Lire pour l’Afrique :Véronique TADJO : Reine Pokou – Concerto pour un sacrifice

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  photo d’Akwaba, un grand merci d »avoir autorisé l’emprunt!
 

Joli livre qui se lit d’un trait  et qui commence comme un conte.
C’est la légende d’une reine baoulé qui a sacrifié son enfant pour sauver son peuple en fuite.
Le récit n’est pas linéaire. Il a un commencement qui est la naissance d’une princesse, la mort du roi, les luttes de successions… Mais il a autant de fins qu’on veut l’imaginer. Les différentes interprétations du sacrifice de l’enfant jeté pour apaiser la colère du fleuve se répondent comme les partitions des interprètes du concerto.
Pour moi, ce serait plutôt une fugue où se mêlerait héroïsme et ambition de la princesse, désespoir de la mère, intervention des hippopotames, des sirènes, des génies, poésie et intervention du surnaturel.
Echo du sacrifice d’Abraham. Le père sacrifie son fils, mais ici aucune divinité bienveillante ne fait apparaître un animal qui serait immolé. L’enfant meurt.

Véronique TADJO : Reine Pokou – Concerto pour un sacrifice (Actes sud)(90 pages)

lecture pour l’Afrique : Le roi de Kahel -Tierno Monénembo

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Prix Renaudot 2008,  Poche.

Récit retraçant la vie d’un aventurier, Olivier de Sanderval qui, dès 1880, avant que la colonisation systématique de l’Afrique de l’Ouest, rêva de se tailler un royaume au Fouta-Djallon et réussit dans son entreprise à se faire « adopter » comme Peul.
Rêveur? aventurier? sûrement.
Politique? plus habile à démêler les intrigues des princes peuls qu’à faire valoir ses traités à Paris.
Tierno Monembo décrit avec vivacité ce personnage pittoresque ainsi que les royaumes Peuls juste avant la colonisation. Il raconte aussi la vie parisienne entre 1880 et 1900, couloir des ministères ou salles de spectacles, expositions coloniales avec village africain.

Lire pour l’Afrique -Bêtes sans Patrie- Uzodinna Iweala- Un enfant-soldat -traduit par Mabanckou

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Bêtes sans Patrie- Uzodinna Iweala- Un enfant-soldat


Pour dissiper un malentendu à l’attention du  lecteur impatient qui  entrerait directement dans le récit sans lire le quatrième de couverture :

ce livre est un roman écrit par un écrivain américain. Ce n’est pas un témoignage recueilli par un journaliste. Je fuis comme la peste les histoires de guerre souvent complaisantes et toujours violentes.  Bêtes sans patrie est de la littérature, et de la bonne!

J’aurais aimé trouver en  anglais ce livre (je préfère toujours la VO au cinéma ),peut être n’aurais je rien compris! C’est donc l’occasion de saluer le style d’Alain Mabanckou qui nous offre une très belle traduction qui sonne bien l’Afrique, qui a du rythme et de la sympathie;

Bêtes dans Patrie – Uzodinna Iweala
178p Ed de l’Olivier

  Extrait de Bêtes sans patrie

« Ça a débuté comme ça. J’ai senti des démangeaisons on dirait même c’est les insectes qui rampent sur ma peau, puis voilà ma tête aussi qui commence à chatouiller là, entre les yeux, j’ai donc envie d’exténuer à cause que le nez ça gratte aussi dedans, et comme le vent il souffle maintenant tout droit direct dans mes oreilles, c’est là que j’entends des choses vaille que vrac : le crissement des insectes, les camions qui grondent on dirait même je sais pas quelle ethnie d’animaux, et après tout ça j’entends un quelqu’un qui aboie, À VOS POSTES MAINTENANT ! VITE ! VITE VITE ! MAGNEZ-VOUS! EN VITESSE KÒ !, avec une voix que je sens ça sur mon corps on dirait même c’est un couteau.
J’ouvre les yeux, je vois y a la lumière autour de moi, ça vient dans les trous du toit là en haut, ça passe net au-dessus de mon corps on dirait même c’est des filets. Et comme la lumière vient comme ça, je croqueville bien bien comme il faut mon corps on dirait même je suis une petite souris dans mon coin. Et je sens l’odeur de l’eau de la pluie et de la transpiration, ma chemise elle est si trompée que je me dis dans moi-même que ça c’est pas une chemise que j’ai là mais presque une autre peau. Je veux quand même bouger, le problème c’est que j’ai mal aux os, en plus de ça mes muscles aussi ils me font mal on dirait même c’est des fourmis de feu qui me mangent partout partout. Si seulement j’ai été capable de me donner des baffles pour que comme ça je les chasse, c’est direct que j’allais faire, or j’ai pas été même capable de bouger un doigt. Et j’ai rien fait. »…..

Ó Editions de l’Olivier, 2008

Lettre à Jimmy – Mabanckou / James Baldwin : La chambre de Giovanni

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« Quel temps fait-il au paradis, Jimmy? »

Quel beau livre en hommage à James Baldwin, biographie d’un auteur hors normes, défenseur des droits civiques des Noirs mais aussi des homos,  américain à Paris, romancier et aussi théoricien…

Comme Baldwin, Mabanckou a traversé l’Atlantique. Il vit entre Paris et les Etats Unis, porteur d’une culture africaine du Congo-Brazzaville où il est né mais aussi d’une culture francophone métissée.  Il se revendique au delà des communautarismes.

J’avais aimé les Mémoires du Porc-épic qui m’avait transporté dans un village de brousse. J’ai découvert un autre univers…

Alain Mabanckou : Lettre à Jimmy – POINTS P2072- 184p

 

James Baldwin : la Chambre de Giovanni

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C’est un livre terrible.

Un livre d’amour et de mort.

Rarement on a décrit avec une telle intensité le moment où nait le désir et l’amour. Le coup de foudre qui ne veut pas dire son nom. L’amour nié mais si intense.

Dans ce bar où se rencontrent les folles et les vieux pédés, si bien rendu ici, il ne semble régner que la frustration. Giovanni rayonne.

Heureusement il raconte une époque révolue. Abolie, la peine de mort qui  plombe le dénouement.

Terminé ? Ce temps où l’homosexualité n’était pas exprimable. Ecrivant ces lignes sur le bar, j’allais écrire gay – anachronisme – le mot n’existait pas. Terminée la culpabilité ? voire…

James Baldwin : la Chambre de Giovanni – 202p Rivages

Lire pour l’Afrique (Congo) -Mémoires de porc-épic – Alain Mabanckou

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Le porc-épic est vraiment très peu « politiquement correct » ? D’abord, il ignore la ponctuation (ou tout au moins les points et les majuscules). Ensuite, c’est un assassin ! Ce récit se lit d’un trait. Il nous transporte dans un univers étrange et ensorcelé, où des doubles mystérieux, pacifiques ou nuisibles, peuplent discrètement le village africain.  Monde animal et humains interfèrent par des liens  puissants et magiques. Porc-épic est aussi un témoin curieux des occupations des hommes qu’il côtoie.

Cette lecture enchantée m’a fait voyager.

Mémoire de porc-épic – Prix Renaudot 2006 – POINTSP1742 229pages

Aminata Traoré – L’Afrique humiliée

Aminata Traoré fait partie de mon Panthéon personnel depuis que j’ai lu l’Etau : analyse lumineuse et réquisitoire implacable contre les agissements de la Banque Mondiale et du FMI qui appauvrissent l’Afrique lui imposant une politique libérale déstabilisant les structures étatiques et les intérêts insoutenables de la Dette.

Sa pensée structurée et vertébrée contraste avec les élucubrations qui tiennent lieu de pensée et qui justifient les politiques les plus injustes. On n’a encore rien trouvé de mieux qu’une analyse marxiste pour mettre en évidence les politiques économiques!

l’Afrique Humiliée, plus qu’une étude, est plutôt un texte polémique réagissant à la visite de Sarkozy à Dakar et à son fâcheux discours et à divers évènements qui, en apparence n’ont que peu de liens entre eux et qui découlent des mêmes causes : les évènements de Ceuta et Mellila,les Emeutes en Banlieue parisienne et les départs en pirogues vers les Canaries.

Aminata Traoré n’épargne personne, même les bonnes volontés comme celle D’Orsenna. Son constat est percutant.

Rhodes : lecture (Durrell )à la plage de Plimmiri

 


Nous sommes retournées à Plimmiri s.. Encore une fois nous nous sommes perdues à travers la campagne où on bottelle la paille après avoir moissonné le blé.

Sous le même parasol, la journée s’écoule tranquillement entre baignades et lectures. Je viens de commencer la Vénus de la Mer de L. Durrell. Je lis Durrell avec le même plaisir renouvelé. Son univers, l’empire britannique sur le déclin, a bien disparu. Les cartes ont été redistribuées. J’ai découvert récemment que son Alexandrie avait disparu. Son humour, son amour de la Grèce ne se démodent pas.

L’eau est fraîche. Je nage avec l’impression d’être entrée par effraction dans l’aquarium des poissons. Je n’ose pas les déranger, je nage en faisant le moins de gestes possible. Végétales ou animales ? ces touffes qui s’accrochent au rocher et que broutent avec application les bancs de poissons transparents. Les poissons de sable sont discrets, un mouvement de queue révèle une rascasse horrible. Je suis contente d’avoir mes sandalettes en plastique. Son épine est venimeuse.

lecture pour la Grèce -Lawrence DURRELL : Sappho –( Théâtre) NRF

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La grande poétesse d’Eresos ne ressemble pas à l’image qu’on se fait d’elle. Femme un peu fanée, mère, très courtisée, elle n’est pas entourée de disciples féminines comme on aurait pu l’imaginer.

 C’est une héroïne du théâtre antique comme Phèdre ou Andromaque. Mariée à Kréon, elle a pour amant le général victorieux Pittakos qui rentre, victorieux de campagne contre Athènes et qui se fait proclamer tyran. Le jumeau de Pittakos, Phaon, se trouve également à Eresos, philosophe, il préfère vivre la vie simple d’un pêcheur solitaire sur une île déserte de la mer Egée. Sappho se refuse au nouveau tyran et s’exile à Corinthe et fomente une coalition contre son ancien amant qui lui a pris ses enfants en otage….

Tragédie antique ? Pièce à rebondissements ? Cette Sappho m’a étonnée et je me suis amusée à lire cette pièce.

lectures pour la Grèce : Lawrence Durrell – La Vénus de la Mer et L’île de Prospero

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Deux livres à emporter dans les îles grecques

« Islomane » tel se qualifie Lawrence Durrell ainsi que sa tribu d’amis….

L’île de Prospero, c’est Corfou, Prospero de la Tempête de Shakespeare.

en 1935, Durrell achète une maison à Corfou et un bateau. Il raconte la vie solaire, simple sur Corfou encore préservée du tourisme de masse mais déjà connue des happy fews... Un livre délicieux décrivant un monde maintenant disparu

Dessaix dans Corfou, trente ans plus tard a loué une maison à Gastouri, et a retracé cette vie bohème.

Nous sommes allées à Gastouri et n’avons pas retrouvé leur description dans la cohue de Corfou au mois d’Août…


Vénus de la Mer est le plus charmant et le plus littéraire des guides qu’on peut emporter sur l’île de Rhodes (Livre de Poche mince 280p). peinture impressionisten histoire récente ou passée, mythes et croyances populaires…Ecrit en 1945 par Durrell, un peu agent secret, un peu journaliste, au service de sa Majesté britannique, à l’issue de la guerre quand les Britanniques occupaient l’île au départ des Allemands. vous pourrez rendre visite à la Vénus de la mer, sotie de l’onde – statue du musée de Rhodes- moins gracieuse que l’Aphrodite de Rhodes que j’ai photographiée mais plus mystérieuse

lecture pour la Grèce: L’Invention de la Vénus de Milo Takis Théodoropoulos

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lecture jubilatoire!

Le récit de l‘Invention de la Vénus de Milo est écrit sur un ton  d’ironie légère qui prête à sourire à presque toutes les pages.   L’usage d’incises, anodines mais opportunes, allège le roman historique. 1820, la veille des guerres d’indépendances grecques, en filigrane les rivalités franco-britanniques, les allégeances bonapartistes (ou napoléoniens) ou  à  loluis XVIII…

Des personnages variés défilent, l’Inventeur, le paysan Yorgos Kendrôtas et son apprenti qui trouva la statue sous un tas de pierre dans son champ, mais aussi le Consul de France Louis Brest et son épouse dépérissant d’ennui sur la petite île de Milos, l’enseigne Vautier dont Catherine s’amourache. Dumont d’Urville, l’explorateur est campé avec vivacité ainsi que le comte de  Marcellus en poste à l’ambassade de Constantinople. Sophocléous, médecin poète et surtout révolutionnaire grec, personnage burlesque, voue un culte presque payen à la statue de marbre tandis que le pope y voit une idole diabolique qu’il faut éloigner. Les dignitaires de l’île ne semblent pas saisir l’importance de la statue antique, juste une source de piastres difficilement quantifiables. Intervient aussi un moine entouré d’armatoles albanais enturbannés trafiquant les icones anciennes et les antiquités pour un prince ottoman Nikolaki Morusi d’origine grecque, collectionneur et drogman de la sublime Porte. Ne pas oublier l’agha de Milos entouré de ses chats….

L’auteur glisse dans ses propos d’instructives remarques concernant l’histoire de l’art, les icones du mont Athos, le poète Cavafy, le statut de l’oeuvre d’art, et sa reconnaissance dans les grands musées….

Une lecture délicieuse!