
Serge MICHEL, Michel BEURET : La Chinafrique – Pékin à la conquête du continent noir – hachette-littérature 408p
La Françafrique fout le camp ! Déroute de BenAli en Tunisie, et propositions calamiteuses de M Alliot –Marie, voyage provocateur de Vergès et Dumas au secours de L Gbagbo, enlèvements au Niger…La Chinafrique va-t-elle remplacer les anciens colons ?
L’affirmation de Dambisa Moyo « les Chinois sont nos amis » m’avait interpellée.
C’est donc avec beaucoup d’intérêt que j’ai ouvert La Chinafrique de Michel et Beuret. Leur enquête passionnante est le récit d’un périple à travers le continent africain avec des allers-retours en Chine, chaque étape ciblant un problème politique ou économique particulier– procédé qu’Orsenna avait utilisé avec beaucoup de talent dans le Voyage au Pays du Coton et L’Avenir de l’Eau. Des chiffres, certes il en faut pour donner à comprendre les ordres de grandeurs des sommes investies, mais finalement assez peu. Des rencontres avec des hommes et des femmes, surtout, avec des Africains, dirigeants insouciants ou intellectuels parfois désabusés, mais aussi ouvriers et syndicalistes. Des rencontres avec des Chinois, parfois mutiques, parfois prolixes d’une langue de bois si spéciale, des confidences aussi des exilés…
En conclusion, p.412 et p.413 une carte raconte « Le Grand Bond en Afrique » et résume les thèmes abordés : document d’une limpidité remarquable.
L’écriture est cinématographique : le décor est planté, un karaoké dans un restaurant chinois de Lagos, les forêts du Congo, ou un chantier de construction d’autoroute en Algérie, le terminal pétrolier de Port-Soudan, un train angolais, une mine de cuivre en Zambie. Les acteurs présentés, les dialogues savoureux…Et c’est du cinéma d’action ! On se croirait dans un James Bond quand les journalistes cherchent à s’introduire dans les entreprises chinoises soigneusement verrouillées. Episodes parfois cocasses comme ce coup d’état au Tchad raté en 2006 parce que les rebelles armés par la Chine se trompent de palais présidentiel, ou encore le jour du mariage de Nicolas Sarkozy et de Carla…Emouvants, ces enfants métis qu’on cache….
Le sommaire est un scénario
1. Tapis rouge pour le continent noir récit d’un sommet à Pékin
2. Les Chinois ont trouvé leur Far West au Nigéria, commerces en tout genre
3. Dans les forêts du Congo le bois est nécessaire à l’industrie chinoise
4. Petite histoire de la Chine-Afrique(1421-2008)
5. Les élites noires s’amusent, les Chinois travaillent Algérie
6. La Chine enterre la Françafrique Cameroun , Côte d’Ivoire, Sénégal
7. Ruée vers l’uranium du Sahara Niger
8. Une invasion de pacotille Cameroun, Sénégal, Egypte
9. Armes pour dictateurs, made in China Tchad Zimbabwe
10. Au Soudan, pays conquis
11. Priorité pétrole
12. Le nouveau « grand jeu »
13. Quand la locomotive chinoise se met à tousser Angola
14. L’amitié entre les peuples, sauce aigre-douce Zambie
Si on ne peut pas éluder les drames du Darfour ou les massacres des Grands Lacs, ce livre ne fait pas dans l’Humanitaire, ni dans le compassionnel. Au contraire ! Aux sempiternelles rengaines de l’Afrique mal partie ou de l’Afrique maudite, de l’Afrique de la famine et du Sida, les auteurs opposent un continent riche de ses ressources minières, courtisé par les grandes puissances où les enchères montent autour des concessions minières et pétrolières, où des routes et des barrages sont construits. Une dynamique occultée par le discours qui a cours habituellement.
La stratégie gagnant-gagnant est- elle une solution pour sortir l’Afrique du sous-développement ? Ou ce slogan cache-t-il une colonisation qui ne dit pas son nom ? Les Chinois en important non seulement des capitaux et des produits fabriqués mais aussi des travailleurs reproduiront-ils les erreurs des anciennes puissantes coloniales. La conclusion laisse de l’espoir pour l’Afrique qui aura peut-être le dernier mot.
En conclusion, p.412 et p.413 une carte raconte « Le Grand Bond en Afrique » et résume les thèmes abordés : document d’une limpidité remarquable.