Le Chat, le Général et la Corneille – Nino Haratischwili

FEUILLES ALLEMANDES 

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Point commun entre toutes ces feuilles allemandes :  elles sont traduites de l’Allemand. Je n’imaginais pas voyager aussi loin: jusqu’en Tchétchénie et en Géorgie.  L’autrice : Nino Haratischwili est d’origine géorgienne et réside en Allemagne. Les personnages du roman sont presque tous nés dans l’ancienne URSS, l’intrigue se déroule de  la fin de la période soviétique,  la Perestroïka et le début de la République de Russie. C’est un  roman choral avec trois narrateurs : le Chat (qui n’est pas du tout un chat mais une jeune comédienne), le Général (qui n’est pas général mais un richissime oligarque) et La Corneille (qui n’est pas un oiseau mais un journaliste).

Les fils de leurs histoires se tressent , de 1995 à 2016. En filigrane, les guerres d’Afghanistan, de Tchétchénie, de Géorgie avec leurs cortège de violences. Trafics divers et corruptions. Jeux de pouvoir et d’argent. Alcoolisme et drogues. Des adolescents sensibles, souvent cultivés confrontés à la guerre et aux trafics sans repères et sans limites deviennent des êtres cyniques et brutaux. 

Des histoires d’amour, qui finissent mal, en général (comme dans la chanson).

C’est un gros bouquin de près de 600 pages dans lequel j’ai eu du mal à entrer, confondant les personnages – souvent désignés par des surnoms, des petits noms, des animaux, perdue dans les lieux. Je n’ai pas toujours identifié les villes, surtout dans le Caucase. On saute sans boussole, de Tbilissi à Moscou, à Berlin, de Géorgie en Tchétchénie, et sans plan dans les quartiers de Berlin. Il m’a fallu près de 125 pages pour reconnaître les personnages et à peu près autant pour me repérer dans la géographie.

Dès que j’ai pris mes marques, je me suis sentie aspirée par l’histoire et la lecture est devenue addictive. J’avais vraiment envie de connaître le dénouement et je me suis laisser prendre jusqu’au bout.

Elle aurait voulu que leur relation n’ait pas, dès le début, contenu en germe leur rupture. Elle aurait
voulu être une autre personne, pour qui la banale normalité aurait été quelque chose d’inné, elle aurait
voulu ne l’avoir jamais rencontré, elle aurait voulu ne pas être poursuivie par la photo de la fille morte,
elle aurait voulu que le passé ne jette pas toujours son ombre déformée sur le présent, elle aurait voulu
que les femmes de sa famille aient un peu plus de bon sens et un peu moins l’esprit tordu, elle aurait
voulu ne pas se sentir en permanence obligée d’expliquer et de traduire son comportement pour les gens d’ici. Elle aurait voulu ne pas avoir aussi furieusement envie de s’échapper à elle-même. Et surtout, elle
aurait voulu n’être jamais montée dans cette voiture…

Nous nous aimions – Kéthévane Davrichewy – Sabine Wespieser

GEORGIE/FRANCE

152 pages, lu d’une traite une après-midi pluvieuse. Lecture agréable. Histoire un peu triste de liens familiaux très forts qui se défont à la suite de deuils, de brouilles, de la guerre en Abkhazie qui a détruit la maison familiale où la mère et les soeurs passaient les vacances d’été.

Roman d’exil, pour la mère, danseuse géorgienne qui a quitté Tbilissi pour épouser un Géorgien exilé à Paris, double culture pour les filles, nées à paris dans une famille où la culture géorgienne est maintenue vivante mais qui grandissent dans un environnement français.

Noyau familial chaleureux, virées en voitures, le père la mère, les deux filles chantant Jules Dassin…Intimité partagée des deux soeurs qui ne se cachent rien et se tiennent la main. Famille géorgienne accueillante et finalement tracasseries soviétiques stressantes mais supportables.

Le bonheur, sont ils éternels? Usure au fil du temps, divorces, maladies, ressentiment. Délicatement racontés avec l’élégance d’un roman  court qui reste léger.

La Baignoire de Staline – Renaud S Lyautey – Seuil noir

MASSE CRITIQUE DE BABELIO

Merci à l’éditeur, Le Seuil et à Babélio pour cette agréable découverte. 

Un policier qui se déroule à Tbilissi en Géorgie, dépaysement garanti pour un voyage au Caucase. Un jeune Français est découvert assassiné dans une chambre d’hôtel, René Turpin, un diplomate est chargé de suivre l’affaire. Je pense à Aurel le consul du Suspendu de Conakry de Rufin en plus terne comme personnage. Ce sont les policiers géorgiens qui sont chargés de l’enquête. D’ailleurs d’autres morts suspectes vont succéder avec un sympathique détective d’origine abkhaze (occasion de découvrir cette région annexée par la Russie). L’enquête part en tous sens (je ne spoilerai pas!)

En plus du décor caucasien, on goûtera à la gastronomie locale sous l’expertise d’un aimable voisin de Turpin qui l’entraîne dans les meilleures cantines de la ville et cuisine aussi. J’aime les policiers qui n’oublient ni de manger ni de boire (mon préféré est Montalbano). Je vous laisse essayer des mets délectables aux noms imprononçables.

Et Staline là dedans? l’action se déroule en 2009.La Géorgie est un état indépendant.  Staline, qui en est originaire comme Béria et nombreux autres, ont laissé un souvenir impérissable. Fierté ou terreur? L’ambivalence subsiste encore un demi-siècle après sa disparition. On ne peut ignorer les décennies communistes qui ont modelé l’urbanisme et les mentalités.

Les racines de l’enquête remontent à l’époque soviétique. De policier, le roman vire à l’espionnage….j’ai dévoré la fin tout à fait passionnante.

une très bonne pioche de la Masse Critique!