Finistère – Anne Bérest – Albin Michel

Finistère m’a accompagnée pendant ce dernier voyage en Bretagne, comme Cézembre d‘Hélène Gestern aux vacances précédents autour de Saint Malo. J’aime que mes lectures fassent surgir des personnages dans les lieux que je découvre. J’ai aussi beaucoup aimé la Carte Postale. 

Toutefois, Finistère évoque les origines bretonnes de l’autrice du côté paternel mais ne se déroule que partiellement en Bretagne. Seul le livre I (1909 -1939) se passe à Saint-Pol-de-Léon et met en scène les deux Eugène, son arrière – grand-père et son grand-père. 

Le premier, en 1909 organisa le syndicat rural du Léon à la suite d’une nouvelle exigence des négociants concernant le transport des pommes de terre et des légumes

Cet autodidacte s’était très tôt pris de passion pour un mouvement politique et idéologique appelé Le
Sillon, qui appartenait à une gauche chrétienne soucieuse de marier les idées de la République, la foi
catholique, et les ouvriers agricoles.

A la suite du boycott des syndiqués par les négociants, Eugène fonda une coopérative agricole : La Bretonne. Et La Bretonne devint toute sa vie. 

Son fils Eugène, né en 1922, portait tous les espoirs de son père. Il le destinait  à reprendre la direction de la coopérative et faire du Léon une grande région de paysans organisés, un modèle politique et social pour toute la France. Il lui donna une éducation exemplaire, marchant avec lui pour d’instructives promenades, l’emmenant au bureau de la coopérative et lui apprenant tout ce qu’il devait savoir pour y travailler.

Eugène, le fils, n’avait qu’une idée en tête : aller au collège, à l’institution Notre-Dame -du Kreisker. Excellent élève, il brille dans les humanités, latin et surtout grec. Toutefois, les études dans cette institution catholique n’offre pas une ouverture d’esprit, même Homère est censuré. L’Odyssée, offert comme cadeau de Noël est une véritable découverte.

Si j’avais cherché un guide touristique de la Bretagne, j’aurais été déçue. Une balade dans Quimper avec l’immeuble Kodak et le garage de l’Odet seront les seules curiosités. En revanche, j’ai été dépaysée par le Noël breton 1937 :

Pour tenir les enfants éveillés, on leur racontait des légendes anciennes. On leur disait que pendant la
messe de Noël, quand tout le monde est à l’église, les animaux des fermes conversent entre eux dans la
langue des humains. – Quand sonnent les cloches, la mer se retire et la ville de Kir-Is réapparaît, révélant
la vie qui l’animait autrefois. – Alors, les menhirs sortent de terre pour aller boire dans les ruisseaux. Les
enfants poussaient des cris de peur qui étaient aussi des cris de joie.

Eugène-fils, n’ira pas au Séminaire comme ses professeurs l’espéraient. Inscrit en hypokhâgne à Henri IV, non sans mal, et mesure la différence entre l’enseignement classique parisien et celui des curés de Saint-Pol-de-Léon. Il découvre l’action politique en participant à une manifestation honorant le 11 novembre alors que les autorités de Pétain (ou les Allemands) avaient supprimé cette commémoration. Puis il participe à des actions de résistance. Après l’échec au concours de Normale supérieure, et pour fuir le STO, Eugène entre en clandestinité. Après son mariage , professeur de français,  s’installe à Brest.

Le livre III commence en 1968 « Portrait de mon père en jeune homme », comme son père, Pierre découvre l’action politique au Lycée avec les comités d’action lycéens à la suite d’une émission à la télévision où Marguerite Duras et Romain Goupil évoquaient l’organisation de comités d’action. 

Il faut que, dans chaque lycée, s’oppose au pouvoir administratif la volonté organisée des élèves. Dans
chaque lycée, il faut construire le comité d’action représentatif.

Par les comités d’action, Pierre va entrer en contact avec les communistes prêts à l’action avec du matériel militant : une ronéo pour les tracts et la lectrice découvre « Brest la Rouge ». C’est le temps des comités Vietnam

Comme son père, Pierre va tenter sa chance à Paris en classe préparatoire, à Louis le Grand et justement c’est mai 68. Il vient de se faire recruter par la JCR et cela restera le grand secret de Pierre….

L’évocation de mai 68 et des années suivantes est très vivante et m’a beaucoup intéressée.

Cette exploration de la branche paternelle de sa famille s’entrelace avec une très belle relation père/fille alors qu’elle découvre la maladie de son père. La lutte contre le cancer rend plus urgente ces recherches. Les chapitres relatant des évènements anciens alternent avec ceux qui se déroulent de nos jours. C’est très émouvant.

A lire donc, en Bretagne ou ailleurs.

Erquy

SUR LA ROUTE DE PORT BLANC A SAINT MALO

le Port d’Erquy vu d’en haut

Erquy ou Cap Fréhel?

Les deux sont très fameux mais risquent d’être bondés en ce dimanche de juin par beau temps.

Erquy est une station balnéaire construite autour de son port et de sa plage. Les maisons s’étagent à flanc de colline et l’urbanisation s’étend presque en limite de la Zone Naturelle. De grands parkings sont aménagés au sommet du rocher mais nous préférons descendre à la mer. Une rangée de terrasses des  restaurants s’aligne près du port. Nous piqueniquons devant la plage. Des baigneurs en maillots sont à l’eau. J’aurais été mieux avisée de les imiter. Plus tard la mer descendra très loin, libérant un estran caillouteux.

Grès rose d’Erquy

Près du port,  une série d’escaliers de bois à la base de la falaise permet d’accéder au cap.  Jolie surprise : un petit lac se trouve au pied d’un  mur rocheux, le front de taille d’une ancienne carrière de grès. Le grès rose d’Erquy est très apprécié. Un peu plus loin, des engins de carrière sont disposés près du sentier : une benne remplie de cailloux et on distingue un rail sur la petite anse de galets

La promenade se déroule d’abord dans les pins et une végétation méditerranéenne. les Hélichryses jaunes rappellent même la Corse. puis on arrive dans une lande rase avec des ajoncs en fleur et des bruyères rose vif.

le cap d’Erquy est parcouru de nombreux sentiers piétonniers avec de nombreux piétons cet après-midi de dimanche. Chacun va se percher sur un petit piton ou un amoncellement de blocs.

La géologie d’Erquy est intéressante : le Grès blanc ou rose rubané s’et formé il y a 470 Millions d’années. On trouve aussi du volcanisme très ancien 600 MA avec des filons de dolérite (310MA) et des diorites 580 MA.

Du plateau on a une vue jusqu’au Cap Fréhel – spectaculaire!

Nous comptions ensuite suivre le littoral et voir les Stations de Saint Cast, Saint Briac et Saint Lunaire. Des travaux sur le Pont de Lancieux nous bloquent le passage. Nous traversons deux fois le village de Matignon, sommes déviées et passons enfin le barrage de la Rance

Etape à Guingamp

SUR LA ROUTE DE PORT BLANC A SAINT MALO

Château de Pierre II –  Guingamp

Nous sommes passées nombreuses fois sur la RN 12 tout près de Guingamp. Pressées d’arriver après le long trajet, nous n’avons jamais  fait le détour. Cette première visite est donc une découverte.

Le château de Pierre II est actuellement en réfection. Il fut fondé en 1034.

L’arpenteur de Cyrille André est une curieuse statue contemporaine métallique d’un homme qui porte un nuage ; périodiquement la pluie se déclenche. Pas spécialement beau mais amusant.

La Rue Saint Jacques et ses escaliers montent à la grande église N.D. de Bon Secours. Curieusement les façades triangulaires s’accumulent accolées à une tourelle ronde et à une haute nef. Faisant le tour de l’église, je passe devant beau porche qui s’ouvre sur une rue étroite, puis une autre entrée. je suis désorientée. Beaux décors Renaissance, thème récurrent de la coquille. Un ruban court sur une partie de la façade.

Détail du porche

Curieuse, je pousse la porte, timidement, c’est la messe. L’église est pleine, je me retire aussi doucement que possible.

Fontaine Plomée

La grande place rectangulaire est bordée d’intéressantes façades, certaines à pans de bois, d’autres recouvertes d’ardoise. Une fontaine à figures de plomb dans deux vasques superposées domine de sa hauteur des jeux d’eau très contemporains, petits miroirs d’eau, jets qui surgissent du sol le long de la promenade. Plus bas une autre place héberge un Bambi géant, Sitis d’Alain Leboile. Je suis peu fan de l’univers Disney que m’évoque le faon. 

Le guide Gallimard recommande la visite de couvents et chapelles. Aujourd’hui, dimanche l’Office de Tourisme est fermé. Faute de plan, j’écourte la visite. J’aurais bien flâné sur les bords du Trieux .

Nous avons trouvé notre pique-nique dans une boulangerie très chic et sommes pressées de retourner à la mer pour midi.

En quête du pique-nique, une belle surprise :l’enclos paroissial de Runan

SUR LA ROUTE DE PORT-BLANC A SAINT MALO

Notre Dame du Bon Secours – Enclos paroissial de Runan

Nous ne sommes pas pressées d’arriver à Saint Malo.

 Au lieu d’emprunter  la grande route D767 comme le propose le GPS, nous nous attardons dans la campagne à la recherche d’un charcutier pour du pâté ou de l’andouille et d’une boulangerie pour une baguette bien craquante. Nous nous déroutons à la vue d’un clocher et d’un village. 

Façade ornée

Les dimensions de l’église sont impressionnantes pour un si petit village (253 habitants). L’église est précédée d’une imposante chaire à prêcher. L’église est ouvragée, son porche, comme les piliers carrés délimitant les travées de la nef à l’intérieur. Deux magnifiques retables de bois peint ry une chaire en bois sombre.

Pour le pique-nique, c’est loupé. Il y a bien une boulangerie qui fait aussi épicerie et propose même des poulets rôtis avec des pommes de terre. Tous ces villages sont jolis, fleuris mais il n’y a plus aucun petit commerce sur place.

Le Gardien du Feu – Anatole Le Braz

CARNET DU TREGOR

Anatole Le Braz (1859 -1926) possédait une maison à Port-Blanc, puis, après le terrible naufrage qui engloutit de nombreux membres de sa famille, s’installa à l’Arcouest. Cet écrivain régionaliste qui collectionna les légendes et récits bretons nous accompagne parfaitement dans notre escapade à Port-Blanc.

C’est une relecture, après treize ans. Je l’avis trouvé dans le gros bouquin Phares. J’y ai pris un réel plaisir de relecture. De toutes les façons, le dénouement est annoncé dès le début. Ce n’est pas l’histoire d’amour de Goulven Denes, éloigné d’Adèle, son épouse, par sa fonction de gardien du phare qui m’a le plus intéressé mais toutes les coutumes, les légendes, la nature sauvage qui sont si bien décrits. A la relecture, j’ai prêté plus attention à ces détails et j’ai adoré cette lecture. 

Un navire sans mâts ni gréement d’aucune sorte, et dont la coque avait plutôt la structure d’un énorme cercueil, avait été aperçu un matin dans le Raz, louvoyant en face de la Baie des Trépassés. Nul simulacre de matelots à bord. Tout à coup, de cet extraordinaire caboteur, une fumée s’était exhalée, une fumée opaque et lourde comme celle que dégagent les feux de goémons. Puis, se rembrunissant, elle avait pris corps, s’était changée en un fantôme de femme, d’une stature démesurée, qui, sinistre en ses flottantes mousselines de deuil, avait gagné la côte. À toutes choses comme à tous êtres son approche fut mortelle. L’herbe se dessécha, les fontaines tarirent ; les bœufs au labour se couchaient en plein sillon et bavaient de terreur, le mufle à moitié enfoui dans la glèbe. Quant aux humains, ils périrent comme mouches : il ne demeura point assez de vivants pour enterrer les cadavres. On montre, dans le pays, des champs d’ une fertilité proverbiale, qu’on ne fume jamais ; les blés y poussent sur des charniers qui suintent encore après des siècles.

A propos de Loguivy-de- la mer, où je suis passée plusieurs fois sur le sentier côtier

Une procession de voiles vient d’émerger des profondeurs du septentrion. Ce sont les barques loguiviennes, à n’en pas douter. Elles s’avancent comme une troupe de cygnes noirs. Chaque printemps, elles émigrent de la sorte, des confins du Goëlo, emportant une tribu entière, hommes, femmes, et les enfants qui ne sont pas encore sevrés. Il ne reste au pays que les aïeules, pour garder les maisons vides et les lits défaits. Six mois durant, elles vieillissent là, solitaires, assises sur les seuils à filer de la laine pour les tricots, en attendant les expatriés. Voilà des années que les Loguiviens ou, comme on dit ici, les Paimpolais, accomplissent périodiquement cet exode vers les eaux de Sein, riches en homards. Ils prennent à l’île leurs quartiers d’été, s’installent par familles chez l’habitant, qui les exploite le plus qu’il peut et les poignarderait volontiers d’une main, tandis qu’il accepte leur argent de l’autre. Les deux populations logent sous les mêmes toits, sans jamais se mêler ni se fondre.

A propos, Anatole Le Braz est le personnage d’une série policière de Gérard Lefondeur « les Enquêtes d’Anatole Le Braz » dont j’ai bien aimé Le sang de Douarnenez et L’ouvrier et la mort.

La Roche-Jagu – château et jardins

CARNETS DU TREGOR

Le château derrière les roses

Situé un peu à l’intérieur des terres, nous avions négligé La Roche-Jagu. Et c’était une erreur, c’est une belle visite. Construit sur une boucle du Trieux, à 6 km au nord de Pontrieux. Il domine le petit fleuve, 70 m au-dessus d’une cale . 

Belvédère au-dessus du Trieux. En face on voit le train

Au XIème siècle, un seigneur breton nommé Jagu fit édifier une motte castrale, transformé en château de pierre. Détruit au XIV ème siècle. la noble dame Catherine de Trogundy le fit reconstruire en 1405. On le qualifie alors de maison forte avec un bâtiment massif à deux étages et deux fines tourelles rondes. Le toit est orné de 19 cheminées. Si le bâtiment semble austère, il est mis en valeur dans un écrin végétal : un parc de 64 ha qui descend jusqu’à la ria. Dévasté par une tempête en 1987, il fut confié au paysagiste Bertrand Paulet.

Cascade, ruisselets et bassins

A la billetterie on confie un plan pour une longue promenade de 2.4km en 26 étapes à travers les jardins fleuris, les terrasses gazonnées et au cœur de l’épaisse forêt qui tapisse la vallée du Trieux.

La première surprise, sur une terrasse à l’écart du château : la vue sur la boucle du petit fleuve qui serpente entres des bancs vaseux à marée basse. L’eau est salée dans la cale et l’influence des marées se fait sentir.

Escalier d’eau

Le sentier descend le dénivelé de 70 m. Les jeux d’eaux agrémentent la promenade. Un étroit canal est mis en valeur par des sculptures contemporaines en fer forgé. Je découvre des fontaines, un escalier d’eau. Je traverse une palmeraie puis une saulaie. Trois bassins carrés servaient à rouir le lin. Trois mares précèdent la source du Stanco dans un bassin, capté dans uncanal recourbé, il cascade dans de petites vasques. Tous ces jeux d’eau dans la nature luxuriante sn rafraîchissants.

Pour retourner au château j’emprunte des allées bordées de camélias dont la floraison est terminée, quelques fleurs jonchent encore le sol. Un labyrinthe d’ifs taillés en spirale conduit à une plateforme avec un point de vue d’ensemble sur les jardins. Deux rangées de cyprès donnent une touche italianisante.  

Le château est vide; Au rez de chaussée de nombreux cartels et panneaux racontent l’histoire du château : beaucoup à lire.

kachina

Les étages offrent un vaste espace pour des expositions présentées par le Domaine Départemental. L‘Esprit de la Nature : Art de peuples autochtones d’Amérique est une grosse exposition présentant les cultures amérindiennes. Beaux objets de la vie traditionnelle, cartes, photographies. C’est très complet et roboratif, couvrant aussi bien les peuples autochtones de l’arctique que du Nouveau Mexique.

Un peu trop à voir en fin de journée. Il faudrait y consacrer une bonne après-midi. 

 

Jardin de Kerdalo

CARNET DU TREGOR

Gunnera manicat spectaculaires

Promenade de rêve dans ce parc qui descend jusqu’au Jaudy – le petit fleuve ou ria de Tréguier. Il faut quand  même être bien chaussé, les sentiers sont pentus. Dans une nature exubérante, très nature, un peintre a dessiné des tableaux comme cette fabrique avec son bassin lisse et les pas japonais . 

au premier plan les roses embaument (rosa filipes)

Ensemble aquatique et parfumé  avec une cascade en escalier à peine masqués par les roses.

or et argent des feuillages graphiques

Jeu de volumes, de feuillages d’or et d’argent

5 jours en juin à Port-Blanc – quelques cartes postales du GR 34

CARNET DU TREGOR

Bugueles ; moulin à marée

Nous voici revenues, heureuses de retrouver le Sentier littoral, les jardins, chapelles sous le beau soleil de juin. Inutile de chroniquer au jour le jour des itinéraires du GR 34 déjà décrits sur le blog. Je me contente donc d’ajouter au Carnet du Trégor quelques photos un peu plus fleuries que celles de janvier, plus ensoleillées qu’en septembre…

Anse de Gouermel

En juin, les randonneurs sont nombreux autour de Plougrescant. Il faut faire la queue pour avoir une bonne photo de Castel Meur. Au Sillon de Talbert, la marée était haute, impossible de passer

Face à Bréhat entre l’Arcouest et Loguivy de la mer

Et pour me  baigner, c’est la plage de Trestel que j’ai préférée

 

Le voyage à Paimpol – Dorothée Letessier

« J’étouffe, je vais prendre un bol d’air. À bientôt, je t’embrasse. Maryvonne. »

Maryvonne, ouvrière à Saint Brieuc, mariée, mère d’un petit garçon, à la faveur d’un arrêt maladie, décide de s’offrir des vacances. Elle prend le car pour Paimpol. Ce n’est pas bien loin : 45 kilomètres.

« On arrive à Paimpol. C’est drôle. C’est là que j’ai voulu aller. Paimpol, cela ne fait pas sérieux, c’est un
nom d’opérette, Paim-pol, Paim-Paul, Pain-Pôle, Pin-Paule, Paimpol, un nom tout rond, impossible à
chuchoter. La Paimpolaise… Paimpol et sa falaise… des relents de folklore bouffon me font sourire toute
seule. »

Nous partons en vacances à Port-Blanc, nous irons à Paimpol chercher la falaise. J’ai téléchargé le roman pour nous accompagner en Bretagne. Titre trompeur : pas du tout de la littérature de voyage. Du Paimpol de Maryvonne, nous ne connaîtrons qu’une chambre d’hôtel avec une belle salle de bain, un salon de coiffure et l’aventure se terminera à Monoprix. Sans voir la falaise. 

Ce roman féministe est paru en 1980 .  Gallimard l’a ressorti en mai 2025  Il est augmenté de deux préfaces de Maylis de Kerangal et de Rebecca Zlotowski. Très bien écrites ces préfaces, mais redondantes, disproportionnées, pour un court livre qui se suffit à lui-même et que j’aurais préféré découvrir par moi-même.

Roman féministe, roman social. Maryvonne et son mari travaillent à l’usine Chaffauteaux  qui comptait  2200 ouvriersdans les années 80.La grosse usine de métallurgie a fermé en 2009 ICI  Ce livre est un témoignage du travail en usine, des grèves menées. Maryvonne, déléguée syndicale a été une des porte-paroles des grévistes. Erosion de son couple, ennui de la vie de mère de famille étouffante. Elle décide de partir quelques jours, de vivre un rêve, de bouleverser le quotidien.

Sans valise ni alliance, je me grise de cette bolée de liberté. À l’heure qu’il est, je devrais être au boulot

Mais que faire de cette aventure? La vie d’usine, le ménage occupent son esprit. Ce n’est pas facile de s’inventer une vie. Alors Maryvonne achète un flacon de bain moussant .

Elle se  fantasme en Marilyn dans la baignoire de l’hôtel :

Marilyn vaporeuse. Marilyn voluptueuse. Marilyn pulpeuse, langoureuse. Marilyn amollie, abolie. Marilyn jouit […] Marilyn a du poil aux pattes. Marilyn a de gros genoux. Marilyn travaille à la chaîne. Marilyn s’appelle
Maryvonne. Et Maryvonne a les seins qui tombent.

Pas facile d’affronter le regard des autres, de la gérante de l’hôtel, des clientes habillée avec quatre fois le salaire mensuel de Maryvonne.

Toujours d’actualité presque un demi-siècle plus tard? Sûrement pour le quotidien de la mère de famille. Mais l’usine a été délocalisée!

les Enquêtes d’ANATOLE LE BRAZ – L’Ouvrier de la Mort – Gérard Lefondeur – Palémon

POLAR BRETON

L’Ankou – parc des statues Perros Guirec

Anatole Le Braz est un écrivain breton qui s’est intéressé aux légendes celtiques et a compilé traditions et contes à la fin du XIXème siècle. Un de ses ouvrages est justement La Légende de la Mort.

Gérard Lefondeur imagine une série de romans policiers ayant pour  enquêteurs le Commissaire Le Dantec et Anatole Le Braz. Le commissaire fait appel à l’écrivain comme expert de la culture bretonne. C’est le premier livre de la série Les enquêtes d’ANATOLE LE BRAZ que Babélio m’avait fait connaître avec Le sang de Douarnenez (CLIC)que j’avais beaucoup apprécié.

L’Ouvrier de la Mort qu’on appelle aussi l’Ankou est représenté brandissant une faux conduisant une charrette grinçante. 

« Je vous chante qu’il me semble les avoir croisés ce matin, en revenant de la Croix du Chaos du Moulin, sur
une drôle de charrette tirée par un postier breton ; une sacrée belle bête, soit dit en passant. Dans leur
équipage, ils avaient rien des deux moitiés de vagabonds qui ont disparu il y a belle lurette. Et puisqu’on en parle, maintenant que j’y pense, j’ai eu l’impression qu’ils revenaient par le chemin vicinal qui conduit à la demeure de Goadec, justement. »

 

Deux décès suspects dans les alentours de Braspart, petit bourg des monts d’Arrée, n’ont pas alerté la gendarmerie : une vieille femme malade décède d’arrêt cardiaque, le garde champêtre et son chien écrasé sous la roche branlante de la forêt de Huelgoat. Le Commissaire Dantec, inspecteur de police d’origine bretonne mais venant de Paris,  est intrigué par un détail : une petite faux sculptée en bois, retrouvée chez les deux victimes. C’est à ce propos qu’il fait appel  à Anatole Le Braz. 

La scène avait quelque chose d’un peu ridicule : un homme bien charpenté et vêtu comme un Anglo-
Saxon, suivant à moins de deux mètres un pilote automobile aux lunettes de conduite remontées sur le casque, totalement inutiles car couvertes de condensation ; quel couple étrange…

Le folkloriste habitué à aborder les paysans recueille plus de témoignages que le policier à bord de sa Dion Bouton. Il sait aussi désamorcer les susceptibilités des gendarmes à l’égard du policier supposé Parisien. Le duo va nous faire vivre des aventures étonnantes et sanglantes que je ne révèlerai pas ici. L’humour tempère la teinte sombre du thème de l’Ankou

Vous n’aurez qu’à suivre les pommes et quand leur piste s’arrêtera, sur votre droite, vous verrez l’Arbre
aux Pendus. Dans le champ. C’est là, juste au bord, qu’on l’a retrouvé.[…]les premières pommes sur la chaussée. Cela avait quelque chose d’un roman de Lewis Carroll, mâtiné de Charles Perrault ou des Frères Grimm, le tout illustré par Gustave Doré

Le roman décrit les coutumes et croyances de la Bretagne à l’aube du XXème siècle. Coutumes rurales mais aussi irruption de la modernité. Répression de l’usage de la  langue bretonne, opposition entre les laïcards et les calotins. Modernité de l’automobile, et du téléphone. Comment Monsieur le Comte n’a pas le téléphone dans son manoir? Arrivée du tourisme comme cet hôtelier belge à Port Blanc…

Cependant, Le sang sur Douarnenez que j’ai lu précédemment m’avait paru plus riche avec les luttes sociales dans les conserveries. J’y avais croisé Conan Doyle avec grand plaisir. 

Nous devions passer les deux semaines des JO en Bretagne, j’avais téléchargé ce roman que j’ai lu avec grand plaisir après l’annulation du séjour.