aussi en même temps que ses romans inspirés de ses expériences….

Ségou t.2 – La Terre en miettes – Maryse Condé

MARYSE CONDE

Ségou la terre en miettes

1863 – Ségou est islamisée mais les intrigues et rivalités s’y trament encore

tous les pays musulmans voisins, des médiateurs s’étaient proposés pour mettre fin à la querelle entre
Toucouleurs et Peuls. En vain. Et Ségou était l’un des enjeux de ce conflit.

les rois Bambaras sont défaits et contraints de quitter la ville .

Le bon peuple de Ségou s’assembla devant le palais d’Ali Diarra pour voir brûler les fétiches. Comme c’était la deuxième ou troisième fois qu’une opération de ce genre se produisait, il n’était guère ému, sachant que les fétiches se rient du feu, même de celui d’Allah.

Les Traoré, musulmans ou fétichistes, ont perdu la proximité avec le pouvoir politique des Diarra mais la concession reste prospère avec ses champs cultivés par des esclaves. Elle reste l’aimant qui va attirer les descendants dispersés des fils de Dousika à travers l’Afrique de l’Ouest : Omar, le fils de Mohamed, à la recherche de son père et Dieudonné, le fils d‘Olubunmi, recueilli sur le fleuve par des français. Fils sans pères, déboussolés accueillis comme des fils prodigues dans la concession des Traoré. De sangs mélangés de Peul, Bozo ou même marocain, l’appartenance au clan Traoré les renvoie à l’identité bambara.

El-Hadj Omar resta seul. Pendant un moment, il lui sembla qu’il ne savait plus pourquoi il combattait. Les
premières années, tout était clair. Il fallait purifier et rénover l’islam, rendre la chaleur et la virulence à une foi qu’affaiblissaient les querelles de clans et les oppositions entre provinces. Il fallait convertir les païens, leur mettre sur les lèvres la phrase sublime : — Il n’y a de Dieu que Dieu ! Mais, à présent, que se passait-il ? Voilà qu’au nom des nationalismes, des résistances s’organisaient ! Les hommes défendaient leurs territoires, leurs dynasties, leurs parentés et n’acceptaient pas qu’à l’est du fleuve Sénégal s’étende un même empire dont le souverain serait Dieu. Beau rêve si difficile à réaliser ! Idéal que rendaient inaccessible la petitesse et la
mesquinerie des esprits ! Mohammed lui-même avait été dans l’incapacité de comprendre cela !

Dans ce livre les conflits nationaux divisent l’unité illusoire que la croyance commune en l’Islam aurait fédéré.

Sur la côte, à Saint Louis du Sénégal, la colonisation française s’organise

Alors que Saint-Louis, avec l’abolition de l’esclavage, périclitait, un gouverneur énergique débarquait, animé du grand dessein de doter la France d’un empire colonial en Afrique de l’Ouest, qui avait fait ses preuves en Algérie : Faidherbe.

Dieudonné, recueilli avec ses frères par des français va à l’école française. L’armée française recrute des africains dans ses rangs, certains attirés par l’aventure, d’autres par des honneurs illusoires, tous se laissent corrompre par l’alcool abondant dans les cantines militaires.

Si, les premiers temps, les Français étaient partout accueillis avec une curiosité tolérante, la révolte s’était vite déclenchée contre eux. C’est que, après des simulacres d’accord avec les anciens, ils s’appropriaient les terres, forçaient à cultiver des plantes dont on ne voyait pas l’utilité et à tracer des routes qui ne menaient nulle part.

Pour asseoir leur pouvoir, les Français utilisent les rivalités entre les ethnies, arment les uns contre les autres, vendent les fusils efficaces contres lances et arcs traditionnels. Dans leur rivalité contre le pouvoir musulman intégriste Toucouleur, les Bambaras rêvent d’acquérir des armes modernes.

Omar, musulman, rêve d’unité contre les incirconcis français. Il prend même la tête d’une armée qui le prend pour le madhi

Nous sommes un. Un. Qu’il n’y ait plus ni Peul, ni Toucouleur, ni Bambara, ni Sonraï, ni Bozo, ni Somono, ni Sarakolé, ni Malinké, ni Dogon, ni Arma, ni Touareg. Nous sommes un. Ces terres sont nôtres. Et le Blanc, ses
canons, ses canonnières et son cheval de fer est un intrus qui doit partir.

les canonnières auront raison des remparts de Ségou.

Loin de Ségou, les descendants des esclaves brésiliens revenus en Afrique, christianisés,  à Lagos les descendants de Naba (le fils razzié lors d’une chasse au lion). Eucaristus, le pasteur,  a épousée la descendante jamaïcaine des esclaves marrons et eut un fils Samuel. Samuel a rêvé de la révolte des marrons qui n’ont jamais accepté l’esclavage. Il parvient en Jamaïque. Désillusion!

Ma première lecture de Ségou, il y a une vingtaine d’année avait mis la lumière sur les coutumes africaines, les peuplements, le mode de vie. les guerres récentes au Mali qui s’étendent maintenant aux états voisins donnent un intérêt renouvelé à cette histoire.

Ségou -t.1 Les Murailles de terre – Maryse Condé

LECTURE COMMUNE EN HOMMAGE A MARYSE CONDE

C’est une relecture. Lu avant le premier voyage au Bénin. J’ai repris ce livre avec les souvenirs de nombreux voyages où se déroulent l’histoire et les développements géopolitiques actuels.

Une saga familiale

Ségou est au Mali sur les bords du Niger appelé ici Joliba. 

La saga de la famille de Dousika Traoré commence à la fin du XVIIIème siècle avec l’arrivée d’un blanc qui ne sera pas admis dans les murs de la ville. Dousika est un noble bambara, fétichiste, bien en cour, père de quatre fils. 

Son aîné, Tiekoro, se convertit à l’Islam et part étudier à Tombouctou. Son père ordonne à son frère Siga, fils d’une esclave, de l’accompagner. A Tombouctou, les deux frères ne sont pas bien accueillis. Tiekoro, musulman et lettré, devra faire ses preuves. Siga, rejeté par son frère, devient  ânier, puis gagne la confiance d’un marchand, qui l’envoie à Marrakech et Fès où il apprend les techniques des tanneurs et des maroquiniers. Il y rencontre Fatima, une mauresque, qu’il enlève pour l’épouser et fonde une famille. Sans rancune, il héberge Tiekoro et sa femme Nadié quand il vivra un revers de fortune

Le troisième fils, Naba, est razzié au cours d’une chasse et vendu comme esclave. Nous le retrouvons à Gorée, jardinier d’une signare, baptisé Jean Baptiste. Il suit une jeune esclave Ayodélé/Romana, au Brésil.  Elle lui donne trois enfants mais il va mourir mêlé à une rébellion. Romana rachète sa liberté et retourne en Afrique au Dahomey. Les Brésiliens (anciens esclaves au Brésil, catholiques ayant pris des noms brésiliens) forment une classe sociale très respectées à Ouidah. C’est là qu’aboutit après une longue errance le plus jeune fils : Malobali. Confondue par sa ressemblance avec Naba, Romana l’épouse….Olubunmi leur fils arrivera à Ségou, et la boucle sera bouclée.

Si vous avez peur de vous égarer dans tous ces personnages et ces noms, un arbre généalogique est prévu! Il n’est pas nécessaire, chacune des histoires se présente presque indépendante, l’une de l’autre. C’est un plaisir de suivre toutes ces aventures.

Géographie et histoire : 

Ségou, la ville et ses palais, est le centre du roman. C’est une ville commerçante, animée. Son roi, le Mansa, est au nœud des alliances et des équilibres politiques entre différentes ethnies, Bambara, mais aussi Peules et plus loin Touaregs, Haoussas. La conquête musulmane est au centre de l’histoire. Au début du roman, les musulmans ont déjà quelques mosquées à Ségou mais ils sont minoritaires. La 5ème partie du livre s’intitule « Les Fétiches ont tremblé » , le roi fait appel à une faction musulmane pour en combattre une autre. On voit plusieurs courants, plusieurs confréries,  certaines rigoristes combattant les plus tièdes. Le Djihad est en marche.

Du côté de la Côte Atlantique, catholiques européens mais aussi Brésiliens et protestants britanniques ou africains se livrent une belle concurrence. Les intérêts marchands et coloniaux sont transparents sous le prétexte religieux.

L’esclavage est aussi un thème fort du roman. Les esclaves sont partout. Pas seulement la Traite Atlantique racontée dans les pérégrinations de Naba et de Romana de Gorée au Brésil puis à Ouidah où on croise un curieux personnage, riche commerçant négrier Chacha. Cependant, les esclaves sont partout, du Maroc à Ségou. Esclave, la mère de Siga et Sira, la Peule, prise de guerre, concubine. A Ségou, des esclaves travaillent dans le champs, dont on ne parle pas. 

Maryse Condé n’a pas oublié les femmes, les mères et la plus majestueuse Nya. Elle n’en fait pas des objets de convoitise et de désir des hommes bien qu’ils se comportent souvent en prédateurs et violeurs. Chacune a sa personnalité, sa fierté même si , deux fois, cela aboutit à la solution affreuse de se jeter dans un puits. 

Maryse Condé est une merveilleuse conteuse qui m’a embarqué sur près de 500 pages qui se tournent toutes seules. Attention, roman d’aventure addictif!

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L’autre moitié du soleil – Chimamanda Ngozi Adichie,

LIRE POUR L’AFRIQUE (NIGERIA)

Chimamanda Ngozi Adichie est l’auteure d’Américanah que j’ai beaucoup aimé. Le soleil du titre fait référence au soleil ornant le drapeau du Biafra

drapeau du Biafra

Qui se souvient de la guerre du Biafra (1966-1970), guerre civile meurtrière? Aux massacres ethniques s’ajouta une terrible famine orchestrée par le pouvoir Nigérian soutenu par les britanniques, les soviétiques, égyptiens…ligués contre les sécessionnistes Igbo. A l’époque, je n’avais rien compris des enjeux géopolitiques et économiques (le territoire du delta du Niger recèle des gisements pétroliers importants).

Imagine des enfants aux bras comme des allumettes, Le ventre en ballon de foot, peau tendue à craquer. C’était le kwashiorkor – mot compliqué, Un mot pas encore assez hideux, un péché.

je me souviens des images d’enfants dénutris au ventre gonflé et aux membres squelettiques. 

Une carte n’est superflue pour suivre le roman

L’autre moitié du  soleil raconte donc ces évènements du côté igbo. Nous allons suivre deux soeurs jumelles, filles d’un riche homme d’affaires Igbo. Olanna, belle, intellectuelle, vit avec un universitaire « révolutionnaire » autour de qui gravitent des intellectuels, des activistes.  Ugwu, le boy du couple,  treize ans au début de l’histoire, d’une fidélité sans faille, suit ses patrons dans leurs tribulations.  Kainene, moins jolie, mais d’un caractère bien trempé,  fait  fructifier les affaires du père à Port Harcourt, intérêts pétroliers, importations diverses. Son amant, un écrivain britannique,  essaie d’écrire un livre – sans succès -il se mettra au service du Biafra en rédigeant des articles dans la Presse anglophone. 

L’auteure fait vivre ces personnages et toute une société de domestiques, de voisins de villageois, de militaires avec une attention particulière pour les personnages secondaires.

L’histoire commence dans les années 1960. En 1966, un premier coup d’état met au pouvoir des militaires igbos, un second coup d’état militaire chasse les Igbos . Des massacres ethniques d’une ampleur inédite provoquent , en réaction la sécession du Biafra qui se constitue en état indépendant. La guerre civile tourne à la catastrophe quand le pouvoir nigérian organise un véritable blocus alimentaire et que des bombardements des nigérians et de leurs alliés britanniques, égyptiens., russes réduisent la région à des ruines.

Je suis entrée lentement dans cette lecture. Je n’ai été prise par le récit que vers le tiers de l’histoire. Les amours de l’écrivain britannique, les minauderies et les rivalités des deux soeurs m’ont d’abord agacées. Ces riches nigérianes avec leur accent britannique, leur éducation anglophone, leurs belles maisons avec domestiques ne m’ont pas accrochée de prime abord. Dès que la situation politique se tend et que le Biafra fait sécession, j’ai été happée par la tragédie.

Il y a deux réponses aux choses qu’on t’enseignera sur notre pays : la vraie réponse et celle que tu donnes à l’école
pour passer. Tu dois lire des livres et apprendre les deux réponses. Je te donnerai des livres, d’excellents livres. »
Master s’interrompit pour boire une gorgée de thé. « On t’enseignera qu’un Blanc du nom de Mungo Park a
découvert le fleuve Niger. C’est n’importe quoi. Notre peuple pêchait dans le Niger bien avant la naissance du
grand-père de Mungo Park. Mais le jour de ton examen, écris que c’est Mungo Park.

J’ai énormément aimé le personnage d’Ugwu, lien entre la population rurale avec ses traditions et l’élite universitaire. En grandissant, l’adolescent devient un acteur important de l’histoire et témoins de l’horreur:

Ugwu l’avait remercié et avait secoué la tête en réalisant que jamais il ne pourrait traduire cet enfant sur le papier, jamais il ne pourrait décrire assez fidèlement la peur qui voilait les yeux des mères au camp de réfugiés quand les bombardiers surgissaient du ciel et attaquaient. Il ne pourrait jamais décrire ce qu’il y avait de terriblement lugubre à bombarder des gens qui ont faim.

Quand j’ai refermé la dernière page, j’ai quitté ces personnages à regrets, j’aurais tellement aimé connaître la suite.