Lire pour l’Afrique – Ahmadou KOUROUMA : En Attendant le vote des bêtes sauvages

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En cette période de célébration des Indépendances, c’est une bonne occasion de redécouvrir  ce roman.

Si Hampâté Ba a décrit la période de la colonisation, Kourouma raconte celle qui suit la décolonisation. On retrouve des allusions à toues les dictateurs du continent africain.

La construction de l’ouvrage est tout à fait originale : au cours de 6 veillées, des conteurs – griots ? – racontent et chantent les louanges de Koyaga le grand chef, le grand soldat, le dictateur. Ces veillées sont rythmées de proverbes, de danses.

La première veillée est celle des origines, de la colonisation, de l’embrigadement des hommes nus – les paléos – qui habitent des fortins ressemblant aux tatas sombas – dans les régiments de tirailleurs sénégalais, dans la grande Guerre, puis dans la seconde guerre mondiale, l’Indochine, l’Algérie. Généalogie. Le père guerrier, lutteur. La mère, sorcière. Le marabout, Bokano, le protecteur.

La seconde veillée, c’est la prise de pouvoir, le coup d’état militaire, sur fond de guerre froide, les complices.

La troisième conte l’histoire du journaliste Maclédio dans diverses contrées,  de traditions variées, des fétiches, des esclaves dans le Sahel, l’apprentissage à Paris.

Pendant la 4ème apparaissent les autres chefs d’Etat, dictateurs corrompus, totem caïman, totem léopard, totem hyène. On croit reconnaître Bokassa, Hassan II… peut être d’autres, personne n’est nommé. Puis vient l’apothéose, la fête des 30 ans de dictature. Ensuite le réveil. Les caisses sont vides. La guerre froide, terminée. Vient le temps du FMI, de La Baule. L’Occident n’appuie plus les dictateurs, enfin la révolte.


Lire pour l’Afrique : Christian DEDET : Au Royaume d’Abomey

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Carnets de voyage d’un écrivain qui est aussi médecin. Dedet connaît bien le Bénin.

L’auteur se trouve à Grand Popo lors de la manifestation Ouidah 92. Il raconte  les cérémonies vaudoun. J

J’ai commencé la lecture avant notre premier voyage à Cotonou. J’avais été étonnée de ce  parti pris. Je ne mesurais pas l’importance de cette  culture animiste. Les expériences de transes observées par Dedet sont bien différentes des cérémonies auxquelles nous avons assisté. Maintenant je comprends l’intérêt d’un anthropologue pour le vaudoun. Les cérémonies d’Abomey auxquelles nous avons assisté ont sûrement été des éléments majeurs du voyage.

Abomey, ses cérémonies et ses palais. Parfait livre de chevet pendant notre voyage

Lire pour l’Afrique: Mary KINGSLEY : Une Odyssée Africaine, Une exploratrice victorienne chez les mangeurs d’hommes

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Quel régal ce récit d’aventure!

Qui ne connaît Stanley, Livingstone…. ces explorateurs, hommes courageux, héros de notre enfance?

Mais il y avait aussi des exploratrices :

Mary Kingsley, Anglaise érudite, autodidacte mais fille d’un médecin explorateur, spécialisée en ichtyologie, part en Afrique de l’Ouest explorer les fleuves en pirogue, remonte des rapides, fait l’ascension du Mont Cameroun.

Roman d’aventure, description précise des coutumes (5 chapitres sont intitulés « Fétichisme ») Elle raconte aussi bien ses rencontres avec les blancs, Anglais, Français et Allemands au Cameroun que ses expéditions avec ses porteurs. Administrateurs ou missionnaires, commerçants des factoreries et des comptoirs perdus le long des fleuves, bateliers, porteurs tous sont décrits avec sympathie.

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L’humour très british avec lequel elle se dépeint dans les circonstances les plus invraisemblables et les plus cocasses, rend le récit délicieux. Jamais elle ne semble se prendre au sérieux. Très british aussi, la cérémonie du thé avant même de prendre un bain alors qu’elle doit arriver couverte de boue !

Lire pour l’Afrique – L’Aventure Ambiguë -Cheikh Hamidou Kane

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Ce récit m’a envoûtée.

Itinéraire d’un enfant Peule Samba Diallo qu’on retire à son Maître qui lui enseigne le Coran dans la douleur mais aussi dans la rigueur et l’extase mystique, pour le confier à l’école de la colonisation d’où il sortira licencié de philosophie.

Lecture mystique, d’une très grande exigence. Déchirement, crise de conscience, écrit Vincent Monteil dans sa préface.

Réflexion politique. C’est La Grande Royale qui prend la décision que personne n’ose prendre : envoyer l’enfant à l’école, lui apprendre pourquoi les Européens ont défait les princes peules avec tant de facilité. Apprendre chez eux le savoir qui donne le Pouvoir. Ni le chef, ni le Maître n’osent prendre parti. Entre le savoir que l’école dispensera et la tradition qui se perdra. Où sera la plus grande richesse, dans ce qui s’apprendra ou dans ce qui s’oubliera?

Ecriture d’une grande rigueur, d’une grande pureté. Rien d’inutile ne parasite le récit. Des caractères d’une étrange noblesse, des chevaliers, des princes, une sorte de jeu d’échec venant d’une sorte de Moyen Age. Pas de folklore, si peu de décor, quelques étoffes d’un boubou royal. Règnent la Pensée et la Parole.

L’épisode parisien est peut être moins épuré. La rencontre avec un Africain avocat installé à Paris est presque ironique. Ambiguïté du métissage?

Lire pour l’Afrique :Véronique TADJO : Reine Pokou – Concerto pour un sacrifice

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  photo d’Akwaba, un grand merci d »avoir autorisé l’emprunt!
 

Joli livre qui se lit d’un trait  et qui commence comme un conte.
C’est la légende d’une reine baoulé qui a sacrifié son enfant pour sauver son peuple en fuite.
Le récit n’est pas linéaire. Il a un commencement qui est la naissance d’une princesse, la mort du roi, les luttes de successions… Mais il a autant de fins qu’on veut l’imaginer. Les différentes interprétations du sacrifice de l’enfant jeté pour apaiser la colère du fleuve se répondent comme les partitions des interprètes du concerto.
Pour moi, ce serait plutôt une fugue où se mêlerait héroïsme et ambition de la princesse, désespoir de la mère, intervention des hippopotames, des sirènes, des génies, poésie et intervention du surnaturel.
Echo du sacrifice d’Abraham. Le père sacrifie son fils, mais ici aucune divinité bienveillante ne fait apparaître un animal qui serait immolé. L’enfant meurt.

Véronique TADJO : Reine Pokou – Concerto pour un sacrifice (Actes sud)(90 pages)

lecture pour l’Afrique : Le roi de Kahel -Tierno Monénembo

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Prix Renaudot 2008,  Poche.

Récit retraçant la vie d’un aventurier, Olivier de Sanderval qui, dès 1880, avant que la colonisation systématique de l’Afrique de l’Ouest, rêva de se tailler un royaume au Fouta-Djallon et réussit dans son entreprise à se faire « adopter » comme Peul.
Rêveur? aventurier? sûrement.
Politique? plus habile à démêler les intrigues des princes peuls qu’à faire valoir ses traités à Paris.
Tierno Monembo décrit avec vivacité ce personnage pittoresque ainsi que les royaumes Peuls juste avant la colonisation. Il raconte aussi la vie parisienne entre 1880 et 1900, couloir des ministères ou salles de spectacles, expositions coloniales avec village africain.

Lire pour l’Afrique -Bêtes sans Patrie- Uzodinna Iweala- Un enfant-soldat -traduit par Mabanckou

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Bêtes sans Patrie- Uzodinna Iweala- Un enfant-soldat


Pour dissiper un malentendu à l’attention du  lecteur impatient qui  entrerait directement dans le récit sans lire le quatrième de couverture :

ce livre est un roman écrit par un écrivain américain. Ce n’est pas un témoignage recueilli par un journaliste. Je fuis comme la peste les histoires de guerre souvent complaisantes et toujours violentes.  Bêtes sans patrie est de la littérature, et de la bonne!

J’aurais aimé trouver en  anglais ce livre (je préfère toujours la VO au cinéma ),peut être n’aurais je rien compris! C’est donc l’occasion de saluer le style d’Alain Mabanckou qui nous offre une très belle traduction qui sonne bien l’Afrique, qui a du rythme et de la sympathie;

Bêtes dans Patrie – Uzodinna Iweala
178p Ed de l’Olivier

  Extrait de Bêtes sans patrie

« Ça a débuté comme ça. J’ai senti des démangeaisons on dirait même c’est les insectes qui rampent sur ma peau, puis voilà ma tête aussi qui commence à chatouiller là, entre les yeux, j’ai donc envie d’exténuer à cause que le nez ça gratte aussi dedans, et comme le vent il souffle maintenant tout droit direct dans mes oreilles, c’est là que j’entends des choses vaille que vrac : le crissement des insectes, les camions qui grondent on dirait même je sais pas quelle ethnie d’animaux, et après tout ça j’entends un quelqu’un qui aboie, À VOS POSTES MAINTENANT ! VITE ! VITE VITE ! MAGNEZ-VOUS! EN VITESSE KÒ !, avec une voix que je sens ça sur mon corps on dirait même c’est un couteau.
J’ouvre les yeux, je vois y a la lumière autour de moi, ça vient dans les trous du toit là en haut, ça passe net au-dessus de mon corps on dirait même c’est des filets. Et comme la lumière vient comme ça, je croqueville bien bien comme il faut mon corps on dirait même je suis une petite souris dans mon coin. Et je sens l’odeur de l’eau de la pluie et de la transpiration, ma chemise elle est si trompée que je me dis dans moi-même que ça c’est pas une chemise que j’ai là mais presque une autre peau. Je veux quand même bouger, le problème c’est que j’ai mal aux os, en plus de ça mes muscles aussi ils me font mal on dirait même c’est des fourmis de feu qui me mangent partout partout. Si seulement j’ai été capable de me donner des baffles pour que comme ça je les chasse, c’est direct que j’allais faire, or j’ai pas été même capable de bouger un doigt. Et j’ai rien fait. »…..

Ó Editions de l’Olivier, 2008

Lettre à Jimmy – Mabanckou / James Baldwin : La chambre de Giovanni

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« Quel temps fait-il au paradis, Jimmy? »

Quel beau livre en hommage à James Baldwin, biographie d’un auteur hors normes, défenseur des droits civiques des Noirs mais aussi des homos,  américain à Paris, romancier et aussi théoricien…

Comme Baldwin, Mabanckou a traversé l’Atlantique. Il vit entre Paris et les Etats Unis, porteur d’une culture africaine du Congo-Brazzaville où il est né mais aussi d’une culture francophone métissée.  Il se revendique au delà des communautarismes.

J’avais aimé les Mémoires du Porc-épic qui m’avait transporté dans un village de brousse. J’ai découvert un autre univers…

Alain Mabanckou : Lettre à Jimmy – POINTS P2072- 184p

 

James Baldwin : la Chambre de Giovanni

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C’est un livre terrible.

Un livre d’amour et de mort.

Rarement on a décrit avec une telle intensité le moment où nait le désir et l’amour. Le coup de foudre qui ne veut pas dire son nom. L’amour nié mais si intense.

Dans ce bar où se rencontrent les folles et les vieux pédés, si bien rendu ici, il ne semble régner que la frustration. Giovanni rayonne.

Heureusement il raconte une époque révolue. Abolie, la peine de mort qui  plombe le dénouement.

Terminé ? Ce temps où l’homosexualité n’était pas exprimable. Ecrivant ces lignes sur le bar, j’allais écrire gay – anachronisme – le mot n’existait pas. Terminée la culpabilité ? voire…

James Baldwin : la Chambre de Giovanni – 202p Rivages

Lire pour l’Afrique (Congo) -Mémoires de porc-épic – Alain Mabanckou

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Le porc-épic est vraiment très peu « politiquement correct » ? D’abord, il ignore la ponctuation (ou tout au moins les points et les majuscules). Ensuite, c’est un assassin ! Ce récit se lit d’un trait. Il nous transporte dans un univers étrange et ensorcelé, où des doubles mystérieux, pacifiques ou nuisibles, peuplent discrètement le village africain.  Monde animal et humains interfèrent par des liens  puissants et magiques. Porc-épic est aussi un témoin curieux des occupations des hommes qu’il côtoie.

Cette lecture enchantée m’a fait voyager.

Mémoire de porc-épic – Prix Renaudot 2006 – POINTSP1742 229pages

Aminata Traoré – L’Afrique humiliée

Aminata Traoré fait partie de mon Panthéon personnel depuis que j’ai lu l’Etau : analyse lumineuse et réquisitoire implacable contre les agissements de la Banque Mondiale et du FMI qui appauvrissent l’Afrique lui imposant une politique libérale déstabilisant les structures étatiques et les intérêts insoutenables de la Dette.

Sa pensée structurée et vertébrée contraste avec les élucubrations qui tiennent lieu de pensée et qui justifient les politiques les plus injustes. On n’a encore rien trouvé de mieux qu’une analyse marxiste pour mettre en évidence les politiques économiques!

l’Afrique Humiliée, plus qu’une étude, est plutôt un texte polémique réagissant à la visite de Sarkozy à Dakar et à son fâcheux discours et à divers évènements qui, en apparence n’ont que peu de liens entre eux et qui découlent des mêmes causes : les évènements de Ceuta et Mellila,les Emeutes en Banlieue parisienne et les départs en pirogues vers les Canaries.

Aminata Traoré n’épargne personne, même les bonnes volontés comme celle D’Orsenna. Son constat est percutant.