On monte à la vieille ville de Sighişoara par un escalier qui débouche sous la tour de l’Horloge. Malheureusement, toute la ville est en chantier. Camions et pelleteuses ont défoncé le pavé. On patauge dans la gadoue. La jolie ville médiévale fait peau neuve. Peut être va-t-elle y perdre en authenticité ?
sighisohara
Entre la tour de l’Horloge et la jolie place Cetatii (malheureusement utilisée comme parking par les riverains) nous passons devant la maison natale de Dracula. Vlad Tepes, prince de Valachie, l’Empaleur, a véritablement existé et opposé une résistance admirable face aux Ottomans. Sighişoara avec ses tours à toits pentus, ses clochetons, ses murs de guingois fait un cadre idéal à la légende de Dracula. Les marchands de souvenirs exploitent le filon de l’horreur et vendent des masques horribles, des perruques de sorcières et autres articles de vampires d’un goût douteux.
L’église de la colline est accessible par un escalier de 172 marches est couvert par une voûte de bois.
Construite de 1429 jusqu’à 1529. Dans la fresque au dessus du portail on peut lire :
« Cette œuvre a été achevée avec l’aide de Dieu en 1488 à la Saint Gerhardt lorsque une grande neige a détruit les arbres fruitiers »
Une autre inscription dans le chœur note :
« Celui qui veut s’asseoir dans cette stalle et qui ne sait pas parler latin, qu’il reste dehors pour qu’il ne soit pas chassé à coups de bâton » (1523)
En 1547, l’église passe à la Réforme !
On peut aussi voir un très beau retable, 21 pierres tombales et les trois emblèmes des rois Mathias Corvin, de sa femme Béatrice et du Prince Etienne Báthory.
On rejoint le tour des remparts en passant par le cimetière au pied de l’Eglise de la Colline.
La promenade à l’ombre des grands arbres entre les tombes et les herbes folles et les fleurs est très romantique. Les noms sont en majorité allemands : Wagner, Roth…parfois hongrois, très exceptionnellement roumains. Sans doute, les Roumains avaient un autre cimetière dans la ville basse. Promenade tranquille. Je descends de la colline pour me heurter à une grille fermée. Il me faut tout remonter.
des fleurs à la fenêtre
Le tour des remparts est une jolie promenade dans des ruelles moyenâgeuses entre des maisons basses. Les tours carrées sont celles des corporations : tour des Bouchers, des Fourreurs, des Tailleurs…Je retrouverai toutes ces corporations avec leurs outils et leurs emblèmes, les enseignes (celle des chapeliers est très belle) dans le Musée Historique de la Tour de l’Horloge.
Le Musée Historique se trouve dans la Tour de l’Horloge
(entrée: 6LEI)
Bric à brac hétéroclite : pots de pharmacie aux armoires baroques peintes en passant par les peignes à carder…Tous ces objets rappellent que la ville de Sighişoara (Schässburg) était une ville tenue par les corporations, ville commerçante jouissant de privilèges (entre autres de battre monnaie).
Clou de la visite: le mécanisme des automates de l’Horloge.Tourné vers la Ville Basse, un personnage en bois changeait chaque jour à Minuit. Dimanche avait une couronne aux rayons d’or tandis que Lundi portait une lune ? Mardi, jour de Mars…Du côté de la Ville haute, un groupe représente une allégorie : le Droit et la Justice avec une balance. Attention, le droit de les photographier est exorbitant (30 LEI).
un mois autour de la Roumanie en Logan chez l’habitant
Sighisohara maison verte
Dans la ville basse, de nombreuses banques bordent la rue principale. Elles occupent des maisons colorées décorées de stucs et volutes gracieuses. D’autres maisons ont un style moyenâgeux, historicisme éclectique austrohongrois comme nous l’avons vu en Hongrie.
Un mois autour de la Roumanie en Logan chez l’habitant
Crit : gîte de charme
Le soleil a baissé et les murs font de l’ombre, je m’installe dans la rue pour dessiner la plus belle maison du quartier. Comme elle est grande je choisis d’étudier la décoration multicolore par le détail : mur jaune d’or ocré, tour des fenêtres blanc éblouissant, motifs bleu roi. Les persiennes projettent leur ombre rayée sur le mur jaune. J’observe spirales et volutes bleues.
Je viens tout juste de terminer le dessin d’une fenêtre qu’une dame sort, habillée d’une élégante robe à plumetis blanc sur noir me propose de visiter sa belle maison, et les trois chambre d’hôtes . Ils reçoivent des « invités » du monde entier, récemment, du Brésil
Raffinement des meubles peints aux motifs floraux. Vastes chambres toutes différentes, salles d’eau luxueuses. Ils ne jouent pas dans la même cour qu’Adrian et Elena. Catégorie luxe. La table aussi, est raffinée : « invités » font le déplacement de Bucarest ou de Brasov pour un bon repas.
Son mari emmène ses hôtes dans la forêt pour observer la faune sauvage : renards, chevreuils et oiseaux. Connaisseur en vins, il commande directement au producteur. Je décline l’offre d’une dégustation malgré son insistance.
Ils ont conduit eux-mêmes la restauration.
Caroline de Viscri (la fille de la dame guide) s’occupe de la fondation pour la conservation des façades qui finance les ravalements. Il faut ensuite consolider la maison, refaire les toits. Avec leur camionnette, ils ont écumé les villages pour rapporter 6000 tuiles, des fenêtres anciennes et des meubles peints pour donner à la maison son aspect traditionnel. Le plus difficile fut de convaincre les artisans d’utiliser des matériaux d’origine, de démolir le neuf, la véranda métallique, les grandes baies pour mettre à la place les cadres vermoulus des fenêtres de bois, les planchers à peine équarris, la peinture à la chaux. Je ne veux pas abuser de leur hospitalité mais ils sont si fiers de montrer le résultat.
Ils sont aussi préoccupés de l’image de la Roumanie en Europe et bien conscients de la mauvaise réputation et de la criminalité et de la mendicité des Tsiganes. Evidemment, je leur parle de Cioran, d’Ionesco et de Brancusi (notre prononciation française les amuse ils prononcent Brancouch, le i final est muet).
Au cours de la conversation, nous parlons des Tsiganes qui vivent au village.
– « Non, ils ne squattent pas. Ils payent un loyer à la Mairie. »
Propriétaires d’un gite de luxe, ils ne voient pas d’un mauvais œil ces occupants. Le fait de vivre dans une maison contribue à son entretien et l’empêche de s’écrouler. Comme Helena, ils ne les trouvent pas fiables comme employés, sans prendre cela de façon dramatique :
– « Ils viendront travailler deux jours et pas le troisième »
Nous terminons la visite au jardin. Le potager est vraiment grand et très bien entretenu : tomates, carottes, cornichons, oignons mais aussi brocolis, céleris, aneth. Les haricots prennent le maïs pour tuteur (nous avons vu cela chez les indiens du Canada, les Indiens appelaient maïs, haricots et courge les trois sœurs).
Finalement nous regardons les géraniums et les volubilis. Les volubilis ont une place spéciale : ils ont donné leur nom à la maison. Leur bleu rappelle celui des décors extérieurs et leur camionnette en est couverte !
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la table dressée et Elena notre hôtesse
Chorba avec des haricots mange-tout puis un ragoût avec de la purée et des cornichons. La viande est très tendre. Sous la dent, je sens du cartilage.
– « Baby goat », répond Helena
quand je lui demande ce que c’est. Heureusement que j’avais terminé mon assiette !
Pour finir des crêpes roulées avec de la confiture d’églantine.
Route de Brasov jusqu’à Rupea que nous connaissons déjà.
Homorod : petit village et pourtant à l’entrée des immeubles sinistres et décrépis montent la garde. La citadelle possède trois tours carrées ramassées sur elles même. Il est 9heures et les gens vont aux foins. Nous dépassons trois hommes à vélo. L’un a une plume à la casquette de base-ball.
D’Homorod à Ocland, une méchante route de terre traverse Jimbor. Dans un pré, je compte 11 cigognes. A Satu Nou je remarque les premiers portails en bois ciselé.
Nous retrouvons le goudron aux portes d’Ocland qui est un petit village perdu dont les maisons n’ont aucun caractère particulier, rarement bien crépies, cachées derrière une tonnelle de vigne, le plus souvent mal fichues, en ciment avec des fenêtres modernes.
Une flèche « Monument » nous guide vers un petit porche surmonté d’un auvent avec une pointe très aiguisée et un toit de tuiles vertes de mousse. La barrière a été repeinte récemment .Les inscriptions sont en hongrois. Le jardin qui entoure l’église est très joli avec ses bancs bleus, ses buis et troènes taillés, ses rosiers entourés d’un rond de pierres chaulées. Une glycine accueille les visiteurs qui passent par un petit porche sans intérêt. L’église est fermée. Par un carreau on peut découvrir cette très jolie église unitarienne. L’autel est une table rustique sculptée recouverte d’une nappe brodée au point de croix avec des motifs rouges sur fond grège, fleurs et oiseaux. Une armoire verte est peinte. La chaire en pierre est ornée de tissu brodé, au dessus le bis sculpté est peint en bleu et vert. Les bancs et les dossiers sont également en bois peint en bleu. Sur chaque dossier, un livre de prières et des bandes de broderie. Au sol, un tapis rouge-noir-beige aux dessins en losanges. A l’extérieur l’église est encore blanche et bleue. Sous un auvent de travers un « totem » sculpté porte les couleurs hongroises, des rubans verts-blancs-rouges.
Dans les rues se promènent des troupeaux d’oies. A la sortie du village la pension s’appelle Siculus : nous sommes chez les Sicules qu’on appelle aussi Szeklers. Nous croisons des enfants très blonds.
La route vers Odorhieu Secuiesc franchit des collines verdoyantes. Au creux d’un vallon, un chapelet d’étangs : l’un est une réserve ornithologique, le suivant organisé pour la pêche. Nous remarquons les portails ciselés de plus en plus nombreux et les inscriptions en Hongrois. Les petites églises blanches avec les maisons blotties forment des taches rapprochées dans les vallées. On peut voir ensemble trois ou quatre églises à la fois.
Odorhieu Secuiesc est une ville moyenne hongroise. Nous y trouvons un supermarché CBA comme à Budapest où nous achetons des salamis au paprika, de la crème aigre, et des yaourts. Les vins proviennent de Hongrie et les prix sont élevés. D retrouve les sablés à la confiture qu’on achetait à Budapest. En revanche à la caisse, à part le « kösönem » automatique, la caissière n’est guère aimable. Dans la rue les incompréhensions linguistiques recommencent. Ici : Hongrois première langue, roumain deuxième langue personne ne fait l’effort de nous écouter, ni en anglais, ni en allemand encore moins en français !
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coffre peint musée ethnographique des Sicules
La route 13A vers Mercurea Cuic traverse les belles forêts de la Montagne de Harghita. Sapins ou épicéas ? En tout cas très hauts ! Invitation à la promenade.
Mercurea Cuic est une ville peu engageante, moderne, industrielle, bétonnée. Nous ne voyons pas les belles maisons décrites dans les guides et avons toutes les peines du monde à nous faire expliquer le chemin du château. Finalement le mot magique est « castello » que je trouve après avoir essayé « château », » Schloss », « Burg», « castle» et même le hongrois « var »..
Le castello est un ensemble assez élégant de bâtiments en quadrilatère. Détruit par les Ottomans en 1661 reconstruit en 1713.
Un mariage sort d’un bâtiment de l’autre côté de la rue. Des musiciens sonnent du cor de chasse relayés ensuite par des accordéonistes. Les dames du Musée, tout au spectacle de la noce rentrent à contrecœur dans leur château.
Du château, lui-même, je n’apprendrai rien. Une aile est aménagée en Musée Ethnographique des Sicules : outils de menuiserie, bois gravés, bâtons de bergers décorés, costumes et surtout un très beau mobilier peint et des broderies au point de croix somptueuses, rouge sur blanc, parfois rouge et noir, plus rarement rouge et bleu. Une agréable musique folklorique accompagne le visiteur. Une autre aile présente de la sculpture et de la peinture hongroise contemporaine, de bonne facture, très colorée. Souvent des sujets religieux. Un peintre m’a déplu à cause de sa peinture lugubre. Un autre m’a intéressée avec ses couleurs vives et ses personnages grinçants. Je reconnais Pilate et les Romains. Cela m’amuse.
mercurea ciuc
56km séparent Mercuréa Cuic de Gheorgheni. La route traverse de nombreux villages sans intérêt aux maisons tristes des années 50 ou 60 derrière leurs grilles métalliques rouillées.
cortège nuptial
Intermède : un cortège nuptial suit des musiciens, le maître de cérémonie, seul à l’avant suivi de trois violoneux des accordéonistes et des mariés en costume modernes. La mariée toute jeune me sourit quand je la prends en photo porte une robe blanche courte. Tout le village suit en une longue colonne.
Le ciel s’est chargé. Les montagnes retiennent les nuages d’orage très menaçants.
un mois autour de la Roumanie en Logan chez l’habitant
Château de Lazarea
Un pavillon moderne dans un magnifique jardin, une belle chambre avec des plantes vertes, des tapis rouge noir et beige et des rayonnages remplis de livres en Hongrois. Impression d’être vraiment « chez l’habitant », la dame nous a fait l’honneur de nous prêter sa chambre pour une nuit. Cela ne ressemble pas du tout à une chambre d’hôtel impersonnelle. Dans la cuisine, une table avec des bancs et partout des broderies multicolores aux fenêtres, au dessus des portes, du micro-onde…et toujours des plantes vertes.
Le château de Lazarea est bizarre avec ses tours massives comme celles des citadelles mais coiffées de créneaux d’opérette tarabiscotés.
Pas un mot d’explication. Le château pourrait aussi bien dater du 14ème que du 20ème siècle (16ème selon Evasion). Entrée 6LEI, toujours sans un mot. J’entre dans une très vaste salle meublée de deux tables vernies et de 136 chaises lourdes de bois sculpté aux coussins de cuir, une salle de banquets ornée de tableaux de peintres hongrois de style figuratif de valeur très inégale. A l’étage, une galerie boisée sous de magnifiques poutres sert de salle d’exposition pour des sculptures contemporaines, des dessins, gravures et lithographie d’artistes hongrois et roumains. Des œuvres soignées avec de réelles qualités, agréables à l’œil pas du tout « foutage de gueule » comme souvent l’art contemporain. Dans la grosse tour, encore des broderies du macramé et de la dentelle. Dans une autre : des œufs décorés.
Au dîner, soupe, haricots légumes et pommes de terre, poulet délicieux au paprika et des crêpes.