Alexandrie – jardins Montaza

Alexandrie : château et jardins Montaza

 

Une très belle journée s’annonce, pas de vent et une légère brume de chaleur s’exhale de la palmeraie.Nous allons faire un tour dans les Jardins Montaza (entrée payante 5LE). 9heures, calme absolu.

La route est bordée de rangées de roses trémières de toutes les couleurs, des capucines, des anthémis bordent le massif, relayé par des coléus aux feuilles rouges veinées de noir. Discrètement nous empochons des graines, espérant qu’elles donneront les variétés jaunes ou violettes. Rien n’est moins sûr ! Soit différence de climat, soit hybridation expliquent que des fleurs tout à fait ordinaires aient poussé à partir des graines rapportées de Turquie. Cette promenade dans le parc est délicieuse.

Le château de Montaza est une kitchissime construction italianisante avec une tour carrée, des colonnettes inspirées du Palazzo Vecchio de Florence sous influence turque, bâti par le Khédive Abbas, il a été habité par Fouad puis par Farouk. J’imagine les orgies de  Farouk, le yacht sur lequel il a quitté l’Egypte…

Au bout du parc se trouve un hôtel de luxe, une petite baie ronde presque fermée par un ponton, une baignade privée, très sélect. Plus loin, un jardin désertique avec aloès, succulentes et pierres jetées de ci et de là, une rangée de villas (gros bungalows) s’aligne autour d’une autre anse, sur une presqu’île, une fausse ruine antique…

Alexandrie : jardins fleuris

egypte2008coolpix-537-copie.1292322352.jpg

La chaude matinée me laissait présager une belle baignade à la piscine. Hélas! Elle est bien peuplée : sur les bords, des familles avec des gamins, des voiles, dans l’eau quatre scaphandriers : combinaison noire opaque, bonnet noir opaque, une jupette noire par là-dessus. Cela me coupe toute envie de me baigner. J’imagine toutes les paires d’yeux regardant sévèrement mon maillot et mes cuisses dénudées. Jamais je n’aurais osé les braver ! La clientèle du Aïfou est essentiellement moyen-orientale. Pas forcément égyptienne, aussi libanaise et saoudienne. C’est ce qui explique peut -être la hauteur des prix pratiqués, plus cher qu’au Mercure de Minia et même qu’à l’Auberge du Fayoum. Si j’en crois le prix affiché à la réception notre chambre serait à 180$. La clientèle croisée à l’aube est d’une autre sorte : à la sortie du night club passablement éméchés, en compagnie de femmes très très maquillées. Nous n’avons rencontré que de rares européens : deux hommes d’affaires belges et une famille française, guide vert en main, et un anglais esseulé.

Alexandrie-Le Caire par le train

Alexandrie

 

 Nous voyageons en Première. Wagons peints en beige et rouge, à l’intérieur des sièges avion – avion de première classe – qui font même couchettes. Très confortables.

Confortables mais sales. Même très sales.

Devant nous, un couple d’américains écoute un Saoudien anglophone ayant vécu aux Etats-Unis. Il traduit les propos de son cousin : galabieh blanche, barbe clairsemée. Le cousin parle religion accompagnant son discours d’une gestuelle très expressive ; le traducteur double sa traduction des mêmes mimiques et calque la position de ses mains. Tout y passe : Moïse, Abraham, Ismaël, la guerre d’Algérie, le Hamas, les Juifs, Bush, les Chrétiens,  Ben Laden….Les Américains réagissent très diplomatiquement. La femme dit qu’elle a manifesté contre la guerre en Irak. J’écoute, captivée, surprise d’apprendre que les Juifs sont quand même le Peuple d’Allah, qu’ils sont plus éduqués que les chrétiens, mais plus rigides (les saoudiens miment). Les Américains reconnaissent volontiers que Mohamed est un prophète. Pourquoi ne vous convertissez vous pas ?

Lassée du discours religieux, je regarde par la fenêtre (sale). Le paysage défile : surtout des champs de blé mûr de plus grande dimension qu’en Moyenne Egypte. Ils sont presque vides alors que nous avions l’habitude de les voir peuplés de nombreux fellahs. Deux hypothèses : soit la mécanisation est arrivée jusque là, soit tout le monde est à l’ombre pendant les heures chaudes. Nous passons devant des orangeraies et d’autres vergers. Le blé est ici majoritaire.

J’ai préparé 3LE pour le porteur. A Alexandrie j’avis donné 2LE et ce n’était pas suffisant, le voyagiste avait rajouté une livre. Ces pourboires sont un casse-tête. Magdy, le représentant de Sylvia tours m’explique que maintenant il ne faut pas donner moins de 5LE. La nourriture a triplé ces derniers mois. Peut être plaide- t- il pour son propre compte ! Je voulais lui donner 50LE le jour de l’arrivée et je me suis trompée de billet je lui ai donné 50 piastres. Les deux billets sont verts, d’ailleurs je les confonds et il faut que je mette à part les piastres.

Nous retrouvons avec plaisir le vieux Cosmopolitan où nous avons nos habitudes et ou nous nous sentons plus à l’aise qu’au Aïfou d’Alexandrie. La porte à tambour a été remontée mais les plombiers réparent le chauffage et soudent sur notre palier. Le vieux liftier nubien nous reconnaît. Il est très gentil mais fatigué comme l’ascenseur dont j’ ai enfin compris le fonctionnement : il faut s’assurer que tout est bien fermé, appuyer deux coup secs et attendre. La cabine ne s’ébranle qu’ensuite. En 2002, les liftiers étaient nombreux et se précipitaient pour nous accompagner. Au bout de trois pourboires j’avais eu vite fait de monter à pied. Maintenant, le liftier est assis et se contente de me dire « Ca va ? «  En Français.
Notre nouvelle chambre a un balcon avec des moulures : 5 rangs de rubans de stuc et des nœuds à plat et des volets verts. Du balcon j’observe les fils électriques qui s’emmêlent sur la façade des immeubles voisins sortant d’un trou ménagé pour un climatiseur. Sur le toit, un homme tire un câble relié au premier étage. Il appelle le Monsieur du Premier. Ces immeubles magnifiques avec balustres, moulures et mosaïques sont tiers-mondisés. On a construit une sorte de cabane sur le toit de celui d’en face. Je pense à l’Immeuble Yaccoubian. Nous retournons à notre cantine habituelle Felfela je commande une taamyia et un shwarma poulet. Maintenant nous savons traverser les rues « ne jamais courir » avait conseillé Magdy. Les automobilistes qui nous contournent ne peuvent pas anticiper la trajectoire d’un homme qui court.

Suez et le Canal vus du Car

SINAÏ AVRIL 2008

le car pour Sainte Catherine

p5060590-copie.1292315610.JPG

 

Le car est rempli de bidasses, très jeunes, très bronzés, propres puisqu’ils viennent de chez eux. Très affectueux : chaque fois qu’un nouveau arrive ce sont de chaleureuses embrassades. Ils dormiront pendant tout le voyage. Notre autobus est un car fantôme, tous rideaux tirés. Nous seules, regardons le paysage. Les autres dorment, lisent ou jouent avec leurs téléphones. Nous sommes les deux seules femmes, deux seules touristes aussi, et il n’y a que huit civils pour tout un car de militaires.

La sortie du Caire est interminable. Nous passons devant une collection d’installations militaires de l’aviation aux blindés, camps, bases, casernes sont installés sur la route de Suez. Des villes sortent du désert, à peine construites. Je devine aussi un  début d’agriculture. Presque jusqu’à Suez alterneront, bases militaires, nouvelles installations et zones désertiques.

J’aime le désert. Le désert de pierre raconte son histoire à ciel ouvert, dévoilant strates et failles, filons ou coulées, éboulis et figures d’érosion. Le désert de sable, comme la mer nos berce et appelle à la méditation. Il existe aussi, le désert de rien du tout, plat et caillouteux, semé d’épineux et de sacs en plastique. C’est ce dernier qui prévaut du Caire à Suez. Au loin, je devine les blocs basculés des chaînes montagneuses qui bordent les deux rives de la Mer Rouge. Ou tout au moins, c’est ce que je cherche à voir puisque j’en fais un sujet de cours à mes élèves.

Suez

Les immeubles blancs et bleus – couleurs maritimes – rappellent que Suez est un port. Malheureusement de nombreux quartiers sont beaucoup moins pimpants. Je n’ai jamais vu une ville aussi sale. Il semble que tous les sacs en plastique du désert sont réunis  ici par le vent (en fait c’est plutôt le contraire).

Halte de 45 minutes à la Gare des  Cars. On peut acheter des « snacks » : chips aromatisées dans des sacs de taille variable, gaufrettes, barres chocolatées, biscuits secs. Pour les amateurs, on vend aussi des graines séchées de toutes sortes (pois chiches, courges, pépins de tournesol et d’autres que je n’arrive pas à identifier).

Taamyia

Enfin, je déniche un marchand de taamyia :

–           « 2 pounds ! »

J’essaie de marchander. C’est notoirement du vol

–           « in Cairo 1 pound ».

 Le vendeur ne se démonte pas

–          « In Cairo one pound, in Suez two pounds ».

 La pita est taille mini avec seulement 2 croquettes. Il garnit aussi avec ses doigts  de salade maison. Il faut de temps en temps vivre dangereusement !
(je regretterai pendant toute la fin du voyage cette imprudence)

Des femmes toutes en noir montent portant des bébés et des téléphones portables. Les mobiles n’arrêtent pas de sonner. Il semble que chacun apprécie tellement sa sonnerie que personne ne répond tout de suite.

Le Canal

Nous attendons le canal. Un énorme bateau bleu clair avec des cheminées bleues foncé avance au dessus de nous. Juste le temps de prendre trois photos et nous nous enfonçons dans un tunnel. Du Canal de Suez, nous n’aurons donc que cette image fugitive. Dommage !

De Suez à Sainte Catherine traversée du Sinaï en car

SINAÏ 2008

 

Sinai : le désert

La Mer Rouge est curieusement agitée. Je compte une dizaine de très gros bateaux à la sortie du Canal, devine les installations pétrolières off- shore. La mer est bleue turquoise. Malheureusement nous sommes assises du mauvais côté du car. Tous les passagers, des habitués, préfèrent dormir les rideaux fermés. Un vieux bédouin avec un keffieh à damier rouge sur le siège d’en face entrebâille le rideau pour regarder le paysage par une fente. Il nous regarde rigolard, comme si il nous faisait une farce. Nous nous contentons donc du côté Sinaï.

Des vergers d’oliviers prospèrent sur des kilomètres. Bientôt le Sinaï sera vert, Nous passons devant des stations balnéaires à peine construites. Cet aspect du développement me réjouit moins que les cultures irriguées.

La route s’enfonce dans la  montagne par le Wadi Faran. 17H, le soleil a baissée . Les roches prennent des teintes profondes. On prend photo sur photo, malgré la vitesse. Sans cadrer, au pif. Sur la quantité, il en restera bien quelques unes de correctes. J’expérimente. Le programme Sport permet d’avoir des photos nettes. Le paysage est grandiose. Mais notre patience est épuisée.

Sainte Catherine : arrivée à Foxcamp et dîner sous la tente

SINAÏ AVRIL 2008

 

copie-de-p5060645.1292314929.JPG
Foxcamp : le soir

19H, après 8 heures de route, nous atteignons Sainte Catherine.

Personne ne nous attend. Trois bédouins, en belle galabieh, chèche sur la tête, plutôt rigolards nous demandent 20LE pour aller à Foxcamp. Nous refusons : les transferts sont payés d’avance. D’évidence, personne ne viendra nous chercher. Nous montons à bord de leur taxi.

Accueil mitigé. Le réceptionniste est un peu vexé de ne pas être venu :

– «  J’étais absent une semaine. J’ai vu le fax trop tard ! »

Nous sommes fatiguées et peu amènes, un peu déçues.

Comme on nous avait prévenues, le confort des chambres est sommaire : deux banquettes de bois : sur l’une d’elles deux matelas sur l’autre un seul. Les grosses couvertures sont pliées. Un seul drap par personne. Au plafond, suspendues : deux moustiquaires. Ni chaise, ni placard – aucune importance- pas de serviette de toilette (c’est plus gênant, nous n’en avons pas apportées). Je rêve d’une douche après le voyage.

La voisine est une Canadienne fort sympathique qui voyage avec ses deux enfants.  Bien qu’elle vive au Caire, elle ne parle pas un mot d’arabe. Nous dînons avec elle sous une belle tente bédouine devant un feu de bois. Le dîner est très abondant : soupe passée aux haricots (fèves ?), très bon riz aux oignons  avec une cuisse de poulet grillé (qui ressemble au poulet bicyclette béninois), des salades.

Sainte Catherine : Foxcamp au lever du soleil

SINAÏ AVRIL 2008

Foxcamp au lever du jour

copie-de-egypte2008coolpix-702.1292314537.jpg

 

6H J’ai bien dormi sous la moustiquaire. Au petit matin, un chien qui aboie sans trêve? m’a réveillée.Je mets mon pull de laine sur ma chemise à manches et je n’ai pas trop chaud ! Notre chambre se trouve dans un bâtiment bas en granite (ce n’est pas ce qui manque !) de 6 chambres avec de petites fenêtres carrées. Les portes des chambres des salles d’eau s’ouvrent sous des arcades cintrées.

En face  une trentaine de jeunes oliviers se répartissent dans un polygone entouré de murs bas. Le sol est constellé de fleurs minuscules. Les oliviers sont en fleur.Plus loin, des rangées de plantes aromatiques : romarin, thym, sauge. Des pierres alignées délimitent les rangs. Des abricotiers, des amandiers. Les amandes sont déjà grosses sous leur velours vert. En revanche je ne vois pas d’abricots formés ni de pommes.

p5060656.1292314666.JPG

. Plus loin, les animaux : deux chameaux qui mangent du foin, lez chiens qui aboient. Un animal gracile s’échappe dans la montagne : un fennec ou un chacal ? Il a de grandes oreilles et son poil est gris clair. Nous essayons de le suivre des yeux : c’est difficile, son pelage se confond avec la teinte de la montagne. Nous sommes ravies de cette rencontre :
–    « you have seen the fox ! » nous dit Farag . C’est lui qui a donné son nom au Fox camp.

Foxczmp : jeux d’ombres et de lumière

Le petit déjeuner est servi sous une grande paillote ronde construite autour d’un gros pilier. Il faut se déchausser, au sol, des tapis et des nattes.  des coussins, un beau kilim beige et orange. Le cuisinier apporte des tables basses rondes. On mange assis sur les tapis. Petit déjeuner rustique : deux tranches de tomates, rondelles de concombre, une tranche de melon, un triangle de Vache qui rit, une confiture, une omelette et du pain arabe délicieux. Le service est capricieux le serveur ne se souvient plus bien qui veut du thé qui veut du café au lait, sans lait.

Je me rappelle la maison de Yamina à Tafraout (Maroc). Même montagnes granitiques. A Tafraout l’érosion avait créé des chaos pittoresques. Ici, il semble que la roche soit plus massive sans les diaclases induisant la formation de chaos. Les montagnes au dessus de Sainte Catherine sont lisses à part des cavités oblongues d’où on imagine que se seraient détachées de grosses boules rondes. Les sommets sont toutefois déchiquetés. Autre analogie : la présence des tentes bédouines qui ressemblent aux tentes berbères. Les ressemblances s’arrêtent là. La vallée des Ammelns était très peuplée d’anciens villages avec de magnifiques maisons berbères des cultures en terrasses. Ici, c’est le désert. Les rares végétaux ont été plantés récemment près des habitations ou des routes. Dans la montagne, pas un buisson et si peu d’herbes.

Le Sinaï et Sainte Catherine sont chargés de souvenirs bibliques et d’histoire. Grimper au Mont Moïse 2200 m ne s’apparente pas à un exploit sportif (surtout si on monte à chameau) mais j’attends cette excursion depuis des semaines et c’est ce qui m’a motivée pour ma rééducation chez le kiné.

Monastère Sainte Catherine

SINAÏ AVRIL 2008

 

p5060674-copie-2.1292313870.JPG
Monastère Sainte Catherine

 De Foxcamp au monastère : 20 minutes à pied.

Nous ne découvrons qu’au dernier moment le couvent  bien caché dans une échancrure de la montagne.  Cars, 4×4 encombrent le parking. A l’approche du couvent, des groupes compacts suivent leurs guides.

Les murailles carrées sont celles d’une forteresse. La poterne est une cabane suspendue interdisant l’entrée aux intrus. De nos jours, on ne demande plus aux visiteurs de se hisser à l’aide d’une corde ou d’un panier (souvenir des Météores).On entre, un par un, par une porte basse et étroite. Nous suivons des Japonais bien calmes et disciplinés. Dans la cour intérieure, c’est la cohue. Français, Italiens, Américains essaient de retrouver leur groupe. Nous passons devant le puits sans le voir, portées par le mouvement général qui mène à la basilique.

Les touristes se distinguent des pèlerins. Les touristes consultent des guides, admirent les portes fatimides et le magnifique travail du bois, puis les portes de Justinien plus anciennes. Les pèlerins allument des cierges, se signent et vont voir les icônes. Sur les marches, un groupe de femmes libanaises – drapeau au cèdre – attendent le moment propice, on leur ouvre une travée fermée au public pour qu’elles puissent se recueillir. Pèlerins aussi, les nombreux Grecs ainsi que les Russes, les plus nombreux et les plus bruyants. La nef est décorée de dizaines de lampes d’argent ciselées (des dons ?). Les icônes sont plus difficiles à admirer dans la pénombre, en hauteur et souvent de petite taille.

En suivant la foule nous arrivons par  la porte de derrière au sanctuaire où est conservé le « Buisson Ardent » ou tout au moins son descendant. Surprise : le buisson précieux n’est autre qu’un taillis de ronces. Vénérées les ronces ?

Le Trésor du Monastère est inestimable. Jamais pillé ni détruit, ni même atteint par la crise de l’Iconoclasme, c’est une collection inestimable qui a traversé les temps. Bien présentées, accessibles dans des vitrines on peut y voir des icônes et des manuscrits. Une impression datant de 1494 de l’Iliade et de l’Odyssée en Grec m’a beaucoup émue. Etonnée de voir la copie du manuscrit du Prophète Mohamed protégeant Sainte Catherine. Cette protection du prophète a sauvegardé icônes et bibliothèque. Seule concession : la transformation d’une chapelle en mosquée à l’époque fatimide.

Monastère Sainte Catherine : jardins

 

En rentrant, nous traversons les jardins très verts et bien entretenus puis allons au kafénéio, tonnelle de chèvrefeuille, chaises bleues, tables blanches et drapeau grec.

Ascension du mont Moïse : rando ou pélerinage?

SINAÏ AVRIL 2008

lever de soleil sur le Mont Sinaï

 

p5070718-copie.1292313136.JPG

 

 A mon approche, le chamelier quidormait sur les banquettes de la tente bédouine, se lève prestement. Il n’est pas grand. Sa silhouette est frêle. Il porte une gallabieh sombre et un voile noir comme celui des femmes qu’il enroule rapidement à la manière des Bédouins. J’entrevois son visage juvénile.

Il chuchote doucement au chameau qui s’assied. C’est un animal de grande taille que j’ai bien du mal à enfourcher. Il faut poser le pied sur la couverture de selle. A peine l’ai-je posé, que le dromadaire se lève. Je suis en déséquilibre. Le chamelier ordonne à la bête de s’asseoir à nouveau. Alors on s’organise, le sac à dos et le bâton de marche fixés au pommeau de bois à l’avant de la selle. Nous voilà partis.

Nous tournons le dos au monastère et remontons le long de la route. Drôle de méharée sous les lampadaires ! Je médite sur le développement de l’Egypte qui a  des infrastructures développées, des rues éclairées, des routes goudronnées. Peut-être parce que nous sommes dans une zone touristique ? L’irrigation s’étend, les trains arrivent à l’heure.

Passé le village, le chameau s’engage dans une étroite vallée. Au premier tournant, les lumières de la ville sont éclipsées. Mes yeux ne sont pas encore habitués à l’obscurité complète. Quand le chameau monte une marche inattendue, cela secoue un peu. Je pense aux « effrayants défilés » des écrivains romantiques avant que la montagne ne devienne un terrain de jeu. Le sentier fraie son chemin entre d’énormes blocs éboulés que l’on contourne. Certains sont hauts de cinq ou six mètres. Les étoiles sont tellement nombreuses que je ne trouve pas tout de suite la Grande Ourse, le Petite Ourse et Cassiopée. La Voie Lactée est impressionnante. A mesure que le sentier s’élève dans la montagne le froid devient plus mordant. Je sens la chaleur de ma monture. Qu’en sera-t-il quand je serai à pied en haut ? Mes yeux distinguent maintenant la piste à la lueur des étoiles. Nous progressons entre deux sommets. Lequel est le Mont Moïse ?Quand il y a une marche ou un obstacle sur le chemin le chamelier chuchote « ch-ch-ch » au chameau ou l’encourage à voix haute « hari ! » (C’est peut être le contraire ?). Il fume presque sans discontinuer en marchant. La fumée de ses Marlboro ne me gêne pas, au contraire. Après combien d’années perd -on le goût du tabac ? Le balancement du chameau me berce dans de lointaines rêveries. Ce serait mieux de me concentrer sur le paysage.

Alors que la pente devient plus raide, le chamelier laisse la longe et passe à l’arrière. Le chameau connaît le chemin mais il me faut anticiper. Sans la conduite ferme du guide, l’animal adopte une allure fantaisiste : il accélère dans les descentes et je suis projetée à l’avant. En montée, il adopte un pas de sénateur.
Tout à coup, un point lumineux surgit de la crête de la montagne. A nos pieds nos ombres sont projetées. Un mince croissant de lune s’est levé. On y voit comme en plein jour. Dans mes pensées vagabondes me vient l’idée que je devrais consulter le calendrier avant de choisir une destination de vacances. Cette méharée en premier quartier de lune ou à la Nouvelle Lune aurait été différente.

Des éclairs proviennent de la montagne sur la gauche. Un peu inquiétants. Puis, au détour d’une arête rocheuse : une chenille lumineuse zigzague sur la pente. Nous avons rejoint le sentier du Monastère. Ce n’est pas un groupe de randonneurs, ni même deux. C’est une procession sans début ni fin qui progresse et occupe toute la piste. Mon chameau se faufile difficilement. Le chamelier interpelle les piétons : « Attention ! Camel ! camel ! » devant une cabane, le dromadaire s’agenouille. Je descend. La frontale refuse de s’allumer. Le chamelier n’est pas content du pourboire. Farag m’avait dit 80LE + 20 de pourboire. Le jeune insiste :

– « J’ai pris la piste la plus longue, c’est 100 LE pour le chameau, donnez pour moi, pour acheter des chicklets »
Sans  lumière j’extirpe les billets du porte-monnaie. Il devra se contenter de deux billets de 5LE.

Dans une maisonnette, on vend des barres chocolatées, des lampes de poche et du thé. Il y a aussi des banquettes. Je m’y installe pour enfiler un pull de laine au dessus de la polaire, la chemise, le coupe-vent (5 épaisseurs), les gants, et j’arrive à bricoler ma lampe frontale. Des Japonaises en espadrilles de corde à talon compensé ou ballerines en tissu, se reposent. Elles arborent une élégance « petites filles » très japonaise, jupes transparentes sur des caleçons fleuris, chapeaux aux couleurs acidulées. Un homme masse les chevilles de son amie chaussée de sandales portant un turban doré du meilleur effet. Dans la bande d’éclopés, certains se découragent.

Sur le sentier, je n’ai pas parcouru deux mètres que je butte sur une grosse pierre. Ma lampe frontale éclaire trop loin devant moi et pas mes pieds. Je la prends à la main. La progression est pénible dans la cohue. Chacun pousse celui devant soi. D’autres vont à contre-courant pour retrouver leur groupe. Des Egyptiens se proposent comme guides. Ils barrent la route et gênent plus qu’ils n’aident ; Il faut les éconduire brutalement. Devant moi, une femme tire un gamin. Ils occupent tout le sentier. Elle a mis son bâton de marche dans son sac, la pointe dirigée vers moi. Si les Espagnols derrière me poussent je vais m’empaler.

Les Espagnols (peut être des sud américains) sont bruyants (ce n’est pas une découverte)J’entends claironner :
–    « Que pasa Jose, que no to oiga ?  »
–     « Despacio ! despacio ! Patrizia»

Révisons l’espagnol ! Ce n’est pas franchement ce que je cherchais sur le Mont Sinaï. Des jeunes ont inventé un refrain :

–    « Aï -Aï –Sinaï ! ».

Un portable sonne. Quelle chienlit ! Le sentier est très raide. Dans les guides, on parlait de marches. Ce sont plutôt des blocs arrangés en sorte d’escalier, irréguliers recouverts d’une arène glissante. Pour gravir les « 700 » marches on met plus d’une heure. Les guides appellent leurs ouailles. Les groupes sont affublés de noms ridicules « Ali Baba » les Espagnols, « Habibi » les Japonais….
Enfin le sommet !

La petite église est ouverte mais des Russes emmitouflés dans des couvertures en font le siège. A l’intérieur, des liturgies conduite par un pope et des Roumaines. Impossible de se faufiler. Je trouve un parapet pour m’asseoir en attendant le lever du soleil dans le coin des Espagnols. Un homme coiffé d’un chapeau western demande le silence et annonce »Exode 30, » ? , Une fille commence à lire dans le vacarme. On n’entend rien. Le même homme demande d’une voix forte :

–    vous entendez ?
–    Vous faites trop de bruit! »

Un homme à visage d’Indien relit d’une voix forte. Un jeune sort une guitare de sa housse. Tout le monde chante. Certains lèvent les mains au ciel. L’homme au chapeau (un prêtre ?) fait un long sermon puis les chants recommencent. Des femmes tombent en extase, dans les bras les unes des autres. Certaines pleurent.

Du côté Est, le ciel prend des teintes d’or. Je me sens piégée. Je voudrais voir le lever du soleil. Impossible de poser un pied par terre. Je ne peux quand même pas bousculer ceux qui prient. Je profite du passage du pope qui fend le groupe espagnol et je suis sa soutane à la manière de ceux restent dans le sillage d’une ambulance dans un embouteillage.

C’est complet du côté des Russes, mais en dessous, il y a une terrasse bien orientée. Des randonneurs français y ont dormi. Ils se poussent pour me faire un peu de place. Le soleil se lève dans les nuages. Je devine la boule jaune pâle dans un banc de brume. Puis le disque sort, très brillant, très vite. Le spectacle est terminé .

Mont Sinaï : la descente

A la descente je suis les Roumaines endimanchées derrière leur pope qui saute de roche en roche et fait du « hors piste ». Je ne me serais jamais doutée que ce vieil homme avec sa queue de cheval blanche, ses soutanes et son attirail serait aussi alerte. Les marches sont plus faciles à trouver quand on y voit clair. La piste est encombrée et il n’y a plus de marches du tout. Où sont passées les 3000 annoncées ?

Je viens juste de dépasser les WC à compost qu’il me vient une envie très pressante. La taamyia de Suez devait être pleine de bactéries ou d’amibes. Je dévale les derniers kilomètres avec une seule obsession : arriver à temps au monastère. Juste une petite photo de temps en temps. Je dépasse tout le monde. Au monastère les « lieux » sont disponibles. Ce n’est qu’après que je penserai à enlever l’anorak, le pull et la chemise chaude indispensable en haut où il gelait (il y avait de la gelée blanche).

Sainte Catherine : jour de repos à Foxcamp

SINAÏ AVRIL 2008

Foxcamp

 

Foxcamp est tout proche du monastère dans une petite oasis sur un chemin qui s’enfonce dans la montagne. En façade, un bâtiment bas en pierre avec le bureau d’accueil, la cuisine et des réserves.

Perpendiculairement, le bâtiment des chambres. Dans la cour, deux très belles tentes bédouines tendues sur une estrade de ciment. Au centre de chacune d’elle : un foyer. Tout autour, des banquettes recouvertes de tapis, kilims, nattes et coussins. Une paillote ronde au toit de feuilles de palme est construite devant la cuisine. Plus loin encore une paillote et une tente au fond.

L’oliveraie et le jardin des plantes aromatiques donnent tout le charme au campement. Partout oliviers, eucalyptus et palmiers donneront plus tard une belle ombre. Dans des jardinières, des géraniums. Devant les bâtiments des auvents de canisses dessinent des ombres chinoises. A partir de midi ils projettent des rayures élégantes sur la façade et les tables.

Nous profitons de l’ombre de  l’oliveraie. Avec nos fauteuils de palmiers et notre table nous sommes « chez nous ». A chaque voyage nous apprécions les étapes longues où nous nous fabriquons des souvenirs de lieux que nous nous sommes appropriés.

Sainte Catherine : le jardin de Selma

SINAÏ AVRIL 2008

 

 

Sur le  chemin qui s’enfonce dans la montagne, une jeune femme voilée de grenat nous interpelle :

– « Venez ! »

Nous grimpons dans son jardin en haut d’un talus. Elle nous présente tous les arbres fruitiers : pommiers, amandiers, grenadiers, caroubiers, vigne, oliviers, bien sûr. Je prends un  cours d’Arabe. Je connais presque tous les noms de fruits, pomme : topheakh (tapouakh en hébreu, raisin Anab (anavim) Caroubier Kharouv (pareil), grenade Remon (rimon) abricot mishmish, pareil pour la pastèque ! Ces mots me sont familiers. Aucun mal pour les retenir ou les prononcer. Ayant acquis un petit trésor de vocabulaire, je vais pouvoir communiquer avec les femmes qui ne parlent jamais anglais.

grenade

Selma nous cueille une rose et nous invite au thé chez elle, une maison de pierre,et nous reçoit dans le salon : seul mobilier en plus des nattes, lirettes et coussins: télévision et un magnétoscope trônent sur une table basse. Les murs ne sont pas crépis : mélange de pierre et de parpaings. Certains moellons sont soulignés de bleu. Dans un  coin, à la place d’honneur : la photographie du père de Selma jeune : un bel homme moustachu, très bédouin.

Selma vit avec son père qui garde les troupeaux et sa mère qui travaille au monastère. Seule, elle s’ennuie. Elle nous abandonne pour faire le thé, très contente. Seule, elle n’en aurait pas fait, elle profite de l’occasion de notre visite. A la télé se joue un vieux film égyptien que je m’amuse à suivre. On offre des bonbons. Selma détache un très joli bracelet de perles blanches et vertes et le passe à mon  poignet. Je sors le porte-monnaie. Elle ne veut rien. C’est un cadeau ! Si nous revenons demain, elle en coudra un autre . Nous promettons de revenir.

Deux jeunes arrivent : une très jeune femme en T-shirt rose à manches longues mais très collant avec un voile noir, un garçon très brun aux yeux très noirs et aux dents très blanches, tout de blanc vêtu. Selma explique : Khanan, sa sœur a treize ans. Elle est mariée (elle frotte les deux index) à Raja (15 ans). A peine vraisemblable : ce sont des enfants. Des enfants magnifiques et débrouillards ! Khanan attache à nos poignets des bracelets de perles tisées (moins beaux que celui de Selma). Ils sont d’accord pour les portrraits à conditions qu’on ne les montre pas aux Bédouins. Ils veulent regarder le résultat : Khanan ne se plait pas. Elle joue les vamps avec son voile noir. Raja est très photogénique. On lui demande de sourire. Raja s’éclipse et revient avec une besace pleine de cristaux et de géodes qu’il vend aux touristes. Il nous donne un quartz du mont Sinaï (aucun intérêt)et une petite géode. Je lui achète deux cristaux automorphes qui me plaisent.
Le père de Selma a décoré la porte avec des dessins naïfs en couleur. Je sors le carnet moleskine et montre mes dessins. Raja reconnaît l’église de Jard (Vendée) « Deir ! » s’exclame t il ! (Pas difficile,avec les croix). Ils veulent que je leur refasse mon dessin de la montagne. J’exécuterai cette commande et nous reviendrons le lendemain.

Sur le chemin du retour, nous rencontrons le troupeau. Les sœurs de Selma  reconnaissent les bracelets et réclament des cadeaux. Elles veulent des crèmes. Elles nous montrent leurs pieds crevassés et leurs mains. Je file à la chambre et sors tous les échantillons que nous avons apportés de France justement pour offrir. On garde les plus jolis pour Selma quand nous reviendrons demain.