« C’est une histoire pleine de chevauchées sous de grande bannières jetées dans le vent, d’errances et de sanglantes anabases…. »
Ainsi commencent les aventures de Samuel Ayyad qui se mit au service des Britanniques à Khartoum en 1909 et partit guerroyer contre Bellal, un rebelle successeur du Mahdi, au Kordofan, Darfour et plus loin encore dans l’Afrique de l’Est. Samuel Ayyad doit gagner l’alliance des sultans grâce aux fusils offerts par l’empire Britannique et à des sacs d’or…Batailles de cavaliers avec étendards, bannières, sabres et turbans.
Un autre libanais est parti pour une aventure différente :
« parmi les nombreuses histoires sur ces hommes qui se sentirent à ‘étroit entre la mer et la montagne et quittèrent le Liban au début du XXème siècle, celle de Chafic Chebab est sans doute une des plus singulières »
Chafic Chebab est un commerçant, un antiquaire qui vend de belles pièces de menuiserie en Alexandrie. A Tripoli il découvre un petit palais qu’il achète en entier fait démonter et s’imagine pouvoir vendre à un des sultans des cheikhs au sud du Sahara, Tchad ou Soudan. Il affrète donc une caravane pour transporter pierre à pierres le palais
« En découvrant les pierres de taille, le bassin décoré et les plafonds sculptés portés par les équidés aux allures de pimbêche, il part d’un fabuleux éclat de rire en déclarant qu’il vient de comprendre l’étymologie du mot « caravansérail »…. »
Car on rit aussi beaucoup en suivant cette épopée de mille et une nuits et même beaucoup plus qui suivra la traversée caravanière, du palais dans les savanes soudanaises, sur des barges sur le Nil jusqu’au Caire, abordé en 1914, alors que la guerre vient d’éclater.
Le seul moyen de retourner au Liban est de faire un prodigieux détour par l’Arabie où les tribus alliées de Fayçal se sont alliées aux britanniques contre l’empire ottoman. rencontre avec T E Lawrence…nouvelles alliances avec les Bédouins mais aussi avec des notables de Médine faits prisonniers.Chevaleresque, Samuel Ayyab rachète leur liberté et les raccompagne « durant ces interminables journées, il arrive à Samuel de songer qu’il s’apprêtait lieu à rentrer chez lui et que, au lieu de ça, il se trouve en train d’aider les autres à le faire, sorte de Moïse involontaire ramenant ses Hébreux vers leur ville promise…. »
Roman d’aventures, récit de voyage, de caravanes exotiques, de batailles et de marchandages, récit historique aussi, aventures cocasses, rebondissements…Samuel et son palais arriveront-ils à destination?
Aux frontières de l’Europe m’a accompagnée pendant notre tour de Bulgarie, je l’avais choisi parce que nous partions aux confins de l’Europe (ou tout au moins de la Communauté européenne), continuant cette exploration de cette Europe de l’Est, commencée en Hongrie, Roumanie, et les pays baltes. Echo d’un voyage similaire ?
C’est un ouvrage à ranger, dans une bibliothèque idéale où les livres seraient classés par affinités entre Patrick Leigh Fermor et Primo Levi, non loin de Balkans-transfert de Maspero. Relation d’un voyage de 6000km de la Laponie à Odessa sur la « fermeture éclair »de l’Europe, la nouvelle frontière, frontière de l’espace Schengen…
Paolo Rumiz est de Trieste.L’histoire de Trieste est aussi une histoire de frontières, limite entre l’empire austro-hongrois où il note que sa grand-mère avant 1918, sans passeport se rendait en train jusque dans les Carpates : une journée de train, de Trieste à la Transylvanie. Trieste à la limite de la Slovénie, maintenant membre de l’Union Européenne, mais dans un temps pas si lointain, Yougoslave, derrière le « rideau de fer ». C’est d’ailleurs au cours du démantèlement de ce poste frontière que le voyage « Aux frontières de l’Europe » s’est décidé.
Plus que paysages ou de monuments, Rumiz note ses rencontres : «Ce voyage à l’est a été un bain d’humanité. Cette fois, plus que jamais, ce voyage ce n’est pas moi qui l’ai fait, mais les personnes que j’ai rencontrées. C’est même un peu comme s’il s’était fait tout seul. Peut-être a-t-il fonctionné parce que je suis parti sans savoir grand-chose, peut-être les voyages qui réussissent le mieux sont-ils ceux qu’on n’a pas le temps de préparer. Ceux qu’on affronte sans aucun fatras livresque… » Là, je ne suis pas d’accord ! Rumiz était plus que prêt à ses rencontres, d’abord avec une connaissance de la langue russe, lingua franca dans cette région, et toute cette culture slave qui lui a permis de trouver une langue commune avec tous ces inconnus.
Voyage de rencontres, voyage de mémoire, de ces empires démantelés : « partout je trouvais les épaves des frontières mouvantes d’anciens empires – russe, allemand, turc et austro-hongrois abandonnées là comme des blocs erratiques des Préalpes…. »
Voyage de recherche des absents aussi, des soldats triestins ayant combattu entre 1914 et 1917 dans l’armée autrichienne, de ceux qui sont allés sur le front de l’est derrière les armées nazies, de ceux qui sont rentrés des camps….Et cette grande absence qui plane encore avec des images de Chagall, de la Lituanie, la Galice, l’Ukraine, de Vilna à Minsk, de la communauté juive…
Rumiz raconte les frontières actuelles ou perdues. Dans l’arrière pays, il ne s’attarde pas. Nous ne saurons rien de son passage à Saint-Pétersbourg, peu sur Vilna, en Lettonie il rencontre des Russes et ne pousse pas jusqu’à Riga. En revanche il est fasciné par Kaliningrad, l’enclave russe dans l’Europe de Schengen. Pour les visites de Grodno, il n’y aura qu’un service à la Synagogue chorale et au cimetière juif, un regard vers les églises des Polonais catholiques et orthodoxe. Rumiz ne fait pas de tourisme !
Il n’est pas insensible aux paysages, ses pages sur le Grand Nord sont très dépaysantes. Sensible à la compagnie de l’eau : « L’Occident n’a pas perdu que le temps qui lui coule entre les doigts, mais aussi la compagnie rassurante de l’eau. Elle ne murmure plus, ne tonne plus, ne berce plus. La « tubocratie » l’a vaincue sur toute la ligne. Alors qu’ici le chant du premier élément me suit et m’invite ; le Boug, La Vistule, la Bérésina, le Dniestr…. »
Voyage finalement si différent de ceux que nous faisons, recherchant une Europe commune à tous, sans frontières, avec la carte d’identité pour tout passeport !
Nous regrettons d’avoir choisi un jour pluvieux pour découvrir cette cité ! Par beau temps nous aurions pu faire la promenade des remparts avant de visiter la Citadelle qui abrite le Musée de la Compagnie des Indes.
Ce fort fut construit par les Espagnols.
Les Espagnols ?
Le Duc de Mercœur, Gouverneur de Bretagne et ligueur, les appela au secours après l’assassinat du Duc de Guise. En 1590, 3000 Espagnols débarquèrent donc et la citadelle « Fuerte del Aguila » fut édifiée.Chassés par Henri IV en 1598 la citadelle fut démolie.
Louis XIII, en 1616, de confia les travaux de reconstruction à Corbineau, bâtisseur du château de Brissac.
Un pont de pierre enjambe les douves. on passe sous plusieurs porches avant d’arriver dans la grande cour carrée : la place d’armes. Souvenir fugace de la Citadelle de la Havane (peut être l’évocation des Espagnols ?)
Musée de la Compagnie des Indes
les épices de la Compagnie des Indes
La boutique du Musée de la Compagnie des Indes vend des épices et du thé parfumé avec beaucoup d’autres objets merveilleux, porcelaine de Chine, soieries et indiennes et divers objets aux motifs exotiques.
L’invitation au voyage lointain
construction navale
Les marchandises : café, poivre, cardamome, clous de girofle sont présentées dans des caisses de bois….les épices entassées, des sacs et sachets de tissus agrémentant la présentation.
Les routes du commerce : routes de la soie, route de la porcelaine moins connue sont tracées sur de belles cartes, ainsi que les trajets des premiers explorateurs : Portugais, doublés ensuite par les Hollandais qui colonisèrent l’Indonésie. Français et Anglais faisaient route vers l’Inde. Je découvre les noms anciens de Coromandel et Macassar, bien repérés sur une carte.
la vie à bord : officiers
Autour d’une maquette de voilier, des panneaux racontent les différentes étapes de cette compagnie : Compagnie Colbert, Laws puis Calonne.
Sur un magnifique pastel, Madame de Sévigné arrive à Lorient.
La vie sur les chantiers navals est illustrée par des maquettes (extraordinaire on voit les ouvriers en train de scier, porter les poutres, les assembler installer les gréements…) puis la vie à bord.
Tous les moments de la vie sont figurés par de petites maquettes : les cuisines du capitaine, celles des matelots, le médecin en train de soigner, le prêtre qui donne l’extrême onction, le calier en train de faire l’inventaire de ses barriques …un bateau est découpé en tranches horizontales montrant le chargement des cales ainsi que les différents ponts, les cabines des officiers, les logements des hommes, puis sur le pont supérieur on assiste même à une rixe…
bronzes du Bénin
Le long voyage aux Indes faisait le tour de l’Afrique : les escales africaines sont largement détaillées, Gorée mais aussi Ouidah que nous connaissons bien, gravures des rois de Ouidah, une magnifique défense d’éléphant sculptée des rois de Bénin, et dans les vitrines le dieu Ogun, et des saynètes en laiton : roi perché sur son très haut trône, ombrelle l’abritant sans doute mais aussi femmes en train de piler, musicien … ces objets sont d’une très grande finesse, je n’en ai jamais vus de si beaux ni à Abomey ni au Quai Branly.
Une vitrine entière est consacrée à Paul et Virginie, le sujet de nombreux tableaux et gravures, une carte de la Réunion.
La deuxième partie de l’exposition a pour lieu l’Asie : Pondichéry d’abord avec les tissus indiens, cotonnades blanches et mousselines d’une grande finesse mais d’une simplicité étonnante. Extraordinaires « indiennes » colorées, au hasard des étiquettes j’apprends qu’il fut interdit en France de les porter tant elles étaient prisées, et que cette interdiction détourna cette marchandise aux impressions colorées vers l’Afrique, préhistoire des wax et des imprimés africains ?
ivoires
Les artisans des comptoirs français d’Inde étaient également des ébénistes, le mobilier exotique est fastueux : un lit ovale imitant un temple avec son toit bleu est tout à fait original. Le port de Pondichéry et la demeure de Dupleix sont reconstitués sur une maquette où évoluent toutes sortes de bateaux.
Courte évocation du Siam : gravures montrant l’ambassade du roi de Siam à la cour de Louis XIV avec la mission de Phaulkon et des Jésuites.
Nous arrivons maintenant à Canton : le port sur la rivière des Perles et les différentes délégations européennes sont représentées avec nombre de jonques et de petits bateaux asiatiques recouverts d’un demi-cylindre de bambou. Une fastueuse collection de porcelaines chinoises est exposée, bleus et blanches, rouges et blanches, vertes… certaines sont manufacturées exprès pour l’occident et les motifs sont parfois religieux ou présentent les armoiries des futurs possesseurs. Une armure japonaise termine le voyage.
Impossible de ne pas être tentées par de si jolies marchandises. Raisonnable,je choisis deux paquets de thés parfumés et moins raisonnablement, une porcelaine pour les épices délicate.
De l’autre côté de la cour carrée qu’on franchit en vitesse sous le crachin se trouve une exposition sur les Trésors de l’Océan : trésors de l’archéologie sousmarine. Ici aussi sont présentées des maquettes de bateaux : bateaux asiatiques, jonques, et embarcations variées de Manille au Japon. Devant une carte marine colorée et illustrée agrandie qui décore toute une salle on voit les inévitables compas boussoles, sextant. Musée moderne, deux audiovisuels expliquent le travail des archéologues qui remontent du fond des océans les trésors des bateaux naufragés. Par faible profondeur on voit les plongeurs à l’ouvrage, mais par plus de 300m de fond c’est un sous-marin en forme de bulle transparente qui est équipé de bras et de ventouse. Je suis bluffée par l’adresse de ces appendices qui nettoient la porcelaine, la débarrassent des sédiments et la remontent délicatement au moyen de ventouses assez efficaces pour les emporter mais assez délicates pour ne pas casser cette vaisselle si précieuse et si fragile. Là aussi on voit une magnifique collection de porcelaine chinoise. Je remarque surtout une assiette avec un crabe de toute beauté.
Une troisième exposition est consacrée au Sauvetage en mer. Je jette un œil distrait à la maquette de l’Abeille Flandre célèbre et aux barques de sauvetage. Nous sommes depuis près de trois heures dans la Citadelle !
Sous la pluie de plus en plus insistante je visite à pas pressés la Poudrière, l’enclos des munitions, le bastion d’où on apercevrait avec une meilleure visibilité Groix et arrive par hasard à l’Arsenal, Musée de la Marine, encore de somptueuses maquettes !
Plutôt que de rédiger un billet – difficile quand il s’agit de l’ouvrage d’un ami – je préfère laisser la parole à Sébastien Jallade et reprendre un texte qu’il nous a lu un jour de printemps radieux…
« Je me rendais compte à quel point la carte était la principale voie d’accès à ma conquête de la vérité, l’épicentre des enjeux de tous mes départs dans les Andes. cet objet ambigu exerçait plus que tout autre, un pouvoir d’attraction sans équivalent. De cette prise de conscience tardive, je conserve dans ma chambre une vieille carte murale. Elle mentionne en langue espagnole : « République de l’Équateur, 1902. Maison Forest. E Girard. 17 rue de Buci, Paris, France. » A chaque fois que je la détaille, j’y puise avec amusement de nouveaux sens cachés, des formulations qui me paraissent soudainement décalées ou démodées. Les Andes? « Plantes médicinales », « patates », « cafés », « légumes », « tabac »,ou encore « argent » « or », « mines » et « cuivre ». A croire que ce pays n’était pour les explorateurs de cette époque qu’un eldorado agricole ou un vaste gisement minier visant à satisfaire les visées pragmatiques de nos ancêtres. L’Amazonie? « zone de jungle inconnue »….
Qui n’a rêvé devant une carte, ancienne de surcroit?
Rentrant chez moi, j’ai dévoré le petit livre, et quand la nostalgie du voyage me reprend, je l’ouvre pour rêver d’un départ.
Dominique de A sauts et gambades me signale la rencontre de Durrell et de Fermor relatée dans dans Citrons Acides .
Par ailleurs, à la suite de l’annonce par Magne2 du décès de P L Fermor, sur le Forum du guide du Routard, toute une série de billets propose des lectures grecques….
Et voici un billet sur le plaisir de lire et de surfer sur le net!
J’ai voulu suivre le Condottière en Italie et d’entrée, j’ai lu une des plus belles invitations au voyage que je recopie ici:
« Le voyageur est encore ce qui importe le plus dans un voyage. Quoi qu’on en pense, tant vaut l’homme, tant vaut l’objet. Car enfin qu’est-ce que l’objet sans l’homme? Voir n’est point commun. La vision est la conquête de la vie(…)Le monde est plein d’aveugles aux yeux ouverts sur une taie; en tout spectacle, c’est leur cornée qu’ils contemplent, et leur taie grise qu’ils saisissent.
(…)
Comme tout ce qui compte dans la vie, un beau voyage est une oeuvre d’art : une création. De la plus humble à la plus haute, la création porte témoignage d’un créateur. Les pays ne sont que ce qu’il est. Il n’est de véritable connaissance que dans une oeuvre d’art. Toute l’histoire est sujette au doute(….)
Un homme voyage pour sentir et pour vivre. A mesure qu’il voit du pays c’est lui-même qui vaut la peine d’être vu. il se fait chaque jour plus riche de tout ce qu’il découvre. voilà pourquoi le voyage est si beau quand on l’a derrière soi : il n’est plus et l’on demeure! »
J’ai fait route avec Suarès et découvert une Italie étonnante, tellement littéraire (l’auteur lui suivait Stendhal) érudite, peuplée de personnages hors du commun Léonard à Milan, ou Dante, Monteverdi. Je ne suis pas encore arrivée en Toscane avec lui; La route va être longue, et merveilleuse….
Quand j’ai vu l’affiche j’ai foncé! Ithaque, l’Odyssée, c’est une passion! Ronit Elkabetz, je suis fan! quant à Charles Berling…Même s’il me faut traverser tout Paris et la Défense pour aller à Nanterre.
Après avoir réservé, j’ai googlé. Et je me suis aperçue qu’il était écrit « traces de l’Odyssée que conserve Botho Strauss » . Il ne s’agit nullement d’Homère mais d’une réécriture. Méfiance?
Botho Strauss a redistribué certains rôles: il a surtout donné une place d’honneur à Pénélope (Ronit Elkabetz), ce qui n’est pas pour me déplaire. Penelope, Clytemnestre, Hélène, Cassandre…les héroïnes ne manquent pas dans le mythe homérique, elles ne restent pas confinées au gynécée, mais elles n’occupent pas le devant de la scène. Cette idée de valoriser le personnage féminin n’était pas pour me déplaire. Ronit Elkabetz a un physique de tragédienne antique. L’ensemble me paraissait trè séduisant en théorie.Sur place j’ai été un peu déroutée. Ce n’était pas Pénélope que j’imaginais avec sont métier à tisser, mais une sorte de Mère-Ubu sur un lit moderne recouvert de fausse fourrure blanche,kitsch? trop kitsch our moi! La présence de l’actrice en impose mais quel besoin d’avoir imaginé cette Pénélope obèse?
Ulysse-Charles Berling, collait tout à fait à mon image mentale d’Ulysse, le menteur, le fabulateur déguisé de hardes par Athéna. De plus l’arrivée d’Ulysse sur les rivages d’Ithaque était tout à fait fidèle à Homère. Le bord de la scène formant un croissant rempli d’eau , la plage et une falaise peinte (ou projetée) sur le rideau m’ont ramenée sur les bords de la mer Ionienne. AZthéna, déguisée est arrivée tout à fait à propos comme dans l’Odyssée.
La présence de ce plan d’eau a permis des effets très séduisants, reflets sur les murs ou le rideau de scène, traversé par les jeunes filles figurant le choeur antique, habillées à la grecque, gracieuses, une jolie idée. Le palais d’Ulyss, intemporel, hésite entre marbre et béton. Excellente idée cette estrade mobile sur un escalier qui avance et recule, rapprochant ou éloignant la chambre de Penelope, mais pourquoi l’avoir peint en gris-fer ou gris-béton, en blanc-marbre cela aurait été plus méditerranéen, plus seyant!
De même le mobilier utilisé par les prétendants, tables métalliques et chaises aluminium jure un peu. En revanche j’ai aimé le piano. L’intemporel ne me gène pas plus que cela, mais pourquoi du cheap!
L’élément de décor le plus réussi est apparu à la fin de la pièce : l’arbre figurant le verger de Laerte, au feuillage translucide éclairé de vert. Quel bel objet!
Cet Ithaque moderne est finalement très fidèle à Homère. Tous les épisodes figurent bien dans la pièce. Botho Strauss n’a pas retranché. Il a rajouté plutôt, alourdi. Comme récemment, avec Shakespeare, le spectacle contemporain m’a renvoyé au texte initial. S’il supporte les adaptations,les mots ailés d’Ulysse me plaisent toujours plus, l‘aurore aux doigts de rose me manque. Rien à faire. Est-ce que je tourne conservatrice?
Ce n’est pas le titre d’un livre. C’est un discours prononcé par l’auteur Israélien à la réception d’un prix littéraire à Madrid. Ce texte a circulé , à propos de la polémique autour du boycott des auteurs israéliens au salon du livre, il y a quelques mois.A propos d’un autre boycott, au cinéma cette fois-ci, je me suis souvenue de ce texte. Coïncidence je viens de lire les Scènes de vie villageoise qui est sorti récemment
Par ailleurs, je suis une fidèle lectrice d’Amos Oz.
La femme à sa fenêtre Amos Oz
Traduction : Gérard pour La Paix Maintenant
« Si vous vous payez un billet d¹avion et vous rendez dans un autre pays, vous pourrez voir les montagnes, les palais et les places, les musées, les paysages et les sites historiques. Si la chance est de votre côté, vous aurez peut-être l¹occasion de discuter avec quelques habitants de là-bas.
Après quoi, vous rentrerez chez vous, avec une collection de photographies et cartes postales.Mais si vous lisez un roman, vous vous payez en réalité un billet d¹entrée dans les labyrinthes les plus secrets d¹un autre pays et d¹un autre peuple.
Lire un roman, c’est s’inviter au domicile d¹autres gens et visiter tous ses recoins.Touriste, peut-être aurez-vous l¹occasion de vous trouver dans une rue quelconque, de contempler une maison du vieux quartier de la ville et d¹apercevoir une femme qui regarde par la fenêtre. Puis, vous tournerez les talons et poursuivrez ton chemin.Lecteur, vous ne contemplerez pas seulement cette femme à sa fenêtre, vous serez avec elle, dans sa chambre, voire dans sa tête.Quand on lit un roman d¹un autre pays, on se trouve en réalité invité dans le salon d¹autres gens, dans la chambre de leurs enfants, dans la pièce où ils travaillent, et même dans leur chambre à coucher. On visite leurs douleurs secrètes, leurs réjouissances familiales, leurs rêves.C¹est pourquoi je crois que la littérature peut jouer le rôle de pont entre les peuples. Je crois que la curiosité est une valeur morale. Je crois que la capacité de se représenter l¹autre est un vaccin contre le fanatisme. La capacité de se représenter l¹autre ne fait pas seulement de vous un meilleur homme d¹affaires, un meilleur amant ; elle fait de vous un être humain encore plus humain.La tragédie israélo-palestinienne est, en partie, l¹incapacité de nombreux d¹entre nous, juifs comme arabes, de nous représenter l¹un l¹autre. Se le représenter vraiment : avec ses amours, ses angoisses, sa colère, ses passions. Il y a entre nous trop d¹hostilité et pas assez de curiosité.Les Juifs et les Arabes ont quelque chose en commun : tous deux, dans le passé, ont subi la violence de l¹Europe. Les Arabes ont été victimes de l¹impérialisme, du colonialisme, de l¹exploitation, de l¹humiliation. Les Juifs ont été victimes de la persécution, de la ségrégation, de l¹exil, et pour finir, de l¹assassinat d¹un tiers du peuple juif.On aurait pu se dire que deux victimes, de surcroît deux victimes du même persécuteur, auraient développé entre elles une sorte de solidarité. A notre grand regret, les choses ne se passent pas ainsi, ni dans les romans, ni dans la vie. Au contraire : les conflits les plus durs sont souvent ceux qui opposent deux victimes d¹un même persécuteur. Deux enfants d¹un père violent ne s¹aiment pas obligatoirement. Souvent, chacun voit en l¹autre l¹image du parent tortionnaire.Telle est la situation entre les Juifs et les Arabes au Proche-Orient. Les Arabes voient en les Juifs les nouveaux Croisés, un nouvel avatar de l¹Europe colonialiste. Les Juifs voient en les Arabes une réincarnation de leurs persécuteurs d¹hier : les auteurs des pogroms nazis.Cette situation fait porter à l¹Europe une responsabilité particulière dans la solution du conflit israélo-arabe. Au lieu de pointer un doigt accusateur en direction de l¹un ou l¹autre des côtés, les Européens feraient mieux d¹apporter sympathie, compréhension et aide à ces deux côtés. Vous n¹avez plus à choisir entre être pro-palestiniens ou pro-israéliens. Vous devez être pour la paix. La femme à sa fenêtre pourrait être une Palestinienne à Naplouse ou une Israélienne à Tel Aviv. Si vous souhaitez contribuer à faire advenir la paix entre ces deux femmes à leur fenêtre, vous feriez bien de lire davantage sur elles. Lisez des romans, mes amis. A travers eux, vous en apprendrez beaucoup. Il serait bien aussi que ces deux femmes se lisent l¹une l¹autre. Ne serait-ce que pour savoir ce qui, chez l¹autre femme à sa fenêtre, fait naître la peur, la colère ou l¹espoir.Je ne suis pas venu ici ce soir pour vous dire que la lecture des livres changera le monde. Mais je vous dis, et j¹y crois vraiment, que la littérature est l¹un des meilleurs moyens de comprendre qu¹au bout du compte, toutes les femmes à toutes les fenêtres ont un besoin urgent de paix.Je voudrais remercier les membres du jury qui m¹ont décerné ce magnifique Prix du Prince des Asturies. Merci, et que la paix soit sur vous. »Amos OzPar delà la dimension politique, je trouve que c’est une des plus belles invitations à la lecture pour les voyageurs.
Quelle est la plus belle invitation au voyage que celle de Cavafy?
j’ai cherché longtemps les poèmes de Cavafy
Et voici que j’ai trouvé par miracle Ithaque alors même que nous nous trouvions à Ithaque
Quand tu prendras le chemin vers Ithaque
Souhaite que dure le voyage,
Qu’il soit plein d’aventures et plein d’enseignements.
Les Lestrygons et les Cyclopes,
Les fureurs de Poséidon, ne les redoute pas.
Tu ne les trouveras pas sur ton trajet
Si ta pensée demeure sereine, si seuls de purs
Émois effleurent ton âme et ton corps.
Les Lestrygons et les Cyclopes,
Les violences de Poséidon, tu ne les verras pas
A moins de les receler en toi-même
Ou à moins que ton âme ne les dresse devant toi.
Souhaite que dure le voyage.
Que nombreux soient les matins d’été où
Avec quelle ferveur et quelle délectation
Tu aborderas à des ports inconnus !
Arrête-toi aux comptoirs phéniciens
Acquiers-y de belles marchandises
Nacres, coraux, ambres et ébènes
Et toutes sortes d’entêtants parfums
– Le plus possible d’entêtants parfums,
Visite aussi les nombreuses cités de l’Égypte
Pour t’y instruire, t’y initier auprès des sages.
Et surtout n ‘oublie pas Ithaque.
Y parvenir est ton unique but.
Mais ne presse pas ton voyage
Prolonge-le le plus longtemps possible
Et n’atteint l’île qu’une fois vieux,
Riche de tous les gains de ton voyage
Tu n ’auras plus besoin qu’Ithaque t’enrichisse.
Ithaque t’a accordé le beau voyage,
Sans- elle, tu ne serais jamais parti.
Elle n’a rien d’autre à te donner.
Et si pauvre qu’elle te paraisse
Ithaque ne t’aura pas trompé.
Sage et riche de tant d’acquis
Tu auras compris ce que signifient les Ithaques.