lire pour l’Egypte : Les fainéants dans la vallée fertile – Albert Cossery


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Albert Cossery, écrivain égyptien de langue française, évoque une Égypte rurale, intemporelle, originale, inattendue.
Ses personnages cultivent la paresse comme un art de vivre consommé. Le patriarche, Hafez, ne descend plus de sa chambre, Galal le fils aîné depuis 7 ans ne se réveille que pour manger. Rafik, lui, aurait pu échapper à ce destin. Il a entrepris des études d’ingénieur et a ébauché une romance amoureuse. Le plus jeune, Serag, est blâmé par tous pour ses velléités d’entreprendre un travail.

L’artiste local, peintre raté de monochromes .

Univers original tant on ne s’ennuie pas dans cette maison ensommeillée. Il s’y trame même des intrigues…

Lire pour l’Egypte : Miroirs – Naguib Mahfouz

 

 

Galerie de portraits des compagnons de l’auteur.

Compagnons d’enfance, de tous milieux sociaux, qui ont bien ou mal tourné, mais auxquels la fidélité à toute épreuve a traversé presque tout le siècle.

Compagnons d’études dans une période où la politique était une préoccupation majeure, récit de cette histoire de l’Egypte, des émeutes de 1919 aux années 1970 en passant par la Révolution et la défaite de 1967.

Professeurs et artistes, hésitations entre Occident et Orient.

Collègues de bureau. Les fonctionnaires sont décrits sans complaisance mais avec beaucoup d’indulgence et de tendresse pour les faiblesses humaines…

Peu de femmes dans ce monde essentiellement masculin. Ce qui n’est pas franchement étonnant. Leur destin est toujours difficile.

Les personnages apparaissent, se croisent, se retrouvent, se critiquent parfois… si bien que tout un monde se construit au fur et à mesure de la lecture. Et c’est bien le génie de Mahfouz de faire surgir du livre toute une comédie humaine, toujours si humaine.

lire pour l’Afrique :Serge MICHEL, Michel BEURET : La Chinafrique – Pékin à la conquête du continent noir

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Serge MICHEL, Michel BEURET : La Chinafrique – Pékin à la conquête du continent noir – hachette-littérature 408p

La Françafrique fout le camp ! Déroute de BenAli en Tunisie, et propositions calamiteuses de M Alliot –Marie, voyage provocateur de Vergès et Dumas au secours de L Gbagbo, enlèvements au Niger…La Chinafrique va-t-elle remplacer les anciens colons ?

L’affirmation de Dambisa Moyo « les Chinois sont nos amis » m’avait interpellée.

C’est donc avec beaucoup d’intérêt que j’ai ouvert La Chinafrique de Michel et Beuret. Leur enquête passionnante est le récit d’un périple à travers le continent africain avec des allers-retours en Chine, chaque étape ciblant un problème politique ou économique particulier– procédé qu’Orsenna avait utilisé avec beaucoup de talent dans le Voyage au Pays du Coton et L’Avenir de l’Eau. Des chiffres, certes il en faut pour donner à comprendre les ordres de grandeurs des sommes investies, mais finalement assez peu. Des rencontres avec des hommes et des femmes, surtout, avec des Africains, dirigeants insouciants ou intellectuels parfois désabusés, mais aussi ouvriers et syndicalistes. Des rencontres avec des Chinois, parfois mutiques, parfois prolixes d’une langue de bois si spéciale, des confidences aussi des exilés…

En conclusion, p.412 et p.413 une carte raconte « Le Grand Bond en Afrique » et résume les thèmes abordés : document d’une limpidité remarquable.

L’écriture est cinématographique : le décor est planté, un karaoké dans un restaurant chinois de Lagos, les forêts du Congo, ou un chantier de construction d’autoroute en Algérie, le terminal pétrolier de Port-Soudan, un train angolais, une mine de cuivre en Zambie. Les acteurs présentés, les dialogues savoureux…Et c’est du cinéma d’action ! On se croirait dans un James Bond quand les journalistes cherchent à s’introduire dans les entreprises chinoises soigneusement verrouillées. Episodes parfois cocasses comme ce coup d’état au Tchad raté en 2006 parce que les rebelles armés par la Chine se trompent de palais présidentiel, ou encore le jour du mariage de Nicolas Sarkozy et de Carla…Emouvants, ces enfants métis qu’on cache….

Le sommaire est un scénario

1. Tapis rouge pour le continent noir récit d’un sommet à Pékin

2. Les Chinois ont trouvé leur Far West au Nigéria, commerces en tout genre

3. Dans les forêts du Congo le bois est nécessaire à l’industrie chinoise

4. Petite histoire de la Chine-Afrique(1421-2008)

5. Les élites noires s’amusent, les Chinois travaillent Algérie

6. La Chine enterre la Françafrique Cameroun , Côte d’Ivoire, Sénégal

7. Ruée vers l’uranium du Sahara Niger

8. Une invasion de pacotille Cameroun, Sénégal, Egypte

9. Armes pour dictateurs, made in China Tchad Zimbabwe

10. Au Soudan, pays conquis

11. Priorité pétrole

12. Le nouveau « grand jeu »

13. Quand la locomotive chinoise se met à tousser Angola

14. L’amitié entre les peuples, sauce aigre-douce Zambie

Si on ne peut pas éluder les drames du Darfour ou les massacres des Grands Lacs, ce livre ne fait pas dans l’Humanitaire, ni dans le compassionnel. Au contraire ! Aux sempiternelles rengaines de l’Afrique mal partie ou de l’Afrique maudite, de l’Afrique de la famine et du Sida, les auteurs opposent un continent riche de ses ressources minières, courtisé par les grandes puissances où les enchères montent autour des concessions minières et pétrolières, où des routes et des barrages sont construits. Une dynamique occultée par le discours qui a cours habituellement.

La stratégie gagnant-gagnant est- elle une solution pour sortir l’Afrique du sous-développement ? Ou ce slogan cache-t-il une colonisation qui ne dit pas son nom ? Les Chinois en important non seulement des capitaux et des produits fabriqués mais aussi des travailleurs reproduiront-ils les erreurs des anciennes puissantes coloniales. La conclusion laisse de l’espoir pour l’Afrique qui aura peut-être le dernier mot.

En conclusion, p.412 et p.413 une carte raconte « Le Grand Bond en Afrique » et résume les thèmes abordés : document d’une limpidité remarquable.

Lire pour l’Egypte : Le Roman de la Momie- Théophile Gautier

 

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Un peu d’exotisme et de rêve avant un voyage en Égypte!

Ce court roman paru en feuilleton en 1856 est d’une fraicheur étonnante.


La découverte du tombeau dans la Vallée des Rois est menée allègrement, on s’y croirait.

La deuxième partie, très différente, présente une succession de tableaux, descriptions précises et colorées. Puis l’histoire s’anime quand la belle Tahoser s’éprend d’un Hébreu et que surgissent Moshé et Aharon! une superproduction!

L’édition de Jean-Michel Gardair est très complète. Sa préface passionnante situe l’oeuvre dans son contexte romantique et dans l’égyptologie (égyptomanie) contemporaine. Une biographie très détaillée de Théophile Gautier met le roman en perspective.

Il n’est pas indifférent que Théophile Gautier s’éprenne de l’Égypte par admiration pour le tableau de Prosper Marilhat

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que la fille de l’auteur apportait à son père des tableaux pour la rédaction du Roman de la Momie. Est ce un hasard si le voyage de Théophile Gautier en Égypte  fut justement pour l’inauguration du Canal de Suez et pour la représentation d’Aïda?

Ces coïncidences me ravissent!

 

Lire pour l’Egypte (Douch) : Les Momies – Un voyage dans l’éternité F Dunand & R Lichtenberg


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Encore un ouvrage de l’excellente collection Découvertes Gallimard!

Les auteurs : Françoise Dunand et Roger Lichtenberg ont étudié les momies de la nécropole de Douch dans l’oasis d’El Kharga pour le compte de lIFAO .
Ils abordent le sujet sous différents angles : la Découverte des Momies par le monde occidental – découverte incluant les écrits d’Hérodote et la curiosité de l’Egyptomanie au 19ème siècle, jusqu’à la Recherche vraiment Scientifique du 20ème siècle avec l’apport des techniques de radiologie.


Le second chapitre traite du savoir-faire de la momification au cours de l’Antiquité égyptienne tandis qu’un troisième, illustré des peintures antiques raconte les rites et les croyances.
Enfin le savant donne des résultats anthropologiques.
Et bien sûr, comme dans tous les volumes de cette collection le propos est illustré magnifiquement d’une iconographie variée et de textes  et documents.

Le sujet est passionnant et ce court livre se lit d’un trait! On  y revient pour goûter encore les illustrations

lire pour l’Egypte(Siwa) : l’Oasis – Alain Blottière

 

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C’est Siwa, l’oasis mystérieuse, l’oasis de l’Oracle d’Ammon, où se rendit Alexandre….C’est par cette visite d’Alexandre, fils de dieu que s’ouvre cette célébration de l’oasis.
Célébration poétique plutôt que récit de voyage, d’une oasis rêvée où l’auteur situa un  roman sans pouvoir la visiter alors qu’elle était interdite aux étrangers.
Célébration d’une osais présentée comme une île  préservée, farouche, qui se refusa longtemps aux visiteurs. Récit des expéditions des aventuriers du début du 19ème siècle qui, même sous le déguisement furent démasqués et chassés.
Célébration de l’amitié, de l’innocence de la rencontre avec les enfants de l’oasis…
Déploration de l’arrivée de la modernité,  de la télévision, de la route en goudron qui amènera les touristes et emportera les oasiens vers la grande ville.
Mieux qu’un guide, un très joli livre qui fait rêver.

lire pour Naples : Erri de Luca – Montedidio

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Très joli livre composé de courts textes très poétiques. Certains chapitres ne font qu’une dizaine de lignes.

Un « conte de Noël » :  l’essentiel se déroule  dans un court laps de temps et se termine à la Saint Sylvestre.

Unité de lieu, un quartier de Naples, Montedidio.

Un récit initiatique : le héros un jeune apprenti devient un homme en trouvant l’amour et perdant sa mère, sa parole est encore celle d’un enfant. Un curieux personnage traverse le récit : un cordonnier juif bossu à qui il pousse des ailes pour rejoindre Jérusalem. Comme Camilleri, Eri de Luca utilise le dialecte pour enrichir l’Italien, le traducteur n’a pas adopté la même technique que le traducteur de Camilleri et préfère laisser les phrases en dialecte telles quelles. C’est sûrement le livre le plus poétique que j’ai lu depuis longtemps.

Ce livre m’a incitée à partir à Naples. Je n’ai pas visité Montedidio mais la parole de l’auteur a résonné longtemps.

Lire pour Naples : Valeria PARELLA : Le ventre de Naples

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Valeria PARELLA : Le ventre de Naples SEUIL 167p.

Six nouvelles,  cinq femmes et un homme. Tous pris dans la vie quotidienne napolitaine. Rien de touristique, rien de pittoresque. Je reconnais quelques lieux. Pas les plus spectaculaires ! Les banlieues traversées par les lignes de Métro Circum-Vesuviana ou la Cumana. Les quartiers les plus défavorisés du vieux Naples. Petite Canaille rêve de devenir une dame. Elle choisira ses amants pour s’élever dans l’échelle sociale, le premier, un voyou, lui paye un appartement pour s’établir, qu’elle louera à des étudiantes quand un caïd la prendra sous sa protection et lui achètera une boutique, elle s’élèvera si bien qu’elle ira jusqu’à faire les élections municipales.

L’héroïne d’une autre nouvelle, luttera contre la spéculation immobilière et essaiera de faire respecter le plan d’occupation des sols..

Une autre, femme de convoyeur de fond mafieux sera contrainte à dealer.

Dans chaque nouvelle, l’ombre de la Camorra est sensible. Energiques ces femmes cherchent à s’en sortir dans une cavalcade éperdue, avec ou sans compromission. Comme elle le peuvent…

Une écriture prenante, vigoureuse, des caractères.

Valeria PARELLA : Le ventre de Naples –  SEUIL 167p.

Lire pour Naples :GAUDE : La Porte des Enfers –

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Sur le thème d’Orphée, Gaudé  propose une descente aux enfers.
Non pas pour remonter Eurydice, mais Pippo, 6 ans, tué sur le chemin de l’école dans une rue du vieux Naples, par une balle perdue.

Quelle riche idée, une évidence, de choisir la ville de Naples comme porte de l’Enfer ! Naples si proche du Vésuve, de la Solfatare, de la grotte de la Sybille, manifestations infernales… Naples et ses souterrains datant de l’Antiquité ! Naples et sa violence. Violence de la terre qui se manifeste par un séisme au cours du roman. Violence des hommes, camorra.

Matteo, le père de Pippo est chauffeur de taxi. Conduire dans Naples n’est ce pas une introduction infernale ?

Et pourtant, Gaudé ne choisit pas les volcans pour pénétrer aux enfers mais un édifice minable au milieu d’une voie rapide près du port…Il ne convoque ni Charon ni Vulcain mais un curé aux paroissiens peu orthodoxes, travestis et prostituées. Il n’évoque pas Orphée mais plutôt Frédéric II, celui qui a construit châteaux et forteresses dans les Pouilles. D’ailleurs le roman se termine dans le Gargano où il a situé un autre de ses romans le Soleil des Scorta .

GAUDE : La Porte des Enfers - Actes sud

Lire pour l’Egypte : Khaled Al Khamissi -Taxi

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Le meilleur moyen de sentir battre le pouls d’une ville, c’est probablement de la parcourir en taxi et d’écouter le chauffeur. Le Caire est une métropole embouteillée, et vaste. Chaque parcours est l’occasion d’une conversation ou d’un monologue donnant la parole aux Egyptiens pauvres, aux prises avec la bureaucratie, la corruption ou la difficulté de joindre les deux bouts….Élections, grands travaux sont le sujet de blagues égyptiennes qui déclenchent parfois l’hilarité. Prêches religieux terrifiants  peuvent aussi sonoriser le parcours.

Le Caire, sans les Pyramides, sans l’exotisme des souks, loin des petits métiers, dans la pollution étouffante dans la gentillesse et la grande humanité du peuple des chauffeurs de taxi.