Sainte Catherine : dans le désert – géologie –

SINAÏ AVRIL 2008

 

 

Farag nous a organisé une expédition dans le désert en « jeep »: départ  8 heures. A l’heure dite, tout le monde dort. Nous partirons un peu plus tard après le petit déjeuner.   Mansour, le chauffeur, parle un  peu l’anglais. Il emmène avec lui un copain. Tous les deux portent un keffieh rouge à damier. Ici, c’est plutôt le keffieh violet clair qui est à la mode. J’essaie de leur demander la signification des couleurs mais je n’obtiendrai pas de réponse. Pour partir, on attend un  petit garçon (gallabieh beige), dix ans qui s’installe au fond du break sans un mot.

Après avoir passé deux barrages de police, nous quittons la route de Nuweiba.

Notre « jeep » est un taxi Peugeot 504 break peint en bleu vif dans le genre des taxi-brousse béninois. Le conducteur fait remarquer que les Peugeot sont de bonnes voitures puis s’engage dans une piste très difficile pleine de bosses et de descentes vertigineuses. Parfois la voiture cale,  il faut prendre de l’élan.

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Géologie

Le spectacle est grandiose. Les montagnes de granite rose Précambrien (800 MA) bornent l’horizon. Elles sont recoupées par des dykes de basalte Miocène correspondant à l’ouverture du golfe de Suez et à celle de la Mer rouge. Ces dykes forment des bandes sombres noires à vertes aux arêtes beaucoup plus vives que le granite encaissant. Parfois les lignes foncées se recoupent. Parfois, une faille les a découpées et décalées, on voit nettement le rejet. Dans le granite, les miroirs de faille verticaux sont observables. La géologue en moi exulte ! Un dyke court sur des kilomètres se détachant sur le granite formant l’arête d’une colline. Il existe aussi du granite beaucoup plus clair, très érodé, formant des chaos avec de grosses boules et des cavités aux formes étranges. Ce granite s’observe en affleurements discontinus de place en place. Enfin, dans ls creux on voit les sédiments arrachés par les wadis à la montagne. Accumulations parfois de plusieurs dizaines de mètre qui ont été à leur tour ravinés, sculptés. On imagine les tours d’une forteresse, un sphinx fantôme…Un bloc erratique a été emporté par l a violence d’une inondation.

Variété des formes mais aussi des couleurs. Les montagnes roses prennent, à l’ombre, des teintes brunes ou violettes, orange en plein soleil. Plus près de nous, le granite clair blanchit à la lumière. Le basalte a été découpé en éclats aux arêtes vives qui jonchent la pente. Ces champs de cailloux paraissent noirs ou verts selon l’éclairage.

Mansour arrête la voiture sur une plateforme dégagée pour qu’on voie les crêtes à l’horizon d’un panorama étendu. Il nous montre le mont Tarbouche, la montagne la plus haute de la région dont la forme est bien reconnaissable.

Les jardins du désert

SINAÏ AVRIL 2008

les jardins du désert

 

 

Premier arrêt dans un  jardin.( Je réserverais plutôt le nom d’oasis à une palmeraie autour d’une source.) Ici, un forage et une pompe irriguent un jardin de cultures maraîchères, oignons, courgettes et aromatiques, romarin et sauge. De petits arbres fruitiers prospèrent. C’est la pause ; Les Bédouins mangent des oignons verts hachés avec leur pain. Une femme est assise à l’écart. Elle porte les bouchées à sa bouche en se cachant de son voile. Je tente une conversation en énumérant le nom des arbres que m’a appris Selma hier. L’échange de paroles est minimaliste mais il a le mérite d’exister. La femme est affectueuse. Elle ramasse ensuite un gros sac rempli de fourrage pour ses animaux, met son énorme baluchon d’herbe dans un voile noir, sur son épaule. Avec ses deux paquets elle s’éloigne rapidement.

Nabatéens

La piste continue dans ce désert coloré. Des maisons de pierre paraissent abandonnées. Je demande le nom du village à Mansour.
–    « Ces maisons ont deux mille ans », me répond il
Je crois avoir mal compris. Non, c’est bien 2000 ans, c’est un site nabatéen. Tout ce que je sais des Nabatéens c’est qu’ils avaient une grande maîtrise de l’hydrologie et savaient exploiter les ressources réduites à Pétra, en Arabie et dans le Néguev.

Pique-nique au jardin

Nous arrivons dans un  autre jardin encore plus verdoyant que le premier. Sous une tente toute simple( une bâche tendue sur des piquets de bois), deux tapis, tout autour une petite tranchée et une rangée de plantes irriguées par un goutte à goutte.

Sainte Catherine – Dans le désert : la cuisson du pain

SINAÏ AVRIL 2008

 

la cuisson du pain

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A une cinquantaine de mètres de la tente, un abri de roseaux et le foyer. Je suggère d’aller dire bonjour aux femmes. Il n’y a qu’une dame entourée de ses enfants en train de pétrir le pain dans une cuvette en aluminium ; un bidon d’huile découpé. Elle ajoute de la farine et fait une grosse miche. Sur un feu la bouilloire chauffe le thé. Un enfant vient porter le thé aux hommes. La dame sert trois verres pour nous, puis tisonne le feu. Près du foyer, un trépied et une plaque métallique. Comment va-t-elle s’y prendre ? Quand il y a suffisamment de braises, elle les repousse, pose la miche sur la plaque qu’elle a farinée auparavant. Elle recouvre le pain de braises. Le pain cuit sous la cendre pendant un quart d’heure. Ensuite, elle balaie doucement les cendres avec le tisonnier. Le pain est craquant ; elle le partage à la main. Pendant la cuisson elle a émincé des tomates, coupé des oignons et du persil. Dans une écuelle elle a aussi versé le  contenu d’une boite de thon en miettes.
Les hommes mangent en trempant le pain. Par politesse nous prenons du pain mais les légumes, pourtant très frais et appétissants, ne nous inspirent pas confiance..

Sainte Catherine : Safari-photo dans un canyon

SINAÏ AVRIL 2008

 

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Après le repas,  les enfants sont chargés de nous emmener dans le wadi. Ramadan porte d’autorité mes bouteilles d’eau deux autres nous suivent. Avec ma petite escorte j’entre dans un canyon étroit. Les enfants veulent se faire prendre en photo perchés sur un  rocher. Ramadan veut faire mon portrait. Je lui passe l’appareil. Au retour il veut à nouveau l’appareil, c’est urgent. Il me demande où est le téléobjectif puis se sauve. L’oiseau s’envole. L’enfant le poursuit. Il court mon Olympus à la main. Raté !

Un lézard passe. Encore une fois Ramadan veut l’appareil. Notre promenade devient un safari-photo. Les deux autres enfants s’en mêlent et servent de rabatteurs. Ils jettent de grosses poignées de sable sur un buisson où le reptile s’est réfugié. Le petit animal finit par s’enfuir et s’enterre dans un trou. Les enfants creusent. On voit la queue qui ne se casse pas. Le lézard s’échappe. Les enfants insistent. Le safari- lézard se prolonge

D attend sous une tonnelle de vigne. Les hommes ont fait la prière après leurs ablutions. Maintenant, ils bavardent en fumant tranquillement. C’est fou ce que les bédouins peuvent passer de temps à fumer et à parler.

Dernière étape : Wadi Gheraba à l’écolodge : une étape pour les méharées ou le trekking. Très belle maison de pierre : salle à manger extérieure sous un auvent avec tables et bancs en bois brut sculpté. Les toilettes sont une œuvre d’art, la douche, une vasque de pierre. La cuisine est également photogénique. Le problème est d’arriver !

Devant le gîte, des femmes ont installé leurs étals  de sacs brodés de perles ou d’ aumônières. J’ai trouvé le voile de mes rêves : fin noir, rebrodé de perles, petites discrètes, assez sophistiqué pour qu’il n’évoque pas la pénitence. Je marchande. La vendeuse me le laisse à 40 au lieu de 50 mais elle n’a pas la monnaie. Elle ajoute un paquet de thym. Je lui montre que je ne suis pas contente, elle ajoute un deuxième paquet de thym. D’autorité, je vais choisir une pochette noire brodée assortie au voile.

Sainte Catherine : Dernier petit déjeuner à Foxcamp, j’observe mes compagnons

SINAÏ AVRIL 2008

Foxcamp paillote

 

J’observe avec amusement les costumes des hommes installés sous la paillote du petit déjeuner. Les bédouins ont combiné les vêtements européens avec leurs costumes traditionnels. Slimane arbore une belle polaire blanche sur un jean, Farag jeans, surchemise de flanelle écossaise n’a pas abandonné le keffieh mais en porte en écharpe enroulé autour de son cou. Un autre, survêtement bleu, chemisette a fait un  turban avec son keffieh au sommet de son crâne. Mansour, jeans, chemise à carreaux porte le voile rouge et blanc largement étalé sur ses épaules. Un vieil homme en galabieh beige porte son voile blanc avec une cordelette noire, façon saoudienne, Mahmoud a replié son keffieh rouge et blanc sur sa tête, lui aussi est en galabieh. Le cuisinier est affublé d’une casquette de base-ball et ressemble plus à un maçon qu’à un cuisinier. Le serveur, pantalon noir et chemise blanche est, lui, habillé en serveur.

Assis de travers, un  nouveau personnage est apparu. Costume noir impeccable, il joue avec son téléphone mobile, un cure-dents entre les lèvres. Cheveux courts, œil noir, il se donne des airs d’agent secret. Impression confirmée par l’énorme pistolet à sa ceinture. C’est sans doute à cause de l’arme qu’il est forcé de prendre cette pose de guingois. En tout cas c’est un policier ou un  militaire.

Friande de thrillers et de romans d’espionnage, je m’amuse à broder et à associer sa présence à l’arrivée hier soir de trois Israéliens aux cheveux courts et air martial, prototype d’officiers de Tsahal. Ils ont débarqué avec tout un équipement de camping, barbecue, casseroles et poêles, bougie et whisky. Je n’ai pas résisté au plaisir d’échanger quelques phrases en hébreu (bavarde impénitente) J’ai été leur demander de la monnaie mais j’ai écourté la conversation.

Cette présence israélienne m’a étonnée. Elle est beaucoup plus banale que je ne l’imaginais. Farag leur parle en hébreu le plus naturellement du monde. A Dahab, à côté de l’affichage en allemand (la propriétaire est suisse), et en anglais, il y a des annonces placardées en hébreu, preuve que les touristes israéliens sont nombreux. La présence d’américains à Cuba m’avait aussi étonnée. Comme quoi, les choses ne sont pas aussi tranchées entre voisins. Dès que les hostilités cessent les gens passent d’une frontière à une autre. Et puis la paix entre l’Egypte et Israël a près de 30 ans !

A travers le Sinaï de sainte Catherine à Dahab

SINAI AVRIL 2008

Sinaï : montagnes

Sur la route de Nuweiba, le paysage change, les montagnes granitiques font place à des formations sédimentaires tabulaires entaillées en canyon, décor de western. Le sable clair tapisse le lit des wadis. Quelques acacias déploient leur silhouette décharnée aux endroits les plus imprévus. Les grès sont façonnés par l’érosion, donnant des séries de trous – peut être les animaux ont-ils creusé des terriers ou des nids, Vers la mer on retrouve des montagnes déchiquetées parcourues d’intrusions volcaniques souvent chloritisées d’un vert un peu gris. La roche encaissante est plus difficile à déterminer vue du taxi. Elle est découpée en blocs à angles vifs.

Une journée à Dahab

SINAI 6 AVRIL 2008

Dahab : la plage

 

L’hôtel Christina Beach : jolis bâtiments blancs avec des balcons arrondis à balustre, végétation luxuriante, palmiers bougainvilliers. Notre chambre n’est pas prête. Le réceptionniste nous conseille d’aller « au restaurant ». Ce dernier est divisé en deux parties, l’une donne sur les jardins, l’autre sur la plage de l’autre côté de la rue. Quelques tables avec des chaises, des salons orientaux avec de gros coussins. Juste à côté, la plage privée:  gros lits de plage en bois avec d’épais matelas de plage.

Nous préférons aller nous promener sur la corniche qui sépare les hôtels des restaurants de plage. Il me semble que nous avons quitté l’Egypte. Les menus sont en Anglais ou en Allemand. Les caractères arabes ont disparu. Les seuls Egyptiens présents sont les serveurs des restaurants qui proposent de la nourriture internationale : moussaka, pizzas, pâtes, poissons grillés (on est à la mer) et même du bacon de porc (dans le texte). Les boissons alcoolisées ne se cachent pas. Les touristes dévêtues déambulent. Certains bikinis sont minimalistes.
On finit par trouver importunes les petites filles voilées qui tentent de vendre des bracelets sur la plage.

les poissons de la Mer Rouge

Dahab est le paradis des plongeurs. Tous les eux pas, une école de plongée. Malheureusement la mer est agitée. De belles vagues blanches sont poussées vers le sud par un vent fort. Personne ne se risque dans l’eau.

Le réceptionniste m’avait donné des espoirs :
–    « c’est marée basse. Avec la marée haute, ce sera plus facile de se baigner »
Et oui, il y a des marées en Mer Rouge. Toute l’après midi, nous verrons le niveau de l’eau monter. Mais les vagues ne se calment pas. Deux intrépides ont, par deux fois, essayé d’aller à l’eau. Ils sont vite rentrés. Les sandalettes plastiques et le masque auront fait une sortie avortée.

Cette journée de farniente ne me déplaît pas. Terminer le cahier. Faire les comptes. Laisser vagabonder l’esprit, bercée par les vagues en regardant les belles montagnes découpées de l’Arabie, si proche !


A la tombée de la nuit une ville s’illumine ; c’est l’Arabie !

Lever de soleil sur Dahab

SINAI – Printemps 2008

 

lever de soleil sur Dahab

5h45, les oiseaux annoncent bruyamment le lever du jour. Je m’habille en hâte.
Le gardien me demande :
–    « the sun ? »

Et me fait signe de le suivre. Il grimpe un escalier raide et ouvre le salon sur le toit, parfaitement orienté pour cet évènement. Une estrade est aménagée avec des coussins. Je peux attendre confortablement mais je préfère m’accouder à la rambarde..l
I

Les montagnes de l’Arabie forment des crêtes découpées. Les sommets se détachent nettement, mauves à roses dans l’aurore. Elles disparaîtront et se fondront dans la brume bleutée quand le soleil aura dispensé sa chaleur. Cette présence intermittente de l’Arabie donne un parfum d’Orient à cette station balnéaire un peu trop occidentalisée. Si Dahab n’est déjà plus l’Egypte, c’est pour nous la voisine de l’Arabie rêvée, de nomades et caravanes, des Mille et unes nuits, de TE Lawrence, de la Mecque et de Riad…bien qu’attirée par l’inconnu et aiguillonnée par la difficulté, je n’envisage pas de voyage en Arabie. Si j’étais un  homme sûrement !

Avant même que ne surgisse le point lumineux, la surface de l’eau se colore de reflets orangés qui dansent dans le clapotis. Brusquement le disque solaire monte de la montagne. Juste le temps de quelques clichés dans sa gloire orangée. Le spectacle est grandiose mais bref.  Dans nos contrées du nord, nous pouvons jouir d’un lever ralenti où le ciel garde une demi-heure toutes les teintes de l’aurore de l’orange à l’or et à l’argent des nuages. Ici, les transitions sont brèves. En dix minutes tout est expédié. L’astre solaire illumine la mer. L’Arabie se fond, comme un mirage disparaît. Un cheval fait résonner ses sabots sur la promenade. Début du jour sur Dahab !

Si j’avais été plus prévoyante, j’aurais profité du calme du matin pour me baigner à marée haute. Mais la valise n’est pas prête. Je me contente de relever les jambes du pantacourt et de marcher avec précaution dans l’eau à mi-mollet sans m’éloigner de plus d’un mètre du restaurant. Il ne sera pas dit que je n’aurai pas trempé mes pieds dans la Mer Rouge !

Après le petit déjeuner, le vent se lève. Des crêtes blanches viennent rouler sur le bleu profond. Je n’aurai pas vu la barrière de corail si proche : à peine une centaine de mètres, là où se brisent les rouleaux et où l’eau passe du vert d’eau au bleu.
Au petit déjeuner, j’oublie toute prudence et tout régime. Je me jette sur les falafels et les aubergines frites, le fromage blanc salé et toutes les spécialités moyen-orientales.

8h30,Susanna, une des hôtesses de Christina Beach me tient compagnie, pendant que nous attendons le taxi qui doit nous emmener à l’aéroport à Charm el Cheikh. . Christina Beach appartient à Christina, une Suissesse mariée à un égyptien. Susanna est allemande, aussi mariée à un Égyptien. Comme je lui fais part de mon impression que Dahab n’est pas vraiment l’Egypte, elle me répond que cette impression me vient de ce que je suis touriste ; Elle qui réside ici doit se conformer aux codes égyptiens

– « I must behave  » , résume t elle.