Relisons Antonine Maillet!

CANADA / NOUVEAU BRUNSWICK

Notre album photos des vacances 1998 au Nouveau Brunswick

Le meilleur hommage qu’on puisse faire à une autrice c’est de la relire, de la faire lire!

Je vous propose une lecture commune, disons à la fin mars pour laisser le temps de retrouver ses livres éparpillés dans nos bibliothèques.

Avec Pélagie la Charrette, Antonine Maillet a obtenu le Prix Goncourt

Mon préféré reste la Sagouine découverte sur place à Bouctouche, mis en scène dans la reconstitution de son village, avec l’accent (pas facile pour une parisienne, les Acadiens se sont bien moqués de notre français

 

La fille aux yeux d’or – Balzac

UN COURT ROMAN OU UNE LONGUE NOUVELLE?

Toute passion à Paris se résout par deux termes : or et plaisir.

Balzac fournit une mine inépuisables quand je suis en panne d’inspiration de lecture. Le titre m’a été suggéré par Proust.

Trois chapitres qui s’emboîtent :I.  Physionomies parisiennes, II. singulière bonne fortune, III. la force du sang. 

Paris, aucun sentiment ne résiste au jet des choses, et leur courant oblige à une lutte qui détend les passions : l’amour y est un désir, et la haine une velléité : il n’y a là de vrai parent que le billet de mille francs, d’autre ami que le Mont-de-Piété. Ce laissez-aller général porte ses fruits ;

La première introduit le personnage principal, Henri de Marsay le jeune homme qui a tout pour séduire et réussir. Il le replace dans la société parisienne analysée avec un humour acerbe. Je me suis beaucoup amusée dans ce chapitre.

De Marsay, aux Tuileries, se fait aborder par une charmante jeune fille

, ce qui m’a le plus frappé, ce dont je suis encore épris, ce sont deux yeux jaunes comme ceux des tigres ; un jaune d’or qui brille, de l’or vivant, de l’or qui pense, de l’or qui aime et veut absolument venir dans votre gousset ! 

Ces yeux de félins sont ceux de La Fille aux Yeux d’Or . Une fascinante jeune fille mais accompagnée d’une redoutable duègne espagnole. La Fille aux yeux d’or loge dans l’hôtel appartenant à Don Hijos, un Grand d’Espagne qui tient Paquita  enfermée sous la surveillance de sa duègne. Toute romance ne pourra être que clandestine. Il s’en suit une aventure rocambolesque et brûlante dans des décors exotiques et raffinés. 

Henri de Marsay sera-t-il digne de l’intérêt que Paquita lui porte, des risques insensés qu’elle encoure? Ce n’est pas sûr. peut-on le qualifier de fat?

Un fat qui s’occupe de sa personne s’occupe d’une niaiserie, de petites choses. Et qu’est-ce que la femme? Une petite chose, un ensemble de niaiserie

Le séducteur satisfait de sa personne mérite-t-il la passion que lui offre Paquita? passion ou désir? Travestissements, enlèvements, masques, tout y est!

A vous de lire la nouvelle si vous voulez connaître la réponse!

 

Bilan Marcel Proust : Le Temps Retrouvé

LECTURE COMMUNE A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU AVEC CLAUDIALUCIA

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Dix mois après le lancement de la lecture commune, nous avons réussi le défi de lire la Recherche (plus de 3000 pages quand même) il a fallu nous encourager mutuellement pour gravir ce sommet et nous sommes fières d’avoir enfin atteint le but. Plaisir du style, parfois agacement devant une société aristocratique pas spécialement sympathique. 

BILAN 7 / ALBERTINE DISPARUE ET LE TEMPS RETROUVE

Miriam

Le temps retrouvé Tansonville

https://netsdevoyages.car.blog/2024/12/12/le-temps-retrouve-tansonville/

Le temps retrouvé : Monsieur de Charlus pendant la guerre

https://netsdevoyages.car.blog/2024/12/19/le-temps-retrouve-monsieur-de-charlus-pendant-la-guerre/

Le temps retrouvé : Dans la bibliothèque du prince de Guermantes, méditation sur la mémoire et littérature

https://netsdevoyages.car.blog/2024/12/26/le-temps-retrouve-dans-la-bibliotheque-du-prince-de-guermantes-meditation-sur-la-memoire-la-litterature/

Claudialucia

Le temps retrouvé (1) Proust, Cendrars et Céline

https://claudialucia-malibrairie.blogspot.com/2025/01/marcel-proust-blaise-cendrars-celine-et.html

Marcel Proust : Le temps retrouvé (2)

https://claudialucia-malibrairie.blogspot.com/2025/01/marcel-proust-le-temps-retrouve-2.html

BILAN 6

Miriam

Marcel Proust : Albertine disparue

https://netsdevoyages.car.blog/2024/12/04/albertine-disparue-marcel-proust/

Claudialucia

Marcel Proust :  Albertine disparue

https://claudialucia-malibrairie.blogspot.com/2024/12/marcel-proust-albertine-disparue.html

 une lecture annexe : Le Lièvre aux yeux d’ambre d’Emund de Waal où j’ai trouvé un personnage ayant peut être inspiré Swann
les décors et les costumes des soirées des Guermantes ressemblaient-ils à ceux du film La Divine ?

Le Temps Retrouvé : Dans la bibliothèque du prince de Guermantes, méditation sur la mémoire, la littérature…

CHALLENGE MARCEL PROUST AVEC CLAUDIALUCIA

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Chacun des volumes composant la Recherche contient le récit d’une soirée parisienne, nous y retrouvons toute cette société du Faubourg Saint Germain. Le prince de Guermantes a fait construire un nouvel hôtel avenue du bois et la Princesse de Guermantes n’est autre que Madame Verdurin. Quelques nouveautés mais aussi permanence des souvenirs comme les pavés inégaux sur le chemin des jardins des Champs-Elysées pris autrefois, enfant, avec Françoise

« comme un aviateur qui a jusque-là péniblement roulé à terre, «décolle» brusquement, je m’élevais
lentement vers les hauteurs silencieuses du souvenir. Dans Paris, ces rues-là se détacheront toujours
pour moi en une autre matière que les autres. »

En route il croise Monsieur de Charlus accompagné par Jupien, après une attaque, le baron est assez pitoyable, aveugle, mais toujours entreprenant avec les jeunes gens. 

Un autre pavé inégal lui fait remonter tous ses souvenirs : la madeleine, les clochers de Martinville, les images de Combray et de Venise.

Le maître d’hôtel fait patienter le narrateur dans la bibliothèque pour ne pas interrompre le morceau de musique qui se joue au salon. Il y fait toute une méditation sur les souvenirs

« de la jouissance immédiate, chaque fois le miracle d’une analogie m’avait fait échapper au présent. Seul il avait le pouvoir de me faire retrouver les jours anciens, le Temps Perdu, devant quoi les efforts de ma mémoire et de mon intelligence échouaient toujours »

Et voici le Temps Retrouvé qui affleure par un jeu de mémoire :

je m’étais dit en cataloguant les illustrations de ma mémoire : « j’ai tout de même vu de belles choses dans ma vie

Et ce retour de la mémoire est une condition pour écrire.

Or, à toutes ces idées, la cruelle découverte que je venais de faire relativement au Temps qui s’était
écoulé ne pourrait que s’ajouter et me servir en ce qui concernait la matière même de mon livre.

Il poursuit sa méditation en réfléchissant sur la théorie littéraire


je sentais que je n’aurais pas à m’embarrasser des diverses théories littéraires qui m’avaient un moment
troublé — notamment celles que la critique avait développées au moment de l’affaire Dreyfus et avait
reprises pendant la guerre, et qui tendaient à «faire sortir l’artiste de sa tour d’ivoire», à traiter de sujets
non frivoles ni sentimentaux, à peindre de grands mouvements ouvriers, et à défaut de foules, à tout le
moins non plus d’insignifiants oisifs — «J’avoue que la peinture de ces inutiles m’indiffère assez», disait
Bloch — mais de nobles intellectuels ou des héros.

D’où la grossière tentation pour l’écrivain d’écrire des oeuvres intellectuelles. Grande indélicatesse. Une
oeuvre où il y a des théories est comme un objet sur lequel on laisse la marque du prix

La découverte dans la bibliothèque du prince d’un exemplaire de François le Champi le ramène à Combray, à son enfance, sa grand-mère qui aimait tant George Sand! 

Ayant conscience du Temps perdu de sa collection d’images, de sensations, de goûts…il va pouvoir écrire son livre!

Le Temps Retrouvé : Monsieur de Charlus pendant la guerre

CHALLENGE MARCEL PROUST AVEC CLAUDIALUCIA

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Le temps passe…. Nous avions quitté le narrateur juste après l‘Affaire Dreyfus. Puis aucun évènement notable ne m’avais permis de me situer dans le déroulement de l’histoire. Dix ans plus tard, en 1916, le narrateur revient à Paris en guerre.

« Le Louvre, tous les musées étaient fermés, et quand on lisait en tête d’un article de journal « une exposition sensationnelle » on pouvait être sûr qu’il s’agissait d’une exposition non de tableaux mais de robes »

Et voici Marcel Proust chroniqueur de mode! Voici qui est inattendu pour qui pensait aux faits d’armes . On raffole de la robe-tonneau, les hauts turbans cylindriques on remplacé les chapeaux fantaisie. Les controverses ont changé : la société ne se divise plus en dreyfusards/antidreyfusards. C’est maintenant le patriotisme  qui prime.

Autrefois,

les antipatriotes avaient alors le nom de dreyfusards. 

Il en était du dreyfusime comme du mariage de Saint-Loup avec la fille d’Odette, mariage qui avait d’abord fait crier. Maintenant qu’on voyait chez les Saint-Loup tous les gens « qu’on connaissait »

Le salon de Madame Verdurin artistes et musiciens étaient remplacés par les chroniques de guerre et surtout celles de M. Bontemps et ses « téléphonages ».

Même si le front est loin, la guerre se manifeste dans le ciel parisien :

« Avant l’heure où les thés d’après-midi finissaient, à la tombée du jour, dans le ciel encore clair, on voyait de loin de petites taches brunes qu’on eût pu prendre, dans le soir bleu, pour des moucherons ou pour des oiseaux. »

« Ainsi étais-je ému parce que la tache brune dans le ciel d’été n’était ni un moucheron, ni un oiseau, mais un aéroplane monté par des hommes qui veillaient sur Paris. Le souvenir des aéroplanes que j’avais vus avec Albertine »

La guerre à Paris, c’est aussi le retour des permissionnaires, soldats inconnus dans les rues, camarades comme Saint-Loup ou Bloch. Bloch très chauvin alors qu’il pensait être réformé pour myopie, antimilitariste quand il a été reconnu « bon » pour le service tandis que Saint-Loup retrouve les stratégies et tactiques étudiées à Doncières. Le liftier de Balbec s’est engagé comme aviateur.  Morel a disparu, déserteur. Quand à Gilberte, elle a gagné Tansonville pour y trouver les Allemands (je ne pensais pas qu’ils soient arrivés dans la région)

« Quand j’ai su mon cher Tansonville menacé, je n’ai pas voulu que notre vieux régisseur soit le seul à le défendre[…]grâce à cette résolution j’ai pu à peu près sauver le château »

Monsieur de Charlus, original et provocateur comme d’habitude, se distingue par sa germanophilie.

...lui, pense avec désespoir au mal qu’on peut faire au trône de François-Joseph. Il se dit d’ailleurs, en cela dans la tradition de Talleyrand et du Congrès de Vienne.

d’après Saint-Loup :

« L’ère du Congrès de Vienne est révolue, me répondit-il; à la diplomatie secrète il faut opposer la diplomatie concrète. Mon oncle est au fond un monarchiste impénitent à qui on ferait avaler des carpes comme Mme Molé ou des escarpes comme Arthur Meyer, pourvu que carpes et escarpes fussent à la Chambord. »

Ce point de vue aristocratique et suranné n’est pas du goût des patriotes qui croient deviner un espion comme Madame Verdurin

«vous dirai que dès le premier jour j’ai dit à mon mari: Ça ne me va pas, la façon dont cet homme s’est introduit chez moi. Ça a quelque chose de louche. Nous avions une propriété au fond d’une baie, sur un point très élevé. Il était sûrement chargé par les Allemands de préparer là une base pour leurs sous-marins. Il y avait des choses qui m’étonnaient et que maintenant je comprends. Ainsi au début il ne pouvait pas venir par le train avec les autres habitués. Moi je lui avais très gentiment proposé une chambre dans le château. Hé bien, non, il avait préféré habiter Doncières où il y avait énormément de troupe. Tout ça sentait l’espionnage à plein nez.»

Malgré la guerre, la vie sociale continue :

« Madame Verdurin continua à recevoir et M. de Charlus à aller à ses plaisirs comme si rien n’avait changé »

M. de Charlus prend de la hauteur au-dessus des ragots et des rengaines  patriotiques,  : pourquoi se plaindre de destructions de statues, la mort des jeunes gens est bien plus grave. 

La guerre est aussi pour Charlus l’occasion de rencontrer des personnages de toutes origines avec des uniformes variés. Paris devenait une ville

« aussi cosmopolite qu’un port aussi irréelle qu’un décor de peintre

Il se régale du passage des Sénégalais, orient de Delacroix ou des Mille et Unes nuits.

Une nuit, par un soir d’alerte, le narrateur échoue dans la Maison de Jupien, hôtel borgne fréquenté par des permissionnaires, des ouvriers. Il a la surprise d’y croiser le Baron de  Charlus qui vient s’y encanailler. Il y  rencontre des mauvais garçons ou tout au moins des garçons que Jupien présentent comme tels 

 «Un sadique a beau se croire avec un assassin, son âme pure, à lui sadique, n’est pas changée pour cela et il reste stupéfait devant le mensonge de ces gens, pas assassins du tout, mais qui désirent gagner facilement une «thune» et dont le père, ou la mère, ou la soeur ressuscitent et remeurent tour à tour en paroles, parce qu’ils se coupent dans la conversation qu’ils ont avec le client à qui ils cherchent à plaire.»

Ce qui se passe dans la maison de Jupien est tout à fait surprenant! M. de Charlus déclare

« je déteste le genre moyen, disait-il, la comédie bourgeoise est guindée. Il me faut ou les princesse de la tragédie classique ou la grosse farce. Pas de milieu Phèdre ou les Saltimbanques »

La nuit que raconte le narrateur nous change des soirées chez les Guermantes, Villeparisis ou chez Madame Verdurin!

 

Le Lièvre aux yeux d’ambre – Edmund de Waal – ed. libres Champs

CHALLENGE MARCEL PROUST

Le Lièvre aux yeux d’ambre est un netsuke, une petite sculpture  japonaise qui était parfois portée à la ceinture du costume traditionnel japonais. Au temps du japonisme, quand le Japon s’ouvrit à l’Occident, estampes, soieries, laques,  éventails faisaient fureur chez les collectionneurs et les impressionnistes. Charles Ephrussi fit l’acquisition de 264 netsukes. Plus tard, il offrit la collection comme cadeau de mariage à ses cousins  Ephrussi de Vienne. 

Edmund de Waal retrace l’histoire de sa famille, les Ephrussi – famille de négociants et banquiers juifs originaires dOdessa qui essaimèrent à travers l’Europe. Son fil conducteur est la collection des netsukes. 

Le nom Ephrussi m’évoquait plutôt la villa Ephrussi au Cap Ferrat CLIC 

Cette saga s’étale sur 7 générations.  Le patriarche a fait fortune à Odessa avec l’exportation des blés ukrainiens. La banque Ephrussi installe des succursales à Vienne et à Paris, les cousins se retrouvent en Suisse ou en Slovaquie. Puis après la seconde guerre mondiale, ils sont dispersés en Amérique, au Mexique et même au Japon. Pendant deux ans Edmund de Waal nous fait partager son enquête. Je l’ai suivi bien volontiers et j’ai dévoré ce livre. 

La première partie : Paris 1871-1899.  Leon Ephrussi s’installa en 1871 Rue de Monceau, non loin des hôtels particuliers de Rothschild, Cernuschi, Camondo dans le quartier bâti dans les années 1860 par les frères Pereire. Charles, le troisième fils n’était pas destiné aux affaires. Il acquis une solide culture classique et était un fin connaisseur d’art. Il semble qu’il inspira Proust pour le personnage de Swann. Charles Ephrussi et Swann ont de nombreux points communs surtout du point de vue de l’art. Comme le héros de la Recherche, il est collectionneur, il a écrit une monographie sur Dürer (pas sur Vermeer), il est membre du Jockey reçu chez les grands du monde. Charles Ephrussi fut un mécène des peintres impressionnistes : il figure debout coiffé d’un haut de forme noir dans le Déjeuner des Canotiers, achète à Degas Le départ d’une course à Longchamp, à Monet des Pommier, les Glaçons, une vue de la Seine . Les asperges d’Elstir sont de Manet…Comme les impressionnistes, il est séduit par le japonisme et exposera même les laques qu’il collectionne. Propriétaire du journal La Gazette il fait paraître 64 reproductions de tableaux que Proust va citer dans La Recherche.. Même avant l’Affaire Dreyfus, La Banque Ephrussi est la cible de l’antisémitisme, la faillite d’une banque catholique liée à l’Eglise me rappelle plutôt Zola et l’Argent. Drumont distille son venin dans La France Juive. Quand se développe l’Affaire Dreyfus, certains peintres comme Degas et Renoir, pourtant aidés par Ephrussi manifestèrent une hostilité ouverte contre son « art juif ». Pour Charles, certaines portes se ferment. 

Deuxième partie : Vienne 1899-1938

Le Palais Ephrussi à l’angle du Ring et de la Schottengasse est encore plus impressionnant que la demeure parisienne. J’ai le plaisir d’imaginer Freud qui loge à 400 m de là. l’auteur évoque aussi les cafés viennois, institutions littéraires. Toute la littérature autrichienne se retrouve dans le livre Karl Kaus, Joseph Roth, Schnitzler, Wassermann. La communauté juive est nombreuse mais à la veille du XXème siècle l’antisémitisme est aussi répandu et utilisé politiquement. Viktor Ephrussicomme Charles à Paris n’était pas l’héritier direct de la Banque, il a préféré les études classiques et c’était un jeune érudit préférant collectionner livres rares et incunables. Mais au décès de son père, il se retrouve homme d’affaires. 

J’ai aussi aimé croiser au hasard des pages mon écrivain-voyageur préféré : Patrick Leigh Fermor qui séjourna dans la maison de campagne slovaque de Kövesces

Troisième partie : Vienne, Kövesces, Turnbridge Welles, Vienne 1938-1974

La suite de l’histoire est connue, avec pour point final l’Anschluss. Alors que la jeune génération s’est dispersée hors d’Autriche le banquier Viktor peine à abandonner le Palais Ephrussi et sa banque. En une journée, il perdent tout. Edmund de Waal raconte l’odieux saccage, la spoliation systématique des tableaux, livres précieux, meubles et porcelaines. par miracle, les netsukes seront sauvés.

Quatrième partie : Tokyo 1947-1991

Il fallait bien que les netsukes et le japonisme conduise  l’auteur à Tokyo!

Epilogue : Tokyo, Odessa, Londres 2001-2009

En plus de la visite d’Odessa, les références littéraires pointent : la famille Efrussi est citée dans les livres d‘Isaac Babel.

J’ai donc lu ce livre avec un plaisir décuplé par les lectures récentes de la Recherche du temps perdu, mais aussi des expositions impressionnistes cette année du 150 anniversaire de l’Impressionnisme couplée à Giverny et à Deauville à des expositions japonisantes. Les lettres allemandes ont été l’occasion de revenir à Joseph Roth, Zweig…

Malheureusement je n’ai pas trouvé les netsukes dans le deuxième étage du musée Guimet où se trouvent les collections japonaises.

Le Temps Retrouvé – Tansonville

CHALLENGE MARCEL PROUST AVEC CLAUDIALUCIA

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Toute la journée, dans cette demeure de Tansonville un peu trop campagne, qui n’avait l’air que d’un lieu de sieste entre deux promenades ou pendant l’averse, une de ces demeures où chaque salon a l’air d’un cabinet de verdure, et où sur la tenture des chambres, les roses du jardin dans l’une, les oiseaux des arbres dans l’autre, vous ont rejoints et vous tiennent compagnie — isolés du moins — car c’étaient de vieilles tentures où chaque rose était assez séparée pour qu’on eût pu, si elle avait été vivante, la cueillir, chaque oiseau le mettre en cage et l’apprivoiser, sans rien de ces grandes décorations des chambres d’aujourd’hui où, sur un fond d’argent, tous les pommiers de Normandie sont venus se profiler en style japonais, pour halluciner les heures que vous passez au lit, toute la journée je la passais dans ma chambre qui donnait sur les belles verdures du parc et les lilas de l’entrée, sur les feuilles vertes des grands arbres au bord de l’eau, étincelants de soleil, et sur la forêt de Méséglise. Je ne regardais, en somme, tout cela avec plaisir que parce que je me disais: c’est joli d’avoir tant de verdure dans la fenêtre de ma chambre, jusqu’au moment où dans le vaste tableau verdoyant je reconnus, peint lui au contraire en bleu sombre, simplement parce qu’il était plus loin, le clocher de l’église de Combray, non pas une figuration de ce clocher, ce clocher lui-même qui, mettant ainsi sous mes yeux la distance des lieues et des années, était venu, au milieu de la lumineuse verdure et d’un tout autre ton, si sombre qu’il paraissait presque seulement dessiné, s’inscrire dans le carreau de ma fenêtre. »

 

 

l’église de combray

Ainsi commence ce dernier volume du Temps Retrouvé près de Combray. Le narrateur tient compagnie à Gilberte mariée à Robert de Saint-Loup et qui la trompe. Morel est aussi reçu à Tansonville

« Saint-Loup était flatté d’être aimé par Gilberte, et, sans oser dire que c’était Morel qu’il aimait, donnait pourtant sur l’amour que le violoniste était censé avoir pour lui des détails qu’il savait bien exagérés sinon inventés de toute pièce, lui à qui Morel demandait chaque jour plus d’argent. »

Le narrateur pose encore à Gilberte des questions sur l’homosexualité supposée d’Albertine. Sa jalousie n’aura donc jamais de cesse?

Je serais bien restée en leur compagnie plus longtemps à la campagne mais une grande digression me ramène dans le salon de Madame Verdurin.

Albertine disparue – Marcel Proust

CHALLENGE MARCEL PROUST AVEC CLAUDIALUCIA

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« Mais, ces mots: «Mademoiselle Albertine est partie» venaient de produire dans mon cœur une souffrance telle que je ne pourrais pas y résister plus longtemps. Ainsi ce que j’avais cru n’être rien pour moi, c’était tout simplement toute ma vie. Comme on s’ignore! Il fallait faire cesser immédiatement ma souffrance. »

Le narrateur pense d’abord à lui-même, à sa propre souffrance avant de se demander pourquoi Albertine l’a quitté. Il pense la faire revenir en envoyant de l’argent aux Bontemps. Il songe à commander pour elle, un yacht, une Rolls Royce,  peut-être faire quelques concessions.

«Ce retour, elle-même le désire sûrement; elle n’exige nullement cette liberté à laquelle d’ailleurs, en lui offrant chaque jour des plaisirs nouveaux, j’arriverais aisément à obtenir, jour par jour, quelque limitation. Non, ce qu’Albertine a voulu, c’est que je ne sois plus insupportable avec elle, et surtout — comme autrefois Odette avec Swann — que je me décide à l’épouser. »

Se précipite-t-il en  Touraine plaider sa cause? Pense-t-il emmener Albertine  à bord de la luxueuse Rolls Royce? Pas du tout, il délègue son ami Saint-Loup pour une démarche alambiquée auprès de sa tante. Démarche qui doit rester secrète et qui sera contrariée.

Au lieu de mettre tout en œuvre pour le retour d’Albertine, Marcel ne trouve rien de mieux que de séduire une petite fille pauvre et de lui remettre un billet de cinq cent francs ce qui va lui valoir des ennuis bien mérités.

« quand je résolus de vivre avec Albertine et même de l’épouser, c’était pour la garder, savoir ce qu’elle faisait, l’empêcher de reprendre ses habitudes avec Mlle Vinteuil. »

Et puis, sa jalousie, sa curiosité, son toujours aussi vives, il est obsédé par l’idée qu’Albertine a eu des relations avec des femmes. Il n’enquête pas lui-même mais délègue Aimé (le maître d’hôtel de Balbec) qui lui rapporte des ragots (une doucheuse de l’établissement de bains), puis une blanchisseuse en Touraine. Andrée lui fait des confidences bien contradictoires. Entre fantasmes et ragots, je continue à m’agacer.

Il aurait été si simple d’écrire à Albertine « Revenez! » Elle-même lui écrit :

« j’aurais été trop heureuse de revenir si vous me l’aviez écrit directement »

Finalement il se décide d’envoyer un télégramme. Ce télégramme venait de partir que le narrateur en reçoit un de Mme Bontemps:

« Mon pauvre ami, notre petite Albertine n’est plus. pardonnez-moi de vous dire cette chose affreuse, vous qui l’aimiez tant. Elle a été jetée par son cheval contre un arbre pendant une promenade »

Peu de temps plus tard, Marcel voit son salut dans l’oubli. Il avait bien oublié Gilberte, sa grand-mère, même. Il oublierait Albertine. Bien sûr d’abord il convoque ses souvenirs :

« Comment m’avait-elle paru morte, quand maintenant pour penser à elle je n’avais à ma disposition que les mêmes images dont quand elle était vivante je revoyais l’une ou l’autre: rapide et penchée sur la roue mythologique de sa bicyclette, sanglée les jours de pluie sous la tunique guerrière de caoutchouc qui faisait bomber ses seins, la tête enturbannée et coiffée de serpents, elle semait la terreur dans les rues de Balbec; les soirs où nous avions emporté du Champagne dans les bois de Chantepie, la voix provocante et changée, elle avait au visage cette chaleur blême rougissant seulement aux pommettes que, la distinguant mal dans l’obscurité de la voiture, j’approchais du clair de lune pour la mieux voir et que j’essayais maintenant en vain de me rappeler, de revoir dans une obscurité qui ne finirait plus. »

Mais rapidement, il se console. Il ne reconnait même pas à la première rencontre   Gilberte, devenue Mademoiselle de Forcheville. Il fantasme sur cette jeune femme croisée dans la cour des Guermantes. La lectrice s’interroge, retombera-t-il amoureux? Et bien non! Occasion de replacer Gilberte dans la société des Guermantes. Du vivant de Swann, jamais Odette et Gilberte n’avaient eu l’honneur d’être présentées à la Duchesse de Guermantes, pourtant amie de Swann. Oriane s’était fait une gloire de ne pas les fréquenter. Depuis qu’Odette a obtenu le titre de noblesse de Forcheville, Gilberte est devenue fréquentable…Hypocrisie de ce grand monde : Gilberte, par son père, est un très bon parti qui fera un beau mariage.

Le voyage à Venise est bien décevant : préparé avec soin, du vivant d’Albertine, tout était prêt, même les horaires des trains. C’est avec sa mère que le narrateur voyagera. J’attendais des merveilles. Depuis le début de la Recherche, Marcel se régale d’architectures byzantines, depuis l’église de Balbec! Voici qu’ils rencontrent les inénarrables Norpois et Madame de Villeparisis et nous infligent leur compagnie terriblement ennuyeuse.

Etrange péripétie : un télégramme signé Albertine parvient à Venise. On n’y croit guère.

La dernière partie du roman semble conclure le cycle de la Recherche, avec des mariages très inattendus : Robert de Saint-Loup et Gilberte (très riche héritière , la nièce (fille?) de Jupien, protégée de Charlus, épouse le fils de Cambremer. Le Faubourg Saint Germain s’encanaille-t-il? Le Côté de chez Swann a rejoint le Côté de Guermantes. Une nouvelle facette de la personnalité de Saint-Loup se découvre..

Il reste encore un volume: le Temps Retrouvé que nous réservera-t-il?

 

 

A la Recherche du Temps Perdu – Récapitulation 5 – La Prisonnière

LECTURE COMMUNE AVEC CLAUDIALUCIA

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Le narrateur a embarqué Albertine à Paris. En l’absence de sa mère partie  à Combray , il cache la jeune fille dans son appartement sous bonne garde (Françoise et le chauffeur de la voiture). Ma proustolâtrie plonge. Je m’agace de ces manières. Je cherche à comprendre comment Albertine supporte cette situation. Comme Proust ne peut s’empêcher de fréquenter les Guermantes et les salons mondains, il nous livre une nouvelle version d’une soirée chez Madame Verdurin

La Prisonnière – Marcel Proust – Emprise, jalousies et mensonges.

La Prisonnière : mais qui est donc Albertine?

La Prisonnière : Une soirée musicale chez madame Verdurin

 

Proust, roman familial – Laure Murat

Claudialucia nous offre 5  billets très très bien illustrés

vous découvrirez la mode et les robes de Fortuny avec ce premier article https://claudialucia-malibrairie.blogspot.com/2024/11/le-jeudi-avec-marcel-proust-la.html

les bruits de la rues, les cris de Paris :  citation que j’avais envie également envie de mettre en avant https://claudialucia-malibrairie.blogspot.com/2024/11/normandie-calvados-caen-exposition-le.html

Etude de personnage – Marcel https://claudialucia-malibrairie.blogspot.com/2024/11/marcel-proust-la-prisonniere-marcel-1.html

Etude de personnage Albertinehttps://claudialucia-malibrairie.blogspot.com/2024/11/marcel-proust-la-prisonniere-albertine-2.htmlhttps://claudialucia-

le mythe de Pygmalion  : malibrairie.blogspot.com/2024/11/marcel-proust-la-prisonniere-le-mythe.html

Keisha devait nous rejoindre mais a renoncé.

Si vous avez d’autres liens déposez les ici!

Rendez-vous le mois prochain avec Albertine disparue

La Prisonnière : Une soirée musicale chez madame Verdurin

LECTURE COMMUNE : A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU AVEC CLAUDIALUCIA, KEISHA….

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Quand le narrateur n’est pas occupé à traquer les sorties d’Albertine, quand il n’est pas en train de deviner les mensonges de la Prisonnière. (Comment s’évader sinon élaborer des subterfuges?)  Il s’accorde une soirée  chez les Verdurin.

Je retrouve la verve mondaine de Proust et la lecture s’anime. 

la force de Mme Verdurin, c’était l’amour sincère qu’elle avait de l’art, la peine qu’elle se donnait pour les
fidèles, les merveilleux dîners qu’elle donnait pour eux seuls, sans qu’il y eût des gens du monde conviés.

Madame Verdurin qui réunit musiciens et poètes, peintres et artistes, a convié le violoniste Morel, le protégé du Baron de Charlus, pour interpréter une œuvre inédite de Vinteuil. Monsieur de Charlus, de son côté a convié toute une clique Faubourg Saint Germain curieuse d’écouter le violoniste et les nouveautés musicales mais méprisant les habitués du salon Verdurin. Conforté par son succès mondain, et le succès de Morel, Charlus se montre particulièrement odieux. Familiarité avec le personnel :

Il a une figure drôlette, ce petit-là, il a un nez amusant et, complétant sa facétie, ou cédant à un désir, il abattit son index horizontalement, hésita un instant, puis, ne pouvant plus se contenir, le poussa irrésistiblement droit au valet de pied et lui toucha le bout du nez en
disant : « Pif ! » « Quelle drôle de boîte », se dit le valet de pied, qui demanda à ses camarades si le baron
était farce ou marteau. « Ce sont des manières qu’il a comme ça, lui répondit le maître d’hôtel (qui le
croyait un peu « piqué », un peu « dingo »), mais c’est un des amis de Madame que j’ai toujours le mieux
estimé, c’est un bon cœur.

Charlus ne se contente pas de facéties et de provocations,

Ce qui perdit M. de Charlus ce soir-là fut la mauvaise éducation – si fréquente dans ce monde – des personnes qu’il avait invitées et qui commençaient à arriver . Venues à la fois par amitié pour M. de Charlus, et avec la curiosité de pénétrer dans un endroit pareil, chaque duchesse allait droit au baron comme si c’était lui qui avait reçu, et disait juste à un pas des Verdurin qui entendaient tout : « montrez-moi où est la mère Verdurin … »

La vengeance de Madame Verdurin sera cruelle.

Cette soirée mémorable est aussi un grand moment musical. Le narrateur reconnait la phrase musicale de la sonate de Vinteuil (celle de Swann et Odette)

Mais c’est le petit chemin qui mène à la petite porte du jardin de mes amis X… ; je suis à deux minutes de
chez eux », et leur fille est en effet là qui est venue vous dire bonjour au passage ; ainsi, tout d’un coup, je
me reconnus, au milieu de cette musique nouvelle pour moi, en pleine sonate de Vinteuil ; et, plus
merveilleuse qu’une adolescente, la petite phrase, enveloppée, harnachée d’argent, toute ruisselante de
sonorités brillantes, légères et douces comme des écharpes, vint à moi, reconnaissable sous ces parures
nouvelles.

La suite est un bonheur d’écoute de cette musique à la fois nouvelle et familière. Poésie champêtre des fleurs, chèvrefeuilles et géraniums blancs, matin d’orage empourpré, rose d’aurore. Proust nous transporte. Il nous emmène à Combray. Il décrit ensuite les instrumentistes, le violoncelliste, la harpiste, et bien sûr Morel et sa mèche faisant boucle sur le front.

Les mondes  qu’avait crées Vinteuil le ramènent à son amour pour Albertine ou plutôt à ses velléités à l’aimer.

Malgré ma mauvaise humeur, j’ai trouvé de belles pages!